Si l'Angleterre n'est pas réputée pour son ensoleillement, attendez de voir l'île de Wight un jour de tempête. Les vagues qui lèchent les pieds de Cowes avec une conscience violente, les nuages qui déversent sur vous des postillons  brûlants, et un vent, à vous décoller le scalpe ! C'est pourtant ce 23 novembre 1950 que choisi Hécate pour voir le jour, si l'on peut dire. Les cris furent étouffés par les claquements de volets, les battements de portes, si bien que les trois hommes de la famille ne surent qui d'Irene ou de la tempête hurlait à leurs oreilles. Quand la sage femme vint les chercher et qu'ils entrèrent dans la chambre, la jeune femme de nouveau mère tenait dans ses bras un poupin joufflu aux yeux rieurs.

Une fille, c'était une fille. Et presque inconsciemment elle fut le joyau de la famille. Pour James et Irene, Hécate était leur princesse. Elle trouva un modèle et un leader en la personne de son frère ainé Elliot, qu'elle suivit véritablement dans tous les recoins de Cowes. Sautant des falaises à ses côtés, et préférant sa compagnie à celles des autres enfants de son âge. Il n'y a bien qu'avec Timéus que le courant ne passe pas. Il est jaloux du lien privilégié qu'elle a avec leurs parents, jaloux de la place qu'elle prend auprès de son frère. Ils se chamaillent sans arrêt et s'envoient des piques à longueur de temps.


▬  Frotte plus fort maman! Plus fort ! D'un geste rageur la fillette se dégagea de l'étreinte de sa mère pour venir passer ses mains avec une vigueur nouvelle dans sa chevelure cramoisie. Comment était-ce possible? Que lui arrivait-il? Elle était persuadée d'avoir pris ce savon qui sentait la pêche et le romarin. Y'avait rien de rouge dans tout ça ! A moins que... Tim... c'était forcément son frère qui y avait ajouté quelque chose. Ces deux là étaient comme chien et chat et il ne ratait jamais une occasion de lui rappeler qu'il détestait les félins. Elle allait se venger, quitte à lui mettre des crottes de nez dans son yaourt ou du dentifrice dans son lait du matin, elle allait se venger. Mais avant il fallait que cette maudite couleur disparaisse.
Deux paumes fraiches se posèrent sur ses mains, arrêtant son geste brutal.

▬  Calme toi trésor. Ce n'est pas si terrible. Prenant la gamine de huit par les épaules la mère l'amena jusqu'à la grande glace ovale de la salle de bain. Repoussant le rideau de boucles rouges elle remonta le menton de sa fille d'un geste tendre, la forçant à se regarder dans le miroir.
▬  C'est Tim... je suis sûre que c'est Tim... lâcha Hécate dans un reniflement en essuyant son nez d'un revers de manche. Sans répondre sa mère se contenta de caresser ses joues tendrement. Elle ne prendrait pas partie, elle ne le faisait jamais, mais Hécate avait besoin d'un coupable, besoin de le lui dire. Alors que sa respiration devenait plus profonde, la fillette observa ces deux visages aux différences seulement marqués par l'écart du temps. Elle reconnaissait ses pommettes hautes, ses yeux verts de gris, son nez fin. Si les rondeurs étaient encore bien installées elle devinait celle qu'elle serait. Un sourire timide refit surface.
Ce fut donc deux paires d'yeux identiques qui s'agrandirent sous le retour doux de l'acajou caractéristique des cheveux d'Hécate.

Ce fut le premier évènement marquant de son don. Et non le dernier. Au cours de l'année qui suivit chaque éclat de colère enflamma sa chevelure, chaque remarque déplacé rosit ses cheveux, chaque chagrin les rendit d'un bleu pastel. Hécate les cacha du mieux qu'elle pu sous un bonnet, une casquette, n'importe quoi, ce qui ne facilita pas son intégration à l'école. Elle se plongea plus assidûment encore dans les livres, ne pouvant être elle-même que lorsqu'elle passait le seuil de la maison. Elle ne s'est de ce fait, jamais senti très proches des moldus, se sentait dès lors, déjà différente.

