«
Gayle ? Gayle ! Reviens ici chenapan ! »
Trop tard, le petit bonhomme était déjà parti, galopant en se prenant pour un chevalier sur sa monture. Marie-Louise l’avait déjà perdu dans la petite foule compacte de la petite église dans laquelle, son père, lui et Marie-Louise étaient venus assister à la messe. Gayle Grayson, du haut de ses cinq ans, n’aimait pas trop aller à la messe, surtout qu’ici, il ne comprenait pas grand-chose. C’était bizarre, son père et Marie-Louise lui parlaient en une langue mais dehors, on en parlait une autre. Mais alors à la messe ! Qu’est-ce que c’était long ! Lui, il avait envie de s’amuser et surtout de sympathiser avec d’autres enfants. Alors quand ça c’était terminé, il avait décidé de s’en aller et de courir après la fille à la barrette rouge et son petit frère.
Marie-Louise, elle, était toujours à la recherche du petit Gayle Grayson dont elle s’occupait quand Garnett n’était pas forcément disponibles. Comme tous les dimanches, ils allaient à la messe et comme tous les dimanches, Gayle en profitait pour se faire la malle. Évidemment, Marie-Louise savait parfaitement ce qu’il allait faire. C’était devenu tellement habituel qu’elle était déjà en train de zieuter tous les enfants qu’elle pouvait avoir autour d’elle. S’il y en avait deux identiques c’est que. Gayle était l’un d’eux. A tous les coups, il avait choisi une femme en apparence seule avec son enfant.
«
Gayle Grayson ! Reviens ici ! » s’exclama Marie-Louise.
«
Ne me dîtes pas qu’il a encore filé, Marie-Louise. » dit Garnett Grayson.
«
Si, monsieur. Un jour, il va vraiment finir par disparaitre ! » s’exclama la gouvernante, excédée.
«
Calmez-vous, Marie-Louise. On va le retrouver… » soupira Garnett qui se détachait déjà de la femme.
Garnett Grayson ne pouvait s’empêcher de faire preuve d’un calme olympien devant cette situation qui se répétait depuis trop de fois. Il avait pourtant essayé d’expliquer du mieux possible à Gayle que non, on ne pouvait pas prendre l’apparence d’un autre enfant pour avoir une maman. Mais l’enfant était têtu. Alors, Garnett se mit à la recherche de son fils. Ce fut alors qu’il vit un enfant tout seul commencer à se mettre à pleurer et appeler sa maman. S’approchant de l’enfant, Garnett s’agenouilla près de lui et le rassura.
«
Mais, Henry ?! Mais… » s’exclama une femme aux boucles blondes dont le regard s’était posé sur l’enfant. Elle tenait dans sa main la main d’un autre enfant apparemment identique à celui. Que Garnett avait trouvé. «
Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ?! »
«
Madame, je suis désolé, je crois que mon fils a pris l’apparence du vôtre. » annonça Garnett avec un sourire désolé alors que le Henry qu’il avait trouvé se jetta dans les bras de sa mère.
«
Mais non, c’est MA maman ! » s’exclama le gamin qui tenait la main de la femme. Aussitôt, sous le coup de l’émotion, de la colère et de la frustration, les cheveux de celui-ci changèrent pour prendre une teinte verte fluo.
«
Gayle, retransforme-toi s’il-te-plait. » dit Garnett Grayson à l’adresse de son fils d’une voix ferme.
Gayle reprit aussitôt son apparence sous le cri d’exclamation de la femme.
«
Désolé du dérangement, Madame. Gayle, excuse-toi auprès du petit garçon, veux-tu ? »
«
Je suis désolé. » dit Gayle avec une petite moue qui montrait qu’il allait se mettre à pleurer.
Prenant la main de son fils, Garnett l’entraina vers la voiture où Marie-Louise les attendait. Portant son fils jusqu’au siège, il l’attacha avant que celui-ci ne se mette à pleurer à chaude larmes.
«
Pourquoi moi j’ai pas de maman ? »
***
«
Écoute, tu restes sage, d’accord ? » lui demanda Marie-Louise qui se tenait en face de lui. «
Tu écoutes le prêtre et tu joues gentiment avec. La petite fille. »
Gayle boude. Il ne comprend pas pourquoi son père, Marie-Louise et lui, sont partis pour venir ici, à Rotterdam. C’est moche Rotterdam comme nom et puis il trouve que ça sent mauvais. Et maintenant on veut encore le faire rester ici ? Mais ça va être ennuyant ! Il avait protesté du haut de ses onze ans mais son père n’avait pas écouté. Occupé, il l’avait laissé entre les mains de Marie-Louise, et Marie-Louise le laissait maintenant entre les mains de ce prêtre. Personne ne voulait de lui, alors il boudait. Puis, en plus, il était persuadé que l’autre fille était méchante. Alors, il s’enfuit. Il n’a plus envie d’écouter Marie-Louise. Il court dans l’église et va se réfugier près de l’autel. Essayant de se cacher, il sursaute cependant en sentant un mouvement sous l’autel. Laissant échapper un cri de surprise, il vient sans faire exprès tirer sur le drap blanc qu’il y avait sur l’autel et vient faire tomber le verre de vin et le pain qu’il y avait sur la table pour la cérémonie de tout à l’heure.
