Il s'appelait Gabriel Stanislas Cooper.
Et il avait eu dix-sept ans à la fin du mois d'Août dernier. Le professeur le regarda par dessus la monture de ses lunettes, guettant le moindre geste de l'élève. Mais Gabriel restait immobile, son patronus sagement assis à ses côtés, la queue battant doucement l'air. L'homme posa les deux mains bien à plat sur le bureau, se penchant légèrement en avant. Il avait lu le dossier du garçon. Né à Cork, en Irlande, issu d'une famille de sorciers au sang mêlé mais pas trop, une enfance calme avec une scolarité dans une petite école moldue, une famille plus proche de la richesse que de la pauvreté... Ah, et une grand-mère omniprésente peut-être un peu lourde et obsédée par la pureté du sang paternel aujourd'hui gâché. Le professeur jeta un coup d'oeil à ses deux ou trois notes soigneusement posé à côté de lui, regardant s'il n'oubliait rien. Le garçon avait pour la première fois utilisé ses pouvoirs magiques à huit ans, âge parfaitement normal pour cela. En sept ans d'étude Gabriel s'était montré attentif et, s'ils était loin d'être assidu dans son travail, il restait un bon élément, ramenant régulièrement des notes plus que correcte. Seule la métamorphose venait gâcher le tableau, étant toujours incapable de changer un simple bouton de manteau en bouchon en liège. Il avait également fait disparaître l'intégralité des pieds de table de la salle de sortilèges mais on attribuait surtout cette gloire à sa baguette capricieuse. Bref, un gamin normal.

Le seul point noir dans le tableau ? Ses bêtises, réglées comme une pendule. Gabriel était tout simplement incapable de passer deux semaines sans récolter une heure de retenue. Non, il ne parlait pas – trop – mal aux professeurs. Il était plutôt du genre poli le jeune homme, bien élevé, disant bonjour, au revoir et merci, bref la totale. Mais monsieur oubliait parfois que la célèbre école de sorcellerie qu'était Poudlard avait aussi un règlement intérieur et que celui-ci était constitué d'une multitude de petites règles aussi inutiles que présentes. Ainsi les histoires de couvre-feu, de présences aux cours, de rendus de devoirs, etc... Entrait par une oreille et ressortait deux secondes plus tard par l'autre. Tête en l'air ? Absolument pas. Simplement il sélectionnait ses souvenirs et ce depuis sa première année ici. Le professeur remonta ses lunettes, regardant Gabriel grattouiller le bout du siège de la chaise.

« Dis-moi Gabriel... As-tu vraiment fait ça à Allison ?
▬ Oui. »

L'honnêteté du garçon déconcerta un instant le professeur qui plongea son regard dans celui du gamin. Il était sérieux, il n'y avait pas à en douter. Mais finalement Gabriel baissa les yeux, son doigt griffant le bois de la chaise avec ardeur. Le « ça » fait à cette gamine de troisième année était en fait une réédition d'une méchanceté de l'élève.

« Pourquoi ?
▬ Parce que c'était drôle monsieur. »

Et le pire c'est que le professeur lisait de l'incompréhension dans les prunelles de Gabriel. Incompréhension de quoi ? De son acte ? Du pourquoi il était assis sur cette chaise ? De cela l'homme n'en avait aucune idée. C'est Gabriel Cooper, tout simplement. Et ça avait toujours été comme ça. Même en reprenant ses dossiers scolaires de maternelle et primaire. Des cas similaires avaient été notés tout au long de son enfance. En maternelle il avait ainsi fait manger des perles en bois à une camarade de classe histoire de « voir ce que ça faisait ». Au primaire il avait rempli les oreilles de son voisin avec de la colle Cléopâtre. L'autre avait fini aux urgences, victimes des petites expériences de découverte de Gaby. Il avait également fait manger un plat d'asticots à un petit de six ans en lui affirmant que c'était des nouilles spéciales, qu'elles bougeaient parce qu'elle était magique. Rebelote le petit l'avait cru, ça avait mal terminé. Mais pas pour Gabriel.

Et à présent il était là, une fois de plus assis sur cette chaise. Le professeur affectionnait le garçon... D'une certaine façon. Par bien des aspects l'élève était gentil, amical, peut-être drôle et charmant... Charmeur aussi. Mais il pouvait se montrer aussi distant et froid qu'un cailloux. Enfin techniquement non. Bref, compliqué à expliquer, même pour ce professeur qui exerçait ce métier depuis maintenant trente-sept années.

« Mon garçon...
▬ Gabriel.
▬ Gabriel. Ce n'est plus possible, tu le sais. Tu vas finir par tomber sur plus fort que toi. Les petits jeux ne vont pas durer éternellement.
▬ Oui monsieur. »

Et l'heure était terminée. Et le professeur ne l'avait pas atteint. Une fois de plus. C'était un nouvel échec, plus cuisant que le précédent, moins difficile que le suivant. En sept ans le dialogue n'avait pas changé. C'était curieux parce que Gabriel avait des amis, des camarades, sans doute une petite amie... Un gosse normal quoi. Quand il « s'amusait » les autres voyait ça comme un bizutage ou quelque chose dans le genre. Mais non, c'était différent et le professeur le savait pertinemment.

« Au revoir Gabriel, sois sage.
▬ Oui, au revoir monsieur. »

Gabriel se leva, attrapa son sac et le jeta sur son épaule avant de quitter la pièce, son patronus trottinant à ses côtés, la queue formant des petits ronds avant de se tendre puis de s'assouplir à nouveau. La porte claqua et le professeur soupira de nouveau en se pinçant l'arrête du nez.