Un cri. Le petit garçon se tenait devant une vieille porte en bois. Il posa sa main sur la poignée en fer lorsqu’un autre cri effrayant l’apeura. Le silence. Son cœur tambourinait dans sa poitrine alors qu’un frisson glacial lui parcourut l’échine. Il aurait dû s’enfuir mais il l’ouvrit avec une lenteur affligeante. Les grincements vinrent combler le vide. Une fine lumière blanche éclaira à peine l’escalier qui s’offrait à lui. Et ce sentiment de terreur profondément ancré en lui le poussait à se dépasser. Il s’enfonça dans les abysses d’un cauchemar, rejoignant la cave du manoir dans lequel sa famille habitait depuis des siècles. Des ombres dantesques se profilaient sur les murs. « Sale vermine ! » La voix crue de son père domina les pleurs d’un être qu’il n’arrivait pas à distinguer. Il longea le couloir et s’accroupit afin d’observer la scène à travers l’embrasure involontairement laissée par cette seconde porte rouillée. Un homme était agenouillé au milieu de la pièce. Ses cheveux bruns hirsutes étaient sales. Ses vêtements étaient déchirés en vieux lambeaux. Son visage ensanglanté répugnait Caelan alors qu’une odeur de sang chaud lui donnait envie de vomir. Il préféra détourner son regard de cette frêle silhouette peinant à rester à genoux. L’inconnu vacillait telle une pendule irrégulière. « Je vous en supplie, je vous en supplie… » Disait-il en quelques murmures. Il perdit son souffle avant de s’écrouler sur le sol. Les ricanements de son père lui persécutèrent les oreilles. Et d’un simple sortilège, il le força à se relever. Une larme perla au coin des yeux du petit garçon. Il n’arrivait plus à entendre les dernières bribes de leur conversation parce qu’il s’obligeait à rester fort en refoulant ses pleurs, ses peurs. Cet homme, dont il ne connaissait pas le nom, le regarda comme s’il avait feint sa présence. Caelan se recula contre le mur en ouvrant grands les yeux. Son père se retourna à son tour en dévoilant ses prunelles noires. Il ne le vit pas. Il pointa sa baguette contre la trachée du né-moldu et sembla se détendre. « AVADA KEDAVRA ! » Hurla-t-il. Le corps de ce pauvre homme tomba par terre. Il était mort. Horrifié, Caelan ne parvenait plus à respirer et décida de fuir précipitamment.
Il avait perdu son innocence.
Il fit des cauchemars durant les mois suivants où il ressassait cette scène angoissante. Son père le trouvait dans ce couloir vide, éclairé par de vieux néons d’un blanc immaculé. Il l’attrapait par le col et l’enfermait dans cette même salle. Puis il se réveillait en sueur et cherchait le réconfort dans les bras de sa mère. L’influence de son géniteur eut un impact terrible sur lui, car il avait non seulement perdu l’image d’un homme prêt à tout pour son fils mais il avait gagné celle d’un cruel bourreau auquel il se refusait de désobéir. Son éducation fut stricte et chaotique par l’extrême position qu’avait adoptée sa famille dans le conflit des purs. Il s’en accommoda avec toute la réticence dont son esprit était capable.

Il était allongé sur son lit et contemplait la nuit étoilée s’étendre par delà la petite fenêtre de son dortoir. La lune éclairait la sombre étendue empyrée de sa rondeur. Caelan se sentait insignifiant. Le reflet de l’éclat filtrait dans le dortoir d’une lueur apaisante, rassurante. Poudlard était devenu son havre. Il demeurait un électron libre canalisé par le devoir de l’honneur et des bons principes de la famille Goyle. La pression devenait insupportable. Il avait l’impression constante d’avoir une épée de Damoclès prête à l’éventrer. Il s’était créé une carapace parfaite. Un trompe-l’œil. Il était un leurre. Il manipulait et trompait. Il avait la capacité de jouer le rôle d’un jeune homme mystérieux aux valeurs douteuses. Certains avaient brisé cette barrière pour le découvrir dans sa vulnérabilité. D’autres avaient goûté au piquant héréditaire des Goyle. Qui était-il alors ? Ces lieux et ces personnes l’aidaient à se trouver. Ils le rendaient libre d’être celui qu’il voulait. Il se souvint de sa répartition. Ce fut un grand moment pour lui. Les membres de sa famille avaient arborés les couleurs de Serpentard. On avait lu dans leurs esprits et il avait redouté que quiconque puisse voir clair dans le sien. Son appréhension s’était dissipée. Les élèves l’avaient applaudi après avoir entendu la réponse de cet immonde chapeau parlant. Et à chaque répartition à laquelle il assistait, il ne pouvait s’empêcher de regarder ces enfants tétanisés. Mais ça ne changeait rien. Ils apprenaient à se connaître. Tout comme lui. Il apprit à ne pas juger sur le sang. Et à chaque fois qu’il rencontrait un né-moldu, il repensait à cet homme que son père avait tué en se demandant si c’était pour cette raison qu’il était mort. Il trouvait de nombreuses excuses à la cruauté de son géniteur. Il n’en parlait jamais et n’avait jamais confié cette expérience ou ses cauchemars à une autre personne au château. Seule sa mère savait. Elle était peut-être son pilier le plus important. Mais à Poudlard, il avait longtemps été seul. Puis un jour, Antarès est apparu et s’est imprégné de tout son être. Le jeune homme se retourna et aperçut la forme brute de son patronus. Il semblait attendre quelque chose sans savoir réellement quoi. Il se changea aussitôt en une libellule et vint se poser sur son nez. Caelan le retroussa puis sourit. Il y avait bien longtemps que la solitude l’avait abandonné. Il avait une deuxième maison et une deuxième famille bien plus tolérante que la première.