La famille Tennyson fit appel a plusieurs experts bien sûr. Mais les expériences s'arrêtèrent après l'intervention d'un scientifique de l'Université d'Hilton qui lui fit faire des tests loufoques. Prétendant qu'elle tenait d'une part génétique de la sèche et voulant la confronter à différentes matériaux, il l'a fit s'allonger pendant des heures sur des tapis de couleurs variées, puis de matières variées, puis de températures variées. Lorsqu'il voulut la mettre au contact d'un fer chauffé à blanc, James Tennyson crut que ses propres cheveux allaient s'enflammer et les recherches s'arrêtèrent nettes.

Un beau matin de septembre, un homme se présenta au domicile des Tennyson. Ses drôles de vêtement et sa démarche volubile firent tiquer les parents de la jeune Hécate mais ils écoutèrent, jusqu'au bout... Ils apprirent que leur enfant était une sorcière et que parmi les sorciers encore, elle était une métamorphomage, un don qui lui faudrait contrôler, avec leur aide.

Rencontrer un Rosier ? Bah vous savez quoi? ça pique! Et c'est absolument pas beau. C'est laid jusque dans ses noirs pensées.
Hécate n'avait pourtant rien fait pour croiser la route du Serpentard. Bien au contraire, elle avait appris à éviter ces grandes familles pourries par la constance d'un sang pur qui les rendaient plus crétin de génération en génération. Et celui là en particulier, Ryan Aiden Rosier. Il lui avait appris à la dure, avec son groupe de vert et argent, qu'ici elle n'était rien que le plus petit insecte que sa chaussure écraserait sans mal. Elle qui s'était crue différente, un peu magicienne par rapport à un monde moldu aveugle à ce parallèle de magie, était retombée bien bas sous terre, insultée, malmenée, elle s'était réfugiée dans la Tour des Serdaigles. Choquée elle avait pleuré même sans en comprendre la raison.

Puis elle avait compris, s'était renseignée sur ces snobinards et n'avait plus jamais pleuré sous l'une de leurs attaques. Bien sûr elle ne les avait jamais tous ré-affronté de face, ces gars là ne rigolaient pas et étaient fichus de vous refaire le portrait aux abords de la forêt interdite et de vous y laisser pourrir. Non, mais elle avait d'abord pris un plaisir certain à battre Rosier dans chacune des matières qu'ils avaient en commun. Bien sûr lui ne s'en était jamais aperçu. Qu'était des notes pour un jeune homme dont le destin est déjà tout tracé par sa famille. Non, par contre, elle s'était rappelée à son souvenir lorsqu'elle avait commencé à systématiquement défendre chacune des personnes auxquelles il s'attaquait en tournant en dérision ses attaques. Le traitant de minable et de pleutre pour s'attaquer ainsi à des élèves isolés, plus jeunes ou de sang au patrimoine génétique mieux mixé.

Une fois ils se sont violemment disputés. Se répondant du tac au tac, l'échange virulent a d'ailleurs dû rester dans les annales de Poudlard comme l'une des querelles recelant le plus d'insultes sorcières originales, passant de la vieille goule puant le renfermé au pitiponk unijambiste de pacotille.
Finalement, c'est un peu grâce à lui qu'elle est devenue une Serdaigle appréciée pour ses talents de joutes verbales et sa gnaque. Elle a toujours détesté avoir tord et l'ouvre facilement il faut le dire. Si elle se trouve bloquée sur un sujet, attendez-vous à la voir surgir le lendemain avec un parchemin complet sur la dissertation du pourquoi il ne fallait pas avancer du pied gauche pour monter sur un balai (si si il y a une explication à tout!)