Grimaçant parce qu’il sait qu’il va se faire gronder, Gayle sent sa grimace se crisper quand son regard tombe sur la petite fille qu’il y a sous la table que compose l’autel.
Elle est belle.
Elle a des cheveux blonds, on dirait des filaments d’ors.
Elle a des yeux bleus, on dirait deux océans turquoise.
Hoquetant de surprise et la bouche grande ouverte, Gayle ne se rend pas compte qu’il a les joues qui deviennent roses mais aussi ses cheveux. La petite avait quelque chose dans la main, mais avant que Gayle n’est eu le temps de dire quelque chose, elle partit. Il crût qu’il avait rêvé quand la voix de Marie-Louise, qui apparemment n’était pas contente s’exclama :
«
Mais enfin, Gayle ! Qu’est-ce que tu as fais ?! »
Elle semblait catastrophée et en colère, si bien que Gayle sentit ses cheveux devenir gris de culpabilité. Son regard tomba sur le drap et le vin par terre.
«
Ne vous inquiétez pas. Ca n’est pas grave. Gayle, je vois que tu as fait la connaissance d'Arsène Ne t’inquiète pas, elle va revenir tôt ou tard. »
***
«
Dis, cousin, t’as pas entendu parler d’une Arsène à Poudlard ? » dit-il en soupirant
Arsène ? Il n’avait même pas pu lui dire au revoir et ça le contrariait beaucoup. Il lui avait envoyé une lettre pour tout lui expliquer, lui raconter qu’il devait suivre son père qui avait à faire en France et qu’il n’irait pas, comme elle, à Poudlard. Il lui avait raconté qu’il serait probablement là pour les vacances si son père le laissait revenir. Mais il n’avait toujours pas eu de réponse. Alors, c’était le cœur un peu lourd qu’il entrait pour sa première année à Beauxbâtons. Il n’était pas rentré à Rotterdam finalement pour l’été, son père décidant de l’emmener avec lui en Espagne pour affaires. Puis, la deuxième année était arrivée, puis la troisième et finalement son père l’avait envoyé à Durmstrang parce qu’il devait vivre en Scandinavie pour y développer une succursale de son empire. Troisième, quatrième…. Puis enfin arrivait l’été de ses 15 ans. La nouvelle était tombée et Gayle l’avait accueillie avec beaucoup d’enthousiasme : il allait finir la fin de son cursus primaire à Poudlard. Il allait donc rejoindre ses cousins, Eliott, Oswald et Evelyn et probablement aussi, retrouver Arsène. Il avait envie de savoir ce qu’elle devenait. Il était aussi curieux de savoir si elle vivait encore à Rotterdam. Mais avant qu’Eliott n’est pu lui répondre, Gayle vit arriver dans son champ de vision, son père au bras d’une femme.
«
C’est qui elle ? » lâche l’adolescent boutonneux en mettant les mains dans les poches.
Il ne sait pas pourquoi mais il ne sent vraiment pas ce qui va arriver. Les sourcils froncés, l’adolescent de quinze ans s’approche de cet étrange couple.
«
Gayle, je te présente Ada. Ada, je te présente mon fils, Gayle. »
«
Enchantée, Gayle. Je suis vraiment heureuse de faire ta connaissance. » dit la femme. Sa voix lui est désagréable.
«
… » Il l’observe longuement. Elle n’a toujours pas lâché le bras de son père. «
Salut… » finit-il par dire, le visage fermé et les yeux sombres.
«
Est-ce que tu veux bien venir avec nous ? Nous avons quelque chose à t’annoncer. »
Gayle optempère mais il est renfrogné. Ada n’a toujours pas lâché le bras de son père. Ça le perturbe et il croit sentir ce qui va se passer. Quand ils s’isolent enfin dans le salon, c’est Ada qui s’approche de Gayle et lui prend les mains.
«
Ton père et moi nous fréquentons depuis quelques temps déjà… » commence Ada qui laisse pourtant échapper les mains de Gayle qui ne veut pas qu’on le touche. Jetant un regard un peu embarrassé à Garnett, c’est celui qui reprend :
«
Tu sais, la dernière fois, je t’ai demandé si ça te dérangeait si j’avais une autre femme dans ma vie. »
«
Ouais. » répond Gayle, nonchalant, remettant les mains dans ses poches.
