Fairuza Mahayla Mirzadeh Leavitt Brown
(ZAZA – mama)
Marry me. Fairuza sourit, mais ne répondit rien. Elle avait toujours pensé que le mariage n’était pas pour elle et n’avait jamais été attirée par l’idée de finir ses jours avec une seule et même personne. Elle avait toujours eu cet esprit un peu trop sauvage qui dénotait avec l’éducation qu’on lui avait apporté. Elle voyait son corps comme une prison, une prison qui empêchait son âme de vivre comme elle le désirait. Elle avait été une enfant perdue entre deux cultures différentes, entre deux univers totalement opposés. Son père, moldu, iranien. Sa mère, sorcière de sang-pur, native américaine. Puis elle avait été une jeune femme en quête de sa propre identité, peinant à concilier tous les aspects de son héritage dans une seule et même personne. Fairuza avait cherché à se construire par elle-même et pour cela, elle avait décidé de quitter les Etats-Unis pour voyager seule. Continent après continent, pays après pays, elle n’avait cessé d’être émerveillée par toutes ces cultures, tous ces mélanges, et pour la première fois de sa vie elle s’était sentie chez elle.
En étant partout et nulle part à la fois. Elle avait relaté ses aventures dans un livre qu’elle ne publia pourtant jamais :
"witches and no-majs around the world : when two universes collide." C’était une œuvre incomplète à ses yeux et elle avait toujours pensé avoir le temps de la terminer un jour. Car c’était l’œuvre de sa vie, et elle ne se voyait plus ailleurs que sur la route, cherchant à en découvrir toujours plus sur les cultures qu’elle ne connaissait pas encore. La jeune sorcière ne s’était jamais imaginé avoir d’enfants car pour elle, la vie ne se résumait pas à se marier, tomber enceinte, et attendre paisiblement que la vieillesse la rattrape. Il y avait tant de choses à découvrir, à apprendre, à transmettre que l’idée de passer à côté de cela lui paraissait presque égoïste. Elle ne vivait pas pour elle, elle vivait pour l’humanité toute entière. Elle avait des rêves et des ambitions qui allaient bien plus loin que sa propre personne. C’était ce qu’elle s’était toujours dit, c’était la seule chose qui semblait avoir un minimum de sens dans le chaos qu’était devenue sa vie.
Et des années plus tard, Fairuza continuait d’imaginer quelle tournure auraient pris les événements si elle n’avait pas voyagé au Royaume-Uni à ce moment précis. Elle n’aurait sans doute jamais rencontré l’homme qui venait de poser un genou à terre juste devant elle, lui présentant une bague en or sertie de ce qui semblait être un rubis (elle avait presque envie de rire face à ce choix de couleur peu anodin), et n’aurait jamais construit sa vie à Godric’s Hollow, elle qui n’était qu’une nomade, effrayée par la vie sédentaire. Aurait-elle été plus heureuse si leurs chemins ne s’étaient jamais croisés ? Elle avait envie d’y croire, au fond. Puis elle posa sa main sur son ventre d’où le bébé venait de bouger à nouveau. Le regard de Leonhard oscilla entre le visage de Fairuza et le ventre de cette dernière, où il posa également sa main pour sentir les coups de son bébé.
Faye.Son ton était presque implorant, alors qu’il continuait d’attendre une réponse. Fairuza le torturait par son silence et elle n’avait pas besoin qu’il en dise plus pour savoir ce qu’il pensait.
Je t’aime.
Epouse-moi.
S’il te plait.
Je veux élever cet enfant avec toi. Elle avait envie de dire non car ce n’était pas ce qui était prévu pour elle. Elle avait envie de dire non car elle ne voulait pas de cette vie mais Fairuza savait que c’était une cause perdue d’avance. C’était trop tard, car elle savait qu’elle était tombée amoureuse de lui sans le vouloir, et elle avait hâte de rencontrer l’enfant qui grandissait en elle. Ce n’était peut-être pas la vie qu’elle avait choisi mais c’était celle qui l’attirait le plus à cet instant.
