good to see you again

Charline & Bloom

Un calme plat régnait dans la petite boutique mal éclairée, encastrée entre deux pavillons donnant sur l'avenue principale de Pré-Au-Lard. Étonnamment, elle était complètement déserte – ce qui était assez surprenant pour un samedi, les week-ends, en général le petit village sorcier était toujours bondé de sorciers désœuvrés déambulant au hasard des rues et d'élèves de Poudlard en quête d'une occupation. Mais aujourd'hui, la boutique Scribenpenne n’accueillait pas âme qui vive, à l'exception bien entendu du propriétaire, qui était assis derrière le comptoir et sirotait lentement une tasse de thé fumant tout en lisant l'édition du jour de la Gazette du Sorcier. Et de Bloom, qui était toujours là où on ne l'attendait pas. Il avait préféré à la bruyante effervescence des Trois Balais et au remugle alcoolisé de la Tête de Sanglier, la tranquillité presque sinistre du vieux magasin de plumes. Il appréciait son silence, uniquement troublé par les notes lancinantes d'un morceau de violon émanant de la vieille radio poussiéreuse trônant sur un coin du comptoir, et la lueur discrète des bougies qui éclairaient faiblement l'endroit, jetant des ombres vacillantes sur les murs couverts d'étagères. Le jeune Serpentard se mouvait parmi les ombres, d'un geste souple malgré sa démarche claudicante, flânant entre les rayons sans but particulier, laissant ses yeux gris parcourir les rangées de plumes chatoyantes et de rouleaux de parchemin colorés. Il s'arrêta un instant, les dents serrées, et l'une de ses mains glissa jusqu'à sa cuisse gauche, agrippant du bout des doigts le tissu de son pantalon. Il avait mal.
« Ça va aller ? » le questionna son patronus d'une voix hésitante où transperçait une inquiétude certaine. Bloom ne répondit pas tout de suite, ce brusque accès de douleur l'avait traversé comme une décharge électrique, explosant dans son genou abîmé, remontant le long de ses muscles encore endoloris, jusqu'à sa hanche. « Oui, ne t'inquiète pas. » répondit-il finalement, après quelques secondes d'hésitation. Le python royal enroulé autour de ses épaules laissa échapper un léger sifflement suspicieux, mais n'ajouta rien. Elle savait que c'était inutile, son sorcier n'était pas du genre à se plaindre, et encore moins à exprimer clairement ses sentiments. Bloom répugnait à laisser transparaître le moindre signe de faiblesse. À vrai dire, il s'en voulait énormément pour ce qui lui était arrivé. Le dernier entraînement de quidditch avait mal tourné, il s'en était fallu d'une seconde d'inattention et tout avait basculé. L'un des cognards, plus violent que d'ordinaire, avait momentanément échappé à sa surveillance et percuté de plein fouet le manche de son balai, faisant voler en éclats ce dernier. Le Serpentard avait perdu l'équilibre et était tombé de son balai, et la chute avait été dure. Sa jambe gauche avait été fracturée en plusieurs endroits, et malgré les bons soins de l'infirmière et ses potions pour ressouder les os, Bloom en gardait encore quelques séquelles. La magie ne résolvait malheureusement pas toujours tout. Sa jambe le lançait et il devait porter une attelle, sans laquelle il avait du mal à marcher. On lui avait assuré qu'il allait vite se remettre, que ce n'était plus qu'une question de semaines, qu'il serait guéri pour le dernier match de la saison, mais le jeune homme ne pouvait s'empêcher d'avoir des doutes. Et il était furieux contre lui-même, c'était là une erreur de débutant qu'il ne se pardonnait pas.
