Sa vie, elle l'aime. Elle considère l'avoir bien menée jusqu'ici, avoir trouvé et atteint les quelques buts qu'elle s'était fixée. Le mur du passé semble pourtant l'avoir rattrapée. Calista, si forte, qui a su braver le plus difficile toute ces années, s'est rendu compte qu'il lui manquait quelque chose aujourd'hui, et pas des moindres. Toute son enfance.

1969-1971
Comme si le monde n'était qu'un rêve, elle le frôle, l'effleure sans le toucher. Il se dispersera, ce rêve. C'est ce qu'elle s'imaginait en arrivant, qu'elle ne faisait que rêver, qu'elle saurait un jour, combler les vides qui étaient installés au creux de sa matière grise. En fin de compte, les jours, les semaines et les mois passants, elle ne pouvait que se rendre à l'évidence. Sa famille n'avait plus voulu d'elle. D'ailleurs quelle famille ? Elle n'était pas même certaine d'avoir eu quoi que ce soit jusqu'ici, et pourtant, elle avait des centaines de convictions sur sa jeune enfance. Des convictions qu'elle ne pouvait hélas confirmer, ne faisant plus confiance à sa mémoire. Privée du loisir de parole, incomprise de ses camarades, elle fut solitaire durant un temps, elle le fut moins par la suite.
Pourtant, elle la prend bien la nouvelle. La situation ne semblait pas la troubler plus que ça, elle était volontaire de milliers de choses, mais surtout dans celle de s'intégrer et d'apprendre la langue, elle ne se laissait pas faire. On aurait cru qu'elle n'espérait plus savoir, qu'elle s'en fichait de n'avoir pas de passé. Ce n'était pas si faux. Puisque des années étaient oubliées, elle s'était imposé d'oublier complètement, et de se construire une identité rien qu'à elle, sans curiosité, sans regrets, parce que « c'était mieux », selon les conseils de l'une de ses nouvelles camarades. Se souvenir devenait un jeu où le mensonge allait de paire. Un jour elle venait d'une famille de pauvres qui l'avaient abandonnée pour lui offrir une vie meilleure, un autre jour, elle avait perdu ses parents dans un accident, elle était la seule rescapée. Une facilité parmi tant d'autres pour s'inventer des parents, s'offrir une histoire, et rêver. Par son nom elle aurait pu trouver réponse à des questions, mais elle ne s'en posait pas, elle acceptait, tout simplement.


Beauxbatons.
La magie était salvatrice. L'été, elle vivait dans la pauvreté et la disgrâce de bon nombre de ses compagnes de l'orphelinat. Le reste de l'année, elle le passait dans la beauté luxuriante des murs de Beauxbatons. Ses premières années, elle était la petite poupée anglaise, l'enfant au visage pâle, qui osait parler malgré ses difficultés dans la langue, mais qui ne se rebellait que très peu face aux plus féroces des élèves, à son égard. C'est une fois deux années complètes passées en France et dans ce palais, qu'elle considérât que sa vie commençait. S'en était fini des petites histoires de passé, fausses et idéalistes, qu'elle se construisait auparavant, et à présent, elle n'avait plus peur de se faire des ennemis. Elle n'avait que le but de devenir quelqu'un, de ne pas rester toute sa vie à trainer dans des lieux comme l'orphelinat qu'elle devait encore fréquenter durant les vacances. Elle aura ça, cette vie, mêlée de magie et d’émerveillement pour les yeux, elle voulait fréquenter les plus beaux endroits, côtoyer les meilleurs, devenir peut-être l'un d'eux... Son ambition s'éveillait à mesure qu'elle prenait ses années. Ses repères étaient pris, la langue n'était plus une barrière, elle s'était trouvé une famille, elle n'était plus la petite Cordelia Lestrange, apeurée face au presque vide et aux souvenirs flous dans sa tête, elle était Calista. Lestrange ne venait qu'en dernier, lorsqu'il était indispensable, surtout pour les papiers, pour dire qu'elle avait une identité. On lui faisait des jeux de mots stupides « L'étrange », elle faisait passer l'envie à certains d'en rire, et suivant son humeur, il lui arrivait d'en rire elle-même.
Beauxbatons, c'était ta promesse d'un meilleur avenir, et en parallèle l'orphelinat de Chambéry te faisait de belles perspectives pour un futur meilleur. Sans ce dernier, elle n'aurait pu faire la connaissance de Claire, sa meilleure amie, son premier amour mitigé entre l'aire familiale et amoureuse. Calista avait une vie, elle n'avait plus besoin d'une famille qui n'existait plus. Mais plus les années passaient, plus le poids de l'inconnu se faisait lourd. Seule ses études n'en ressentaient aucune conséquences. Elle faisait impression, autant par sa douceur illusoire que par sa beauté presque empoisonnée lorsqu'il lui arrivait de laisser ressortir sa jalousie ou ses pulsion quasi destructrices. Le passé, quand il n'est pas résolu, ça vous ronge une personne jusqu'à la faire changer, jusqu'à l'obliger de réfléchir pour se remettre en question. Sauf que Calista ne se met que rarement en question, elle avait décidé de tirer un trait sur ce qu'étaient les autres, « Les étranges » comme s'en amusaient les élèves de l'école de magie française.


