Nom: Nott
Prénom: Phèdre Olivia
Âge et Date de Naissance: 19 ans. 2 avril 1961
Nature du sang: Pur
Situation familiale: Phèdre est fille unique et très bien intégrée dans le paysage familiale : ses parents sont satisfaient de la femme qu'elle est devenue - quand bien même ils la trouvent d'un caractère trop indépendant.
Patronus: Blitz peut prendre la forme d'une hermine ou d'une vipère cornue. Blitz, foudre en allemand, illustre à la perfection ce qu'est son patronus : une décharge d'énergie.
Miroir du Rised:Face au miroir du rised, elle y verrait sûrement sa version future rayonnante de succès. Phèdre est certaine que ce succès s'y incarnerait sous la forme de son moi futur à la tête d'un emploi à responsabilité et passionnant. Peut-être y aurait-il aussi un homme - mais certainement pas un qui répondrait aux critères de ses parents - mais elle est loin d'éprouver le besoin de s'accomplir par un bon mariage.
Composition de la baguette magique: Il y avait eu une distorsion dans l’air et soudain une sensation étrange l’avait envahie, comme si l’oxygène s’était mis à peser plus lourd. Et puis plus rien
Et puis plus rien.
Elle se trouvait tout simplement dans la vieille boutique d’Ollivander, qui avait vu passer des milliers de sorciers en devenir entre ses murs.
« Elle est en ébène. C’est du bois de qualité. » Et effectivement, Phèdre n’arrivait pas à s’arracher à la contemplation du bois sombre sous lequel il lui semblait deviner des veines presque transparente courir en son long. Le vieil homme reprit avec un sourire indulgent
« C’est une baguette de caractère que vous avait là, demoiselle. Ebène et nerf de dragon, voilà un intéressant mélange si vous voulez mon avis mais vous, les Nott, avaient toujours eu un goût pour ce genre de baguette. C’est certain. »La jeune femme lui adressa un sourire poli avant de fendre l’air avec sa nouvelle compagne. Elle avait eu peur d’avoir l’air idiote et empruntée avec une baguette à la main. Le monde magique avait beau être le seul qu’elle n’ait jamais connu, tous les sorciers qu’elle côtoyait s’étaient illustrés d’une façon ou d’une autre. C’est un lourd héritage à porter quand on n’a que onze ans et qu’on ne sait pas encore vraiment qui ont est. Pourtant, l’artefact magique trouva immédiatement sa place au creux de sa main, si bien qu’elle avait l’impression que celui-ci était une extension naturelle de son bras et qu’elle n’avait qu’à formuler une incantation dans son esprit pour que la baguette réagisse.
Et c’était exactement ça.
La boutique se retrouva sans dessus-dessous. Après une seconde de battement dû à l’étonnement, le vieil homme gloussa
« Caractère. Que je sois maudit moi et mes euphémismes. » Phèdre eut un sourire désolé pour le désordre causé mais ne put s’empêcher de jubiler. Elle l’adorait.
Epouvantard: Son épouvantard transforme le décor en une plaine de flammes déchaînées. Plus petite, le sortilège qui animait sa veilleuse avait disparu. Par manque de chance, du linge était positionné à proximité et Phèdre s'était réveillée à cause de la fumée et la chaleur. Si aujourd'hui elle a cessé de paniquer à la vue du feu, il subsiste toujours ce petit malaise quand elle voit des flammes. Souvent elle s'est demandé ce qui se serait produit si elle ne s'était pas réveillée. Son épouvantard lui donne un aperçu de la réponse.
Etudes Suivies: 2ème année du cursus secondaire, en offensive magique, spécialisation offensive.
Animal de compagnie: Une chouette du nom de Topaz. Entre elle et Blitz, Phèdre n'a aucune intention d'acquérir un autre animal. Ils sont trop demandeur d'attentions.
Caractère
Phèdre a l’élégance d’un chat et l’éloquence d’un lion. Ni l’un ni l’autre ne sont des talents innés. Tous deux s’acquièrent dans la sueur de l’effort et la volonté de repousser ses propres limites – deux qualités que ses parents ont pris grand soin de développer chez l’agréable bambine qu’elle avait été un jour.
Seulement, on a trop tendance à oublier que sous les coussinets se cachent des griffes acérées.
C’était ainsi qu’elle se présentait : une poupée de cire aux allures glaciales capable néanmoins de s’échauffer sous le coup de la colère et de l’humiliation pour embraser tout ce qui était à sa porté.
