Le regard dans le vide, le petit garçon écoutait inlassablement les réprimandes de son père. Perdu dans ses pensées, il ne prêtait guère attention à ce que disait une nouvelle fois son patriarche, toujours les mêmes paroles, toujours la même histoire. Il entendait des mots sortir ici et là «noble », « pureté », «suprématie ». Il connaissait le discours par cœur, il savait les moindres mots, les avait enregistrés. Du haut de ses sept ans, Persée était le seul enfant de la famille Crabbe. Avec ses cheveux bruns et sa bouille d'ange, on pouvait lui donner le bon dieu alors qu'il était en réalité un enfant turbulent. Aventureux, curieux, il n'aimait pas être cloîtré dans la demeure familiale et avait fait de nombreuses fois tourner en bourrique les gouvernantes qui s'occupaient de lui. Sa mère se plaisait souvent à dire que le jeune homme n'était pas fait pour la vie de château, que le petit garçon était un aventurier et qu'il parcourra un jour le monde. Mais son père n'était jamais bien loin pour contredire les phrases de son épouse qui voyait en Persée depuis bien longtemps, un successeur. Très jeune, le petit garçon avait montré une vivacité d'esprit et une soumission intéressante à ses parents. Malgré son côté garnement, qui partirait avec l'age, Persée était de ceux qui rentraient dans le moule qu'on lui avait prévu. Le silence ramena rapidement le jeune garçon à la réalité et il remarqua le regard de son père posé sur lui, apparemment une réponse était attendue. « Oui père, je comprends bien les enjeux. Je ne vous décevrais pas. » Depuis son plus jeune age, Persée entendait les idéaux de la famille et sage comme il l'était, il les avait emmagasiné pour faire plaisir à ses parents. Depuis longtemps, les Crabbe étaient pour la suprématie du sang.  Répugnants les sangs-de-bourbe, ils avaient développés une véritable haine contre eux et ne pouvaient s'empêcher de se sentir au-dessus. Élevé ainsi, Persée s'était mis également à les éviter sans réellement comprendre pourquoi il devait les détester et il n'avait pas cherché à le savoir.

Il sentit la morsure du froid sur sa peau et pourtant il continuait a avancer. Comme un avertissement, le froid tentait de le faire céder, de lui faire rebrousser chemin, ce qu'il ne fit pas. Il voyait la lune l'éclairer, il aimait la lune. Pourtant il ne la voyait que peu souvent car âgé de neuf ans, il ne pouvait veiller tard la nuit. Mais cette nuit les choses étaient différentes, cette nuit, tout allait changer. Enfant turbulent et aventurier, Persée n'avait pas mis longtemps a décider qu'il était temps pour lui d'aller voir le lac au milieu de la forêt proche de chez lui. Il en avait envie, terriblement envie. Il avait, alors que ses parents et toute la maisonnée dormaient, escaladé le mur pour pouvoir descendre avec sa petite sœur à ses côtés. Elle ne le quittait jamais, âgée de sept ans, elle vouait un véritable culte à son grand frère. Dehors, le froid s'était vite fais ressentir, l'hiver était bien là, depuis longtemps. Ils avaient ensuite rapidement passés le portail de la demeure, Rose avait eu des difficultés. Ils passaient toutes leurs journées ensembles, inséparables depuis presque leurs naissances. Elle le suivait, comme on pouvait suivre le bon dieu. « Tu es sûr que c'est une bonne idée Persé ?.. on devrait peut-être rentrer... » D'un geste de la main, il balaya les paroles de sa petite soeur. Il était certain de lui, ils allaient s'amuser. Rapidement les deux jeunes gens arrivèrent près d'un lac gelé qu'ils connaissent bien, ce n'était pas la première fois qu'ils venaient ici, loin de là. Sans plus attendre, dans la nuit noire, Persée commença a marcher sur ce dernier, cela l'amusait. Il fit signe à sa sœur de venir, elle refusa. Il lui prit la main, elle aussi allait adorer, il en était sûr. Elle résista un temps et puis apaisée par les mots de son frère elle vint sur le lac. Elle fit quelques pas, petit à petit elle prenait confiance, elle riait même. Et puis le craquement se fit entendre, Persée tourna la tête vers sa soeur, elle n'était plus là. Il se mit a courir en direction du trou fait dans la glace, lui aussi allait tomber si il continuait. Il vit une main sortir de l'eau, tenta de la rattraper, échoua.