Et tandis que son regard se noyait dans les yeux bleus de Leonhard, Fairuza se sentit chez elle.
Et tandis que son regard ne quittait plus le sien, elle se surprit à murmurer à son tour :
Okay. Solomon Jemal Lazarus Selwyn Brown
(SOLLY)
Any news ?Solomon haussa les épaules, et Roshario prit place à côté de lui. Un long silence s’imposa entre les deux Brown que personne ne brisa et plus les secondes s’écoulaient, plus le malaise se faisait ressentir. Dans une vaine tentative d’apaiser la situation, il leva les yeux vers sa cousine et ce qui semblait être l’esquisse d’un sourire apparut sur son visage. Il était à la fois gêné et rassuré de la voir à ses côtés toutefois, le peu de consolation qui l’enveloppait alors que Roshario sourit à son tour ne suffit pas pour qu’il accepte de s’ouvrir. Il était un fardeau, et malgré toutes les tentatives du reste de sa famille pour lui prouver que ce n’était pas le cas, Solomon ne pouvait s’empêcher d’y croire. Il avait été formaté ainsi et quelque part, ce n’était pas sa faute. Enfant, il avait rapidement dû s’habituer à l’absence de ses parents et la chambre d’amis qu’il occupait chez Fairuza et Leonhard était peu à peu devenue la sienne. Les week-ends étaient devenus des semaines, puis les semaines étaient devenues des mois si bien qu’il avait fini par grandir en considérant son oncle comme son père, sa tante comme sa mère, et sa cousine comme sa propre sœur. Il n’osait pas l’avouer, pourtant. Car lorsque son regard se posait sur son oncle, il ne pouvait s’empêcher d’y voir son propre père, l’indifférence en moins. Il n’avait jamais compris comment des jumeaux pouvaient se ressembler autant physiquement et pourtant n’avoir rien en commun ; c’était comme si l’un avait hérité de toute la générosité et chaleur qui leur était destiné, tandis que l’autre avait dû se contenter du reste. Parfois, il lui arrivait d’envier Roshario mais le nom qu’ils partageaient tous les deux lui rappelait qu’ils étaient une seule et même famille et le profond ressentiment qu’il éprouvait envers ses parents n’avait aucune raison d’entacher sa relation avec le reste des Brown. Au fil des années, il avait fini par comprendre que leur travail était plus important que leur fils unique et il avait tenté de construire un mur autour de son cœur plutôt que de faire face à sa peine. Il avait
tenté, car à chaque fois qu’il parvenait à poser une pierre, Roshario en détruisait deux. Il ne comprenait pas d’ailleurs, l’acharnement de cette dernière pour qu’il se sente chez lui à ses côtés car elle n’avait rien à gagner de la présence d’un
parasite chez elle, le fait est qu'elle ne l’avait jamais considéré comme un intrus. Car si lui la considérait secrètement comme sa sœur, elle, le considérait ouvertement comme son propre frère. Il ne comprenait pas, car il ne savait pas. Il ne savait pas que pour elle, la loyauté était la chose la plus importante juste après sa famille. Il ne savait pas non plus que lorsqu’elle ne se sentait plus à sa place nulle part, c’était chez lui qu’elle trouvait du réconfort. Il ne savait pas, car il s’était toujours focalisé sur ce qui les différenciait plutôt que sur ce qu’ils avaient en commun. Solomon avait l’impression d’être de trop dans cette famille trop grande, trop bruyante, trop imposante. Et Roshario avait l’impression ne pas être assez : assez pure, assez courageuse,
assez. Il dissimulait sa peine avec ce masque d’indifférence qu’il ne retirait jamais, tandis que Roshario dissimulait son insécurité par un désir d’accomplissement purement irréaliste. Mais lorsqu’il était à ses côtés, il n’avait pas peur de pleurer. Et lorsqu’elle était à ses côtés, elle n’avait pas peur d’être fragile. Tout semblait les opposer, jusqu’aux maisons qui les avaient respectivement accueillis à Poudlard, et à l’inverse, tout semblait les rapprocher. Et au milieu de tous ces Brown aux caractères plus forts les uns que les autres, Roshario et Solomon étaient ceux qui se complétaient le plus.
