Je n'ai pas d'histoire grandiloquente à confier au coin du feu un soir d'hiver avec un chocolat chaud. Je n'ai pas eu de traumatismes, je ne suis pas une orpheline, je n'ai aucune circonstance grave dans mon passé qui fasse de moi une alcoolique, droguée, dévergondée ou que-sais-je encore. Non, mes 15 courtes années d'existence ne m'offrent que peu de belles histoires et d'anecdotes croustillantes à conter. Je me contente donc d'être une fille banale, benjamine de la famille Greengrass. Des parents aimés qui nous ont choyés, Georgie et moi. Mais pas n'importe quels parents. Mon père, rebelle de la famille a laissé de côté toutes les idées intégristes ancestrales de ses parents pour se marier avec ma mère, une femme beaucoup moins noble qu'il ne l'était. Outre quelques conflits intra-familiaux, cette union a donné naissance à deux fillettes, ainsi qu'à un foyer chaleureux. Les vrais mariages, ceux venant d'un amour réciproque permettent à des enfants de grandir en toute liberté et avec le bonheur requis.

C'est donc trempée dans cette atmosphère dont toutes les petites filles malheureuses rêveraient que j'ai grandi. Surprotégée parfois par l'autorité familiale, je ne me rendais pas nécessairement compte des dangers du monde qui nous entourait. Mais paradoxalement, mon père m'a transmis cette spécificité qui fait de lui cette personne ouverte d'esprit qu'il est, tout en me léguant les côtés ancestraux de la famille, c'est à dire le déterminisme et la force. Tout ça fait de moi un mélange assez électrique et spécial, mais non pour le moins gentil - et encore innocent.

Néanmoins, il y a toujours des hauts et des bas, même avec les parents les plus attentifs et aimants du monde, comme dans toutes les familles normales en somme. Des prises de têtes, des interdits, des caprices à cause de ma tête brûlée, des disputes, mais aussi des calins, des confidences, des réconciliations. Avec Georgie également. Profondément attachée à ma grande soeur, que je prends pour une sorte de modèle, je suis parfois exaspérée par la protection continuelle qu'elle essaye de me porter. Certes, je suis encore jeune, et reconnais que j'ai parfois besoin de bras dans lesquels me réfugier, mais suis tout de même assez grande pour me débrouiller seule, sans avoir besoin d'une autre personne inquiète pour moi autre que ma mère.

Et comme toutes les petites filles, j'ai été heureuse à l'idée de pouvoir enfin "faire comme ma grande soeur" et rentrer à Poudlard. Mais même moi, la plupart du temps si loquace et enjouée, je me suis fait toute petite sur le quai de la gare et dans le train. Qu'ils étaient majestueux tout ces sorciers, avec leurs uniformes ! Qu'ils avaient l'air imposant, et qu'est-ce que je me sentais insignifiante! Je me suis tenue bien droite, tout en essayant aussi de me faire disparaitre dans le mur, mais malheureusement sans y arriver. Pour une des première fois de ma vie, je crois bien que j'ai ravalé toutes mes velléités d'aventures et mon intrépidité pour m'asseoir bien sagement sur une banquette. Je rentrais dans la cour des grands, cette cour où ma soeur évoluait déjà depuis quelques années. Et j'ai décidé à ce moment là  que je voulais être comme eux, devenir comme eux une grande sorcière que les premières années admireraient quand ils franchiraient les portes du Poudlard Express pour la première fois. Alors, comme toujours quand j'ai un but, je me donne les moyens de l'accomplir. Je me suis donc vouée corps et âme à la sorcellerie, me délectant de tout ce savoir que j'accumulais, travaillant sérieusement et avec un minimum d'assiduité pour me permettre de réussir chaque année avec brio. Je ne pourrais l'avouer à personne, mais je faisais également ça pour être à la hauteur de ma soeur. Pour essayer d'atteindre ce niveau qu'elle avait, cette force qu'elle dégageait. Mais je n'y suis toujours pas encore - ce qui peut s'avérer parfois frustrant pour moi, même si je fais en sorte de ne jamais m'attarder sur ce côté la de la réalité. Alors je fais en sorte de continuer d'avancer, sans me laisser marcher sur les pieds par mes compagnons. Mais à cause de ça et de cette force de caractère pas toujours maitrisée, ainsi que mon intrépidité, je me retrouve assez fréquemment seule, étant donné que j'arrive à exaspérer tout le monde. Enfin, j'ai tout de même quelques amis, qui m'acceptent bienheureusement comme je suis.