New Delhi, Inde, Mars 1980.
(Demeure familiale Mishra)

Les grands jardins de la demeure des Mishra s’étendaient à perte de vue et l’astre du jour déclinait, dans une chute finale, teintant l’azur de couleurs chaudes et pastels. Légèrement en marge de la capitale Indienne, tout près de l’océan, un palais, puis des enclos. Des tas d’enclos. Dans l’un deux, une jeune fille et un équidé au pelage flamboyant. Le soleil couchant aveugle la sorcière quelque peu, elle fait un pas de côté afin de se placer dans l’ombre de ce grand frison qui ne bougeait pas, attentif. La jument renâcle lorsque la petite tendit la main en évidence. Elle recula aussitôt sa main, et l’animal agita nerveusement la tête tout en reculant. Il était sans doute un peu trop tôt pour espérer pouvoir établir un contact physique avec le cheval. Amala recula jusqu'à sentir dans son dos les rondins de bois de l'enclos, sculptés gracieusement. Elle tenta de mettre le plus de distance entre elle et l'animal, de manière à l'encourager à se déplacer librement. Les oreilles droites, le frison resta immobile quelques instants, à jauger la jeune femme qui lui faisait face. Le soleil couchant à nouveau dans les yeux, Amala finit par s'accroupir, puis s'asseoir dans l'enclos. Il faisait bon en ce début de soirée. L'air était doux, le vent presque absent. Un tel calme, qui jurait pourtant dans le contexte actuel au sein de sa famille. Son père se disputaient souvent avec leur mère, apparement certains membre de la communauté sorcière des hautes castes trouvèrent certains agissant du clan Mishra incompatible avec leur rôle de Brahmane et la malédiction de Kai suivaient de nouveau la famille, le sang des vélanes. Et l’idée de partir à l’étranger se faisait de plus en plus présente.

La jeune indienne sourit tendrement, partir à l’étranger, ne la gênait pas vraiment, au contraire elle avait soif d’aventure, de découvrir d’autres horizons. Elle déplia ses jambes, l’une après l’autre, délicatement. Elle avait appris à ses dépens que les gestes brusque n’étaient bons qu’à affoler les animaux, et ce n’était pas ce qu’elle recherchait. Silencieusement, elle bâilla. Elle priait les dieux de lui accorder un peu de sommeil cette nuit. Car depuis quelques jours, la jeune fille ne dormait pas. Il se trouvait  en son subconscient un petit quelque chose qui ne la laissait pas en paix, une peur sourde, qui s’accrochait à elle, comme une tique à sa la parcelle de peau. Sentant une bouffée de panique s’emparait d’elle, Amala plongea son visage entre ses mains pour se frotter les yeux. Un peu trop subitement pour la jument qui se redressa l’encolure pour l’observer fixement. Amala jura entre ses dents puis laisse retomber l’arrière de sa tête contre l’un des rondins de l’enclos. Elle laisse le soleil réchauffer son visage, respira l’air pendant de longues minutes, chassant petit à petit la peur qui lui comprimait la poitrine. Elle savait qu’à un moment ou un autre, elle quitterait sa terre natale qu’elle affectionnait tant.

New Delhi, Inde, Mai 1980.
(Delhi NCR - Fortis Hospital)

Les larmes salées cavalent, humides sur ses joues douces. Elles noient ses yeux marrons, se dessinent sur sa peau foncée, avant de s’écraser sur ses vêtements. D’une coulée incessante, elles le subjuguent, jeune fille recroquevillée dans un lit si robuste. Triste paradoxe entre ce faible corps juvénile et cette objet si ferme, si forte qui le soutient. Des sanglots, entrecoupés de spasmes, elle est secoué de tremblements. Sa lèvre brûle, son nez lui envoie des vagues de douleurs tandis que sa tête l’irradie d’une toute autre souffrance. Elle est cassé la petite, brisée. Alors elle se retranche sur lui-même, se referme, dans une seule volonté, disparaître, s’effacer.