Nothing. But I’d rather spend the holidays with your family anyway. Philip Heath Jacobsen
(LIP)
La bibliothèque de l’école était toujours remplie à cette période de l’année, et Roshario peinait à se concentrer sur le livre d’histoire de la magie qu’elle était en train de lire. Des dates, encore. Des batailles, toujours. Elle déchiffrait les mots sans pour autant retenir quoi que ce soit, tandis que du bout de sa baguette elle traçait des arabesques infinies sur la poussière qui s’était étalée sur la table. A ce rythme-là, elle était convaincue d’obtenir un splendide T à son BUSE d’histoire de la magie, même si son objectif restait quand même un petit P. Cette pensée lui donna presque envie de rire et il n’en fallut pas plus pour qu’elle se rende finalement à l’évidence, soupirant profondément avant de refermer le livre devant elle. Au même instant, elle reçut un morceau de papier et leva les yeux vers la personne qui venait de le lui lancer, croisant le regard enjoué de Michaela.
Don’t worry, you can still check out my answers. Roshario sourit et leva les yeux au ciel, profitant du moment pour attraper un autre livre de la pile qui trônait juste à ses côtés, et l’ouvrant à une page au hasard avant de se replonger dans sa lecture. Ou plutôt de tenter de se replonger dans sa lecture. Elle était cette fois passée à un livre d’astronomie et même si le sujet semblait déjà un peu plus intéressant, la tâche restait laborieuse et rien ne semblait rentrer dans sa tête. Toutes ses pensées étaient centrées sur la finale de quidditch qui approchait à grands pas et sur son envie irrépressible d’hériter de l’insigne sacrée de capitaine pour l’année à venir. Elle se fichait pas mal de toutes ces lectures et de tous ces examens car elle savait que sa place n’était pas à Poudlard. Son avenir était déjà tout tracé : après ses ASPIC, elle ne poursuivrait pas ses études et se focaliserait sur sa vraie passion. Elle rejoindrait l’équipe des Canons de Chudley et se donnerait quelques années avant d’en devenir capitaine. A côté de ça, elle gagnerait une coupe du monde de quidditch (ou peut-être deux) en jouant pour l’Angleterre. Elle rendrait son insigne une décennie plus tard pour se focaliser sur sa vie personnelle et aurait plein d’enfants – au moins cinq – très probablement avec un joueur de quidditch également. Et de toute évidence, ce n’était pas en restant assise dans la bibliothèque du château à lire ces livres qui ne l’intéressaient pas que les projets de la jeune lionne se réaliseraient.
Comme sa propre mère à son âge, Roshario avait tout planifié à l’année près, mais elle ne se doutait pas un instant que sa vie prendrait un tournant inespéré.
Look, he’s one of them. La jeune sorcière leva le nez de son bouquin pour écouter la conversation de ses voisins de table, tout était de toute façon plus intéressant que les révisions.
Another mudblood, disgusting. C’était deux élèves de Serdaigle qu’elle ne connaissait que parce qu’elle avait des cours en commun avec eux mais Roshario avait décrété depuis longtemps – sa première année sans doute – qu’elle ne les aimait pas. Et les propos qu’ils tenaient à cet instant étaient d’ailleurs la raison pour laquelle elle ne cessait d’entrer en conflit avec eux.
Elle avait eu envie de les ignorer et son regard fut cette fois attirée par un autre élève qui passait juste à côté de leur table : un gryffondor de quatrième année que Roshario connaissait, il fut un temps.
