Un papier peint décoloré recouvrait la petite salle. Une odeur de poussière et d'humidité régnait dans l'air, négligemment camouflé par un parfum d'agrume commercial et l'odeur d'un café refroidi ayant passé la nuit à mijoter dans la tasse posée sur le bureau. De ses yeux verts, la jeune fille balaya la salle des yeux, observant la lumière des fenêtres se refléter sur les cadres de photos accrochés au mur.

La femme ouvrit la porte de son bureau et y entra, laissant derrière elle la porte ouverte. Mais lorsque celle-ci se retourna pour se diriger vers son bureau en acajou et ses plumes alignées, elle sursauta de voir que sa jeune cliente était déjà présente.
« Vous êtes là tôt. Votre rendez-vous n'est que dans 30 minutes! » commenta t-elle dans un soupir de soulagement, portant une main a son cœur, un geste si stupide que Scarlett n'avait jamais compris. Comme si un simple sursaut faisait l'effet d'une crise cardiaque.
« Ça m'arrive. » répondit nonchalamment la Lestrange, presque ironiquement, allongée sur sa chaise, les jambes croisées et les pieds sur le bureau. Elle avait l'habitude de ce genre de réaction, si bien qu'elle n'en faisait plus de cas. Elle aimait arriver d'avance lorsqu'on la convoquait quelque part, parfois même avant son interlocuteur. Non pas nécessairement pas méfiance, mais parce qu'elle aimait toujours avoir un tour de plus, parce qu'elle aimait savoir à qui elle avait affaire, elle aimait savoir. Elle aimait bien jeter un œil à ce que les gens possédait, aussi. Son petit côté voleur était difficile à étouffer, parfois. Visiblement, la petite statuette de chat posée sur l'étagère n'avait pas réussi à attirer la confiance et le respect de Scarlett envers son interlocutrice. Comment respecter quelqu'un qui décore son bureau avec une vermine en bronze, franchement?

La journaliste se glissa entre son bureau sombre et sa chaise et s'y assied, ne manquant pas de remarquer la posture de l'élève, lui lançant un regard agacé. Se sentant obligée de se positionner correctement, celle-ci descendit ses pieds dans un soupir et se redressa, fixant la journaliste dans les yeux, la défiant du regard, signifiant qu'elle ne se pliait pas à ses ordres pour autant. « C'était ouvert, je suis entrée pour vous attendre, j'espère que ça ne dérange pas. » Premièrement, c'était un mensonge, évidemment. La porte était verrouillée au départ, mais un simple ''alohomora'' avait suffit. Deuxièmement, elle se fichait bien que cela dérange ou non.

La dame hocha la tête, visiblement peu intéressée à entretenir une discussion basique. Elle fixait l'élève dans les yeux, l'analysant pour savoir comment l'aborder pour obtenir les réponses les plus croustillantes, les plus révélatrices. Dévoiler au petit peuple une face cachée d'un couple de hauts placés au Ministère de la magie par l’inter-mise de leur fille, quoi de mieux pour propulser une carrière? Après tout, leur fille devait bien représenter une partie d'eux-mêmes? Scarlett avait sauté sur l'occasion, trop contente de pouvoir voir à quoi ressemblait une entrevue de la Gazette et de se moquer ouvertement d'un journaliste, et mieux encore, ses parents – qui normalement tentaient de la freiner dans ses élans d'énergie quand elle avait en tête de se jouer de quelqu'un – l'avaient encouragé à répondre à l'appel, espérant que cette belette les lâchent avec ses incessantes tentatives d'entrevues. Et puis, au fond, Scar aimait bien l'idée qu'on écrive sur elle.

Scarlett n'hésita pas à lui rendre son regard suffisant, un petit sourire en coin. C'était un jeu qu'elle aimait beaucoup. De ce simple contact visuel, elle sut que cette dame ne serait pas facile à faire capituler, mais ce serait une vraie partie de plaisir. Après quelques minutes de ce duel muet, la femme haussa les sourcils avec un sourire, satisfaite de la force de caractère que démontrait son interlocutrice. Elle ramena prêt d'elle un petit tas de parchemins qu'elle remis en ordre, s'éclaircit la gorge, joignit ses mains, mettant en évidence ses bagues beaucoup trop décorées. Une plume à papotte s'éleva de sur le bureau, et se mit à écrire alors que la journaliste s’éclaircissait la gorge et entamait.