Il la frottait encore et toujours. A s'en arracher la peau, à en pleurer. Ses yeux ne pouvaient se détacher de cette marque noire. Alors il continuait encore et encore. Comme si cela pouvait l'effacer, comme si tout cela n'était qu'éphémère. Rageusement, il se leva et balança la chaise sur laquelle il était assit quelques minutes plutôt. Comment avait-il pu laisser cela arriver, comment avait-il pu être aussi naïf. Il ne s'était pas méfié quand plusieurs camarades l'avaient entourés. Il n'avait pas prit peur quand il avait senti des mains l'enlacer. Et puis, les coups avaient commencés, de plus en plus nombreux, de plus en plus forts. Vainement, il avait essayé de riposter, de crier mais rien n'était sorti de sa bouche. Il avait vu la marque s'apposer douloureusement sur sa peau, le mot meurtrier. Sous ses yeux horrifiés, il avait vu ce mot évoluer sur son avant bras.  Après la mort de sa petite sœur, ses parents avaient cessés de le regarder comme l'enfant prodige. Il avait anéanti la petite perle de la famille, le rayon de soleil. Les Crabbe avaient tout faire pour cacher le scandale mais rapidement, cela avait fait la une des journaux. La petite file morte par la faute d'un frère inconscient. Et à son entrée à Poudlard, à ses onze ans, cela avait empiré. Les moqueries, les mots déplacés de jeunes enfants qui avaient entendus leurs parents rager. Il était devenu le meurtrier, la peste noire. Il s'était endurci, endurci pour survivre, endurci pour ses amis. Mais si les adultes de Poudlard avaient fait tout pour apaiser Persée, les élèves eux, n'avaient cessés de torturer le jeune enfant. Jamais il ne serait accepté comme l'un des leurs. Alors, au fil des mois, Persée avait serré des dents face aux menaces et aux provocations. Les élèves avaient attaqués un Persée bien seul dans le château. Alors, le meurtrier, s'était traîné jusqu'à sa chambre, massacré par les autres. Il avait vu cette marque, cette marque qu'il ne pourrait jamais enlever. Cette marque qui signifiait tout ce qui le dégoûtait. Il avait tenté de l'effacer, par tous les moyens possibles mais rien n'avait réussi. « Ils me le payeront tous ! » Il ressentait tant de colère Persée, tant d'envie de vengeance. A l'abri des regards indiscrets, il avait pleuré sa peine, longtemps. Mais quand il était ressorti de sa chambre, seul le visage dur et implacable d'un Crabbe était présent. Il devait être fort, pour ses amis, pour sa famille. Ce n'était qu'une minorité d'enfants après tout qui avait fait ce geste. La plupart voyait Persée comme une victime de l'accident lui aussi.  La manche relevée, il arbora fièrement la marque auprès des élevés qui l'avaient torturés. Il allait s'en servir pour atteindre son but. On avait voulu le mettre à terre, il allait monter plus haut que le ciel.