La batte se déplaça de quelques millimètres à peine et cueillit le cognard au creux du bois dans un clac qui raisonna jusque dans le haut de son bras. L'angle précis propulsa la balle noire qui vint percuter les branches du balai d'un poursuiveur adverse, déviant sa course et l'empêchant d'attraper la passe de son coéquipier.
Le quidditch était pour Hécate un défouloir formidable. Loin des pages aux odeurs de poussières, à cheval sur un balai à plus de 40 mètres du sol, elle se sentait plus libre que jamais. Voler avait vraiment été pour elle l'une des découvertes les plus jouissives du monde sorcier. Avec son frère sur l'île de Wight la seule chose qu'elle avait jamais faite voler était un cerf-volant. Bien cependant. Le quidditch n'était qu'une question d'équilibre, de vitesse, et de faire corps avec le vent, et des années de pratique avec un bout de ficelle entre les mains pour prendre les courants lui avait finalement servi.

En réalité, la seule matière où elle avait toujours eu du mal c'était l'histoire de la magie. Bizarrement avec une mère professeur d'histoire chez les moldus, cela aurait dû lui paraitre facile. Mais les dates se mélangeaient dans son cerveau, se superposant à dix milles évènements en même temps. Le monde sorcier était comme la couche sous le vernis de la Grande Histoire, un vernis à gratter sous chacune des grandes dates qu'elle avait apprise dans son monde, et les conséquences lui apparaissaient vertigineuses. Les implications sorcières dans de nombreuses faits notables de l'Histoire bouleversait sa vision des choses. Elle en arrivait à avoir presque pitié des moldus qui restaient dans l'ignorance.

Il y a bien un cours en particulier qui a fortement marqué son intérêt. De par son don, la métamorphose a toujours été sa matière favorite. Et sa passion est allée bien au delà des bancs d'école. La bibliothèque entière y est passée, puis les recherches se sont poursuivies à l'extérieur lors de ses études supérieures. Elle a même réalisé un voyage à Uagadou en Afrique où elle a passé un semestre à étudier les sorts sans baguette, l'alchimie, l'astronomie et une métamorphose avancés. La métamorphomage a énormément apprécié ce voyage où elle a rencontré son compagnon, Anton Owens.
Âgé de dix ans de plus qu'Hécate qui en avait vingt-deux à l'époque, elle tombe follement amoureuse de ce passionné d'astronomie un peu tête en l'air, assistant de leur professeur en la matière. On dit qu'on gagne le cœur d'une femme en emplissant son regard d'étoiles, Anton a réussi l'exploit au sens figuré comme au propre et ils se fiancent rapidement! Féru d'aviation et loin des idéologies des sangs purs, il s'engage dans l'armée centrafricaine des moldus à l'âge de 33 ans. Il se tuera lors d'un exercice en vol dans des conditions mystérieuses quelques mois plus tard.
La jeune femme, rentrée pour finir ses études à Poudlard apprend la nouvelle alors qu'elle pensait partir enseigner à Uagadou l'année d'après. La mort d'Anton bouleverse ses plans, sa vie et Hécate est dévastée par sa brusque disparition.

Son diplôme en poche mais son avenir obscurci elle ne se sent la force de rien. Elle rentre sur l'île de Wight auprès de sa famille pour y chercher réconfort et repères où elle restera trois ans. Assistant à la consécration de son frère ainé en temps que paire au Parlement anglais, et se réconciliant enfin avec son second frère. Timéus est en effet le seul à être resté sur Wight et a ouvert son propre restaurant sur la côte. Elle l'aide en temps que serveuse puis replonge rapidement dans ses recherches sur la métamorphose. C'est pendant ces trois années qu'elle amasse le plus de connaissances sur la génétique des métamorphomages, leurs répartition dans le monde et toutes les capacités que recèlent ce don. Se créant un réseau à travers le monde entier, elle est contactée par Albus Dumbledore pour un poste de professeur à Poudlard. Elle accepte, laissant son passé derrière elle pour embrasser toute entière sa passion de l'enseignement et de la métamorphose.