Mmh, je saurais pas trop par où commencer. Je devrais peut-être démarrer en disant que depuis le début, je n'ai jamais été seul. Même en grandissant dans le ventre de ma mère, j'étais avec ma jumelle, Artemis. J'suis sorti le premier, j'étais avec ma mère et des sages-femmes qui prenaient soin de moi, et quelques minutes après, Artemis m'a rejoint. On est restés avec notre mère quelques jours à l'hôpital, on y a fait la connaissance du restant de la famille, et puis une fois à la maison, on ne s'est plus jamais quittés. J'ai grandi comme ça, dans une famille nombreuse avec mes deux parents, deux frères et quatre soeurs. On vivait comme des moldus, pourtant notre père était un sorcier, qui avait été professeur de sortilèges durant des années. Il avait abandonné finalement, préférant mener une vie plus "calme". Disons "calme", autant qu'une vie puisse l'être avec sept enfants. Nos parents ne nous ont pourtant jamais caché notre nature de sang-mêlé, on s'attendait tous à nous rendre à BeauxBatons, à moins que ce ne soit Poudlard pour certains puisque notre père était Anglais ? Peu importe. On bougeait un peu, après avoir vécu quatre ans à Perpignan, on déménagea à Edimburg. Tout allait pour le mieux, jusqu'à ce jour d'octobre. Notre mère mettait beaucoup de temps à rentrer, contrairement à d'habitude. « Temy, viens voir papa... ! On était que des gosses. On aurait du être couchés mais déjà, on aimait enfreindre les règles. Attrapant sa main, je l'entrainai avec moi pour passer la tête au coin du mur et observer notre père qui semblait ravagé, anéanti. Les larmes coulaient sur ses joues alors qu'il refermait la porte d'entrée sur des gens, je n'avais pas eu le temps de voir qui c'était. Échangeant un regard avec ma jumelle, je reportai mon attention sur notre paternel. Je ne l'avais jamais vu dans cet état. En fait, je ne l'avais même jamais vu pleurer. « Artemis ! Alex ! » Je sursautai et poussai ma jumelle, prêt à l'entraîner avec moi pour prendre la poudre d'escampette mais... « Venez voir. » Aïe, ça sent mauvais pour nous. Prenant la main de ma sœur, on quitta notre cachette ensemble pour aller faire face à notre père. Mais il n'avait pas l'air fâché du tout. Il essuya ses joues et prit une grande inspiration, s'accroupissant devant nous pour être à notre taille. « Mes chéris... » Il nous a serrés forts, et c'est à ce moment-là je crois, qu'avec Artémis, on a compris vraiment que quelque chose n'allait pas du tout. Il nous lâcha alors et j'attrapai notre gros chat qui passait par là, le serrant dans mes petits bras d'enfants en ouvrant de grands yeux bleus, essayant de comprendre. « Papa, ça va pas ? » Les mots semblèrent rester coincés dans la gorge de notre père, il nous regardait tour à tour, retrouvant probablement des traits communs à notre défunte mère sans savoir comment nous dire qu'on ne la reverrait pas. Mon regard dériva doucement sur Hadès qui venait de pénétrer dans le salon à son tour, l'air grave. Il essaya pourtant de nous décocher un sourire, endossant sur ses épaules la responsabilité d'annoncer la mauvaise nouvelle en voyant notre père ne pas savoir comment le dire. « C'est maman... » Je lançai un vif regard à Artemis, bougeant nerveusement les jambes. « Quoi, qu'est-ce qu'elle a ? Et elle est où ? Elle revient bientôt ? On devait faire du vélo ensemble demain, elle m'avait dit qu'on irait au bord du lac et... » « Alex... maman ne reviendra pas. » J'écarquillai les yeux en voyant notre grand-frère s'agenouiller à son tour devant nous et m’ébouriffer les cheveux. « Quoi ? » Mais bien sûr qu'elle va revenir ! Elle m'avait dit que... « Elle est au ciel. Mais elle continue de veiller sur nous, je vous le promets. » Il nous regardait à tour de rôle, Artemis et moi. C'était tellement invraisemblable, qu'est-ce que maman faisait au ciel et pourquoi elle ne reviendrait pas ? Sans trop comprendre, trop jeune encore, j'avais serré plus fort le chat dans mes bras alors qu'Artemis pleurait doucement à côté de moi, ne comprenant sans doute pas beaucoup plus que moi, si ce n'était qu'on ne reverrait pas notre mère. Mais ça nous suffisait. Plus tard, on apprit qu'elle s'était faite renverser par un camion. Si la maison avait toujours été animée, vivante, rien ne me semblait plus mort que nos repas à huit, quand le silence religieux régnait et qu'on n'entendait que le bruit des fourchettes sur les assiettes alors que je fixais la place qu'aurait tenu ma mère, espérant qu'un jour, elle l'occupe à nouveau mais ce jour n'est évidemment jamais venu.

Ce fut un peu un traumatisme chez moi. On menait une vie si belle tous ensemble que je n'aurais pas pensé qu'un jour, l'un de nous puisse mourir, j'avais le sentiments qu'on était invincibles tous ensemble et c'est finalement comme ça que j'ai continué à grandir avec un manque qui ne s’atténuait pas malgré le temps qui passait. Tout compte fait, c'est peut-être à cause de ça que j'ai développé cette phobie de la mort, de l'abandon, que je suis devenu plus protecteur que je ne l'étais déjà envers Artemis. Et si on nous séparait ? Je savais que c'était rare, mais que ça pouvait arriver, que des sangs-mêlés se retrouvent dénués de pouvoir. Les cracmols. Ils sont pas admis dans les écoles de sorcelleries ceux-là... Et si Temy, ou moi, l'un de nous était un cracmol et l'autre pas ? L'un irait à l'école de sorcellerie... l'autre resterait... ici ? Non, je pouvais pas accepter l'idée qu'on puisse être séparés et ne se voir que pendant les vacances durant des années. C'est dans la crainte que j'attendis nos onze ans. Bien d'autres enfants auraient été impatients, auraient sauté au plafond à l'idée de recevoir leur lettre pour Poudlard ou Beauxbatons mais moi non, c'était presque si je n'en avais pas la tête enfoncée sous l'oreiller. Mais la chance semblait tourner un peu, nous étions tous les deux admis à Poudlard et ce fut une crainte en moins pour moi. Direction le chemin de Traverser pour les grandes vacances, afin d'être fin-prêt pour la rentrée dans cette immense école de sorcellerie.