Ce n’est pas chose aisé de porter en soi brasier et glaciers ; pourtant elle ménageait la chose avec sa sérénité et sa grâce habituelle. Elle ne pensait que rarement à elle autrement que comme une personne en devenir, et donc, ne s’attardait que superficiellement sur ces antagonismes qui cohabitaient en son sein – il était d’ailleurs fort possible que si elle l’avait fait, l’ampleur de la tâche aurait endommagé sa propre maîtrise.
Ses yeux étaient résolument tournés vers ses ambitions : Comment pouvait-elle s’améliorer et devenir plus brillante? De quelle manière pouvait-elle acquérir plus de pouvoir ou d’influence ? Quelles qualités lui seraient-elles indispensables pour perpétuer sa carrière ? Autant de questions qui tournaient en un refrain infini jusqu’à ce qu’elle mette au point des plans, des stratégies – et parfois même des complots – afin de trouver une solution qui la satisfaisait.
Phèdre avait toujours était une fille précieuse, de celles tirées à quatre épingles qui jamais ne rentrait avec sa robe tachée. Elle avait dans l’idée que l’apparence était de la plus haute importance et qu’on ne savait jamais sur qui on allait tomber – ni quand. De sa silhouette longiligne et frêle qui n’appelait qu’à la protection, elle avait fini par en faire un atout, une véritable arme de combat. La jeune femme s’était rendue compte qu’il était aisé de persuader les êtres les plus faibles à accomplir ses volontés par quelques mimiques, moue boudeuse et autres œillades emplies de larmes. De fait, elle en était presque devenue tyrannique : Il commençait à remonter très loin le temps où elle avait dû se salir les mains pour assouvir ses désirs.
Mais pouvait-on lui reprocher d’être devenue la femme qu’elle était quand ses parents avaient comme gravé au feu et à la pierre leur volonté en elle ? Ils n’avaient jamais acceptés de sa part moins que l’excellence, prônant sans soucis de pédagogie les bienfaits des résultats, de l’ambition et de la détermination.
On ne peut pas reprocher à un enfant de devenir exactement ce qu’on voulait qu’il soit. Son éducation avait une importance cruciale aux yeux de ses paternels qui s’étaient appliqués à l’introniser à de nombreux sports : la danse pour le maintien et la grâce, l’équitation et le cirque pour l’équilibre, le jonglage pour la gestion du temps et la coordination ou la course à pied pour développer sa connaissance d’elle-même. A cela avait été ajouter une dimension plus scolaire, notamment avec les langues, les mathématiques mais aussi la logique et la réflexion philosophique. D’une manière plus subtile, ils lui avaient également enseignés des arts plus discrets : ceux de la clandestinité. Sous couvert de jeux ils lui avaient appris à se déplacer silencieusement, ils avaient stimulé sa mémoire de si différentes façons qu’elle était désormais capable de citer au minimum trois caractéristiques d’une personne qui avait seulement croisé son chemin et pouvait se souvenir d’une page entière de texte après l’avoir lu ou entendu une fois seulement.
Si les allégeances de la famille Nott n’avaient jamais été découvertes c’était bien parce qu’ils étaient passés maître de la dissimulation et ils comptaient bien transmettre cette discrétion aux générations futures.
Pour une fillette de son âge, tous ses apprentissages étaient la plupart du temps rébarbatifs et bien solitaires. Mais les exigences de ses parents allaient croissant avec le temps : si petite elle pouvait se contenter de réciter une poésie et chaparder des ciseaux sans se faire voir suffisait à ravir ses parents, adolescente cela ne provoquait guère plus qu’une moue de dédain.
Elle ne savait que faire pour leur complaire. D’ailleurs, elle ne savait même plus si elle le désirait toujours.
a little something from you.
You're not a sad story.
Un doux soleil hivernal éclairait imperceptiblement, à la manière d’une veilleuse câline, l’immense domaine familial. Du ciel tombait un éclat lumineux et tiède qui coulait lentement en d’épaisses couches sur les hautes bâtisses. Un paysage apaisant, comme peint sur aquarelle. Les grandes grilles en fer semblaient s’animer dans un mouvement de grâce, se mêlant en tous sens, cherchant à la manière de branches de lierres à se frayer un chemin vers les plus hautes cimes qui jamais ne se finissent et toujours s’effondrent.