« Alors... premièrement, j'aimerais que tu me dises ton nom complet, s'il te plait.
- Scarlett Helena Lestrange. Je hais ce prénom, mais les professeurs se bornent à le répéter sans arrêt, malgré tout. Cependant, l'entendre de leurs bouches, surtout lorsqu'ils le disent avec de l'exaspération dans la voix, ça le rend... moins laid. Plus... tolérable.
- Commençons du tout début, parle moi de ta naissance.
- Pourquoi?
- Pardon?
- Pourquoi ma naissance? Je veux dire, j'imagine que vos parents vous ont racontés d'où viennent les enfants, je n'ai pas à vous expliquer comment je suis née. C'est pareil pour tout le monde, quoi. Tu sors un jour ou l'autre, avec des airs plus proches que ceux d'un asticot que d'un bébé et puis voilà. »
La journaliste fronça les sourcils, troublée par la complexité que prenaient les choses. Scarlett savait exactement ce qu'elle faisait. Refuser de répondre, puis lentement contourner la questions jusqu'à ce que la dame en ait assez.
La femme toussota, puis reprit.

« - Peut-être y suis-je allée un peu trop spécifiquement pour commencer. Parlez-moi... du jour de votre naissance, disons.
- Je suis née le matin du 4 septembre 1960. On m'a dit que le jour où je suis née, un terrible orage faisait rage dehors depuis des heures, proche d'une tempête ou quelque chose du genre. Je ne vois pas en quoi un orage puisse être terrible, mais c'est comme cela qu'on me l'a décris. Vous connaissez mes parents, je pense, alors inutile de les présenter.
- Vous pouvez en parlez si vous vou–
- Pas envie. Vous pouvez passer à la question suivante tout de suite, le sujet de mes parents est clos. » Aussi vite, elle mit terme au papotage possible à propos de ses géniteurs. Elle était là pour centrer la conversation sur elle-même, de toute façon.
« - Très bien. Vous voulez me dire comment ils se sont rencontrés, dans ce cas? Comment leur amour à fleuri? » La Lestrange roula des yeux, mais n'en perdit pas son sourire malicieux pour autant.
« - Je salue votre détermination, c'est pourquoi je vais bien accepter de vous en dire un peu. Ils se sont rencontrés à Poudlard, mon père était une année ou deux plus vieux que ma mère. C'est plus tard qu'on leur a annoncé leur union arrangé. Ma mère n'arrête pas de me répéter qu'ils avaient l'oeil l'un pour l'autre, mais je n'y crois pas. Je ne pense pas que l'idée du mariage les a tellement dérangés, après tout ils avaient été élevés avec la pensée d'être un jour mariés à un ou une sang-pur par leurs parents. C'est ce qu'on m'a raconté. Pour le reste, je n'y étais pas, m'voyez?
- Qu'en est-il de votre enfance? Vous avez des frères et sœurs?
- Mon enfance n'a rien de vraiment spéciale, vous savez. Je suis née, j'ai grandi, j'ai été élevée – du moins, c'est ce qu'on a tenté de faire –, choyée. Je n'ai pas de frère ou de sœur. La seule sœur que j'aurais pu avoir est morte, ma mère a fait une fausse couche avant de m'avoir. Mais... vous connaissez les Lestranges, j'imagine? Très proches. Il n'est pas rare d'être châtié par une tante, et franchement, ça n'est pas tant différent que d'être puni par sa mère. J'ai pratiquement été élevée en compagnie de mes cousins, ils sont comme des frères et sœurs pour moi, même si certains ont moins d'importance que d'autres, je les aime bien. De manière générale, je suis techniquement ''une génération en dessous'' des autres. Ma mère m'a eu tard, pour une femme mariée depuis toutes ces années. Ses frères et sœurs ont eu des enfants quelques années plus tôt, ce qui fait que les cousins avec qui je traîne et traînais sont tous ou presque plus vieux que moi. Cela n'empêche pas l'unité. Les Lestranges sont un exemple à suivre, les autres familles devraient prendre des notes. » La jeune sang-pur prit une pause, fixant son intervieweuse dans les yeux, comme désireuse d'imprégner la couleur grise de ses iris dans sa mémoire. Un rictus mauvais glissa sur ses lèvres alors qu'elle continuait.« Les Pratt, par exemple... Si ils n'avaient pas décidés de mélanger leur sang à ceux des moldus, peut-être–
- Tentons de garder ma famille hors de cette entrevue, miss Lestrange. Apparemment, je vois que les idéaux de vos parents ne sont pas tombés dans l'oreille d'une sourde. Parlons plutôt de Poudlard. »
L'élève ne pu s'empêcher de pousser un petit rire, heureuse de la réaction de son interlocutrice, mais changea de sujet comme demandé.
« - Poudlard? Je m'y plais bien, c'est sympa comme endroit. C'est... une bonne école. Et forcément, ça devient comme une deuxième maison vu le temps qu'on y passe. Il y a les cours, bien sûr, mais il y a aussi de bons côtés. Les potes et le quidditch par exemple. Et les gâteaux.
- Les gâteaux?
- C'est étonnant, mais ces elfes savent faire de sacrés bons gâteaux au chocolat.
- Mh, je vois. Vous avez parlé de quidditch, vous faites partie de l'équipe de votre mai–
- AHAH jamais de la vie! J'aurais aimé, mais je suis un vrai danger public sur un balais. À mon premier cours de vol, j'ai fais tomber un de mes meilleurs potes par accident. Il est resté 2 jours à l'infirmerie. Depuis ce temps, j'évite un peu le vol, vous voyez? Et puis, j'aime bien regarder des estrades, ça me permet de gérer les paris. » Il y eu un silence, ou la plume à papotte se mit à écrire puis rayer quelques phrases, tentant visiblement de tourner la dernière réponse à l'avantage de quelqu'un.
« - Parlant de cours, quel est votre préféré? La matière dans laquelle vous excellez le plus?
- Histoire de la Magie. J'adore l'histoire, c'est comme raconter un récit pour enfant, mais un peu plus sombre. J'ai aussi une très bonne mémoire, ça aide. Sinon, je suis plutôt pas mal dans l'étude des patronus, malgré que le mien soit un piètre sujet.
- Vous vous considérez comme quelqu'un de studieux?
- Assez, oui. Étonnamment. Ça surprend les gens, lorsque je leur montre mes notes. J'aime bien les bons bouquins, souvent les manuels scolaires ne sont pas loin d'une bonne histoire, avec un peu d'imagination. Je n'ai pas toujours le nez dans mes devoirs, contrairement à certains, mais je m'en tire avec de sacré bonnes notes. »
La journaliste hocha la tête, leva le menton légèrement pour jeter un coup d'oeil aux notes que prenaient sa plume.
« - Avez-vous fait parti des élèves touchés par la Peste? » Au mot ''peste'', une petite boule de poils sombre et tremblotante apparu sur les genoux de l'étudiante. Celle-ci poussa un grognement agacé.
« Argh Ty espèce de trouillard, c'est qu'un mot! Et puis de toute façon, la peste, c'est terminé. »
Malgré son agacement envers son patronus, elle lui caressa doucement le dos, puis le pris délicatement pour le poser sur ses épaules. Il disparut se blottir dans son cou.