« Ce n'est pas de ta faute. Ce qui est fait est fait, de toute façon, ça ne sert à rien de ressasser tout ça. Concentre-toi plutôt sur ta guérison. » tenta de le sermonner Psylla, exaspérée de voir son sorcier se morfondre de la sorte. Même s'il tentait tant bien que mal de le cacher, elle n'était pas dupe, elle savait bien ce qui se passait dans la tête de son sorcier, derrière cette façade narquoise et assurée. Le concerné ne répondit pas, ses yeux clairs papillonnèrent un instant, tandis qu'il sentait la douleur s'estomper peu à peu. D'un geste lent, ses doigts crispés relâchèrent finalement sa jambe et il se redressa. « Tu as raison. » finit-il par dire d'un ton neutre, détaché. Il rajusta ses lunettes et, comme si cette interruption n'avait jamais eu lieu, il se remit lentement en marche, essayant de ne pas trop appuyer sur sa jambe blessée. Son attelle émettait un léger cliquettement métallique à chaque pas qu'il faisait, ce qui lui arracha un fantôme de sourire amusé. Après quelques minutes passées à scruter du regard les présentoirs qui l'entouraient, il s'arrêta finalement devant l'un d'entre eux et se saisit de l'une des boîtes oblongues disposées en rangs serrés. Cela faisait plusieurs semaines déjà qu'il songeait de plus en plus à faire l'acquisition d'une plume à papote, à laquelle il pourrait dicter ses devoirs pendant qu'il serait occupé à autre chose – principalement à dessiner ses précieux sceaux magiques. Il s'était finalement décidé à sauter le pas après la parution du dernier Parseltongue's Venom au début du mois d'avril, dans lequel les rédacteurs de l'insidieux journal avaient cru bon de révéler au grand jour son petit commerce et même de relater la conversation qu'il avait eue à ce sujet avec Alexandre, il y a quelques temps. Étonnamment, ce coup de pub improvisé n'avait pas eu les effets négatifs auxquels Bloom s'était attendu, au contraire. Il avait même vu la demande augmenter, et de plus en plus de gens venaient lui demander son aide, si bien qu'il lui arrivait d'être débordé, c'était une première. Mais c'était bien loin de lui déplaire.
« Il faudrait songer à partir, l'heure de ton rendez-vous approche. » lui souffla Psylla, tout en s'enroulant lentement autour de l'un de ses bras. Bloom haussa les sourcils, cela lui était presque sorti de l'esprit, l'espace d'un instant. Il releva sa manche d'un geste sec pour consulter sa montre. « Nous sommes loin d'être en retard. Et puis Charline n'habite pas très loin. Mais je me dépêche, ne t'inquiète pas. » dit-il simplement, avant de se replonger dans sa recherche de plume à papote. Après plusieurs longues minutes passées à les comparer, il finit par choisir une élégante plume de paon aux couleurs chatoyantes. Satisfait, il retourna vers le comptoir, où le propriétaire de la boutique était toujours plongé dans sa lecture. Le Serpentard se racla la gorge. Le vieil homme leva les yeux de son journal et sembla un peu surpris de trouver le jeune homme devant lui, comme s'il n'avait pas remarqué sa présence. « Vous avez trouvé tout ce qu'il vous fallait ? » demanda-t-il avec un sourire affable. Bloom hocha simplement la tête et lui montra la plume qu'il avait choisie. « Excellent choix, cela vous fera treize mornilles et deux noises, s'il vous plaît. » C'était un peu cher, mais Bloom se garda bien de faire le moindre commentaire et paya. Il rangea soigneusement la boîte dans son sac, salua le vieil homme et quitta enfin la boutique. Arrivé dans la rue, il plissa les yeux, gêné par la soudaine luminosité qui contrastait fortement avec l'obscure échoppe dans laquelle il venait de passer une heure. Il quitta l'avenue principale pour s'engager dans une rue étroite où s'entassaient des pavillons à l'aspect vieillot. Il s'arrêta devant l'un d'eux et observa un instant la porte dont la peinture s'écaillait par endroits et les branches de lierre fané qui ornaient la bâtisse, avant de monter les marches du perron. Il appuya sur la sonnette, consulta sa montre une nouvelle fois, puis croisa finalement les mains dans son dos. Il était pile à l'heure.

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Charline & Bloom

Elle était installée. Pour de bon cette fois, plus un seul carton n'avait résisté à cette soudaine conviction de tout mettre en ordre une fois pour toute. Il lui avait fallu cette remarque pour qu'elle se rende compte que de les laisser trainer de la sorte, pouvait avoir une toute autre signification que la simple flemme qui habitait son corps depuis qu'elle était devenue professionnelle. Il aurait été judicieux qu'on la prévienne des courbatures et douleurs annexes qui faisaient d'un poursuiveur, un vrai joueur de quidditch. Et puis cette robe rose fluo lui faisait mal aux yeux, tout bonnement. Elle aimait profondemment son équipe, mais cette tenue se trouvait être insupportable. De son humeur, c'était un jour sans. L'entrainement avait été un vrai désastre, sous une pluie battante et un capitaine d'équipe hors de lui.
