Confortablement blottis dans sa robe de chambre, Ludovic savourait un petit instant paisible assis dans l'une des salles d'attentes de Ste Mangouste. C'était un de ces jours bénis des Médicomages où peu de choses se passaient et où les couloirs de l'hôpital semblaient pratiquement vide. Enfin, considérez par vide le fait que chaque patient pouvait se retrouver avec un guérisseur sans que celui-ci soit dans l'urgence ou que le premier ait attendu durant trois heures. Trouver une seule journée parfaitement tranquille dans un endroit pareil relevait du miracle, tout grouillait toujours de vie plus en moins en bon état. Cette fois donc, avec des salles d'attente à moitié vide et des médicomages tous occupés avec un seul patient à la fois, l'endroit semblait un véritable petit havre de paix, mais peut-être était-ce seulement le service dans lequel il se trouvait qui se montrait relativement désert.
Feuilletant les pages d'un magazine, l'échevelé passait en revue les mêmes interminables recettes de cuisines ou conseils de modes qu'il connaissait par coeur à force. C'était quelque chose qu'il trouvait bien dommage dans les environs, ce manque cruel de littérature et d'occupation. C'était en soit déjà une grande chance qu'il puisse se promener un peu pour se changer les idées sans être toujours obligé de rester enfermé dans la salle 49 avec les autres malades mentaux. Là bah, l'ennui était monnaie courante, tandis qu'ici au moins, on pouvait faire semblant de passer le temps.
La lecture n'était pas tellement la chose qui l'intéressait aujourd'hui, même s'il était toujours agréable de faire une petite pause de temps en temps. S'il était descendu de son quatrième étage ce jour-là, c'était surtout pour regarder les passants. Ces êtres humains normaux qui n'étaient pas fous ou atteints de séquelles magiques incurables et qu'on ne considérait pas comme tel. Une population étrange de biens portants, de patients presque indemnes, de visiteurs et de médicomages qui allaient et venaient devant lui sans trop lui accorder d'attention. Cela, c'était bien la chose la plus amusante qu'il devait y avoir à faire dans le coin. Observer les autres, se demander d'où ils venaient, d'où ils allaient, les raisons pour lesquelles ils se retrouvaient ici... Alors certes, pour certains – comme ce sorcier avec un bras en porte-manteau – les réponses pouvaient être assez faciles à trouver, mais même les cas les plus simples pouvaient se révéler surprenants. Evident par exemple qu'un sorcier griffé par un murlap enragé n'allait pas rester chez lui en attendant que ça passe, mais comment en était-il venu à rencontrer ce dit murlap ? Là était toute l'histoire.
Il y avait un autre sport aussi que Ludovic appréciait bien, réservé cette fois-ci à quelques privilégiés, c'était de s'inventer des histoires en piochant dans toutes celles qu'il avait sous les yeux. Un hobbie pas très clair ? Petite démonstration. Levant les yeux de son magazines, l'échevelé s'appliqua à croiser le regard d'un des passants, y concentrant son attention jusqu'à percevoir l'un des mots ou des phrases qui tournaient dans sa tête. "Franchement chérie..." le passant tourna le dos, sortant du champ de vision du legilimen qui se mit à en fixer un autre "Si je n'avais pas...", Ludovic tourna les yeux en direction d'un médicomage "avec un peu de crème peut-être", encore un autre, une femme, "Beau", "regardez comme", "mon fils est", un dernier, "Je me ferais bien du poulet".
"Franchement chérie, si je n'avais pas regardé comme notre fils est beau avec un peu de crème, je me serais bien fais du poulet".
Ludovic sourit. Baissant de nouveau les yeux sur son magazine en attendant que les victimes de son petit jeu se retournent ou se renouvellent. Voilà, ça, c'était rigolo, et difficile qui plus est. Il fallait être réactif, avoir la vision sûre et, surtout, être capable d'attendre parfois longtemps pour avoir suffisamment d'éléments de phrases pour que cela en vaille la peine. Souvent, cela tombait à l'eau et le sorcier se retrouvait avec des phrases sans queue ni tête ou bien avec soixante adverbes à trier, mais c'était un challenge qui lui plaisait. Tournant un peu les pages de son magazines pour toujours avoir l'air occupé, Ludovic attendit encore un peu avant de reprendre son petit sport, choisissant une nouvelle source au hasard. "Mais où est-il ?".
— Vous cherchez quelque chose ? demanda-t-il au nouveau venu, faisant à nouveau comme s'il s'intéressait à son magazine.
Mes doigts tripotent nerveusement les rebords du parchemin froissé alors que mes iris parcourent une nouvelle fois l’écrite fine d’Icare. Dernière vérification inutile de la date qui correspond bien à celle d’aujourd’hui. Pourquoi moi ? Je ne saurais dire, mais la réalité est bien là, couchée devant mes yeux, à l’encre noire. C’est moi, cousine aux milles griefs, qu’il a sollicité pour venir le chercher. Après de longues semaines de convalescence, témoins de la gravité de ses blessures, voilà enfin que les permissions de liberté sont accordées. Je n’ose imaginer l’état dans lequel il doit se trouver aujourd’hui. Excitation ou angoisse ? Alors que la vieille cabine rouge descend dans les entrailles de la terre vers les boyaux bruyants de l’hôpital magique, mes souvenirs liés à ce cousin tout juste plus âgé refont surface. Ce visage laiteux, ces regards sombres et lointains, sans cesse perdus dans des pensées troubles insondables. Et pourtant si droit et cru dans ses réflexions. Si réaliste quand il n’est pas dans des strates de pensées où l’on ne peut le suivre. Lui et son corps meurtri par l’accident du Poudlard Express. Lui a l’esprit torturé, atteint par les vapeurs délicates des drogues. Mensonges et vices pourtant cruellement cachés par ses sourires énigmatiques et ses silences observateurs. Pourtant nous avions fini par savoir. Trop d’amis, de connaissances, les murmures des rumeurs dans les couloirs, les noms, les souffles qui embrasent les étincelles. Le vent de la vérité avait soufflé jusqu’à mes oreilles il y a quelques temps déjà. Que lui était-il arrivé ces dernières années ? Le savais-je vraiment ? Qui suis-je pour le juger ? Nous avons tous cherché à nous retirer dans une chose ou une autre, pour survivre, pour endurer, pour supporter. L’adrénaline de la violence ma drogue. Les potions la sienne. Etions-nous aussi différents que je voulais le prétendre à une époque ? Surement pas. Les nouvelles de son attaque avaient marqué si durement mon âme que je ne peux me laisser croire que ce n’est qu’un cousin de plus. Un frère d’un autre si profondément détesté aujourd’hui.