Son regard croisa celui de Philip et elle sentit les battements de son cœur accélérer comme à chaque fois que leurs chemins se croisaient. Sa main se leva au même instant dans l’espoir de le saluer tandis que son visage s’illuminait sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte. Mais Philip lui tournait déjà le dos sans un regard, sans un sourire vers son amie d’enfance qui laissa retomber lourdement la main sur la table. C’était ainsi depuis plus de trois ans et malgré le refus presque catégorique de Philip de lui adresser la parole, Roshario continuait d’espérer qu’un jour, il se retourne. Qu’un jour, il lui sourit. Qu’un jour, il lui prenne la main. Ils avaient changé, tous les deux, depuis qu’ils s’étaient rencontrés pour la première fois lorsqu’ils n’étaient qu’enfants mais quand elle posait son regard sur Philip, ce n’était pas le sorcier plein de rancune à son égard qu’elle voyait, c’était le garçon avec qui elle arpentait les rues de Godric’s Hollow avant de se perdre dans les champs à l’extérieur du village, celui qui l’appelait Ro, celui qui existerait toujours dans ses souvenirs comme le moldu innocent qui avait marqué son enfance, avant que le monde sorcier ne le marque lui-même à jamais.
You’re right it’s disgusting, they are everywhere.Le poing de Roshario s’écrasa soudainement contre la table, et elle se retourna brusquement vers les deux élèves qui ne semblaient pas avoir remarqué que tout le monde pouvait les entendre.
Why don’t you shut your fucking mouth, or I’ll smash your head against the table.Elle était énervée, et comme à chaque fois qu’elle était énervée, elle ne contrôlait ni ses réactions, ni ses gestes, ni ses paroles. Ils ne dirent plus rien, malgré le regard défiant de Roshario qui espérait presque qu’ils continuent afin de se donner une bonne raison de passer à l’acte. Elle ne mentait pas, elle était prête à se lever pour exécuter ses menaces dans le seul but de les faire souffrir autant, si ce n’est plus, que leurs paroles pouvaient être douloureuses.
Roshario ne savait pas pourtant si c’était vraiment leurs paroles qui avaient provoqué une telle réaction de sa part, ou la personne à qui elles étaient destinées. Ou peut-être le savait-elle mais elle n'osait tout simplement pas se l’avouer. Philip avait une emprise sur elle qu’elle-même ne comprenait pas car malgré la haine qu’il semblait éprouver à son égard, elle n’avait jamais cessé de lui faire comprendre qu’elle était là, malgré tout. Et que lorsqu’il serait prêt à lui pardonner, elle serait là également. Il avait fallu une seule année – sa première année à Poudlard – pour creuser un gouffre entre eux et elle ne savait pas combien d’années suffiraient pour le combler mais elle était prête à attendre, encore. Elle était prête à faire des efforts, encore. Elle était prête à cacher sa peine et continuer de panser les blessures qu’il lui infligeait si tout cela voulait dire qu’un jour, ils seraient à nouveau amis car Roshario avait toujours cru au destin et d’une manière ou d’une autre, Philip faisait partie du sien.
C’était la seule chose qui pouvait expliquer leur rencontre alors que tout les opposait.
C’était la seule chose qui les avait réunis lorsque Philip se découvrit sorcier.
C’était la seule raison pour laquelle son cœur battait un peu plus vite, parfois.
Et la seule raison pour laquelle elle ne cesserait pas d'attendre, même si cela devait prendre une vie entière.
Leviathan Mingan Melchior Leavitt Faust
(LEVI)
Il y avait un air de famille. Subtile, certes. Mais Roshario le voyait, et à ses yeux, c’était bien plus que suffisant. Quand il fronçait les sourcils pour se concentrer davantage sur ce qu’il faisait, elle avait l’impression de retrouver la même expression qu’elle connaissait si bien pour l’avoir vu des centaines de fois sur le visage de sa mère. Il y avait son accent aussi, et le choix de ses mots, de ses tournures de phrases. Il lui arrivait de parler en énigme, évoquant des contes et légendes qu’elle ne connaissait que parce que sa mère les lui avait racontées un jour, il y a si longtemps. Elle l’observait de loin, cet oncle qu’elle côtoyait si rarement tandis que d’autres sorciers venaient lui présenter leurs condoléances l’un après l’autre. Elle ne répondait que d’un air distrait car elle n’avait pas envie d’être là. Elle l’avait dit et redit mais on avait cessé de lui répéter qu’elle finirait par regretter de ne pas avoir assisté aux obsèques de ses parents. Le seul regret qu’elle avait à cet instant était de ne pas avoir pu arracher à mains nus le cœur du mangemort qui avait mis fin à leurs jours. Ce n’était qu’une question de temps, de toute façon : elle le retrouverait, et il le paierait. Une main vint se poser sur la sienne qui tremblait alors qu’elle avait été à deux doigts de renverser le verre qu’elle tenait. Elle sourit timidement à sa grand-mère qui lui lança un regard plein de compassion et malgré tout l’amour que Roshario portait pour elle, elle ne put s’empêcher de faire un pas de côté car elle ne supportait plus de voir tous ces visages pleins de pitié. Elle posa alors son verre sur une table et s’avança vers la personne qu’elle avait observé pendant un long moment, s’arrêtant juste face à lui.