La forge noire, sculptée par d’habiles mains, portait en sa haute extrémité l’emblème des occupants, adoubés depuis maintenant tant de générations qu’il fallait déplier successivement plus de trois parchemins généalogiques vieillis par l’humidité, le soleil et les tracas du temps pour parvenir à en cerner la complexité. Derrière ces splendides barreaux vivaient des individus qui tenaient à leur sang avec bien plus de vigueur que l’entendement raisonnable ne pouvait le permettre. Sur les côtés du portique s’érigeaient deux dragons dressés sur leur arrière train puissant et battant des sabots vaillamment, ailes déployées, dégageant de la pierre froide une beauté menaçante. Leurs yeux, coupant la monotonie d’un ébène interminable, sertis de pierres de lune aux reflets irisés, paraissaient répandre une lueur d’amusement sarcastique, et ce couplé au rictus imparable qui se dessinait sur leur mâchoire conférait une horreur pesante à la bâtisse sans vie. Les deux protecteurs de l’entrée remplissaient bien leur rôle, et malheur à celui qui, dans sa stupidité, osait sans permission aucune, traverser le rempart de la propriété.
Derrière les hauts piliers se traçait finement un long chemin au dallage de marbre blanc zébré, importé de lointaines carrières, folie de leurs ancêtres, qui en quelques semaines avait transporté, un chargement entier acheminé sur le Nil. Les splendides carreaux étaient entourés par de gros arbustes taillés en bonbonnières où printemps et été des fleurs jaillissaient, mais l’hiver restaient sombres et feuillus, endormis par la neige. S’étendait tout autour une pelouse ternie par la saison morte où batifolaient des cygnes près d’un lac à l’eau claire. En s’approchant on pouvait distinguer, des animaux marins évoluant avec grâce dans cette eau limpide. Les cygnes, créatures majestueuses au chant funeste rendaient un peu de vie aux environs dormeurs. Traçant sur l’eau de sublimes arabesques, arquant leur long cou en de superbes courbes, ils flottaient, dansaient sur le fluide vital où somnolaient au-dessous des créatures à l’apparence ravissante mais trompeuse en tous points et au charme ensorceleur. Leurs nageoires écailleuses peintes de couleurs multiples enjolivaient le fond de l’eau qui alors dévoilait des teintes telles qu’on se fut cru au beau milieu d’un océan de corail. Les rochers sombres contrastaient parfaitement avec les pastels rougeoyants et bleuissant des nymphes aqueuses.
En continuant le chemin bordé par la nature typiquement anglaise du lieu et les grandes statues représentatives de diverses et anciennes divinités oubliées par la masse, l’on aboutissait finalement devant la demeure de la noblesse vivant en ces terres. La structure colossale de l’édifice rendait à chacun son sentiment de petitesse de l’humanité. Les tours, majestueusement levées, cloisonnaient la bâtisse élevée sur trois étages.
La porte d’entrée, richement construite, reflétait la richesse ambiante mais également, le strict émanant. Le bois ébène rehaussait d’un ton le grisonnant des pierres et les quelques gravures implantées dans la porte représentaient des scènes glorieuses des nombreux ancêtres qui avaient franchis le seuil bien avant ce siècle, et quelques autres d’ailleurs. Deux grands lions accoudés d’un air vague, la tête haute, les pattes croisées, accompagnaient le visiteur sur la montée des quelques marches menant jusqu’au heurtoir indiquant aux domestiques la présence d’un visiteur.
Car une fois annoncé, le vieux majordome, qui avait hélas, ridé plus rapidement que les murs ne s’étaient fissurés, s’empressait d’indiquer au chef de la maisonnée, la venue d’une personne et s’il le pouvait, déterminait son identité car le vieil homme avait une mémoire d’éléphant et lisait régulièrement la Gazette du Sorcier sur lesquels les hautes personnalités apparaissaient.
Une fois repéré, le domaine s’ouvrait discrètement et laissait place à un hall d’entrée immense où pendait un lustre à l’éclat blanc, reflétant de ses milles prismes cristallins, une auréole de lumière, un océan de clarté. Au sol, de lourds tapis issues de pays orientaux, étendus selon un ordre proprement agencé, s’emparaient des yeux de tous car finement brodés dans les plus riches étoffes. On pouvait distinguer les efforts des domestiques s’affairant en toutes tâches, ne laissant aucune trace de saleté ou de désordre apparaître au sein de la maison du Maître. Le domaine avait été élaboré de telle manière que les escaliers menant aux étages étaient situés sur les côtés droit et gauche. Les pièces présentables étaient principalement au premier étage.
