On dit souvent qu'il est plaisant d'être l'aîné de la famille. Bien évidemment, ce rôle comporte plusieurs avantages. C'est l'aîné qui a souvent la chance de porter les vêtements les plus neufs, de même pour les cadeaux de Noël et de fête. C'est d'autant plus vrai dans une famille aussi gigantesque que la leur. Benjamin n'avait été enfant unique que pendant les deux premières années de sa vie, mais il n'aurait jamais imaginé que leurs parents souhaitent une fratrie aussi dynamique et nombreuse. À 5 ans, il avait déjà cinq frères et soeurs. C'est là que le rôle d'aîné prenait une tournure un peu plus contraignante. Étant le plus vieux, il devait sans cesse montrer l'exemple, mais ce n'était pas là son réel problème. Benjamin était un gamin très tranquille, qui ne dérangeait jamais personne et obéissait sans rouspéter aux adultes qui l'entouraient, surtout ses parents. Cela dit... ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était se retrouver seul, pour lire ou dessiner, ou tout simplement rêvasser dans son coin. Sauf que c'était peine perdue avec tous ces enfants qu'il avait souvent à sa charge. Heureusement, il était encore trop petit pour recevoir la responsabilité de les emmener au parc ou ailleurs, mais ça l'épuisait déjà d'avoir à leur courir après tout le temps. Les jumeaux Artémis et Alex étaient particulièrement téméraires et lui donnaient constamment du fil à retordre. Du haut de leurs trois années à peine atteintes, ils s'étaient donnés pour mission d'explorer le monde entier et ils trouvaient toujours une façon de se mettre inconsciemment en danger de mort, ce qui forçait leur grand frère à intervenir juste à temps pour les sauver. Ce jour-là, toutefois, il savait qu'il aurait le loisir de s'accorder quelques heures de solitude, puisque ses parents s'occuperaient de divertir la fratrie. C'était le matin de Noël et tout le monde s'était rassemblé dans l'étroit salon afin de déballer ses cadeaux. Benjamin ne rêvait pourtant que d'une chose, et c'était d'un peu de tranquillité avant que ses frères viennent lui demander de les aider à construire tous les jouets qu'ils avaient reçus. Après avoir reçu quelques cahiers à colorier, des livres et un nouveau manteau chaud pour l'hiver avec gants, foulard et bonnet assortis, il observa d'un oeil distrait les autres s'extasier devant leurs propres cadeaux avant que leurs parents ne leur fasse signe de tous s'asseoir en silence. Cela eut pour effet d'attiser la curiosité de l'aîné qui porta enfin attention à ce qui se passait autour de lui. Sa mère ne cessait de bouger sur sa chaise, un immense sourire sur le visage. Quant à son père, il avait passé un bras autour des épaules de sa femme et regardait ses enfants l'air parfaitement heureux. « Les enfants, votre mère et moi avons un autre cadeau à vous offrir. Celui-là est pour tout le monde. », dit-il en s'éclaircissant la gorge. Benjamin plissa les paupières, légèrement suspicieux. Un cadeau qui plairait à tout le monde? Un chiot, peut-être? Mais c'était sans doute trop beau pour être vrai. « Vous aurez un nouveau petit frère ou une nouvelle petite soeur dans quelques mois! », annonça finalement sa mère. Tandis que les plus jeunes se jetaient des coups d'oeil surpris, le plus vieux ne bougea même pas de son siège. Il serra plutôt les poings, incapable de réagir positivement à cette nouvelle. Ce n'était pas un cadeau, pour lui. Il avait déjà vécu de nombreuses naissances et il savait pertinemment qu'un bébé, voire deux bébés en même temps, c'était un véritable cauchemar. Il ne comprenait pas pourquoi ses parents s'obstinaient à en faire d'autres. N'étaient-ils pas déjà assez de Beauchamp? Bientôt, il n'y aurait même plus de place dans la maison et il devrait partager sa chambre avec trop de ses frères.