Les questions.
Elle n'a pas quitté l'orphelinat à dix sept ans, elle voulait attendre Claire, mettre en place leurs projets. Les étés offraient pourtant plus de liberté, moins de magie, certes, mais plus de rires et d'insouciance. Elle oubliait qu'elle avait oublié des années d'une vie presque perdue. Et la nuit tombée, elle voyait la chevelure blonde d'une amie, d'une sœur peut-être ? Des visages flous, des rires sataniques, l'humiliation, le cauchemar répété.
Son nom devenait soudain un passeport, mais en France, ce nom ne comptait que peu, si au moins il avait un peu d'importance dans son lieu d'origine. Il y avait ces choses qu'elle avait d'instinct, comme le fait que la Grande-Bretagne était son berceau. Il y avait des choses qui étaient un peu moins évidentes, comme le lieux exact. Il suffisait d'une situation, d'un transplanage, et d'un bon mental. Si Beauxbatons enseignait la délicatesse, elle en avait prit bonne leçon. Elle avancerait comme le tigre guète sa proie. Lestrange avait une réputation, elle verrait si elle en fait partie. Après un premier stage à la RITM durant ses études de communication à Beauxbatons, elle pu prétendre à un poste de nuit pour commencer à une heure où les auditeurs sorciers n'entendraient sa voix, pour la plupart, que comme dernier songe.
Ce n'était pas tellement l'idéal qu'elle s'était imaginé. A peine un mois suivant son arrivée, elle devait fuir devant les autorités, se faire marquer pour une raison qui ne l'avait pas touchée personnellement. Cependant, elle eu le privilège de garder son poste. La vie de fugitif comptée sur les ondes, avait quelque chose de captivant, elle en avait bien conscience. Cependant, personne ici ne savait exactement ce qui la retenait sous ce statut. Elle se savait assez maline pour approcher sa famille pour tout savoir, et disparaître.

La vérité
Sa famille avait fait preuve de patience, Cordelia en avait abusé.
De son jeune âge, la petite Lestrange faisait des fautes qui restaient tout de même impardonnables vis à vis du nom qu'elle exposait à un possible déclin. Elle admirait les moldus pour ce qu'ils étaient, et peut-être aussi pour cet interdit qu'ils représentaient. Elle les admirait de trop près, si bien qu'elle les fréquentais depuis quelques temps. Puis cette amourette avec un petit moldu lui donna tous les courages de braver les interdits.
L'inquiétude chez les Lestrange prit une nouvelle tournure lorsque Cordelia reçut une invitation de l'un d'eux, chez elle, au manoir. L'interdiction formelle de s'y rendre n'était pas à douter, mais la Cordelia ignora l'avis de ses parents, tout en ayant parfaitement conscience de ce qui pouvait en couter si on la prenait. Son frère l'avait déjà dénoncée plusieurs fois, d'avoir fricoté avec la sous-espèce, elle devait seulement faire attention d'être plus discrète cette fois. Et elle le fut. Une fois à la fête d'anniversaire du jeune garçon moldu, n'ayant pour cadeau que les rubans qu'elle mettait dans ses cheveux blonds. Son absence au manoir fut remarqué avant qu'elle ne rentre, et lorsqu'on toqua à la porte, ce fut accompagnée d'un homme du ministère que l'enfant fut ramenée. Elle avait fait usage de magie en présence de moldus. Mais jusqu'où allait-elle aller ?
C'était pour les parents, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Malgré toute les mises en garde, les punitions les plus sévères, elle arrivait à n'en faire qu'à sa tête. Cette enfant n'était tout simplement pas digne des Lestrange, elle mettait en péril leur réputation, la renommée de leur nom, elle leur faisait beaucoup trop honte, et son entrée prochaine à Poudlard représentait un réel danger alors qu'elle ne savait déjà pas se tenir au sein de sa famille. Il fallait donc la renier, elle ne pouvait pas rester avec eux. Archibald, l'un des fantômes des ancêtres Lestrange, suggéra alors avec force et conviction, de l'envoyer à Durmstrang où elle pourrait gouter à la discipline telle qu'elle la méritait, dans un lieux de froid et d'inconfort. Elle apprendrait et deviendrait comme elle se devait d'être. Mais Hestia, de son cœur de mère, ne pouvait pas la voir trop éloignée. Elle pensa l'envoyer donc en France, où leur nom n'était pas aussi bien connu qu'ici, ou plutôt, où Lestrange n'était rien de plus qu'un simple nom parmi tant d'autres, laissant la gloire à d'autres sang pur français. Ils pourraient avoir le choix de garder un œil sur elle, ou de l'oublier complètement. Phineas, un autre ancêtre fantomatique, parla d'un orphelinat à Chambery, dans lequel l'arrangement serait plus aisé qu'il ne le serait ailleurs. Il faudrait cependant qu'elle ne sache pas d'où elle venait, faire disparaître de sa mémoire tout ses dérapages, et quelques détails concernant ces dernières années. Le nom de Lestrange resterait. Peut-être que le moment venu, elle serait d'une utilité quelconque à la famille, mais elle tomba dans l'oubli jusqu'ici.