Pour le reste du rez-de-chaussée il y avait les cuisines, les cachots et quelques pièces dont Charles Nott – parce que lui non plus, n’avait pas échappé aux traditions - gardait précieusement l’existence. Ainsi, en grimpant les hautes marches de pierre, laissant glisser ses doigts sur la rambarde de bois massif, l’on pouvait accéder au superbe salon, terrain de festivité, ouvert aux visiteurs et sans cesse en mouvement. Quelques servantes s'affairaient en une tâche bien complexe, celle d’une décoration qui devait être des plus magnifiques pour l’heureux évènement qui surviendrait dans la semaine, si tout se passait au mieux, et Charles l’espérait.
Il était là, assit dans un des fauteuils Louis XIV qui entourait une table basse où était apposé un verre de vin, quasiment vide. Au fond du calice s’endormait paisiblement le fluide sanguin, aux vertus apaisantes si consommé avec modération. Et il n’en était qu’à son troisième verre. Levant élégamment le bras, il claqua son pouce contre l’index en faisant signe qu’il prendrait une autre coupe. En attendant, caressant les bras du fauteuil finement sculpté, passant la paume de sa main sur le satin brodé, il s’occupait à la lecture de la Gazette du Sorcier tentant de rester sourd aux cris de douleur que poussait sa femme un étage au-dessus. Et Merlin sait qu’elle devait hurler pour qu’il l’entende de son emplacement.
Après ce qui lui sembla être des heures, la médicomage se présenta pour lui annoncer avec une déférence inquiète que sa fille était née.
Sans se presser le moins du monde il prit le temps de déguster la fin de sa coupe – un aussi bon vin ne méritait pas d’être gâché par la précipitation – avant de prendre la direction des appartements de sa femme. Il la trouva couchée, les yeux à demi-clos avec son – leur – nouveau-né dans les bras. Loin de s’attendrir devant la scène, il observa les deux femmes de sa vie avec impassibilité. Il aurait préféré un garçon mais puisqu’il n’en était rien, il s’en contenterait. « Phèdre Olivia Nott» dit-il de sa voix profond. Ils avaient déjà discuté du prénom mais poser les mots sur une réalité était toujours étrange. Une fois ceci fait, l’homme s’autorisa un premier signe d’affection envers sa fille : il lui caressa la joue en espérant qu’elle saurait être à la hauteur de toutes ses attentes.
*
* *
« C’est idiot » décréta-t-elle en haussant le menton d’un ton qui ne souffre nulle contradiction. C’est qu’elle avait l’air farouche, du haut de ses onze ans, sous la lumière crue que le soleil déversait avec bienveillance sur la petite ville de St Alban où était nichée la maison familiale.
Son air sauvage n’ôtait rien à ses charmes naissants : elle avait des de grands yeux en amandes frangés de cils d’ébène qui lui mangeaient le visage, un petit nez droit et discret et des lèvres pleines et suaves, naturellement orientée au sourire. Depuis quelques semaines des changements s’opéraient : ses joues s’étaient affinées et avaient perdues les rondeurs de l’enfance pour dévoiler de pommettes qui trahissaient son haut lignage. Sa longue chevelure cascadaient en une chute de boucles chocolats qui se mêlaient et s’emmêlaient en une forêt inextricable jusqu’au bas de son dos.
Phèdre était tout occupée à arracher les pétales d’une malheureuse fleur qui n’avait commis pour seul crime que de pousser au mauvais endroit.
« Et si tes parents avaient décidés de te nommer Ronflax, les miens se seraient-ils senti obligé de m’appeler Cornu ? On est même pas frère et sœur ! » Elle se composa un air horrifié pour souligner que la seule idée lui glaçait les sangs. Quelle étrange idée ses parents avaient-ils eu de la nommer d’après son cousin Hippolyte ?
Agacé par tant de babillage et ne l’écoutant que d’une oreille, Hippolyte quant à lui s’était mis en tête d’attraper le crapaud qui se cachait non-loin de là.
Une seconde d’inattention due au sourire que lui avait tiré la réflexion de sa jeune cousine suffit pour qu’il lâche sa proie des yeux. Avec un soupire, il répliqua sans ambages
« Ne dis pas de sottise plus grosse que toi. Mes parents ne m’aurait jamais appelé Ronflax … De nous deux, c’est bien moi le plus beau. Je te laisse le plaisir de porter le nom des horribles créatures, je préfère ceux des chevaliers et des grands sorciers. Allons Phèdre, ne fais pas la tête. Tu n’es pas si laide que ça … Peut-être même que le fils de notre cuisinier te trouverait à son goût. »Une grimace et il déguerpit à toute jambe, suivie par la petite fille ivre d’hilarité
« Je t’ai dit que je ne voulais pas que tu m’appelles comme ça ! Reviens que je coupe cette langue bien trop pendue. » puis s’apercevant que ses menaces le faisait fuir plus loin encore, elle entreprit de le persuader autrement
« Hypooooopoooo ! Reviens ! Il n’y a aucune fierté à m’échapper alors que tu as des jambes deux fois plus grandes que les miennes ! » La jeunesse est bien trop souvent assimilée à l’ignorance mais il est des choses qu’un enfant apprend rapidement : à commencer par obtenir ce qu’il veut. Nul doute que c’était un domaine dans lequel Phèdre excellait.