Les portes s’ouvrent et l’odeur singulière du lieu s’engouffre dans mes narines. Je plisse instinctivement les paupières, cherchant à oublier rapidement les images de mes précédentes visites dans l’hôpital. A mes côtés la louve frémis délicatement avant de s’ébrouer largement et de se mettre à trottiner lunatique autour de moi, humant les milles odeurs des couloirs qui s’offrent devant nous avec une avidité enfantine. Un soupire soulève ma poitrine tandis que mes mains rangent pour de bon le parchemin écrit de la main d’Icare dans une des poches de ma veste en coton léger. Sans même accorder un regard aux autres corps que je croise je prends la direction de la chambre de mon cousin. Ce chemin je l’ai parcouru plusieurs fois ces dernières semaines, je connais le dédale des couloirs et des escaliers presque par cœur si bien que je n’ai aucun mal à me diriger dans la bonne direction, passant d’un couloir à un autre, traversant une salle d’attente, puis une autre, encore un escalier, tourner à droite, monter des étages, bifurquer, traverser encore des salles d’attente emplies de sorciers aux maladies ou accidents parfois plus étranges les uns que les autres. Entièrement tournée vers le but de ma visite je ne prends pas garde aux accoutrements spécifiques de certains patients, les robes de chambre de certains, les allures dépareillées d’autres m’indiquent plus clairement que les nombreux panneaux d’information les services que je traverse avant de rejoindre la chambre d’Icare. Dans mon esprit les idées vibrent, nombreuses, tournées vers les interrogations diverses concernant ce choix étrange de ma présence plutôt que celle de son frère ou même de Saul auprès de lui pour le jour de sa sortie. Bonne ou mauvaise chose ? Comment savoir. Au fur et à mesure que mes pas me rapprochent de sa porte, l’angoisse s’infiltre de plus en plus dans les cavités de mon esprit. Tant et si bien que la louve polaire vient léchouiller doucement mes premières phalanges dans un geste doux et joueur à la fois. Elle cherche à me rassurer, avec ses gestes, cette nouvelle présence avec laquelle j’arrive à composer, mais dans l’étrangeté la plus complète. Elle semble si joueuse, si heureuse des petites choses, que je la regarde souvent sans comprendre le lien entre son caractère et le mien. Mais loin de la rage qui m’habitait la dernière fois, lors de la première peste, c’est de la tendresse touchée que j’éprouve pour cette nouvelle vie qui s’ébat à mes côtés. Furtivité lupine. Désire sociale de la meute.
Mon poing frappe doucement contre le battant de la porte de la chambre. Le cœur battant, j’attends une réponse qui ne vient pas. Nerveusement je croque les commissures de mes lèvres, soudainement trop tendue par l’inhabituel silence qui se dégage de la porte fermée. Mon regard glisse vers la louve qui me répond d’un regard profond d’un éclat bleu profond. Délicatement elle pousse ma main de son museau humide vers la poignée. Pour la première fois mon patronus semble vouloir se montrer plus téméraire que moi. La situation cocasse m’arrache presque un demi sourire et sans hésiter d’avantage je tourne la poignée pour me retrouver face au vide d’une pièce encore récemment habitée. Si la peur de la mauvaise blague de sa part rongeait secrètement mon esprit, la présence de son sac de voyage en plein milieu du lit me rassure. Mes épaules se détendent même sensiblement, rassurée de n’être pas le larron d’une farce qui aurait été d’un goût plus qu’âpre de sa part. Surtout venant de lui, ce Icare mystérieux, jusqu’à présent pas si connu, mais que je commence tout juste à découvrir, affermie par une maturité qu’il me manquait sans doute auparavant auprès de lui. Rapidement je fais le tour de la chambre du regard tandis que la louve n’a pas attendu pour s’engouffrer dans un trottinement bruyant de ses griffes contre le sol. Son nez furette partout, s’attarde sous la porte des sanitaires, avant de repartir, bredouille. Aucun doute, Icare n’est pas là. Je lève les yeux au ciel, ne pouvant m’empêcher de protester contre la ponctualité défaillante du cousin. Après avoir attendu plusieurs minutes et vérifier une fois de plus l’heure à mon poignet et sur le parchemin, je décide de faire demi-tour et d’aller errer du côté des salles de repos. Peut-être l’envie d’une petite boisson fraîche l’a saisie et qu’il est allé aux distributeurs assouvir son envie subite ? Allez savoir. Dans tous les cas mes meilleures chances sont les couloirs, et espérer croiser un médicomage ou quelqu’un qui en saurait peut-être un peu plus sur cette mystérieuse absence.
Mon pas est moins rapide que toute à l’heure, mon regard se promène un peu plus à droite et à gauche, sautant de visage en visage, de pathologie en pathologie. Faussement convaincue de réussir à trouver les traits d’Icare dans les sorciers présents dans les salles d’attente, lorsqu’une question perle jusqu’à mes oreilles. « Vous cherchez quelque chose ? » L’interrogation est tellement proche de ma propre pensée que je ne peux m’empêcher de la prendre pour moi et de répondre avant même de me retourner vers l’origine de la voix. « Quelqu’un plutôt que quelque chose, vous pouvez me renseigner peut-être ? » Je réalise mon erreur mon regard parvient enfin jusqu’à l’homme assis en face de moi, robe de chambre et magazine de cuisine entre les mains. « Excusez-moi, je pensais que c’était un infirmier qui me posait la question. » Repris-je immédiatement d’une voix déjà presque lointaine alors que mon attention se détourne à nouveau. Et avant même d’avoir réellement attendu une réponse je commence à me remettre en mouvement vers la sortie, à la recherche d’un potentiel indice concernant l’emplacement d’Icare.