Elle se souvenait vaguement de la première fois qu’elle avait rencontré Leviathan. Roshario avait six ans, peut-être sept, et la première impression qu’elle avait eue de lui était qu’il était
bizarre. Elle avait été trop jeune à l’époque pour mettre un mot sur le comportement de son oncle et elle savait aujourd’hui que ce qu’elle avait considéré comme étrange n’était en réalité que du charisme. Car Leviathan était incroyablement charismatique et c’était sans doute pour cela qu’elle se sentait à la fois intriguée et intimidée par cet homme. Elle avait envie de prendre exemple sur lui mais en même temps, elle n’était pas certaine de trouver un quelconque bonheur dans le mode de vie de Levi. Elle était une lionne entourée de sa horde, et de ce qu’elle pouvait en déduire, il était un loup solitaire. Elle ne l’avait jamais vu en compagnie de qui que ce soit et en savait en réalité très peu sur lui. C’était une chose qu’elle avait regretté pendant plusieurs années et qu’elle regrettait encore. Mais maintenant que sa mère était morte, Roshario avait comme l’impression qu’il était la seule personne qui pouvait encore la rattacher au souvenir de Fairuza.
Are you leaving ? Trop habituée à partager en permanence ce qu’elle ressent, Roshario n’avait aucun talent pour lire les émotions sur le visage des gens. En revanche, on pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert et l’espace d’un instant, elle eut l’impression de voir ses propres émotions se refléter sur le visage de Leviathan.
See you, kiddo. Il tourna les talons et disparut dans l’embrasure de la porte tandis que Roshario resta là, immobile.
Elle avait à nouveau sept ans et se trouvait dans le jardin de ses grands-parents où Leviathan venait de lui rendre visite pour la première fois. Elle l’avait forcé à faire une partie de quidditch avec lui et sautait dans tous les sens, surexcitée à l’idée de pouvoir lui montrer de quoi elle était capable. Elle le tirait par la main pour l’obliger à la suivre alors que Tris lançait un souafle en direction de la tête de Roshario. Elle l’évita de peu et fit un pas en avant, crachant un juron, puis lui relança le souafle sans pitié. L’altercation ne dura que quelques secondes et elle se retournait déjà pour reprendre la main de Levi, mais ce dernier était déjà retourné en direction de la maison.
See you kiddo.Il tourna les talons et disparut dans l’embrasure de la porte tandis que Roshario resta là, immobile.
