« Ils avaient trouvé son corps recroquevillé sur soi-même, les os brisés et le visage tuméfié. Elle avait des hématomes apparents, des dents cassées et des doigts brisés. La mère Marbury était décédée, si jeune à peine. Sa carrière au ministère faisait pourtant tellement d'envieux. N'était-elle seulement pas admirée pour ses magnifiques exploits qu'également pour ses qualités humaines. Qui n'avait pas été invité aux soirées des Marbury ? Une famille de sorciers si gentils, si tendres, vraiment. Et leur fille, Philomena. Une si délicate enfant. Elle est métamorphomage, vous savez. Ne prenez pas ses excentricités capillaires pour une forme de rébellion ou quoi que ce soit. C'est juste ce qu'elle est, dans le fond. Une jeune fille un peu perdue qui se cherche dans ces multitudes de chemins à prendre, à découvrir, à explorer. Je dois avouer que son père s'est piètrement remarié. Je ne fais pas du tout confiance à cette famille Goyle, dont le nom n'évoque que l'intolérance même qui est très éloignée de l'idéologie des Marbury. Ces deux familles ne devraient pas se réunir. Certains murmurent que la mère Goyle l'utilise ainsi car il possède un poste influent au ministère. Mais personne ne sait vraiment, et puis, c'est étrange, il semble pourtant si heureux, si naïf. C'est peut-être un trait commun d'être un peu à côté de la plaque chez eux. »

Discours de Monsieur H. Coltwond, membre du sénat, 1978.   [...]

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I. Philomena Marbury.

« - Oh, Philomena, tu es si jolie aujourd'hui. »

Tels étaient les mots de son père, à table. Ils résonnaient si souvent, et les commentaires des invités n'étaient souvent que les échos de ses propres compliments. Elle se souvenait rougir, les premières années où cette attention semblait encore en décalage avec celle accordée aux autres. Mais elle avait eu le temps d'apprendre à faire avec, à apprécier et approprier son succès. Elle n'utilisait jamais sa popularité à des fins malsaines. Elle savait que ce n'était pas ce pour quoi elle était venue au monde. Elle n'était pas ici-bas pour commettre crimes et délits. Ou s'admirer. Pourtant, une seconde de concentration suffisait à ses cheveux de changer de couleur, à son nez de changer de forme. Elle recevait de l'amour, de l'écoute, sans même la demander. Quand elle donnait en retour, les gens refusaient poliment, n'osant pas troubler une jeune sorcière à l'allure si parfaite, si sûre d'elle. Telle était la Philomena Marbury que l'on pouvait apercevoir aux dîners et aux soirées familiales, toujours si protégée par son père.

Au loin, à l'ombre, se trouvait Arabella Goyle. Une demi-soeur qui ne parlait pas, ne disait rien et écoutait dans le mutisme le plus total, continuant de brûler sur sa propre croix. Elle ne recevait pas réellement de compliments, car son nom était bien trop suspicieux, faufilé entre les couverts des Marbury.

II. Philomena "Phil".

Philomena était aussi connue sous le nom de Phil, ou de Philo, par ses amis et ses proches. Quand elle n'était pas sous le regard avide de spectateurs inconnus, quand elle n'avait pas derrière elle un public émoustillé, elle était une jeune fille qui manquait cruellement de tout. Une petite chose que l'on aurait trop pouponné, trop aimé, jusqu'à la vider entièrement de toute vie et de toute forme de personnalité. Certes elle ne voulait qu'être gentille, que servir de bonnes causes car c'était ce pour quoi sa famille vivait et se battait. Mais elle n'arrivait pas à s'affirmer, elle n'arrivait pas à choisir une vie, choisir quelle personne elle était. Certains naissaient en étant des individus à part entière, mais elle faisait partie de ceux qui devaient se construire continuellement et Phil ne savait pas par où commencer. Il n'y avait rien sur quoi bâtir son identité.

Qui n'en souffrirait pas ? Elle ne voulait qu'être comme tout le monde, avoir des passions, une force de l'âme. Elle voulait ressembler à ceux qui transformaient leurs existences en constantes batailles pour les causes qui leur étaient chères. Mais elle n'était qu'une adolescente aux cheveux radioactifs, au visage changeant, et sans caractère fixe. Elle se savait appréciée, protégée. Elle avait des amis, aussi. Chacun lui trouvait quelque chose à apprécier à sa juste valeur. Mais tout ça n'était pas bien sérieux. Où passait sa vie ? Où s'égrenaient les heures, lentement, pendant qu'elle regardait sa vie défiler, passive ?

Elle s'était assise sur une marche, dans l'escalier la tour d'astronomie de Poudlard. Chacun était en cours, quelque part dans le château. Mais elle était absente. Elle se sentait pleurer, sans réellement s'en rendre compte. Elle pleurait constamment. Chacun la consolait, pour telle ou telle raison. Mais ce chagrin-là, lui, était impossible à éradiquer. Des bruits de pas interrompirent le silence, et elle essuya ses larmes du revers de sa manche. Un jeune homme s'assit à ses côtés, Horton Mayland Jr. Un ami. Un gentil. Il ne parla pas pendant quelques minutes, avant de lui demander si elle n'était pas en cours.

« - Ça me semble évident. » Répondit-elle, trouvant un moyen de rester ironique face à sa question stupide.

« - Qu'est ce qui ne va pas ? »

Oh, tellement de choses. Philomena se lança dans de longues explications. Philomena ne parlait que très rarement des vrais chagrins qui méritaient une conversation. Elle se contentait souvent de les ignorer jusqu'à ce qu'il partent d'eux-mêmes. Mais cette fois-ci, ce n'était pas la peine d'essayer. C'était différent. Elle récita un discours à ne pas en finir. Les douleurs, les peines, les chagrins, les problèmes, les ennuis, les souvenirs. Il apporta la solution.

« - Si tu veux te sentir utile, il y a ce groupe d'élèves qui... Qui se bat contre... Enfin... La magie noire. »

III. Alpha pour un, omega pour l'autre.

Alpha pour un, Omega pour l'autre.
Certains voulaient diriger. Certains voulaient devenir maîtres, rois et reines de leur propre monde où même les plus petites libertés avaient des conditions. Certains tenaient à appliquer les valeurs apprises, anciennes, strictes, à leur propre vie. Ils se contraignaient, se faisaient souffrir, choisissaient leur propre malheur. Ils arrivaient sans peine à monter les échelons du pouvoir et se démarquer en Alpha d'un groupe, communauté, d'un univers.

Alpha pour un, Omega pour l'autre.
Certains œuvrent au nom de nous tous. Au nom d'une communauté, au nom d'âmes tourmentées, au nom d'une majorité, au nom de tous sauf d'eux-mêmes. Ils ne demandent rien en retour, si ce n'est de se sentir accepté parmi cette anarchique regroupement d'être humains. Ils peuvent accomplir de belles choses, comme ils peuvent détruire toute l'Humanité. Omega s'élève pour tous.

Il faut choisir son camp, pensait souvent Philomena.
Lutter contre le mal ? Suivre les traces familiales ?
Mais que pouvait-on réellement appeler famille désormais ? Et si les Goyle avait eux aussi des choses à offrir ? Si différentes, si étranges, mais si hypnotiques.

Choisir, il faudra bientôt choisir.