Ludovic afficha un petit sourire, refermant son magazine, tout à fait ravi d'entendre ces quelques petits mots familiers. Bien sûr qu'il pouvait aider.
— C'est presque pareil, assura l'échevelé alors que la jeune femme s'excusait de l'avoir pris pour une infirmier. Je fais des remplacements souvent.
La jeune femme ne semblait pas du tout s'intéresser à lui, elle commençait même déjà à s'en aller sans vraiment le regarder. Bien décidé à ne pas laisser passer l'occasion, le français laissa tomber son magazine sur la pile qui trônait à côté de lui, se propulsant hors du fauteuil pour suivre la nouvelle venue, assez vite pour la rattraper, mais pas trop non plus, histoire de ne pas paraitre pour plus malade mental qu'il ne l'était.
— Vous cherchez quelqu'un alors ? demanda-t-il, se faufilant à côté de l'inconnue, sans prêter grande attention au loup qui lui barrait le chemin, pour se mettre devant elle et la fixer dans les yeux, les siens légèrement plissés. Un... cousin peut-être ? Vous avez quelque chose de familier avec un patient que j'ai déjà vu... poursuivit-il, les yeux toujours légèrement plissés. Icare ! trouva-t-il enfin. C'est bien ça ?
Ludovic s'arrêta devant la jeune femme, lui coupant la route quelques pas plus avant, croisant ses mains dans son dos avec l'air de quelqu'un qui sait tout et vous non.
— Je me disais bien... reprit-il, tout à fait ravi d'avoir quelqu'un de nouveau à qui faire la conversation. Je me disais bien que vous aviez un petit air de famille avec lui. Il doit sortir aujourd'hui par vrai ? Le petit veinard ! Je le sais, j'aime bien me tenir au courant des sorties. Des entrées aussi, mais bon, les entrées c'est plus compliqué.
Il laissa filer un petit temps, se glissant légèrement de côté pour libérer de nouveau le passage à la jeune femme, s'appliquant à sembler aussi poli et inoffensif que possible. Les gens pouvaient se méprendre si facilement.
— Il est en salle d'examen, expliqua-t-il, son ton plus posé et sérieux comparé à son enthousiasme précédent. Petite consultation avant sa sortie histoire de s'assurer que tout va bien. Je l'ai vu passer il y a quelques minutes avec une médicomage, indiqua-t-il en pointant du pouce une direction par dessus son épaule. Vous pouvez attendre là-bas si vous voulez, mais le personnel ici n'aime pas trop quand on encombre les couloirs alors vous feriez mieux de vous installer en salle d'attente, surtout que, parfois, ça peut durer un moment. Allez vous prendre un café, conseilla le français en indiquant une autre direction de l'index, totalement à l'opposé. Les secrétaires en ont. Et puis si vous voulez, vous pourrez toujours attendre avec moi, je n'ai rien à faire de la journée alors si vous cherchez quelqu'un à qui parler ça ne me dérange pas, il hocha brièvement la tête, comme pour approuver le fait qu'il n'ait rien oublié et commença à repartir s'asseoir dans son fauteuil, se tournant une dernière fois vers la jeune femme pour lui lancer rapidement :
— En tous cas, quoi que vous décidiez, prévenez-moi quand vous aurez trouvé ce que vous cherchez.
Alors que je m’écarte déjà, l’esprit tourné vers des idées diverses et variées afin de trouver rapidement quelqu’un qui serait en mesure de me renseigner au plus vite, la voix d’un homme vient se glisser jusqu’à mes oreilles. Si je ne prête pratiquement pas attention aux premiers mots, la question suivante me fais prestement tourner la tête en direction du patient dont le corps s’est faufilé près du mien sans le moindre ménagement. Une expression de surprise glisse le long de mes traits alors que le loup blanc vient trottiner presque entre ses jambes, la truffe plongée dans le reniflement de ses chevilles. Il ne se gêne pas moins pour venir se planter devant nous, son regard clair plaqué sur mon visage dans une expression plissé qui éveil immédiatement une certaine réticence de ma part. Ce sentiment s’exprime largement par un sourcil haussé au-dessus d’un éclat perçant de mes iris émeraudes. « Non mais qu’est-ce qu’il fait celui-là… » murmure mental lancé à un patronus qui se contente de renifler de plus belle l’inconnu qui se dresse devant nous. Un homme à l’air singulier, vêtu d’une robe de chambre, témoin d’autant plus flagrant de sa condition de patient au sein de l’hôpital. Un soupire soulève déjà ma poitrine alors que je ne songe à rien d’autre qu’un de ces sorciers au cerveau partiellement endommagé par un sortilège raté, ou bien par des causes moins sympathiques. Mais le soupire est soufflé avant même d’être parvenu à son terme par la remarque de l’homme que rien ne semble vouloir empêcher de parler à de parfait inconnu. Ses yeux toujours plissés il marmonne, semble chercher, trouve et lance un « Icare » presque vainqueur qui m’arrache soudain un frisson glacé. Mélange d’appréhension, de méfiance et malaise. Prisonnière de trop d’année de drames et de trahison je ne peux empêcher mon esprit de se mettre sur la défensive face à cet homme qui semble en savoir un peu trop sur moi et sur ma famille sans que cela soit réciproque. Car mes iris se sont durcies elles aussi, prêtant une attention plus poussée sur les traits du patient, cherchant un indice, espérant trouver un écho dans ma mémoire. Mais j’ai beau fouiller, le néant Cet homme m’est aussi inconnu que tous les autres sorciers présents dans les alentours. Si la situation pouvait être jugée drôle par certain, en ce qui me concerne elle m’inquiète et m’angoisse au plus haut point. Mes lèvres ont commencé à se pincer sous le malaise et contre mes jambes le loup a arrêté son manège. Il bombe ses épaules finement musclées, près à dévoiler ses crocs luisants au moindre signal. Et dans ma gorge la question qui roule en boucle, qui est-il ? Un espion ? Un de ses agresseurs venu terminer le travail sous couvert d’une pâle infiltration de Sainte Mangouste ? Un allier ? Un véritable ami qui aurait sympathisé avec le cousin durant son séjour ici ? L’incertitude me ronge déjà les entrailles alors qu’il se met quelques pas en avant arrêtant sa marche, droit face à moi ses bras dans le dos, comme satisfait de l’effet produit, peut-être. Je m’arrête à mon tour, laissant un espace de sécurité un peu trop large entre nous, croisant à mon tour mes bras contre mon torse, le toisant presque méchamment du regard. « Comment… » Mais je n’ai pas le temps de poser une question, laquelle par ailleurs ? J’ai laissé traîner le premier mot, il s’engouffre dans le silence qui l’a suivi pour relancer son flot de parole.