« - Madame, je vous présente Tybalt, le plus froussard des patronus. » dit-elle en riant. La journaliste fit un léger sourire en coin, mais rien de plus, ne voulant pas ralentir le rythme de son entrevue.
« - … Non, je n'ai pas été touchée par la peste, mais j'en ai vu les symptômes de près. Plusieurs de mes amis l'ont attrapée. D'ailleurs mes parents ont considérés me ramener pour m'éviter la contamination, mais j'ai refusé. Je ne voulais pas laisser mes amis affronter ça tout seuls.
- Très brave de votre part.
- Non, loyal.
- Aussi. »
Elles marquèrent une pause, où la femme jeta un nouveau coup d'oeil au contenu qu'elle avait obtenu. Elle claqua de la langue et se redressa.
« Je pense avoir tout ce qu'il me faut pour mon article. Merci, Miss Lestrange, pour avoir accepté cette interview. »
Elles se levèrent, se serrèrent la main et Scar se dirigea vers la porte. Avant de partir, elle lança un dernier regard a la dame, avec le même sourire mauvais que tout-à-l'heure. « Vous aviez raison, vous savez? » Elle attendit que le journaliste la regarde, confuse. « J'ai hérité de la vision de mes parents, avec une toute petite touche plus personnelle, mais non pas moins dangereuse. »
L'étudiante quitta sans un mot de plus alors que son patronus changeait de forme, plantant ses serres dans l'épaule de la jeune fille pour se tenir droit, laissant la journaliste troublée par ses dernières paroles.