« Papa, Papa, c’est où la voie 9 ¾ ? ». Aube roule des yeux en entendant sa sœur s’exciter encore à propos de leur départ. Pourquoi veut-elle y aller à tout prix ? Aube ne comprend pas. La chose qu’elle désirerait le plus au monde serait de ne pas partir justement, de rester chez elle, avec ses parents, et de jouer dans l’herbe toute la journée. Mais non, nous avons onze ans, il le faut, c’est la lettre qui le dit. Elle n’a pas envie d’obéir à une stupide lettre, mais ses parents ont l’air tellement fiers, tellement heureux qu’elle ne peut pas les décevoir. La famille De Blois est déjà assez mal en point pour ne pas ajouter à sa réputation la petite dernière qui refuse catégoriquement d’entrer à Poudlard. Sur le quai, juste avant de monter dans le train, elle retient ses larmes en enlaçant sa mère. Elle ne peut pas pleurer. C’est elle la courageuse des deux, celle qui est forte… Si elle se laisse submerger par l’émotion, Ephy succomberait aussi et ce serait un mélodrame général. Alors elle serre ses petits poings et retiens les larmes au bord de ses yeux. « N’oublie pas ma chérie, tu seras leur prochain attrapeur ! » murmure son père au creux de son oreille tandis que le contrôleur siffle, indiquant le départ imminent du train. Ces seuls mots réussissent à lui rendre son sourire perdu. Oui, elle sera le prochain attrapeur. Debout sur les marches du wagon, juste devant sa sœur, Snitch en version colibri sur l’épaule, elle lui répond, déterminée : « C’est promis papa ! » et le véhicule avance. Elle agite sa petite main aussi fort et longtemps qu’elle peut, jusqu’à ce que ses parents ne soient plus que deux petits points noirs à l’horizon. Et maintenant, quoi ?
Aube a 17 ans maintenant, elle en a fait des rentrées à Poudlard, et la voie 9 ¾, quai de King’s cross, le train, sont presque devenus une habitude. Elle se rappelle encore la première fois, combien elle était triste et tentait pathétiquement de la cacher, en vain évidemment… Elle se souvient également qu’elle était persuadée dans son fort intérieur qu’elle détesterait le château, les cours et la magie. Persuadée que le choixpeau se tromperait dans sa répartition… Mais au final, même si elle n’aime pas se l’avouer, Poudlard est maintenant sa maison, et le choixpeau a fait le bon choix. Petite, elle refusait la magie, voulait vivre en moldue… Désormais, elle se rend compte qu’elle est douée, elle voit bien qu’elle n’a pas besoin de travailler autant que les autres, surtout en métamorphose et en potions… C’est comme si elle l’avait dans le sang. Et surtout, oui surtout, car c’est là le plus important pour elle, sa promesse a été tenue, elle est attrapeur.
Assise, la tête contre la vitre, ses yeux ne faisant pas attention au paysage qui défile, Aube se dit qu'au fond elle n'est pas comme les autres. Elle est différente des autres adolescentes, elle le sait. Le meilleur exemple est sa soeur. Pourtant jumelles, tout, ou presque les sépare. Ephy ne vit, ne respire, que pour redonner à la famille tout son prestige perdu, prestige "souillé" par un mariage de sang mêlé. Aube, elle, a toujours aimé les moldus autant que les sorciers. Certains sont mesquins, sournois vils et méchants dans les deux "familles", et c'est comme ça. Mais lorsqu'elle apprécie une personne, elle se fiche du reste. La seule chose qu'elle désire pour sa famille serait que son nom figure parmi les grands du quidditch grâce à elle. Peut être qu'ainsi elle redonnerait le sourire à son père, peut être que les puritains oublieraient ce qu'ils appellent le "mariage malheureux", survenu il y a des générations. Parfois, elle se surprend à se demander de quoi Ephy serait capable pour restaurer l'honneur des De Blois... Bien souvent elle abandonne, effrayée par ce que son imagination lui souffle, effrayée aussi parce qu'elle ne sait pas si ce n'est que le fruit de sa créativité débordante, ou si sa soeur en serait réellement capable. Aube fait peur parfois. Trop franche, trop spontanée, trop tête brûlée. Pourtant, elle ne ferait pas de mal à une mouche. Elle a un bon fond et est toujours la première à répondre présente lorsqu'il s'agit de défendre les bonnes causes pour les bonnes raisons. On se méfie souvent de la rousse incendiaire... Peut être faut il chercher plus loin, de l'autre côté du miroir ?