Pour la première fois de sa vie, il ressentit une colère difficile à cacher. En fait, il n'avait jamais été aussi fou de rage avant. Il lui arrivait d'être énervé, mais il était rare que les autres le remarque. Même lorsque les petits se donnaient le mot pour le rendre fou, il ne bronchait pas, jusqu'à ce leurs parents interviennent. Cette fois était différente des autres. Il bouillait littéralement sur sa chaise et lorsqu'il fut incapable de rester assis sans risquer d'exploser, il se leva brusquement et c'est là que se produisit un phénomène tout à fait imprévu et extraordinaire; le vase en verre exposé dans le couloir qu'on pouvoir voir du salon éclata en mille morceaux sous les regards ébahis d'absolument toute la famille. Un long silence s'abattit sur tout le monde et bientôt, les yeux convergèrent tous sur Benjamin qui tremblait plus de peur que de colère, maintenant. « Je... c'était pas moi! Je suis ici, la vase est là-bas! Maman... tu me crois hein? Papa...? », sa voix s'était fait toute petite, le pauvre gamin était effrayé à l'idée qu'on le tienne pour responsable puisque l'explosion du vase avait étrangement coïncidé avec son mouvement. Sauf que rationnellement, ça ne pouvait pas être lui! C'était impossible. Le visage de son père exprimait pourtant le contraire. Il se leva et s'approcha de son fils, posant une main rassurante bien que ferme sur son épaule. « Il faut qu'on parle, Benji. D'homme à homme. » Le concerné leva des petits yeux terrifiés sur son paternel, qui se contenta de l'entraîner jusqu'à la cuisine, où ils prirent place l'un à côté de l'autre. Benjamin n'osait pas ouvrir la bouche, il ne voulait même plus essayer de se défendre. Tout ce qu'il voulait, c'était que ses parents veuillent encore de lui, même après ça. « Tu sais, Benji... moi aussi, je viens d'une famille nombreuse. Nous étions plus que vous l'êtes, et j'étais aussi l'aîné. Quand j'avais à peu près ton âge, ma mère nous a dit qu'elle allait encore avoir un autre bébé. Tu sais ce qui est arrivé? Je me suis mis en colère. Moi aussi, je trouvais ça difficile, d'être l'aîné. » Benjamin baissa la tête, comme s'il regrettait de penser ainsi et que son père puisse si facilement deviner ce qu'il ressentait. Il se sentait honteux, après tout, il n'avait aucun droit de défier ses parents. « Là où je veux en venir, c'est que lorsque j'ai voulu m'exprimer devant mes parents, ma colère et ma peur étaient si puissantes que la fenêtre de la cuisine a volé en éclats. Je sais que tu ne me crois pas, mais c'est vrai. Je croyais qu'ils allaient me jeter à la rue, ou pire encore, mais ma mère s'est mise à pleurer de joie et mon père m'a serré dans ses bras pour la première fois. » Cette fois, Benjamin ne suivait plus du tout. Pourquoi ses grands-parents avaient-ils été aussi heureux que leur fils brise la fenêtre? « Tu es comme moi, Benji. Tu as... des pouvoirs magiques. Que tu pourras développer dans quelques années, lorsque tu commenceras tes études. En attendant, tu iras à l'école moldue comme les autres. » Le garçon haussa un sourcil. « Moldue? » Un sourire amusé se dessina sur les lèvres du père, comme s'il trouvait assez comique le fait que son fils note ce mot étrange, mais pas l'annonce soudaine de ses pouvoirs magiques. Comme il s'en doutait, Benjamin prenait la nouvelle comme n'importe quelle autre: avec retenue. « Je t'explique tout ça ce soir, les autres nous attendent. Ne t'en fais pas pour le vase, je suis bien content que tes pouvoirs aient choisi celui-là, il était affreux... »

Benjamin avait insisté pour faire rouler lui-même le chariot contenant toutes ses valises. Ses parents en avaient de toute façon plein les bras avec les plus jeunes enfants qui courraient dans tous les sens et risquaient d'attirer l'attention sur eux. S'il fallait qu'on les aperçoive passer à travers la colonne de brique entre les plateformes neuf et dix, ça aurait créé toute une commotion. Le principal concerné était très tendu à l'idée de partir étudier toute l'année à Poudlard. D'un côté, il était enthousiaste, sachant qu'il apprendrait la magie et qu'il aurait un millier de bouquins à sa disposition pour passer le temps entre les cours, mais c'était la première fois qu'il se trouverait si longtemps loin de sa famille. Benjamin n'avait pas beaucoup d'amis, il ne quittait pas beaucoup le domicile, sauf pour se rendre au parc et encore-là, c'était rarement pour se joindre aux autres enfants qui jouaient. Il préférait sortir son cahier de croquis et dessiner ce qui l'entourait, ou encore poursuivre le roman qu'il avait commencé à ce moment-là. Il s'était évidemment fait quelques amis puisqu'il fréquentait l'école moldue