«
Eh bien, je t’annonce que j’ai en effet une autre femme… » Un sourire se dessine sur les lèvres de Garnett qui prend la main d’Ada. «
et j’ai décidé de la demander en mariage. »
Gayle fixe le couple en face de lui. Longtemps. Trop longtemps. La nouvelle met un moment avant de parvenir jusqu’à son cerveau mais quand ce fut fait, il finit par dire :
«
C’était pas la femme de la semaine dernière, la femme de ta vie ? »
«
Quoi ? Quelle femme ? »
«
Ouais, celle avec une robe vachement courte, des cheveux blonds et un rouge à lèvre rouge pétant. Un peu bimbo… »
«
Gayle. »
La tension est palpable dans la voix de Garnett dont le visage s’assombrit. A côté de lui, Ada est devenue blanche comme un linge. Gayle, lui, affronte le regard de son père sans baisser le regard.
«
Ada et moi allons nous marier. Je voulais t’en informer le plus rapidement possible pour… »
«
C’est n’importe quoi… » commence Gayle avant de tourner le dos à son père et de sortir de la pièce, les cheveux noirs de jais, furieux.
***
Elle était belle, Edna. Elle avait des cheveux noirs de jais et des yeux d’un bleu océan hypnotisant. Il ne savait plus quand il était tombé amoureux d’elle. Peut-être était-ce quand elle l’avait humilié devant tout le monde à la fête qu’il avait donné. Peut-être était-ce quand il s’était rendu compte que son cœur battait à la chamade. Peut-être encore, était-ce quand elle était arrivée, l’avait embrassée sans qu’il ne demande rien et que les papillons dans son ventre s’étaient déclenchés. Elle était belle, elle était intelligente. Quand. Elle était dans les parages, Gayle Grayson se transformait. Son père avait remarqué le changement. Ils avaient essayé d’en parler, fumant le cigare tous les deux la première fois ensemble, assis dans le bureau de Garnett Grayson. Il se le rappelait bien Gayle. C’était étrange d’être dans ce bureau où il y avait trop de livres, trop de parchemins et un empire à gérer.
«
Est-ce que je peux te présenter Edna, demain ? » avait demandé Gayle, étonnament sérieux.
Garnett avait souris en coin.
Le lendemain, ce 1er septembre 1981, ils se trouvaient sur le quai du Poudlard Express. Edna était apparue, chevelure détachée et une robe d’été à fleur. Elle était belle et les cheveux de Gayle étaient devenus rose.
«
Papa, je te présente Edna. »
«
Enchanté, Edna, mon fils m’a beaucoup parlé de vous. » dit Garnett un sourire ravi aux lèvres alors qu’il tendait sa main à Edna.
«
Monsieur Grayson, enchantée moi de même. »
«
Edna ! »
Une enfantine qui s’élevait dans les airs, une bouille d’une jeune fille de deuxième année. Magda, la sœur d’Edna, était probablement agaçante et elle n’aimait pas trop Gayle parce qu’il lui piquait sa sœur. Le sifflet se fit entendre et on rentra dans le Poudlard Express avec ferveur, le cœur léger, les rêves plein la tête pour affronter cette nouvelle année scolaire. Ils partageaient cette cabine dans le dernier wagon du Poudlard Express.
Puis, le drame arriva.
Gayle réussit à contrer une valise qui lui fonçait dessus et menaçait de lui écraser les jambes. Sonnés mais allant miraculeusement bien, ils se rendirent compte que le train était étonnamment penché.
«
Il faut sortir d’ici…. » dit Edna, la peur dans la voix.
Lui-même n’en menait pas large. C’était impensable. On entendait des cris de douleur, de peurs, des pleurs de désespoirs. Une corde parvint finalement jusqu’à eux et Gayle passa en premier pour rattraper les filles en haut et les aider à sortir. Il n’eut pas trop de mal et bientôt cria en direction de la cabine où se trouvaient les filles :
«
A votre tour ! Edna, saute et je te rattrape ! »
Sur son épaule, Rollo était plus agité et silencieux que d’habitude. Edna monta la première et c’est avec force que Gayle la rattrapa pour la faire monter sur la partie non penchée des deux wagons. Deux mains les saisirent pour les obligés à sortir de là, l’ordre était clair : il n’y avait plus d’espoir pour les autres, les deux wagons allaient tomber.
«
Non, il reste encore Magda ! Je refuse de la laisser. ! »
«
On n’a pas le choix, Ed’. On va mourir avec elle sinon ! »
«
Non ! Lâche-moi Gayle ! LÂCHE-MOI ! »
Elle se débattait tellement qu’il eut du mal à la retenir et la sortir de force du train. Le cœur battant, au bord des larmes, le jeune homme parvint à sortir avec sa petite amie du train.