Charline se laissa tomber sur le fauteuil du salon, tête en arrière, exagérant la désespération dans son nouveau peignoir de bain volé dans l'hotel qui l'avait accueilli pour sa première nuit en France. « Tu vas l'accueillir comme ça ou tu compte mettre quelque chose avant qu'il n'arrive ? » Charmy s'amusait de ces situations où il était le plus beau des deux en plus d'avoir la meilleure mémoire. La rouquine releva sa tête dans l'équivalent de temps d'un claquement de doigts, et resserra le pan du linge avant de se remettre sur ses pieds. « Je te dis, je vais perdre la tête à force de devenir la cible des cognars ! » Il ne fallut pas longtemps avant qu'elle ne se retrouve dans sa chambre, à trouver plus convenable pour accueillir son nouvel invité. Un simple tee-shirt à fleurs avec un vieux jeans ferait l'affaire pour aujourd'hui. C'était Bloom, il n'était vraiment pas du genre à être en retard, et elle le savait, et par chance, il l'avait déjà vue en plus mauvais état que sans maquillage et les cheveux décoiffés. Ce garçon était de loin le seul Serpentard qui occupait une vraie place dans son cercle d'amis, et si leur première rencontre avait été une catastrophe, les excuses qu'il lui avait faites par la suite l'avaient finalement attendries pour qu'ils ne soient plus seulement des adversaires de quidditch. « Ca te va mieux comme ça ? » demanda-t-elle finalement au chat qui se pavanait derrière elle tandis qu'elle était face au plus grand miroir dont elle disposait. « Et bien... tu es éléguante à l'intérieur, c'est ce qui compte parait-il ! » Après un regard noir, l'ancienne Poufsouffle enfila, l'un après l'autre, ses pieds dans ses pantouffles à tête de renard. Enfantine encore elle était. Grandir ne lui plaisait pas tant que ça, si ce n'était pour la liberté, et l'occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Mais grandir, c'était aussi quitter le château, et elle était loin d'imaginer que cet endroit qui l'avait vu faire ses vrais premiers vols de joueuse de quidditch, lui manquerait avec autant de force.
Pour une fois dans sa vie, elle était prête pour l'heure convenue avec Bloom, et le temps lui permettait même de préparer à l'avance, un peu d'eau pour le thé, ainsi que de disposer sur une assiette, quelques biscuits sucrés que lui avait envoyé sa mère. Juste à temps. La sonnette retenti, ôtant la jeune sorcière à sa tâche pour la ramener vers la porte d'entrée. L'espace qui séparait cette dernière au coin cuisine était restreint. Un jour elle aurait un vrai appartement ! Oui, l'ambition était déjà là, bien qu'elle était pour l'instant encore, fière de ce qu'elle avait. Un tour de clé dans le sens des aiguilles d'une montre, et elle ouvrit la porte avec une vigueur pleine d'enthousiasme. « Je savais que c'était que c'était toi ! » s'amusa-t-elle, l'index pointé sur lui – personne ne lui a apprit que c'était mal poli. Elle allait s'apprêter à lui sauter dessus, peu importe qu'il aime ou non, mais une image incertaine la stoppa dans son élan. Elle baissa de nouveau les yeux vers ses jambes. Non, elle n'avait pas rêvé ! Il portait bien une attelle. Elle l'embrassa tout de même sur la joue, puis d'un air rieur, elle fit :« On t'a battu dans les couloirs de Poudlard, ou tu fais ça pour qu'on prenne plus soin de toi ? » Une manière détournée de demander comment il s'était fait ça, et comment il s'était débrouillé pour que la magie n'intervienne pas en sa faveur, ou ne soit pas assez efficace au point qu'il doive porter cette chose.
« Entre, tu vas pas rester devant la porte ! »
L'entrée donnait directement sur la petite salle de séjour, aussi coupée en salon pour plus de confort. Sur les murs, des photos, souvenirs d'une autre époque à laquelle son nouvel emploi du temps avait mit fin, des décors de quidditch, des bibelos de toute sorte. Au fond, de la salle était calé un jukebox qu'elle avait fait la folie de s'acheter dès qu'elle avait eu un peu d'argent. « Tu t'assois, reste pas debout !... Alors, qu'est ce que tu dis de ma demeure ? »