Je continue de l’écouter, à la fois rassurée par son attitude qui n’a pas l’air si agressive que cela à bien y regarder. Il a presque un faux air candide peint sur son visage qui montre un étrange sentiment de joie, tout de moins de contentement. Mes yeux se plissent à mon tour lorsqu’il évoque nos traits de famille commun et sa sortie d’aujourd’hui. Il sait beaucoup de choses, est-il de ses patients longue durée qui observent, impuissants, le ballet des entrées et sorties de son service ? L’idée d’une connaissance de chambrée ou de soin semble pourtant la plus probable. Il a l’air de savoir tant de chose…Peut-être Icare lui aura montré une photo de famille et l’homme m’aura reconnu après coup ? Si la méfiance s’efface petit à petit, elle reste présente, en filigrane, fine toile de l’araignée mortelle qui tisse ses réseaux obscurs dans mon âme. « Vous savez savoir plein de choses. Vous êtes un ami ? Ou quelque chose de ce genre ? » Ma question fuse finalement, profitant du demi silence qu’il a laissé s’instaurer après sa dernière remarque sur les entrées et sorties qui rythme la vie de l’hôpital. « Si c’est le cas je suis étonnée de ne pas vous avoir vu avant. » Car les visites ont été assez nombreuses, si on s’amuse à bien compter. Depuis l’annonce de son agression je n’ai presque pas passé un week-end sans prendre le temps d’aller le voir. Pourtant pas un seul souvenir de l’homme en question. Comme pour marquer sa bonne fois, il s’écarte à nouveau, libérant la voie devant nous et j’hésite à reprendre ma route droit devant sans me retourner ; mais rien ne me garanti qu’il ne me poursuivra pas à nouveau dans les couloirs de Sainte Mangouste. Pourtant il fini par reprendre la parole, plus sérieusement que précédemment, indiquant une direction derrière lui il pointe la salle d’examen dans laquelle Icare aurait été envoyé pour sa dernière visite de contrôle avant sortie. J’hoche la tête pour moi-même, la situation se tient, et mon regard file déjà vers la direction indiquée, comme espérant voir apparaître soudainement la silhouette de mon cousin. Lorsque l’inconnu me pointe la direction du café mon regard suit presque inconsciemment l’élan du bras vers un autre couloir, opposé à celui où nous nous trouvons. Il ne tarde pas à terminer sa phrase et avant même que je n’ai eu le temps de réagir, le voilà qui commence à repartir en direction de la salle où je l’avais croisé. Surprise par un tel revirement de situation je me retourne vers lui un peu trop tard si bien que je me contente de lancer un « Euh…Merci ! » Hésitant et manquant de conviction.
Je le regarde retourner s’asseoir ne sachant plus trop quoi faire, me sentant de nouveau seule parmi la multitude de bruits et de passages qui animent les couloirs de l’hôpital magique. Un soupire soulève ma poitrine et cette fois il parvient à son terme sans que rien d’improbable ne soit venu l’arrêter en plein élan. Près de moi le loup à recommencer à se détendre et dans un petit trottinement sonnant il prend de lui-même la direction de la salle indiquée par l’inconnu. Tirant sur le lien qui nous unit il fait le choix pour moi et je me dirige vers le couloir à quelques mètres de là où je m’étais arrêtée. Mais une fois arrivée devant celle-ci, elle ne m’apporte pas plus d’informations si ce n’est des regards agacés de médicomages aux blouses de toutes les couleurs, visiblement énervés de me trouver sur leur chemin dans un tel couloir. Je reste ainsi quelques minutes debout, ne sachant trop quoi faire avant de me faire haranguer par une médicomage visiblement irritée qui me signifie d’une voix tout sauf charmante que je ferais mieux d’aller attendre ailleurs qu’ici, quelque que soit la raison de ma présence. Vaincue par une situation qui m’échappe je rebrousse chemin. J’ai pris la décision d’aller chercher mes informations auprès de la seule personne qui a été en mesure d’apporter une miette de réponse à mes questions. L’inconnu en robe de chambre.
Comme lui auparavant je viens m’asseoir à ses côtés sans la moindre gêne, trouvant heureusement une place libre près de sa personne. « Vous aviez raison, ils n’ont pas été très satisfaits de ma présence dans le couloir là-bas. » Adossée contre le siège, les bras à nouveau croisés sur ma poitrine, le regard légèrement énervé, je regarde droit devant moi, passablement stressée par la situation. Il faut dire que je commence à sentir de plus en plus mal à l’aise, moi qui n’ai jamais supporté les hôpitaux. Ces espaces clos et fermés qui ont des airs de prisons quand on s’y retrouve enfermé. Ces lieux où trop de démons ont rongé mes forces et celles de mes proches. Lieux de mauvaises nouvelles et de douleurs. J’aurais préféré n’avoir qu’à entrer, récupérer Icare, et sortir aussitôt, en l’espace de trois minutes. « Vous semblez en connaître un rayon sur les us et coutumes du coin, vous pensez qu’il en aura pour longtemps ? Il pourra repartir tout de suite ou il faudra encore remplir des papiers pour sa sortie ? » Ma voix est nerveuse, mais calme pour autant. N’importe qui devinerait la tension qui la fait parler, mais je parviens malgré tout à maîtriser l’empressement et le débit de parole. « Vous ne m’avez toujours pas dit, comment connaissez-vous Icare ? » Mon visage s’est tourné rapidement vers lui, regard irisé et perçant qui vient scruter mon interlocuteur. J’ai fais le choix de revenir vers lui, certes, mais les ombres de la défiance dansent toujours dans mon âme.