depuis la maternelle, mais il était conscient qu'il ne les reverrait que l'été lorsqu'il reviendrait de Poudlard, il les oublierait donc bien vite. Il devrait se montrer un peu plus sociable une fois réparti dans sa future maison. Il ne savait pas encore où on l'enverrait, mais il avait déjà sa préférence. « Est-ce qu'on a vraiment pensé à tout? Mon chéri, tu nous envoie toute de suite un hibou s'il te manque quelque chose, d'accord? », dit sa mère d'un ton inquiet en se penchant légèrement pour lui caresser la joue. Benjamin n'avait même pas besoin d'essayer de déchiffrer son expression pour savoir qu'elle retenait tant bien que mal ses larmes. « Oui, maman. Ça va aller, ne t'en fais pas. » Il posa une main rassurante sur son épaule. Il aurait probablement dû être celui plein d'appréhensions, mais même si ça le rendait un peu nerveux, il n'avait pas peur, au contraire. Il lui arrivait fréquemment de rassurer sa mère, elle était de nature inquiète, ils avaient une belle relation. Elle jouait presque le rôle de sa meilleure amie, du moins... le garçon savait qu'il pouvait tout lui dire. Ne pouvoir lui parler tous les soirs serait vraiment  étrange les premiers temps, mais ils s'y feraient tous les deux. Après tout, ils ne se quittaient que pour quelques mois! Elle s'approcha pour déposer un baiser sur ses cheveux, mais il se recula en rigolant. « Tu m'en donneras un quand je rentrerai pour Noël, vite, on va être en retard. » Sa mère leva les yeux au ciel et hocha la tête en souriant, se remettant debout pour lui donner une légère poussée dans le dos. Benjamin inspira profondément et se mis à marcher très vite vers la barrière, fermant les yeux au moment de l'impact... qui ne vint évidemment pas. Seul son père l'avait accompagné sur la plateforme, sa mère étant restée avec ses nombreux frères et soeurs. Il aurait fallu trop de temps pour discipliner tout le monde et le train allait partir dans quelques minutes à peine. Il jeta un dernier coup d'oeil derrière lui, conscient que même si un mur de brique les séparait, elle était en train de regarder exactement au même endroit. Si seulement il avait su que c'était la dernière fois qu'il la voyait, il aurait insisté pour qu'elle le suive, plus encore... il n'aurait pas refusé ce dernier baiser. La lettre annonçant son décès arriva à Poudlard environ un mois après la rentrée. Lui qui avait déjà un peu de mal à tisser des liens avec ses camarades plongea dans un silence qui dura des semaines. Il n'adressa pas un mot à quiconque et n'eut même pas la force d'écrire à la maison pour demander comment tout le monde se portait. C'était trop difficile à supporter. Son deuil ne facilita en rien les premiers mois dans sa nouvelle école, mais puisqu'il se réfugia à cent pour cent dans ses bouquins scolaires et ses devoirs, ses résultats n'en furent pas affectés. C'est plutôt le côté social qui en souffrit, mais ses copains de classe ayant appris la nouvelle entre les branches, il reçu la sympathie des autres et la plupart comprirent pourquoi il avait une personnalité aussi renfermée. Dix ans plus tard, toutefois... ça ne s'est pas tellement amélioré.

Le reste de son adolescence fût plutôt sans tache. Du moins, outre son déménagement à Pré-au-lard l'été suivant la mort de leur mère. Il avait été habitué depuis sa naissance à vivre dans un environnement exclusivement moldu. Son père avait beau être un sorcier, il avait un peu abandonné ce mode de vie après avoir épousé leur mère, mais suite au décès de celle-ci, il décida que de rapprocher ses enfants du monde sorcier était sans doute une bonne idée. La maison était devenue lourde de souvenirs, tout le monde s'y sentait étouffé et submergé par l'image et la senteur de celle qui manquait cruellement à la vie familiale. Se retrouver subitement à Pré-au-lard eut pour effet de redonner un souffler de vie aux Beauchamp, bien que Benjamin vivait encore très mal son absence. Il compléta avec succès ses sept premières années à Poudlard et commença un cursus de médecine magique afin de travailler à Ste-Mangouste une fois gradué. Il ignorait d'où lui venait cette passion pour le métier, mais quel meilleur moyen d'utiliser ses talents? Puisqu'il n'avait pas vraiment de don inné d'orateur ou le goût du risque comme la plupart de ses camarades souhaitant devenir auror ou travailler au ministère, pourquoi ne pas sauver des vies? C'est dans cette optique qu'il décida de suivre cette voie.

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ϟ Une remarque? L'idée de départ est géniale. Un forum qui mélange les deux univers ayant le plus marqué mon enfance et mon adolescence... je ne peux rien demander de plus!