Un sourire mutin affleura à ses lèvres : personne n’était plus tatillon sur ce sujet-là qu’Hyppolite. Déjà il se retournait pour lancer une réplique cinglante … mais elle ne lui laissa pas la chance de s’exprimer. D’un bond, elle lui sauta dessus pour lui faire payer son affront.
Cet idiot savait bien qu’elle n’aimait pas ça, qu’il se moque d’elle ainsi.
*
* *
« Phèdre, tu me déçois beaucoup. » Elle eut beau grimacer devant le ton péremptoire qu’avait employer son père, elle n’émit aucune protestation, elle savait que la tempête requerrait toutes ses capacités à se défendre.
« Tu connais notre tolérance pour les né-moldus … mais de là à t’acoquiner avec l’une d’entre eux ! Mais enfin, qu’as-tu dans la tête ? » Encore une fois, elle dû se mordre la langue pour ne pas laisser s’échapper une réplique acerbe. Que les paroles de son père étaient doucereuses …
Tolérance n’était certainement pas le mot qu’elle aurait choisi. La vérité était que ses parents souffraient de se retrouver en présence de sorcier au sang-mêlé (ou pis, né-moldus) mais qu’il ne leur accordait aucun crédit – ce qui était presque aussi grave, si vous vouliez son avis. Il est vrai que Tess avait remis en cause toutes les idées qu’elle avait sur les nés-moldus et aujourd’hui elle se demandait si ces préjugés n’étaient pas totalement infondés.
Phèdre avait envie de baisser la tête, faire le dos rond en attendant que ses parents en aient fini mais elle ne put s’y résoudre. Malheureusement pour elle, la jeune fille ne savait pas feindre avoir honte de ses choix.
Elle commença à sa défense :
« Je ne sais pas qui diable a pu vous rapporter mon amitié avec cette sorcière né-moldu mais puisque vous êtes au courant, n’attendez pas de moi que je la renie. Elle n’est pas comme les autres. Elle est brillante, je suis sûre que vous seriez étonnés par sa culture magique c’est … »Un soupir exaspéré de sa mère l’arrêta en plein milieu de sa phrase. Grande et svelte, Ambre Nott était l’archétype de la femme cinquantenaire dont les charmes n’avaient fait que s’épanouir avec l’âge. Phèdre l’observa un instant avec objectivité : belle femme et de bonne famille, elle avait réussi une union heureuse où, s’il n’y avait pas d’amour, au moins s’était créé une réelle complicité avec son mari.
« Epargne-nous donc ton discours. Ne peux-tu donc pas te trouver des amis convenables ? Nous avons invité suffisamment de familles au sang pur pour que tu te sentes libre d’y faire ton choix. »C’en fut trop pour que la brune volcanique puisse se contrôler :
« C’est ton discours qui est inconvenant maman, pas mes fréquentations. »Elle sentit la tension monter d’un cran avant d’apercevoir la main de son père jaillir pour la frapper. Phèdre se raidit, prête à recevoir le coup sans broncher mais le coup fut arrêté par sa mère. Elle laissa s’échapper un soupir imperceptible sans se douter un instant que la baffe aurait mieux valu que tout ce qui allait suivre :
« Charles, voyons. Je suis d’accord qu’il faut sévir l’insolence et crois bien que je regrette autant que toi qu’il ne soit pas bienséant de lever la main sur son propre sang … » commença Ambre d’une voix douce d’où perçait un sadisme que Phèdre n’avait encore jamais remarqué. Elle n’aurait pas cru ça de sa mère adorée. Cette révélation la blessa peut-être bien plus que n’aurait pu le faire n’importe quelle claque.