Bye. Caden Evander Batraz Yaxley Brown
(UNCLE CAD)
Got it, Roshario ? La voix de Caden était grave et autoritaire, loin de celle des souvenirs que Roshario avait de son oncle. Il n’était pas comme ça, avant. Il avait toujours eu un côté dur qu’il dissimulait derrière un sourire charismatique et une certaine posture qui inspirait confiance, mais Roshario ne l’avait jamais connu ainsi car il n’y avait qu’avec ses propres fils que Caden se montrait plus exigent qu’il ne le devrait. Petits déjà, ils avaient compris que leur père n’était pas facilement impressionnable et qu’ils allaient avoir besoin de remuer ciel et terre s’ils désiraient la reconnaissance de ce dernier. Caden pensait faire bien mais il ne s’était pas attendu à ce que son exigence nourrisse un esprit de compétition déjà important entre ses fils, et les liens de fraternité qui étaient censés les unir s’étaient peu à peu transformé en une rivalité presque malsaine. Et Roshario n’était pas en reste, propulsée dès son enfance dans ce grand challenge, elle avait grandi en suivant l’exemple de ses cousins et elle désirait, elle aussi, impressionner son oncle qui était presque le pilier de leur grande famille, malgré les moqueries permanentes de son frère, Leonhard. Caden avait toujours été cet oncle que Roshario idolâtrait peut-être un peu trop tandis que lui-même la plaçait sur un piédestal, sans qu’elle sache que son unique but était de mettre ses fils dans l’embarras. Lors des repas de famille, il était celui qui imposait son regard clivant sur la société, celui qui avait les idées les plus extrêmes, celui qui faisait rire tout le monde car en réalité personne ne le prenait réellement au sérieux. Il critiquait le ministère de la magie tout en y tenant un poste haut placé, il se revendiquait porte-parole des opprimés tout en ayant le sang plus pur de tous. Son existence même était une contradiction et quelque part, c’était ce qui le rendait aussi
Brown. Il ressentait avant de réfléchir, et c’était son cœur qui l’avait toujours guidé, peu importe que ce soit sur la bonne ou sur la mauvaise voie. Roshario lui ressemblait sur de nombreux points, elle aussi stéréotype d’une gryffondor qui compensait son manque de confiance par une témérité nocive. Et il l’avait vu, et il en avait profité. Elle n’était qu’un cliché, après tout. Il savait qu’il suffisait simplement d’évoquer l’Ordre du Phénix en sa présence pour qu’elle veuille les rejoindre, et l’esprit facilement impressionnable de sa nièce ferait le reste du boulot pour lui. Elle avait fini par rejoindre leurs rangs et écoutait son oncle comme s’il en était lui-même le chef : il pouvait lui confier n’importe quelle mission, il savait qu’elle l’exécuterait sans rien remettre en question. C’était un soldat, un bon petit soldat comme ils en avaient besoin et plus le temps passait, plus il cessait de la voir comme son propre sang alors qu’elle ne devenait qu’un outil de la résistance. Ce n’était pas une chose qu’il était prêt à admettre, pourtant. Il tentait de se convaincre qu’il ne faisait rien de mal et qu’au contraire, il rendait service à Roshario en lui confiant des responsabilités qu’elle était pourtant trop jeune pour assumer. Elle ne disait rien, elle ne se plaignait pas, et même si parfois il arrivait à Caden de percevoir un éclair de détresse dans le regard de sa nièce, il continuait de se convaincre que c’était pour la bonne cause et qu’il n’y avait pas d’autres solutions : chacun avait son rôle à jouer dans ce conflit. Certains étaient faits pour diriger. D’autres pour exécuter. Et tant pis si parfois il fallait en diriger certains vers leur propre exécution, aucun conflit ne se gagnait sans pertes et sans risques.
C’était ainsi qu’ils en étaient arrivés à la conclusion que malgré la présence de mangemorts à Poudlard, l’Ordre allait avoir besoin d’infiltrés au sein de l’école et Caden était prêt à envoyer sa nièce en première ligne sans la moindre hésitation.
Et alors qu’il terminait de lui expliquer sa mission, Roshario eut un pincement au cœur en pensant à ce qu’elle allait devoir laisser derrière elle, mais également à ce qui l’attendait à Poudlard. Une partie d’elle lui criait que c’était injuste, qu’elle venait à peine de retrouver Philip et qu’elle ne voulait pas avoir à le quitter à nouveau tandis qu’une autre partie qu’elle tentait de taire lui murmurait qu’elle n’avait pas le choix.
Et les murmures étaient plus forts que ses cris, car sa décision avait été prise depuis longtemps. Elle ne savait pas dans quoi elle s’embarquait mais c’était son devoir. Et si elle avait su à cet instant qu’en acceptant cette mission, elle acceptait également de se faire torturer physiquement et mentalement, sa décision serait la même.
