Ce matin là, les doux rayons du soleil frappaient les volets de la chambre que partageait Sybille avec d’autres élèves de sa maison, à Poudlard, offrant la possibilité à quelques chanceux faisceaux de traverser les rainures et d’atteindre son visage. Etalée comme une étoile de mer, il faut l’avouer, la demoiselle peinait à s’extirper de sa douce torpeur. C’est avec bien du mal qu’elle entreprit de s’asseoir sur ses draps et d’ouvrir péniblement les yeux ; aujourd’hui, elle n’était pas vraiment matinale. Il était sept heures tapantes : l’air était bon, le ciel d’un bleu azur et le soleil donnait aux microscopiques grains de poussière virevoltant dans l’air une forme de paillettes. Sybille ne se levait pas toujours du bon pied, mais aujourd’hui et ce, malgré l’aube, elle affichait une mine resplendissante. Ouvrant les volets d’un geste vif, elle poussa un soupir : que la vie est belle, dans ce monde magique qu’elle chérissait tant. Parcourant rapidement le verdoyant paysage qui s’offrait sous ses yeux, la rouquine se demanda ce que cela ferait d’être un oiseau. Oui, comme ce petit oiseau posé là, sur le rebord d’une fenêtre voisine. « Un geai bleu » pensa-t-elle, « le bleu, ça m’irait bien au teint. » conclut-elle intimement, avant de faire un demi-tour virevoltant vers son armoire. Elle enfila sa tenue aux couleurs de la maison dont elle portait fièrement la couleur depuis près de douze ans. Cette maison qui faisait sa fierté. Une fois habillée, Sybille se plaça devant un miroir, pour jouer avec ses boucles cuivrées, histoire de les remettre un peu en place. Elle y glissa une fine barrette pour dompter ses mèches rebelles. « Les princesses des contes magiques pour enfants auraient eu plus de boulot pour peigner leurs chevelures si elles avaient eu mes boucles, hm. » dit-elle à voix haute, sur un ton de reproche, comme si ces princesses lui semblaient pathétiques à l’extrême. Soudainement, un claquement de porte. Une élève, qui ne faisait pourtant pas partie de sa chambrée surgit dans la pièce, un rappeltout à la main et une mine déconfite, angoissée au possible et dégoulinante de sueur. Sybille ne put s’empêcher d’afficher une mine écœurée, avant de ravaler sa salive et de reprendre son sérieux. « Salut Lio, euh dis moi… qu’est-ce qui t’arrive ? » « J’ai perdu mon livre d’histoire de la magie, le professeur Von Sachsenheim va me tuer ! » Lio s’agitait dans tous les sens, pétrifiée à l’idée de devoir subir une quelconque humiliation… Une de plus pour cette née-moldue qui avait un peu de mal à prendre du recul sur la méchanceté gratuite de certains élèves malintentionnés de l’école. Avec Sybille, elle savait qu’elle n’avait rien à craindre. La famille Weasley était réputée pour être généreuse et tolérante, et elle avait souvent eu l’occasion de s’en rendre compte auprès de son amie. Car Lio était en quatrième année à Poudlard, et c’était la première de sa famille à y être acceptée. Elle découvrait le monde magique avec des yeux émerveillés, et un constant besoin de faire ses preuves. Souvent bousculée par l’ignoble et non moins fameuse insulte de « sang-de-bourbe », Sybille l’avait rapidement prise sous son aile. « Tout va bien, Lio, calme toi. Tiens, assis-toi là et attends-moi deux secondes. » Bienveillante envers la jeune élève, Sybille se retenait toutefois de sourire. Depuis la rentrée, c’était déjà la sixième fois que sa petite protégée perdait quelque chose. La semaine précédente, elle tambourinait sur le bois de la porte du dortoir pour qu’on la laisse entrer le plus vite possible. « Excuse moi, vraiment… mais j’ai perdu mon chat, un chat roux du nom d’Icare.. tu ne l’aurais pas vu ?! » s’était-elle exclamée entre trois ou quatre bouffées d’oxygène. Lio avait tendance à paniquer pour n’importe quoi. Sybille réfrénait donc cette envie d’afficher un large sourire pour cette petite tête de linotte, tout en fouillant dans l’énorme coffre au bout de son lit. Le travail archéologique qu’elle entreprenait avait pour but de retrouver une ancienne édition du livre d’histoire de la magie, datant de quelques années. Etrangement, c’était l’un des seuls ouvrages qu’elle avait gardé ici pour sa culture personnelle. Tout portait à croire que c’était écrit, que c’était le destin : Lio devait avoir besoin d’aide, Sybille devait avoir conservé le manuscrit qui la sauverait, et leur amitié n’en serait que renforcée. Le destin, l’intuition, c’est ce qui avait toujours guidée la jeune Weasley. « Je l’ai ! » s’écria-t-elle en brandissant son trésor. « Certes, il n’est pas tout neuf. » En plus de lui