« Laissons-là expérimenter l’amitié avec les nés-moldu si elle tiens tant que cela à défendre leur cause. Peut-être rencontrera-t-elle une future bonne. Tout le monde sait que les sorciers de moindre qualité finissent dans des maisons comme la nôtre à lancer des sorts de récurage pour le compte de nobles familles. »Phèdre sentait les mots se bousculer dans sa gorge, prêts à déborder dans sa bouche mais ils finirent par s’évaporer en d’amers volutes au bout de sa langue. Elle était estomaquée et ne s’était pas préparée à découvrir cet aspect de la personnalité de sa mère qui avait toujours été douce et équilibrée. Après les mots, ce fut les larmes qui menacèrent de se bousculer à ses paupières. Elle ne pouvait s’empêcher de se sentir trahit par la dureté des paroles qui avaient été prononcées et en même temps elle devait lutter pour ne pas céder face à ses parents. Un instant elle crut avoir assez de contrôle pour que son masque impénétrable ne se brise pas en mille morceaux, mais un instant seulement. Une larme perfide vint frayer son chemin entre ses cils avant de dévaler sa joue comme une goutte d’acide, traçant un sillon brûlant sur ses pommettes empourprées de rouge.
La langue de son père claque. Elle l’essuya prestement mais d’autres suivirent la première.
« Un sang-pur ne pleure pas » dit-il d’un ton implacable. La sentence était tombée. Violemment.
N’y tenant plus et voulant s’éviter l’humiliation de sangloter comme une enfant de neuf ans, elle leur adressa un ultime regard empli pêle-mêle de haine, de déception, d’incompréhension, d’amour et de tristesse. Elle ne sait pas ce qu’ils y virent mais ils eurent, en revanche, la décence de prendre un air interloqué. Avec un détachement qu’elle était loin d’éprouver – et qui contrastait étonnamment avec ses manières volcaniques habituelle – elle répliqua :
« Non, ce sont les sang-cœurs qui ne le font pas. »Pour ce qui fut de sa punition, aussi pénible fut-elle, Phèdre s’en accommoda avec toute la froide dignité dont elle pouvait faire preuve. On considéra ensuite implicitement l’incident clôt. Rien ne changea. Phèdre continua de fréquenter Tess. Ses parents à mépriser silencieusement les nés-moldus. Tabou. Il n’était pas dans les habitudes des Nott de lever le voile des choses qui dérangent. Le temps soigne plus rapidement que les mots et Phèdre pardonna.
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* *
Ses onze ans et ses tendances rebelles avaient depuis longtemps laissé place à une tenue plus policée et froide. La rigueur que ses parents lui avaient inculquée avait fini par s’imprimer en elle ; lissant son tempérament volcanique. Depuis le temps, elle avait compris qu’ils ne voulaient que son bonheur et qu’il n’était pas dans son intérêt de s’opposer à eux – il subsistait encore quelques sujets de discorde entre eux mais ils étaient mineurs. La bonne entente familiale était importante chez les Nott et le temps aidant elle avait fini par faire siennes les idées de ses parents.
S’il y eut un point sur lequel elle ne transigea pas, ce fut sa position sur les nés-moldu. Sans en faire son cheval de bataille, Tess avait pris une place trop importante dans sa vie pour qu’il en soit autrement. Elle dû néanmoins prendre quelques dispositions : en échange de sa chaude amitié et de sa loyauté indéfectible, Phèdre avait demandé à la jeune femme de garder leur relation cachée autant que faire se peut.
Tout d’abord cette décision fut motivée par la confrontation avec ses parents, puis elle développa très rapidement un goût certain pour les apparences et le contrôle sur toute choses : Tess était son talon d’Achille. Hors de question d’offrir sur un plateau d’argent de quoi la faire sortir de ses gonds.
C’est tout ce à quoi elle réfléchissait alors qu’elle s’habillait dans sa chambre.
En effet, chaque 21 décembre avait lieu la traditionnelle soirée des Nott à la faveur de la nuit la plus longue de l’année.
Tout le château avait débordé d’activité des semaines durant pour arriver à transformer, le temps d’une nuit, la demeure familiale en un palais de glace immaculées où la nourriture se disputait la place avec les décorations grandioses et les énormes coupes de boisson.
Il était d’usage de venir masqué et, avec les années, les différentes familles invitées rivalisaient de créativité dans le choix et la réalisation des costumes. Cette année 1977 elle avait 16 ans et elle sentait maître du monde.
Tous les membres de la famille Nott s’accordaient à dire que c’était l’âge de raison et, ça serait la première fois qu’elle n’aurait aucun couvre-feu à respecter.