On avait nos chouettes, nos livres, nos uniformes, manquait la baguette. Arrivés chez Ollivander, Artemis en essaya quelques-unes, jusqu'à ce que sa baguette s'impose comme une évidence. Notre père l'achèta, puis c'était à moi. « Essaie donc elle... ? » Je pris la baguette qu'il me tendait, effectuait de petits mouvements et manquait de faire exploser le magasin, à plusieurs reprises, avec plusieurs baguettes. D'autres ne réagissaient tout simplement pas. Oulalaaa, dur d'être fabricant et vendeur de baguettes, je ne ferais jamais ça de ma vie. Ça ne donna finalement rien. Vraiment rien du tout, je ne trouvais aucune baguette qui ne semblait m'aller, le comble quand on voyaient toutes celles d'Ollivander, de toutes tailles, de tous bois et avec trois cœurs différents, de quoi faire des possibilités infinies. Mystère. Mon père décida alors de m'emmener en France, songeant qu'on y trouverait peut-être davantage notre bonheur et ce fut le cas, j'y trouvais ma baguette. Celle-ci vint à moi immédiatement, ne me laissant pas le choix. C'était elle, et pas une autre. Seulement voilà. Comment est-ce que j'étais censé maîtriser un crin de Sombral alors que je craignais la mort ? Cette baguette laissa un peu tout le monde perplexe. Mais elle m'avait choisi, il devait bien y avoir une raison à cela.

Notre père était très à cheval sur notre rentrée, tout devait être parfait. « Artemis ! » Je levai les yeux de mon livre en entendant mon père appeler ma jumelle alors qu'elle mettait la table. « Oué une seconde, je vais mettre la table, vu que Louise n'est pas rentrée » Je grimaçai sans commenter, bougeant les jambes sous la table et tapotant sur mon livre du bout des doigts. « Elle fait exprès pour que ce soit toi qui t'occupe de mettre la table. » Je ris doucement mais ravalai mon cynisme devant le regard assassin que me jetais notre père, qui venait tout juste d'entrer dans la cuisine. « Je viens de faire la vaisselle, prends les propres, et n'oublie pas de revoir ta liste pour la rentrée, ta baguette est toujours opérationnelle ? » Artémis acquiesça en mettant la table, non sans me jeter un regard taquin. Je fronçai le nez avant de lui sourire, relevant les yeux vers notre paternel. Normal qu'il s'inquiète de la baguette d'Artémis, déjà que la mienne menaçait de tout faire péter ! « Et toi Alex, tu as bien tout vérifié ? Et ton traitement, tu le prendras bien hein ? » Ça l'oppressait d'avoir à jouer le rôle du père et de la mère en même temps. Je sautillais sur ma chaise à force de bouger, hochant la tête et posant la main sur ma joue. « Mais ouiiiii je fais attention c'est promis ! » De toute façon, avec le temps, j'avais bien compris que ne pas prendre mes cachets m'apportait plus de contraintes que d'avantages. C'était juste un peu embêtant quand ça me faisait somnoler, les profs risquaient de mal prendre le fait que je comate en cours, heureusement ça n'arrivait pas souvent.

Finalement, Artemis ne se sentait pas bien à Edimbourg. PLUS bien, du moins. Nous y avions des souvenirs et c'est après une dispute avec notre père que finalement, on déménagea tous à Pré-Au-Lard. Je pensais que ça irait mieux, mais pourtant, pas tant que ça. J'avais toujours cet immense vide, ce gouffre béant dans mon cœur, que ma mère avait laissé à son départ. Plus tard, on perdit également notre grand-mère paternelle et si Artemis eut le réflexe d'aller visiter nos grands-parents maternels pour se rapprocher d'eux et profiter de leur présence, de mon côté, je n'avais pas bougé, trop craintif à l'idée d'en perdre un autre demain. Mon dossier scolaire laissait parfois à désirer, par les catastrophes que je déclenchais en cours pratiques, par mon comportement un peu trop vif au goût des profs parfois, j'étais un élève un peu turbulent. J'eus des cours particuliers, pour essayer d'apprendre à mieux maîtriser ma phobie, qui m'avait poussé à pleurer plusieurs fois quand j'étais très jeune et m'avait forcée à quitter la salle plusieurs autres fois en grandissant, paniquant totalement. Je devais apprendre à la maîtriser, cette peur. Puis est venu Noël 1978. Depuis, j'ai Marty, qui est constamment avec moi, nuit et jour. Il ne me lâche jamais d'une semelle, ne s'éloigne jamais trop de moi, et il ne peut pas mourir sans moi. Peut-être était-ce ce dont j'avais besoin pour m'encourager, ne pas lâcher prise, parce qu'on ne va pas se le cacher ; faire face régulièrement à sa peur phobique pour essayer de la surmonter, ça met les nerfs à rude épreuve. Je la contrôle un peu mieux que les premières années, ma baguette. Juste assez bien pour avoir réussi mes examens, bien que ce soit de justesse et grâce à mes notes excellentes en théorie... on se rattrape comme on peut.