La première approche n'avait pas été des plus concluantes. Non seulement l'échevelé n'était d'abord pas parvenu à attirer l'attention de son interlocutrice, mais il semblait, par la suite, n'avoir fait qu'éveiller ses soupçons et sa méfiance. Sans compter le patronus loup qui n'avait eut de cesse de lui renifler les mollets et de se mettre dans ses jambes alors qu'il essayait de paraitre civilisé. Il avait bien essayé de se débarrasser de l'animal de quelques petits mouvements de jambes et de pieds discrets, mais cela n'avait pas changé grand chose. Sans compter qu'il ne savait pas vraiment à qui il appartenait ni comment il aurait dut se comporter. Ces derniers temps, le Londres magique semblait s'être transformé en une telle animalerie qu'il avait un peu de mal à s'y retrouver. Entre les chats, les animagi et les patronus, il y avait de quoi y perdre son latin. Les réactions de la jeune femme, elles, en revanche, avaient tout de limpide. Son regard suspicieux presque transpercent et glacial n'augurait rien de bon et, il n'aurait pas été emporté par son élan, il aurait pu jurer avoir taper sur un point sensible en s'aventurant à "deviner" tous les petits détails de sa visite. Cela était devenu une telle habitude qu'il oubliait souvent que cela pouvait paraitre déplacé et désagréable pour les autres. Quoiqu'il en soit, dans ce genre de situation, une seule chose raisonnable pouvait valoir : faire comme si de rien n'était et que tout cela n'était que la chose la plus normale au monde.
— Oh non, répondit-il donc à la jeune femme qui s'inquiétait de ne l'avoir jamais vu auparavant parmi les amis de son... cousin donc. Je ne suis pas réellement un ami je suis seulement... curieux de nature. Et doté d'un talent tout particulier pour devenir complétement transparent auprès des nouveaux venus, ajouta-t-il encore, non sans un léger sous-entendu avant de sourire, plus avenant. C'est ce qui arrive quand on reste là pendant trop longtemps, les visiteurs vous confondent avec les meubles.
Ce qui n'était pas forcément un mal, surtout lorsque l'on s'avérait aussi vadrouilleur que lui. Soyez sage, patientez sans vous plaindre des horaires d'attente extensibles et vous pouviez vous assurer de vous attirer toute la sympathie des guérisseurs et des médicomages des environs. Quoiqu'il en soit, la première phase de son plan semblait avoir réussie. La jeune femme s'était au moins un tout petit peu intéressée à lui. Restait à voir s'il pourrait passer à la phase deux. Indiquant les différentes étapes que pouvait visiter la sorcière plus sûrement qu'un panneau indicateur en rase campagne, l'échevelé ne tarda pas à lui fausser compagnie pour retourner à son fauteuil, non sans jeter quelques plus ou moins discrets coups d'oeil à la brunette par dessus son épaule. Cette dernière ne semblait pas vouloir le quitter des yeux désormais, il avait dut se montrer un peu trop efficace. Passant une main sous le col de son pyjama et de son peignoir, le français hésita un petit instant avant de se rasseoir, observant encore à la dérobée la britannique qui semblait hésiter à s'en aller. S'il était parvenu plutôt aisément à engager la conversation, il trouvait désormais ce regard insistant des plus désagréable, comme s'il avait la certitude que la jeune femme savait désormais à quoi s'attendre et qu'il réalisait enfin que ce n'était pas une bonne idée. Ludovic fini par récupérer son magazine pour le consulter quelque peu nerveusement, tâchant d'avoir l'air tout à fait intéressé par ce qu'il lisait avant de réaliser qu'il tenait l'ouvrage à l'envers. Tout allait bien, tout allait bien se passer, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter.
Ses sourcils dépassant légèrement de par dessus le magazine, le maigrichon jeta un ultime coup d'oeil en direction de sa nouvelle connaissance puis des environs proches. Elle semblait enfin être partie. Refermant aussitôt la feuille de chou, le brun scruta un peu plus les alentours, commençant déjà à déboutonner la chemise de son pyjama pour la faire passer discrètement par dessus sa tête. Est-ce que c'était une bonne idée vraiment ? Il s'arrêta une seconde. Passant en revue les visages des médicomages et des patients en salle d'attente qui ne semblaient pas prêter attention à lui. Il se trouvait dans un coin plutôt discret, mais la perspective de faire ce qu'il s’apprêtait à faire dans un espace aussi bondé avait de quoi le gêner. Pas de panique songea-t-il, ce n'était pas non plus comme s'il n'avait encore jamais fait ça.
Discrètement, Ludovic se débarrassa de ses vêtements, caché derrière le minuscule paravent de son magazine, hésitant un peu à savoir quoi en faire avant de se décider à les abandonner sur sa chaise comme on aurait pu le faire d'une couverture sur un fauteuil. De cette façon au moins, les gens qui passeraient en coup de vent auraient-ils l'impression qu'il portait réellement ses vêtements. S'enfonçant un peu plus dans son siège pour s'appliquer à y disparaitre, l'échevelé récupéra un second magazine qu'il posa sur son entre-jambe et revint à la lecture de ses recettes de cuisine, tâchant d'ignorer le nombre affolant de sorciers et sorcières qui circulaient dans le couloir. Il sentait sa peau picoter partout où restait ses petites cicatrices fines qui dessinaient un réseau complexe allant de sa gorge à la plante de ses pieds. Croisant une jambe sur l'autre, l'échevelé s'appliqua à avoir l'air de rien, saluant même d'un agréable sourire un jeune sorcier tiré par sa mère qui le regardait d'un air choqué. Tout allait bien, tout allait parfaitement bien.