Elle se présenta en haut de l’escalier alors que la soirée avait commencée depuis une belle heure déjà. Sa peau de lait était sublimée par le tissu noir de geai de sa robe sculpturale qui l’enserrait la poitrine avant de tomber comme de l’eau sur ses hanches et ses jambes. Ses cheveux chocolat étaient relevés en une coiffure compliquée qui mêlait boucles et torsades. Le long de son crâne était piquetée une succession de petites roses noires mais le clou du spectacle était certainement le loup qui maintenait la moitié de son visage à l’abri des regards indiscrets. C’était un petit bijou d’orfèvrerie avec son armature d’argent recouverte de plumes si sombres que la couleur tirait en tirait sur le bleu. La disposition des vexilles était si complexe qu’on pouvait presque deviner de complexes arabesques comme s’il existait un dessin invisible.
Ce soir, elle se présentait sous les traits d’un aigle noire.
A peine eut-elle atteint le pied de l’escalier que sa mère se présenta devant elle. Un claquement de langue appréciateur fit guise de compliment puis Ambre emmena sa fille se présenter aux différents invités de la soirée. Si Phèdre apprécia ce moment de complicité avec sa mère, elle ne se laissa néanmoins pas duper : elle avait atteint l’âge des fiançailles. La jeune femme n’accordait que peu d’importance à ce protocole moyenâgeux : elle avait bien d’autres ambition que de n’être que la femme d’un avocat du magistère.
Dès que la politesse le lui permis, elle faussa compagnie à sa mère pour rejoindre des amies qui étaient installée au pied de la fontaine magique qui trônait au milieu de la pièce.
Il était près de trois heures du matin quand elle poussa la porte de la bibliothèque de son père dans l’espoir d’échapper à un prétendant un peu trop insistant. Le moment d’intimité qu’elle surprit la pétrifia momentanément : ce n’était pas grand chose, une main posée sur une épaule dénudée, un front féminin – mais définitivement pas celui de sa mère – qui reposait sur le buste de son père.
L’espace d’une seconde elle considéra l’idée de refermer la porte et prétendre qu’elle n’avait rien vu mais le regard de son père était déjà braqué sur elle.
« Phèdre. »La compagne de nuit de son père releva la tête pour l’observer mais ne fit pas mine de bouger. Phèdre quant elle ne savait pas quoi répondre : elle préféra le silence. Elle vit son paternel se dégager de l’étreinte de l’inconnue, plaquer un chaste baiser sur son front et la renvoyer d’un regard avant de s’approcher de sa fille. Phèdre quant à elle resta paralysée : son père était bien la dernière personne a avoir le pouvoir de la faire trembler par un simple regard. Il ferma la porte qui était restée entrouverte puis reporta son attention sur elle.
« Je ne sais pas ce que tu penses ou ce que tu crois comprendre. Je n’ai absolument pas l’intention de t’expliquer ou de me justifier. Je me contenterai de te rappeler que loyauté et fidélité sont deux choses complètement différentes. »Il lui caressa la joue avec tendresse avant de sortir par la porte que l’inconnue avait emprunter juste avant.
Elle resta un moment dans la bibliothèque à ressasser ce qu’elle avait surpris. Ce n’était pas tant l’infidélité de son père qui la peinait – tous les grands hommes avaient des faiblesses – sinon sa réaction quand elle l’avait surprit. Elle comprit que jamais il ne la considèrerai autrement qu’une enfant, maniable, incapable de comprendre, et sans aucune autre qualité si ce n’est être sa petite fille chérie.
Méditative, elle se posa sur une banquette à proximité de la fenêtre. Cette nuit-là lui sembla durer des jours entiers.
*
* *
« Tes parents auraient-ils un sens de l’humour particulièrement noir ? » demanda avec un calme dangereux une voix qu’elle ne reconnaissait pas.
Son patronus gronda sourdement en s’immobilisant.
Sentant la provocation, la beauté glaciale troqua son sourire naturel contre une moue dubitative, attendant d’en savoir plus.
« Connais-tu seulement l’histoire de ton éponyme ? C’est amusant d’appeler son enfant comme ça, tu ne trouves pas ? » Elle haussa un sourcil interrogateur en laissant le silence se prolonger. La jeune femme avait apprit que le mutisme déliait les langues bien plus facilement que ne le faisait les questions. L’élève continua son raisonnement à voix haute, sans jamais faire disparaître le sourire moqueur de ses lèvres.
« Peut-être devrais-tu te faire appeler Olivia, c’est déjà moins funeste.
A dire vrai, je ne sais pas si c’est de l’humour ou de la bêtise. »Elle aurait dû s’en douter. L’élève portait les couleurs de sa maison rivale. Nul bien ne pouvait émaner d’eux, de toute façon. Son instinct lui hurlait d’attraper sa baguette pour punir l’imprudent mais elle se sentait d’humeur à discuter avec les sots.