Persée agé de dix-sept ans. Tournant autour de son ami, Persée remonta lentement ses manches. « J'ai appris. » Murmura t-il simplement. Il était tard, terriblement tard si bien qu'ils étaient seuls. Pas un bruit n'était présent dans la pièce, seul la respiration haletante du jeune sang-pur assit sur une chaise était perceptible. Il était anxieux. Anxieux de savoir ce que Persée avait en tête, anxieux de voir ainsi son ami le regarder comme une proie. Théo savait à quel point le Crabbe pouvait avoir des idées folles. Il avait déjà goûté la noirceur du jeune garçon et pourtant il était toujours à ses côtés. Il craignait le Crabbe, craignait ce jeune garçon qui possédait une lueur de folie dans le regard. L'horloge résonna, minuit. « Tu vas m'aider à me perfectionner n'est-ce pas ? » Continua Persée sans jeter un regard à son ami. Le jeune homme était impatient. Impatient de s'entraîner, impatient de se perfectionner. Cela faisait tant de mois, tant d'années qu'il travaillait son don dans l'espoir de pouvoir un jour l'utiliser. Il avait fait tellement de sacrifices, tellement d'heures d’entraînement pour en arriver là.  Il se souvenait encore de la première fois où il avait entendu parler de la legimencie, il ne devait pas avoir plus de neuf ans. Déjà à cet age-là, il avait trouvé ce don formidable, si bien qu'il était aillé voir son père dans l'espoir de l'apprendre. Trop jeune, il s'était vu violemment mit à la porte du bureau de son patriarche qui avait plus important à faire. Et si beaucoup avaient pensés que cela n'avait été qu'une lubie passagère, ils s'étaient trompés. En grandissant, il chercha a emmagasiner de plus en plus d'informations dans l'espoir de pouvoir un jour acquérir le don. Il le voulait, il en avait besoin. Jamais au grand jamais le jeune homme n'avait ressenti un besoin si vital de savoir faire quelque chose. Il finit même par en cauchemarder la nuit dans l'attente de pouvoir un jour pratiquer. A l'âge de quinze ans, il rencontra enfin un homme qui accepta de lui enseigner cette prouesse. Encore jeune, il enchaîna les échecs si bien qu'il crut devenir fou, ne pourrait-il jamais posséder ce qu'il désirait le plus ? Il passa des heures et des heures aux entraînements, si bien qu'il n'était pas rare qu'il rentre en fin de journée avec une migraine atroce. Endurance et migraine rythmèrent sa vie pendant plus de deux ans. Deux longues années a apprendre avant de pouvoir finalement toucher son rêve du bout des doigts. Il finit grâce à son mental et à sa persévérance ce qu'il espérait depuis tant d'années. Si bien qu'après une première expérience un tant soit peu réussite auprès de son professeur, il décida de s’entraîner sur un autre. « Que veux-tu Persée ? » la voix du jeune sang-pur ramena le Crabbe à la réalité. La concentration, la concentration était la clef. Il ne devait pas laisser son esprit divaguer, il devait faire le vide. Aucune pensée, aucune émotion, aucun sentiment. Prenant sa baguette de la main gauche qui était posée sur la table, il alla se placer en face de son ami à quelques centimètres de son visage. Il dû se baisser afin de se retrouver à la bonne hauteur. « Regarde-moi. » Théo fuyait son regard. « Regarde-moi je te dis. » Persée attrapa violemment le menton de son ami. Il plongea  ses yeux dans le regard bleu azur du jeune garçon à la recherche de son âme. « Légilimens. » Soudain le jeune Crabbe se sentit comme aspiré par ce regard. Des flashs, des voix, des brides d'images lui parviennent. Il était spectateur de ces scènes. Ici il voyait une main d'homme tomber sur la joue d'un enfant, là-bas il entendait le cris d'une femme qui suppliait. Le choc du retour à la réalité fut violent. Cela n'avait duré que quelques secondes, intenses secondes qui avaient affaiblis le jeune homme. Tremblotant, il pouvait sentir des gouttes de sueur perler sur son front. Il n'était pas encore prêt, il n'était pas encore assez fort. Malgré l'épuisement, malgré les maux de tête, il ressentait le besoin de continuer, le besoin d'apprivoiser encore plus ce don. Jusqu'à l’épuisement, jusqu'au saignement de nez, Persée était prêt à recommencer encore et encore. Il voulait se perfectionner, il voulait devenir bon, intouchable, le meilleur. Il était prêt à tout pour atteindre son but, même a blesser son ami sans remord. Au fil des années, il réussit à se perfectionner, si bien qu'il put se vanter intérieurement de faire partie des rares personnes a posséder la particularité de Legimencie.

Il marchait d'un pas décidé encore et encore dans la nuit. Il s'enfonçait de plus en plus dans la pénombre sans savoir où allait. Il marchait depuis des minutes, des heures alors que la pleine lune ne faisait que monter dans le ciel. De temps en temps, il entendait le hurlement d'un loup, d'un loup-garou plutôt et pourtant, il ne prenait même pas la peine de se retourner. Il n'était pas revenu ici depuis plusieurs années, depuis dix ans. Mais aujourd'hui était un jour spécial, aujourd'hui il s'agissait d'un anniversaire, un anniversaire morbide. Le vent s’engouffra dans les pans du manteau ouvert du jeune homme et il ne frissonna même pas au contact de ce vent glacial, il était ailleurs. Sa tête était ailleurs. Cette nuit encore il n'avait pas réussi a dormir, cette nuit encore les images, les cauchemars l'avaient envahis. Ne pouvait-il donc pas vivre en paix ? Dix ans, dix longues années à errer dans l'ombre, dix longues années à se voiler la face. Dix longues années à survivre plutôt que vivre. Il n'était plus que l'ombre de lui-même depuis ce fameux soir. Il n'était plus rien, quelque chose s'était brisée en lui, une chose que personne n'avait vu. Il avait l'impression d'avoir perdu son âme. Autrefois ses pupilles possédaient en leur cœur une lueur éclatante, une lueur qui réchauffait les cœurs mais elle avait disparu. Éteinte, soufflée la pauvre petite lueur. Elle n'avait pas survécu à l'accident. L'accident... Ce terrible hiver où Persée n'avait pu sauver sa petite soeur, cette terrible nuit où les loups avaient hurlés à la lune.