— T'es qu'un crétin Ludovic, marmonna-t-il entre ses dents, sentant presque des sueurs froides lui courir sur la nuque alors qu'il continuait à feuilleter son magazine.
Et si un médicomage le prenait sur le fait ? Et si le petit garçon caftait à sa mère avoir vu un homme tout nu ? Il se retrouverait encore enfermé dans sa chambre sans autre forme de procès. Non, réellement, tout ceci était une abominablement mauvaise idée. Cependant, le brun parvint tout de même à s'y faire, quelque peu rassuré et détendu par le petit courant d'air frais qui caressait sa peau en toute tranquillité. L'enfant sembla tenir sa langue et les médicomages et autres membres du personnels passaient trop vite pour faire réellement attention à lui, à tel point qu'il fini même assez vite par abandonner l'idée de se dissimuler un peu plus sous ses vêtements éparpillés lorsqu'il en voyait passer un de trop près. Et si la jeune femme ne revenait pas ? C'était une possibilité ça aussi. Est-ce qu'il aurait fait tout cela pour rien alors ? Non. En soit, ce n'était pas des plus désagréables que de prendre un peu l'air dans les couloirs. Rien que pour cette délicieuse sensation de bien être et de liberté absolue, il ne regrettait pas d'avoir fait tomber la chemise. Quant à la jeune sorcière.... bah en soit, tant pis.
Ainsi, Ludovic s'était totalement acclimaté à sa tenue d'Adam et avait complétement oublié avoir parlé à quelqu'un quelques minutes plus tôt lorsque la jeune inconnue revint s'asseoir auprès de lui. Il n'y fit pas tout de suite attention, cette fois réellement captivé par un article sur un haut placé du ministère qui lui semblait tout juste sorti de la puberté à côté duquel se trouvait une photo publicitaire où posait la chef des Aurors en compagnie d'un parfum à l'emballage clinquant. Il ne remarqua la présence de la jeune femme qu'au moment où cette dernière lui adressa la parole, le tirant de sa lecture comme on descend d'un petit nuage. Ludovic tourna la tête, de nouveau tout sourire en reconnaissant la jeune sorcière.
— Oh, tiens, vous êtes là ! s'étonna-t-il tout juste, refermant une nouvelle fois son magazine qu'il laissa trainer nonchalamment au-dessus du vide.
Pas de réelle réponse à sa remarque, mais davantage de questions dont il tâcha de se souvenir, posant sa tête en appuis sur deux de ses doigts dans une semi-réflexion.
— Oh, je ne le connais pas, avoua-t-il enfin, le plus naturellement du monde, retournant à sa lecture. J'en ai simplement entendu parler. Je vous l'ai dis, j'aime bien me renseigner sur les allers et venues dans les environs. J'ai dut lire son dossier à un moment ou un autre, il y avait sa photo dedans et je trouve que vous lui ressemblez. Il y avait votre nom aussi je crois, mais je ne m'en rappel pas, poursuivit l'échevelé en se désintéressant de nouveau de ce qu'il tenait pour se tourner un peu plus franchement vers la brunnette. Bien sûr, ça reste entre nous hein, je ne suis pas censé lire les dossiers normalement, confia-t-il jouant encore avec son magazine. Concernant vos autres questions je dirais que ça dépend. S'ils ne trouvent rien durant l'examen vous devrez sans doute signer quelques papiers de sortie habituels. Par contre, poursuivit-il, un peu plus grimaçant, s'il s'avère que quelque chose cloche encore et que les médicomages ne veulent pas le laisser sortir je crains que vous ne soyez venue pour rien, avoua le brun en se tournant de nouveau vers sa charmante amie. Enfin, ça nous aura donné l'occasion de discuter ce n'est déjà pas rien. Vous faites quelque chose dans la vie ? s'enquit le nudiste après un léger silence histoire de lui faire passer le temps.
CODE BY ÐVÆLING // groover par une licorne En français dans le texte
La situation est déplaisante, de plus en plus je sens poindre en moins cette irrésistible envie de fuir, caractéristique de ma présence en ces lieux. Mon inimitié pour l’hôpital avait sans doute été l’une des raisons principales pour lesquelles j’avais tant tardé à m’y rendre la dernière fois. Agonisante, l’ombre d’Eira flottant tristement dans mes bras, aveuglée par la douleur physique, psychologique, morale et cruelle de la peste. Il faut dire que je n’ai jamais pris le temps d’observer réellement les lieux. Prendre le temps de remarquer la disposition agréable de certaines salles de repos, les aménagements, l’architecture sans doute remarquable des arcades de l’accueil, les tournants délicats de certains escaliers. Car si on y regardait de plus près, sans doute on pouvait trouver des qualités à ces murs blancs et à ses chambres en enfilades. Sans doute un habitant longue durée avait la chance de voir cette facette souvent omise de Sainte Mangouste. Icare était-il de ceux-là ? Et Artair alors ? Lui qui passait sa vie dans la morgue de cet imposant institut. Levait-il seulement les yeux de temps en temps de ses corps en décomposition pour admirer les voutes de pierres qui couvraient sa tête ? Le connaissant c’était peu probable. Quant à l’homme à mes côtés alors ? Lui qui sembla étonné de me trouver à nouveau près de lui ? Est-il encore en mesure de porter un regard intéressé sur les lieux qui voyait passer ses journées ? Un soupire imperceptible traverse mon âme, voilà que je me mets à faire la conversation avec un inconnu qui a l’air d’avoir perdu une parie de son intelligence, tout du moins de quelque chose, indéfinissable, qui le rendait à la fois sympathique et déprimant.
