Chéri, chéri, qui es-tu dans ce vaste univers, dans ce trou perdu au milieu de la Terre ? Chéri, chéri, entends-tu ce monde qui crie, ce monde qui tremble ? Il t'attend, il est tout proche. Il t'appelle désespérément. Tu sembles faire parti de lui, de son déséquilibre envoûtant et de sa cruauté révoltante. Oui, tu es le bébé, le petit garçon parfait ; après tout tu as été abandonné. Par ta traîtresse de mère qui a osé vivre cet amour interdit, qui a laissé son coeur brûler pour l'homme dont elle a toujours été éperdument amoureuse. Sauvage, indomptable et indifférente. Perfide, malsain et habité. Tes parents, d'une certaine manière, étaient fait pour être ensemble. Logiquement, ta venue au monde était inévitable. Tuas grandi dans l’opulence des rats et des cafards, au fin fond de cet orphelinat de misère qui n'était même pas sûr de ton prénom. Des moldus ; tous, sans exception ; de la directrice au regard blafard, au nourrisson qui ne connaîtrait jamais que sa date de naissance. Encore un endroit où tu ne serais pas à ta place, encore une place qui ne sera pas la tienne. La différence, tu l'as toujours vécu, tes yeux pâles sondant les âmes des autres pauvres petits infortunés, de tes faux compagnons de fortune. Elle est devenue ta meilleure amie, ta seule compagnie.
Puis, il y eut Poudlard.
Passé l'émerveillement des premiers temps, la question devint de plus en plus persistante, de plus en plus vive ; ton sang était-il aussi moldu que tous ceux avec qui tu avais regardé ton enfance ? Tu sus, au bout de la troisième année. Par un heureux hasard, tes yeux croisèrent ceux de ta mère, aussi délavés, aussi fixes que les tiens. Dans ses bras, un premier année qui lui, semblait plus rayonnant qu'un soleil avec ses beaux cheveux blonds et ses yeux verts ridiculement pétillants. Ca ne dura qu'une dizaine de seconde ; le temps que vous vous rendiez compte à quel point la ressemblance était frappante, désarmante. Terrifiante.
Ce gamin t'apprit tout à force de sourires forcés et de friandises. Ton demi-frère fut assez intelligent pour être méfiant les premiers temps et trop stupide pour te révéler jusqu'au nom du premier amour de sa mère. De ta mère, de votre mère. Il en était fini de l'ignorance et de l'éternel vide qui s'étendait de ta naissance à ta venue à Poudlard. Tu savais, tout, les moindres détails. Mais la souffrance, elle, restait la même. Et elle fit de toi l'un des pires orphelins de Poudlard.

A ce niveau-là, ce n'est plus de l'attirance malsaine, c'est pire que ça. Tu ne l'avais jamais vraiment observé, tu ne l'avais jamais vraiment remarqué. Pourquoi l'aurais-tu fait ? Après tout, tu es cinq ans son aîné, ce n'était qu'une enfant, une gamine de Poufsouffle. Une née-moldue, en plus de ça. La reconnaissance de ton sang t'as inconsciemment rendu supérieur, t'a fait rapidement entré dans la norme des sang-purs hautains et méprisants, arrogants et médisants. Mais, Elle t'attire, c'est indéniable. Elle et ses longs cheveux blonds, sa moue enfantine, son adoration pour la nature, ses petites manies de sauvageonne. Elle ne sait pas exactement quand elle est tombée amoureuse de toi. Sans doute lorsque tu lui a adressé la parole pour la première fois, lorsque votre regard s'est croisé ce jour-là. Le tien, amusé, l'a détaillé pour replonger dans l'ironie de tes journées ; elle, a senti la moindre cellule de son corps frissonner. Si tu savais comme elle se déteste pour ça, comme elle a envie de mourir à chaque fois tu reviens vers elle. Tu as passé un après-midi à l'observer, lorsqu' elle était seule, lorsque tranquillement, elle vaquait à ses occupations folles. Lorsqu'elle a barboté dans l'eau du lac, lorsqu'elle est montée dans cet arbre à mains nues. Votre relation aurait pu, aurait dû en rester là si elle n'avait pas assisté à ça.
Il était tard, tes pieds foulaient faiblement les dalles de l'école. Un voile pâle semblait s'être posé sur tes iris translucides ; tu sombrais entre le somnambulisme et la folie. Folie de ne plus sembler savoir vers qui se tourner, folie d'être dépourvu du moindre lien familial ; folie de se sentir mal-aîmé et folie de ne plus sembler savoir qui tu es. Elle, t'as observé de ses yeux animales, t'as vu défaillir et tomber. Elle, s'est transformée pour pouvoir te rattraper. Pour empêcher que tu sombres totalement, pour te relever. Vous ne savez pas exactement combien de temps vous êtes restés ainsi enlacés, ces mots coincés au creux de ton cou, au fin fond de ton coeur. Vous n'en avez jamais parlé.
Aujourd'hui, tu supportes mal de la voir dans les bras d'un autre, que ce soit d'une fille ou d'un garçon, d'un gamin ou d'un septième année. Tu sens les regards inquiets, les tentatives d'approches et tu tournes le dos, à la fois effrayé et dégoûté. Tu te fiches de ce qu'elle pourrait ressentir et tu ne te doutes pas qu'un viendra un moment où tu la reverras, que tu le veuilles ou non.