Le wagon tomba.
Sur le mémorial qui se trouvait dans le parc de Poudlard, un an plus tard, on pouvait y lire le prénom de Magda Rosenthal.
Edna et Gayle se quittèrent dans l’année même rongés par la culpabilité de la mort de Magda.
Edna ne parla plus jamais à Gayle.
Gayle ne tomba plus jamais amoureux.
***
Il était revenu.
Eliott Stuart-Crownwell était revenu d’entre les morts, avait survécu à un procès malgré sa condamnation.
La famille était en deuil.
Mais son cousin était bien rentré à la maison.
Gayle, dans son effervescence, heureux de le retrouver avait décidé de lui rendre hommage. Bientôt, il fut question d’une fête. Une fête qui à la base devait n’être qu’avec une dizaine de personne, jusqu’à ce que Gayle dise à Narcisse qu’elle pouvait ramener des amis à elle. Oh, ça ne fut pas réellement de la faute de Narcisse et jamais Gayle n’avait pensé une chose pareille. C’était en effet de sa faute à lui étant donné qu’à chaque fois qu’il reconnaissait quelqu’un, il demandait un sourire aux lèvres si untel allait bien et qu’il devrait venir ici.
Etait alors arrivé l’idée qui lui semblait bonne pourtant, d’allumer des pétards dans le jardin de la maison de campagne que son père lui avait gentiment prêté. Ca lui avait semblé être une idée lumineuse, lui, le Grayson avec sa cravate rouge et or sur sa tête, à chanter à tue-tête et boire à ne plus en avoir de palais. Alors, donnant une tape dans le dos à Eliott, Gayle s’était exclamé :
«
Couz’ on va allumer des pétards pour fêter ton retour. »
Il n’écouta pas Eliott et ses protestations. A la place, il se pencha sur les pétards qui étaient quand même plus gros que des pétards normaux. On lui avait dit que c’était parce qu’ils étaient magiques alors Gayle avait tout de suite accepté. En plus, avec le monde autour de lui qui le poussait, ça n’avait plus rien de dangereux, pas vrai ?
La maison avait littéralement explosé. Une des fusées magiques étaient venue se nicher sur la cuisinière et ça avait fait un feu d’artifice du tonnerre. Miraculeusement, personne n’avait été blessé. Mais impossible d’arrêter les feux magiques jusqu’au lendemain soir.
«
Maintenant CA SUFFI GAYLE ! »
Le visage rouge de colère. Les yeux tellement noirs que Gayle Grayson n’osait pour une fois pas la ramené. Le savon qu’il s’était fait passé par son père avait eu au moins le mérite de le faire taire mais quand son père lui avait dit qu’il était viré de la maison, il ne l’avait pas cru. Même sa belle-mère avait été choquée d’une telle décision. Pourtant., quelques heures plus tard, Gayle se trouvait dehors, assis sur un muret, son sac sur les épaules.
Hébété.
***
Ca faisait maintenant plusieurs semaines que Garnett Grayson avait coupé les vivres à son fils. Plusieurs semaines que Gayle squattait par ici ou par là.
Non, j’ai pas besoin de sous, mon père va changer d’avis, disait-il.
Non, ça va aller, répétait-il.
Sauf que non, ça n’allait pas. Il avait réussi à squatter chez des connaissances à lui jusqu’à ce que Narcisse s’était bien fouttue de sa gueule : il allait falloir prouver un peu de son sérieux pour revenir dans les bonnes grâces de son père quand même. Même Rollo qui n’était plus très bavard depuis les expérimentations qu’il avait subi le lui disait.
«
Bah écoutez, je peux faire payer les jolies filles avec mon sourire, M’sieur. Et les mecs aussi. Et je suis costaud, je peux porter les trucs lourds si vous avez besoin. » avait-il dit, nonchalant pour essayer de se faire pendre comme serveur aux Trois Balais.
Le patron ne l’avait pris. Que parce qu’il n’avait vraiment personne.
Ca le faisait chier, Gayle. Il n’aimait pas ce job. Ca couvrait à peine le loyer et Gayle avait un peu de mal avec le ménage dans sa garçonnière. Forcément quand il vivait encore chez son père, le ménage était fait à sa place.
Mais ce soir-là, il faisait son service comme d’habitude quand son attention fut attirée par deux hommes.
«
Je suis sûr que ça rapporterait un paquet de gallions les combats entre patronus. Beaucoup n’aiment pas ça. »
Sa conscience lui avait dit que c’était une mauvaise idée. Mais il avait déjà le business plan dans sa tête, le lieu, l’apparence, le pseudo.
Alors pourquoi pas ?