Je ne peux m’empêcher d’arquer un sourcil de surprise lorsqu’il reconnait ne pas réellement connaître Icare, mais bien avoir lu son dossier médical. Un frisson de gêne s’enroule autour de mes nerfs alors qu’un flot de questions submerge mon esprit. Comment un patient peut-il avoir accès au dossier des autres ? Est-ce que la sécurité de l’hôpital est à ce point déplorable ? Dans ma poitrine le palpitant manque un battement avant de prendre un rythme plus douloureux. Et si au lieu de passer un séjour reposant à l’abris du danger, Icare n’avait été que plus accessible pour ses agresseurs ? Peut-être même n’est-il pas en salle d’examen à cet instant même dans entre les baguettes terribles de quelques malfrats ? Dans l’éclat de mes iris la flamme vacille face à ces révélations sans doute innocentes pour l’homme, lourde de conséquences pour moi. Je déglutis difficilement, affichant tant bien que mal une mine sûre et ferme. « Bien sûr, ça reste entre nous. » Murmure glissé entre mes lèvres devenues soudainement beaucoup trop sèches. Je continue de l’écouter parler, le regard légèrement dans le vague, je ne le regarde plus vraiment, entièrement tournée vers mes doutes, mes inquiétudes et les appréhensions amères d’une âme qui a trop souffert ces dernières années. Il évoque les complications possibles qui pourraient retarder la sortie d’Icare, presque sans réellement y penser, j’hoche la tête en signe de compréhension. Même si cela me serait plus que désagréable, je ne peux que reconnaître la logique de cette remarque. Au plus profond de moi j’espère qu’il s’est complètement remis, qu’il va apparaître au coin du couloir d’une minute à l’autre et que nous allons pouvoir ensemble partir le plus vite possible de cet endroit maudit.
A demi-perdue dans mes pensées je ne remarque pas le manège que commence à faire le loup de l’arctique à nos pieds. Intrigué par un élément il a commencé à lever sa truffe humide vers l’inconnu, reniflant à nouveau vers les chevilles d’abord, puis remontant furtivement vers les mollets, à distance raisonnable du derme de l’homme, pour éviter tout contact non désiré et désagréable. Mes iris ne se posent sur la fourrure immaculée du patronus que lorsqu’il se lève à nouveau, s’approchant un peu plus de l’entre-jambe de notre interlocuteur tout en remuant distraitement sa queue touffue, comme s’il venait de découvrir un nouveau jeu. « Arrête tu vas quand même pas aller renifler ses parties intimes juste par plaisir. Certes il a l’air un peu…étrange mais ce n’est pas une raison pour chatouiller son intimité. » Sermon mental lancé presque d’un ton fatigué à la bête qui remue de plus en plus la queue, tout en piétinant sur place. Soudain un éclat de rire fait vibrer le lien magique et je devine qu’il pouffe, largement et pleinement, de rire dans ma tête. « Mais qu’est-ce qui…. ? » Tout occupée à réprimander le loup je ne prête qu’une oreille distraite à la nouvelle question de l’homme après un court silence dont je suis tout aussi responsable que lui. Cependant je ne prends ni la peine de répondre à la question, ni de terminer celle mentale adresser à mon patronus, car mon regard, intrigué par la soudaine hilarité de ce dernier, est entré en contact avec la peau dénudée de l’inconnu. « Mais…Il est nu » Murmure mental interloqué alors que mon visage commence à dépeindre une surprise incrédule. Comme satisfait d’avoir enfin capturé mon attention, le loup blanc se désintéresse de l’entre-jambe poilue de l’homme pour attraper dans sa gueule l’une des affaires qu’il portait quelques instants plus tôt sur le dos. Tirant hardiment sur le pan de tissu il parvient à l’arracher du rebord de la chaise en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, sans que je n’ai eu le temps – et encore moins la présence d’esprit – de l’en empêcher. Et le voilà qui recule, tout heureux, se pavanant en trottinant devant nous avant la chemise fièrement dressée dans sa gueule.
Il ne faut pas être un observateur chevronner pour comprendre que la situation m’échappe totalement. Devenue mutique par la surprise, j’hésite à présent entre m’excuser pour l’attitude de mon patronus et m’indigner de voir cet homme, qui pourrait avoir l’âge de mon père, se mettre nu dans un lieu public sans en éprouver la moindre gêne. Au moins, si j’avais des doutes, je sais à présent qu’il n’a, en effet, surement plus toute sa tête. « Hum. » Je me racle une première fois la gorge afin de reprendre un peu de contenance avant de passer une main dans mes cheveux défaits, marque de malaise ultime. « Je…Enfin. Mais vous êtes nu monsieur. Vous ne pouvez pas rester ainsi dans un lieu aussi fréquenté. Il y a des enfants. » Et des parents qui pourraient lancer toute sorte de réclamation pour atteinte à la pudeur et moins de deux secondes. « Et si vous comptez sortir un jour d’ici je ne pense pas que ce soit la meilleure solution… » Le ton de ma phrase vire presque au sarcasme alors que je ne peux m’empêcher de lancer des regards moribonds autour de nous, inquiète que quelqu’un ne finisse par remarquer l’absence d’accoutrement de mon interlocuteur. « Mettez au moins un pantalon. » Les mots sortent en sourdine de mes lèvres serrées. Si la situation est surprenante, cocasse, drôle à en croire le loup qui pouffe toujours dans mon esprit, en ce qui me concerne, elle me met surtout mal à l’aise et je commence à me tortiller sur ma chaise, ne sachant plus trop où regarder, ni où me mettre de peur d’entrer par inadvertance avec le moindre millimètre de peau nu de l’homme. « Et toi arrête de te pavaner comme ça et viens plutôt lui rendre sa chemise, tu mets ça dans ta gueule alors que tu ne sais même pas où ça à trainé. »
Il semblait que Ludovic faisait forte impression sur la louve collée aux pattes de la jeune femme. Si, au départ, il s'était efforcé de ne pas y prêter attention comme soixante-quinze pourcents des sorciers et sorcières semblaient le faire, il ne pouvait désormais plus ignorer la truffe baladeuse qui pointait vers son entrejambe avec l'air le plus parfaitement ravi qu'il lui ait été donné de voir sur la gueule d'un canidé - sans parler de loups qu'il n'avait jamais vu d'aussi près et aurait très bien pu confondre avec un chien sauvage. Et, si la jeune sorcière à côté de lui semblait totalement désintéressée de sa personne ce n'était absolument pas le cas du patronus qui commençait à remuer la queue. Tiens, ils savaient faire ça aussi ?