Avançant toujours et encore, il reconnaissait petit à petit les lieux. Des arbres, des buissons lui étaient familiers. Il était tout prêt de l'endroit qu'il cherchait a atteindre. Soudain, il ressentit un furieux besoin de fuir, une curieuse envie de rebrousser le chemin. Il n'avait pas envie d'être ici, il n'avait pas envie de se souvenir. Il avait tellement besoin, besoin d'oublier, besoin de pouvoir changer le passé. Il avait une fois espéré pouvoir oublier en utilisant un sort d'oubliette mais malheureusement pour lui, le sort n'avait pas marché. Les souvenirs étaient trop profondément ancrés en lui, impossible a anéantir. Alors il continuait a vivre avec tout cela, a boire encore et encore pour mieux apaiser sa peine, à éloigner de lui tous ceux qu'il l'aimait pour ne jamais leur faire du mal. Persée était seul, terriblement seul mais il ne pouvait s'empêcher de penser que cela était la meilleure solution. Il ne voulait pas blesser une autre personne, il ne voulait plus faire de mal. Il était un danger, un danger pour tous ses proches et afin de les préserver, il était horrible avec eux pour les faire fuir. Pour beaucoup cela avait marché mais certains encore continués à s'accrocher.
L'air glacial lui rappela qu'il ne devait pas traîner, en pleins hiver, les températures étaient basses. Pourtant, il était prêt à y rester toute la nuit. Au bout milieu de la forêt qui avait bercé son enfance, il vit soudainement ce qu'il cherchait. Devant lui, se tenait un lac gelé, un lac où tout avait commencé. Une bouteille de whisky à moitié entamée dans la main, il avança en direction de ce lac. Les flashs, les souvenirs, les visions ne tardèrent pas à se mélanger au présent et bien vite, l'image de la petite Rose lui apparue devant lui. Il était persuadé que la jeune fille était là. Toujours aussi souriante, toujours aussi douce et avenante. Elle marchait sur la glace d'un air innocent, presque enchantée de pouvoir glisser. Persée prit une nouvelle gorgée de sa boisson. Dix ans, dix ans que sa petite soeur Rose était morte par sa faute. Dix ans qu'elle avait glissé sur la glace parce qu'il lui avait demandé de le suivre. Dix longues années qu'il n'était pas revenu ici. « Arrête de me narguer Rose ! Que veux-tu ? Tu n'en as pas marre de me tourmenter dans mon sommeil ? » Hurla t-il à la vision qui lui faisait face. Il vit la douce, la naïve Rose lui sourire sans répondre. « Arrête de me faire souffrir, de me hanter ! » Il prit une nouvelle gorgée de Whisky avant de rejoindre le lac geler dans l'espoir vain d'attraper la petite fille. La fine plaque de glace commença a craqueler sur le poids du jeune homme mais il n'en avait que faire, il voulait rejoindre Rose.  « C'est moi, c'est moi qui aurait du tomber ! C'est moi qui t'es forcé a marcher sur le lac. » Il jeta sa bouteille vide au sol qui se brisa en plusieurs morceaux. Il avait pris une vie, il avait volé la vie de sa petite soeur, l'avait arrêté trop tôt, trop vite. « Tout est de ma faute... » Murmura t-il. Doucement, il se laisse tomber à genoux sur la glace qui s'effrita encore plus. « Je ne mérite pas de vivre. » La glace céda sous son poids. Quelques minutes d'effroi, sans se débattre et Persée sortit de l'eau. Encore une fois, Théia était là pour le sauver.