« Et aurais-je l’honneur de savoir qui m’adresse de telles récriminations ? Ou peut-être préfères-tu t’offrir le luxe de l’anonymat de peur que ton petit jeu ne se retourne contre toi ? » Elle s’avança d’un pas tandis que l’autre semblait sur le point de répliquer. Elle ne lui en laissa pas l’opportunité :
« Puisque c’est comme ça et pour que l’on soit sur un pied d’égalité toi et moi, je vais te donner un surnom, tu veux bien ? Oh ! Ne prend pas la peine de me répondre, c’est une rhétorique … Tu sais ce que c’est, une question rhétorique, n’est-ce pas ? » Elle laissa un sourire mauvais affleurer à ses lèvres. Elle préférait éviter la méchanceté gratuite en revanche malheur à celui qui s’attirait ses foudres volontairement.
« Que préfères-tu ? Idiot ou Dickhead? Je suis désolée, mais c’est tout ce que tu m’inspires à l’instant. Peut-être es-tu inconscient de la réputation des Nott mais ne nous sommes pas de ceux qui se font marcher dessus. Crois bien que mes parents ne font aucun choix à la légère. Mon prénom inspire peut être le malheur mais soit assuré qu’il n’est jamais tourné vers moi. »Elle accrocha le regard du garçon. Il n’eut pas de mot à prononcer : elle pouvait presque sentir le dégoût émaner de lui comme une vague de chaleur. Pourtant il semblait sur ses gardes. Il faut dire qu’avec les années, une sauvagerie s’était inscrite en elle, menaçant de surgir à chaque fois qu’on faisait mine de l’approcher. On n’avait aucun mal à deviner les grondements au fond de sa gorge, sa férocité à chaque battement de cils et toute une – fausse – assurance qui fait qu’elle ressemblait à un fauve qui sort à moitié les griffes.
Et pourtant elle espérait être capable de cacher cette fragilité extrême qu’on pouvait deviner sous les fissures et qu’elle s’obstinait à faire passer pour des blessures de guerre.
« Appelle-moi comme tu le veux. L’insolence ne te mènera nulle part. Je n’ai aucune leçon à recevoir de toi. » Il lui tourna le dos, superbe et hautain, les mains dans les poches. Il prit néanmoins le soin d’articuler distinctement ses derniers mots :
« Il paraît que la lâcheté est une tare qui se transmet par le sang. Tu sais ce que c’est … une tare, n’est-ce pas ? ».
Interdite, Phèdre laissa quelques secondes s’écouler avant de réagir.
« Attend l’Idiot !». Il lui sembla que sa baguette jaillit d’elle-même dans sa main et que sa bouche prononçait les mots avant qu’elle ne les aient assemblés dans son esprit :
« Mobilicorpus » Une jubilation éphémère l’embrasa toute entière alors qu’elle voyait le corps flotter vers elle. D’un geste sec du poignet, elle le plaqua contre le mur et prit le relai du sort en le bloquant de son corps.
« Allons. Ce n’est pas très poli de tourner le dos à une jeune fille de bonne famille … Tu as de la chance que je n’apprécie pas de m’attaquer aux gens qui me tournent le dos. Une chance que tu sois face à moi maintenant. » Et sur ces mots elle lui administra un formidable coup de genou dans le bas ventre.
« Ravie d’avoir pu mettre ce point au clair avec toi. » lui murmura-t-elle à l’oreille, suave, profitant qu’il fut replié sur lui-même pour lui adresser une caresse qui se voulait solidaire.
Elle aimait bien ça. Souffler le chaud et le froid, être la main qui frappe et qui flatte.
Elle réussit à sortir du couloir avec dignité mais elle dû faire appel à tout son contrôle. Elle sentait ses membres trembler sous le coup de la colère et l’incompréhension – et une pointe d’adrénaline. Elle ne pouvait pas supporter qu’on s’attaque à elle comme si elle était une vulgaire première année. N’en déplaise à cet idiot, elle était plus prédatrice que proie et cela la mettait hors d’elle qu’on puisse vouloir la confronter ainsi.
Des larmes de colère flirtaient à ses cils mais déjà elle entendait la voix grave de son père arguant qu’un sang-pur ne pleure pas. Les années ayant fait leur travail elle avait fini par comprendre que c’était la plus simple des vérités.
A force de patience, elle réussie à se recomposer un visage, si ce n’est joyeux, au moins serein.
Tell me who you really are.