« Monsieur Mishra ».Les silhouettes s’attroupent dans le couloir froid et stérile. Le patriarche semble avoir l’esprit ailleurs, comme perdu dans une réflexion dont il n’arrive pas à en sortir. Son épouse, lui empoigne délicatement la main, des larmes coulent le long de son visage fatiguait.
«  C'est une pneumonie aggravée, ce qui veut dire qu’elle souffre de violentes douleurs au niveau du thorax, des difficultés à respirer, comme un essoufflement qui rend sa respiration très difficile..Voilà pourquoi elle est sous assistance respiration. Nous avons également constater du sang dans ses crachats..c’est un signe qui ne présage rien de bon..Nous ne voulons pas vous faire peur, mais nous pensions..à un cancer. » Cancer, un mot qui fait peur à tout le monde, le couloir est très silencieux, un peu trop d’ailleurs. Personnes ne parlent, les visages sont fermés, certains ne regardent même plus le médecin, les aînées tentent de réconforter les plus jeunes. « Nous devons faire des examens complémentaires, je vous tiens au courant dès que j’ai les résultats ». Les heures se succèdent et se ressemblent, le clan Mishra est assit sur les bancs près de la grande baie vitrée, ils s’observent toujours en silence, ne sachant pas vraiment quoi dire. Que dire ? Ça ne changera en rien à la situation. Amala est malade depuis longtemps, depuis presque toujours, mais ce n’est pas semblable aux symptômes qu’elle endure depuis plusieurs jours. Elle relève la tête, ravalant ses sanglots, touchant son front. Une ecchymose sur sa côte gauche, rouge, commençant à tendre vers le bleu. Une blessure dû à la chute dont elle fut l’auteur alors qu’elle était à cheval, en pleine balade, quelques jours auparavant. Elle calme ses larmes, tentant d’arrêter ses tremblements.

« Un père ne doit pas vivre la mort d’un enfant.. » un murmure presque imperceptible sort de la bouche du patriarche, ses mains devant le visage, les paupières closent, il ne peut contenir plus longtemps son chagrin. « Ma petite Mala.. », sa voix est hésitante, douloureuse, déjà meurtrie par la vie. Il ne pouvait revivre la perte d’un autre être chair.

Ecosse, Grande-Bretagne, janvier 1981.
(Nouvelle demeure familiale Mishra) 

Elle a les cheveux au vent, elle a mis sa robe légère bleu, celle avec tous ces voiles qui caressent la peau de ses mollets formant des nuages de mousseline autour de sa taille menue. Elle s’est fait belle comme une femme qu’elle n’est pas vraiment, qu’elle n’est pas encore. Elle dodeline de la tête à une chanson qui ne titille que son oreille, ce beau son qu’elle a entendu hier, sortant du Veena, un son grave et plein et puissant, qui a fait vibrer tout son corps, les premiers émois de sa chair. Et si ça l’amuse d’être cette fille coquette pour un temps, c’est surtout parce que ça le fera sourire, les yeux brillant d’une fierté qu’elle cherche à tout prix. Parce qu’il est bon avec elle, elle sera tout ce qu’il veut, même cette fille qui prend du temps à peigner sa chevelure pendant de longues minutes pénibles. Et quand elle est devant lui, il pose sa main sur son épaule, et elle sait en le regardant dans les yeux, qu’elle a bien fait, qu’il est content d’elle. « Et bien ma fille, il te faudra nous raconter ces premier jours au sein de ta nouvelle école. J’ai cru comprendre que tu t’y es à l’aise. Et que tu as réussi brillamment tes premiers examens.»  Elle lui sourit de toutes ses dents, impossible de cacher son plaisir. Elle a tout fait pour mériter l'admiration de son géniteur. Cela lui demande peu d’effort, c’est vrai, son ardeur, son désir, toujours prompt à s’attaquer à n’importe quel challenge, même le plus intellectuel, même le plus abstrait, juste pour le plaisir de triompher encore une fois, de satisfaire ce besoin de faire encore une fois l’expérience de sa propre intelligence, cet intarissable autosatisfaction.  « J’espère que vous avez de nouvelles histoires à me raconter, père…» Il rit, elle connait mieux ses histoires que lui-même maintenant, mais elle est désespérée d’en entendre d’autres.