avoir beaucoup servi, il avait également servi à ses frères et sœurs. Dans la famille, un des adages était que rien ne se perd, tout se transmet. « Mais il devrait pouvoir te dépanner. Après tout, c’est bien le seul cours dont le contenu est immuable ! » Lio, toute reconnaissante, la remercia par une tendre accolade. « Je ne sais pas ce que je ferais sans toi ! Je fonce, merci ! » Elle disparut aussi vite qu’elle était apparue dans le dortoir, bientôt suivie par Sybille qui comptait rejoindre les gradins du stade de Quidditch pour le premier match de la saison. Mais avant même de quitter le château, elle crut comprendre que des petits malins s’acharnaient sur la pauvre Lio. « Alors ?! Papa et maman moldue ne te font pas manger de soupe ?! » Au détour d’un couloir, elle découvrit deux élèves de Serpentard agitant le livre de Sybille dans les airs avec mépris. Lio, quant à elle, leur répondait avec courage, mais cela ne suffisait pas. Ils étaient plus grands qu’elle et jamais elle n’aurait risqué de faire perdre des points à sa maison en menaçant un camarade avec sa baguette. Elle se contentait donc de négocier puis de sautiller pour espérer rattraper son précieux ouvrage et parvenir, enfin, à rejoindre sa salle de classe. Et à l’heure si possible. Les deux gars quant à eux, pouffaient de rire devant celle qu’ils appelaient désormais « chocogrenouille ». C’était peut-être moins ignoble que la précédente « sang-de-bourbe » mais elle dénotait une forme de mépris incroyable. A cette vision, le sang de Sybille ne fit qu’un tour. « Rends-moi ce bouquin. » dit-elle sur un ton catégorique, en direction de celui qui tenait son livre. Les garçons se regardèrent, surpris de voir surgir cette élève de nulle part (dont ils reconnaissaient toutefois l’appartenance familiale), et se mirent à lui rire au nez. « Oh ne jouez pas aux plus malins que moi. » Son regard était devenu sombre, et son agacement grimpait à une vitesse folle. « Rends-moi ce bouquin. » Sybille serrait les dents. « Et alors, qu’est-ce que tu vas faire Weasley ? Tu veux jouer les sauveuses pour ta petite protégée ? » Au fur et à mesure que le Serpentard avançait vers elle, il prenait confiance. Il se montrait d’autant plus sûr de lui, et enchaînait les provocations jusqu’à se retrouver à quelques centimètres à peine du visage de Sybille. « Ne m’oblige pas à te défier, Angus. » L’énonciation de son prénom refroidit subitement l’élève, qui ignorait que la rouquine connaissait son identité. « Ça t’étonne ? Tu crois que j’ignore la façon dont tes parents traitent les elfes de maison ? Je connais des personnes au Ministère de la magie qui seraient ravis d’enquêter sur vos pratiques douteuses. » Sybille se tenait informée de tout ce qui touchait, de près ou de loin, aux créatures magiques et elle avait appris, au détour d’une conversation, que la famille de ce jeune homme n’était pas en règle. C’est tout ce qu’elle connaissait de lui. Qu’il s’appelait Angus, qu’il était de Serpentard et que sa famille trempait dans des affaires louches. Et elle espérait bien que ça suffise à le remettre en place, ou elle serait tentée de passer à la vitesse supérieure. « Tu bluffes. » « Tu veux parier ? » Sybille empoigna discrètement sa baguette, prête à contre-attaquer en cas de difficulté. Elle ne lâchait pas son adversaire du regard, tandis que l’autre Serpentard demeurait sans voix. Lio, quant à elle, gardait la tête haute mais Sybille la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle priait pour que la situation tourne à notre avantage. Pendant quelques secondes, le temps sembla s’arrêter. Sybille, qui ne sourcillait pas, reprit l’avantage. « Reprends ton livre pourri Weasley. » Le Serpentard lui colla violemment contre la poitrine. « On se reverra. » « Compte sur moi, Angus. » Ils quittèrent le lieu, emportant toutes les tensions qui occupaient l’espace depuis plusieurs minutes. « Qu’est-ce qu’il pourrait encore t’arriver avant d’arriver en classe ? » demanda Sybille avec ironie. « Je vais devoir t’en offrir des kilos de bonbons de Bertie Crochue pour te remercier de me sauver toutes les deux minutes. » Sybille soupira exagérément, avant de pousser la jeune Lio à courir le plus vite possible. En la voyant s’enfuir à grandes enjambées, la rouquine remercia le ciel d’avoir pu s’entrainer à affronter toutes les situations possibles en compagnie de ses frères et sœurs. Car bien que souvent critiqués, les Weasley ont toujours fait preuve d’ouverture d’esprit, de courage et de bonté. Tant de caractéristiques qui font d’eux une famille fière et unie.