Un berceau, deux grands sourires et une petite fille.  

Beaucoup d’histoires commencent ainsi.

Il pleut ce matin-là. Il pleut averse, le ciel déverse sur les terres assoiffées tout ce qu’il ne peut contenir plus longtemps. Un enfant naît. Banalité pour le reste du monde, grand moment pour la petite famille qui s’agrandit. Héliodore Starseeker et sa toute nouvelle femme, Anthéa, accueillent à bras ouvert la petite Rain. Rain Royse Sorrel Starseeker. Le nom sonne bien, la mère est fière de tenir une héritière de l’auguste famille d’attrapeurs d’étoiles dans ses bras.  Elle imagine déjà de grande chose pour l’enfant : grande sorcière mondialement reconnue, dompteuse de dragons, haute employée du ministère … qu’importe tant que sa fille est vue de tous. Ce qu’elle ignore par contre, c’est que ce n’est pas l’unique héritière d’Héliodore. Non, loin de là. L’homme a déjà abandonné femme et enfant quelques années auparavant mais s’est bien gardé de lui en toucher deux mots. Au contraire, il a gagné son amour et sa confiance pour bâtir un nouveau foyer.


Un foyer qui voit grandir Rain. La fillette est joyeuse, souriante. Elle fait la joie de ses parents quand elle rigole à gorge déployée, quand elle court dans la rue après le chien des voisins, quand elle tombe, se rappe les genoux, et que son nez se plisse, que son visage se tord et qu’elle se met à pleurer. Elle fait la joie de ses parents à chaque heure du jour et de la nuit et tout le monde est à mille lieues d’imaginer qu’un jour, cette famille parfaite puisse se briser.

Et pourtant …

« Maman, il va où Papa ? »

La question reste sans réponse.

Rain se précipite sur son père, s’agrippe à sa cape et tire de toutes ses forces. Elle ne sait pas ce qui se passe, ici, maintenant, dans son hall d’entrée. Elle n’a qu’une seule certitude : quelque chose ne va pas. Sinon, sa mère ne serait pas là, les yeux embués, immobile et mutique, dans l’encadrement de la porte. La panique gagne l’enfant. « Papa, pourquoi tu prends ta valise ? » Tout son petit corps est crispé dans l’attente d’une réponse. Mais personne ne dit rien. Ni son père, ni sa mère. Ils se contentent d’échanger un regard de connivence. « Papa qu’est-ce que tu fais ? » C’est un cri désormais. Rain se perd, elle pédale pour garder pied dans la réalité alors que tout lui échappe. Son cerveau tourne à dix-mille à l’heure mais aucune réponse ne vient se poser sur ce qu’elle vit actuellement. « Papaaaaa ». Une dernière supplique, mêlée de sanglots.
L’homme s’arrête. S’agenouille devant l’enfant. Décroche doucement ses petites mains de sa cape. Passe la main dans les cheveux en pagaille de sa fille. L’embrasse sur le front. Une dernière fois. « Je m’en vais Rain. Sois sage ». Puis se volatilise.

Deux phrases suffisent parfois à faire s’écrouler un monde.

C’est ce qui est arrivé à celui de Rain ce matin-là.  

Anthéa tient bon. Son mari la laisse sur le carreau, mais ce n’est pas une raison pour arrêter de vivre. Elle devient père et mère. Elle reconstruit son monde, leur monde à toutes les deux. Elle endosse tous les rôles pour assurer à sa petite fille, qui n’a que six ans, la meilleure des éducations possibles. Elle compense le manque de présence par une double dose d’amour, de câlins et d’histoires. Cependant, rien ne peut combler les interrogations d’une enfant. Pourquoi est-il parti ? Ne m’aimait-il plus ? Mais dans ce cas, pourquoi m’a-t-il embrassé une dernière fois ? Ai-je fais des bêtises ? Quelque chose qui a contrarié Papa ? Et rien ne peut remplacer un père absent. Le manque se fait ressentir, mais mère et fille s’accrochent l’une à l’autre pour relancer la famille.
Quelques mois passent ; une année, puis deux. Anthéa et Rain ont trouvé un semblant d’équilibre ensemble. Mais la jeune fille a grandi trop vite. Si elle est toujours aussi joyeuse et spontanée, sa mère regrette la naïveté trop vite envolée de l’enfant.

Un Patronus apparaît un beau matin. Ce grand loup imposant qui accompagne désormais la fillette partout.

Puis la lettre tant attendue arrive. Celle pour l’entrée à Poudlard de Rain. L’enfant est aussi joyeuse que sa mère est déchirée. Laisser sa petite fille s’envoler loin d’elle alors qu’elle est tout ce qui lui reste… Elle sait néanmoins que l’école de magie anglaise est ce qu’il y a de mieux pour Rain. Pour qu’elle se retrouve avec d’autres jeunes de son âge, qu’elle change de contexte, mais surtout pour qu’elle apprenne la magie, domaine dans lequel elle semble douée bien qu’elle n’ait eu que très peu l’occasion de s’en servir.


Sur la voie 9 ¾, des bras s’agitent, des hiboux piaillent et des sorciers en devenirs se pressent aux vitres tandis que le train se met en route. Dehors, Anthéa fait de grands signes. A l’intérieur d’un wagon, Rain se laisse emporter vers une nouvelle vie, vers une nouvelle école qui va être sienne pendant de nombreuses années.

Elle se trouve à l’aune de sa scolarité magique. Et elle n’est pas au bout de ses surprises.