Elle le tire par la main pour le faire s’assoir, pour qu’il lui raconte, pour qu’il la laisse entrer dans son monde, ce monde de découverte et de merveilles, où chaque jour c’est avec passion qu’on agit. Et quand il commence enfin, après lui avoir posé mille et une questions sur ses découvertes, jusqu'à ce qu'elle est la bouche sèche d'avoir trop parlé, alors elle ferme les yeux, et elle s'imagine à sa place, elle l'écoute avec tellement d'attention qu'elle grave chacun des mots dans sa mémoire, et il se prend à son propre jeu, il finit par lui expliquer, comme toutes les autres fois, toutes les découvertes qu'il a faites, et comment, et pourquoi, tous ces détails qu'elle absorbe avec avidité, tout ce savoir qu'elle acquiert à son insu et qui aliment son admiration.

Poudlard, Ecosse, décembre 1982.
(Bibliothèque)

just a kiss on your lips in the moonlight
just a touch of the fire burning so bright
and i don't want to mess this thing up
i don't want to push too far

Elles brillent les étoiles dans le ciel. Avec une singularité particulière, elles semblent se mouvoir, danser à l’unisson. Le ciel étoilé vibre de constellations nouvelles, d'astres lointains et merveilleux. On raconte que le monde a été créer à partir de fragments de ces étoiles, on raconte que ce sont ces mêmes étoiles qui ont ensuite créés les dieux. Elles auraient ensuite créés les hommes avec la poussière d'étoile restante, les sculptant à partir de l'univers même. Les étoiles sont les gardiennes de l'univers, et le savoir entier du monde réside à travers les constellations. Elles brillent plus fort les étoiles, elles scintillent, encore chantent et dansent ensemble. Poésie que seuls certains triés sur le volet arrivent à entendre. Elle pousse un autre soupire, alors que l’univers expire à son tour. Etoile qui dans l’univers glacé implose telle une supernova. Elle reprend son souffle, la déesse au cheveux ébène, alors qu’on s’approche d’elle silencieusement.

« La place est-elle libre ? ». Elle pose ses prunelles sur celles de l’inconnu qui arbore la couleur rouge sur son blason. Elle l’observent longuement, de haut en bas, avant de lui faire signe rapidement qu’il peut prendre place en face d’elle. Dans les yeux du jeune homme on peut ressentir un profond désir envers elle, il semble littéralement subjugué par la beauté, presque utopique de sa camarade qui pourtant n’a pas prit le temps de s’apprêtait aujourd’hui. Son regard se perd dans sa chevelure flamboyante, dans ses traits gracieux, dans ses prunelles foncées, ses lèvres pulpeuses et savoureuses. Il en perd presque le pourquoi de sa venu à la bibliothèque. « Moi c'est Jonas » Il tend la main vers son interlocutrice, une main presque tremblante. Une mèche tombe sur son regard, il est déstabilisé face à la jeune sorcière, il bafouille quelques mots, n'osant au début croiser son regard foncé.« Amala », elle répond le regard vers son ouvrage "Soins avancés aux créatures magiques - tome 4". Il esquive un faible sourire amusé, retire sa main aussitôt. « Enchanté, Amala. » Il ne peut plus détacher son regard d'elle, comme hypnotisé par tant beauté, de grâce, que ça en devient presque de la folie. Il serait devenu fou si elle n'avait pas fini par lever les yeux vers lui. Un regard qu'il n'oublierait pas. Jamais.