Ludovic leva la tête de son magazine adressant un air faussement sévère à l'animal en arquant un sourcil sombre, chose qui sembla d'autant plus ravir la bête qui ne fit que remuer davantage. Souriant devant cette réaction, amusé lui aussi, l'échevelé mis discrètement un doigt devant ses lèvres pour indiquer au loup de garder sa découverte secrète, replaçant ses jambes pour couvrir son intimité alors qu'il adressait un léger signe de tête en direction de sa voisine qui semblait n'avoir toujours rien remarqué avant d'essayer encore de garder la conversation vivante.
Cependant, à l'instant où il leva de nouveau la tête vers sa charmante voisine, ses prunelles usées tombèrent nez à nez avec l'air tout à fait déconfit de la jeune femme. Quelque peu surpris lui-même, il la dévisagea une seconde d'un air interrogateur en songeant bêtement que l'expression figée de stupeur de la brune valait vraiment la peine d'être dessinée ou même caricaturée. Du moins fut-ce cela qui lui traversa l'esprit dans le bref instant de suspend avant que le loup à leurs pieds ne lui dérobe un vêtement qui lui fit tourner la tête au moment où il le sentit glisser au loin et mettre son corps plus à nu. Crotte. Il n'avait pas songé qu'un truc comme ça pouvait arriver.
- Hey ! C'est à moi ça ! se récria-t-il, oubliant un instant d'être discret.
A peine le loup avait-il reculé que le sorcier s'était laissé glisser hors du fauteuil pour tenter de rattraper le vêtement, le manquant de peu en se retrouvant accroupi au milieu du passage. Inutile d'espérer courir après le patronus, la petite façon vivace qu'il avait de trottiner fièrement laissait tout à penser que le quadrupède courait plus vite qu'un cheval de bataille, aussi, préférant les manières fortes à la course, le maigrichon se redressa-t-il, posant les poings sur sa taille en fronçant les sourcils.
- Je vous prierais Monsieur du Loup de me rendre cette chemise, intima-t-il fermement, d'une façon pour le moins peu crédible.
Peine perdu sans doute, il était même prêt à parier que son ordre ferme et direct n'avait fait qu'amuser davantage le sac à poils, et il n'eût même pas le temps de réitérer l'ultimatum que la voix un peu moins assurée de la sorcière attira son attention dans son dos, lui faisant tourner la tête à droite à gauche une seconde avant qu'il ne pivote lui-même, les mains toujours sur le bassin, pour faire face à la sorcière apparemment bien plus embarrassée que son patronus. Ludovic haussa légèrement un sourcil, s'étonnant presque de la réaction de la jeune femme, avant de baisser une seconde les yeux vers son entrejambe, n'y trouvant là rien de bien différent de ce qu'il y voyait d'habitude. Il releva la tête avec une légère moue indifférente, pas surpris pour une noise au point de s'attendre presque à sentir l'animal derrière lui lui humer le derrière, et rétorqua sincèrement, le plus naturellement du monde.
- Tout le monde est toujours tout nu sous ses vêtements.
Un peu simple sans doute, pas le genre de phrase à conserver pour la postérité, mais quel genre d'excuse attendiez-vous de la part d'un individu tout nu en plein après-midi ? Quoiqu'il en soit, les arguments qu'avança la jeune femme par la suite avaient tout de plus véritable et alarmant et le brun ne tarda pas à regagner son siège à côté de la jeune femme, approuvant brièvement d'un «vous avez raison», s'estimant déjà extrêmement chanceux qu'aucun agent de sécurité ne soit venu le plaquer au sol et que les infirmières en poste n'aient pas semblé avoir levé le nez. Il s'interrompit toute fois dans son geste, reculant d'un pas en arrière avant de se pencher droit vers le visage de la jeune femme pour le scruter à quelques centimètre à peine, ses mains appuyées sur les accoudoirs de son siège.
- Vous savez que vous avez des traits particulièrement fascinant ? observa-t-il. Déjà tout à l'heure ça m'avait marqué quand vous m'avez regardé avec cet air choqué, mais là je dois avouer que vous avez une façon tout à fait exceptionnel d'exprimer la gêne et l'embarras, fit-il encore, reculant légèrement la tête pour désigner le visage de la brune d'un cercle des doigts. Non vraiment ce teint livide on dirait presque que votre tête est en train de fondre c'est proprement incroyable et puis avec vos sourcils noirs et vos yeux ça fait un contraste mi-dur mi-mou tout à fait fascinant. Je pourrais presque... avança-t-il encore en penchant légèrement la tête de côté les sourcils froncé et les yeux plissés, oui... on dirait presque la Joconde sous cet angle. Enfin en plus choquée évidemment, se reprit-il en redressant la tête. Et c'est vrai que si vos yeux étaient un tout petit moins écarquillés ça donnerait un peu plus d'harmonie à la composition, mais, franchement, avec des prunelles comme les votre il suffirait d'un regard pour que vous transperciez la toile. Vous n'avez jamais songé à être modèle ? s'enquit-il, s'accroupissant légèrement pour se trouver une position plus confortable aux pieds de la jeune femme. Non parce que vous voyez, je suis un peu peintre et dessinateur à mes heures et j'avoue que ce serait un grand plaisir pour moi de vous représenter... fit-il distraitement alors qu'il saisissait doucement la main de la sorcière pour l'examiner. Mais même les mains regardez ! s'emerveilla-t-il en montrant la main à sa propriétaire. Cet équilibre incroyable entre les doigts et la paume c'est magnifique ! Non vraiment, je veux vous prendre comme modèle. En plus avec le loup on pourrait faire des compositions intéressantes, ça te dirais ? reprit-il en s'adressant au patronus. Par contre tu n'en parlera pas à ma fiancée, lui confia-t-il, déjà que tu as mordu dans une chemise qu'elle m'avais offerte si en plus tu lui dis que ta... maîtresse et toi venez me servir de modèle elle serait capable de me tuer. Les muses ont vite tendance à être jalouses.