Understood. Leonhard Felix Hercules Yaxley Brown
(LEON – dad)
Il y avait des souvenirs qu’elle n’oublierait jamais, et Roshario n’avait pas besoin de pensine pour s’assurer qu’elle se souviendrait toujours de celui de son père. Leonhard était mort depuis presque trois ans désormais, et l’orpheline qu’il avait laissée derrière lui était encore en deuil, et ne cesserait sans doute jamais de l’être. C’était ainsi que les choses devaient se passer, pourtant. La plupart des gens finissaient par enterrer leurs parents, mais ils avaient souvent une vie entière pour s’y préparer. Roshario, elle, n’avait pas été prête à dire adieu et sa tristesse s’était transformée en colère, et sa colère avait nourri son désir de vengeance qu’elle ne contrôlait presque plus. Parfois, il lui arrivait de se demander s’il pouvait la voir, s’il était fier d’elle. Et parfois, elle avait honte, car elle savait que Leonhard ne l’avait pas élevée pour être emplie de rancœur, et que son seul désir était de la voir heureuse, de la voir paisible. Mais elle avait été privée de ce luxe depuis longtemps déjà, et malgré son énergie et son enthousiasme contagieux en permanence, Roshario ne savait plus réellement ce qu’être heureuse signifiait vraiment. Pourtant, elle avait beau se retrouver noyée par toutes ces émotions négatives qui ne lui ressemblaient pas, Roshario parvenait toujours à se rattacher à ces souvenirs qui lui rappelaient qu’un jour, elle avait été heureuse, un jour, elle avait été innocente, insouciante. Tous ces souvenirs commençaient par le visage de son père dont elle n’avait rien hérité, et qui l’aimait tout de même car elle était le trésor le plus précieux qui existait à ses yeux. Roshario aimait revendiquer qu’elle était une
Brown avant d’être quoi que ce soit d’autre et son dévouement pour ce qui n’était finalement qu’un nom de famille avait souvent eu tendance à amuser son père. Elle n’avait pas hérité du blond de leurs cheveux, du bleu de leurs yeux, ou même de la pureté de leur sang et sur de nombreux points, elle ressemblait bien plus à Fairuza qu’à son côté paternel. Ce que Roshario percevait comme un manque à combler pour être digne de sa famille, Leonhard le voyait comme une certaine bénédiction car il avait beau avoir porté son nom avec fierté jusqu’à sa mort, il n’avait jamais été aveugle face aux problèmes de sa famille. Cela commençait par son jumeau qui avait abandonné son fils que Leonhard avait élevé comme le sien. Mais c’était aussi Caden qui prétendait soutenir une cause noble alors qu’il ne servait en réalité que ses propres intérêts. C’était leur sang pur qu’ils présentaient comme un pur fruit du hasard mais qui leur fournissait tout de même des privilèges qu’ils ne refusaient pas. C’était ce culte de Godric et de sa maison qui faisait naître en eux une certaine arrogance dont Leonhard avait toujours eu honte. Oui, la famille était importante aux yeux de tous les Brown, et c’était pour cette raison que sa petite sœur avait été bannie dès lors qu’elle avait montré des intérêts différents de ceux qu’ils partageaient. Il s’était battu contre cette hypocrisie secrète toute sa vie, rêvant parfois de se détacher lui-même du reste de sa famille mais n’ayant jamais trouvé la force de le faire. Alors il espérait que sa fille soit différente, et lorsqu’il plongeait son regard dans le sien et qu’il se perdait dans ses iris sombres, il y croyait, et il souriait. Et c’était ce sourire toujours plein d’espoir qui s’était imprégné dans la mémoire de Roshario. Malgré sa mort survenue trop tôt, Leonhard avait fait son devoir de père et même si sa fille ne le voyait pas encore, elle comprendrait avec le temps que même si l’absence de ses parents l’avait désarmée, elle n’était pas complètement impuissante face au reste du monde. Ils l’avaient élevée en faisant en sorte qu’elle fasse confiance en son propre jugement et il ne lui restait plus qu’à trouver le courage de le faire.