Doux enfant au visage trop amène pour ce décor douloureux où chantaient les morts, les marginaux, les fils de rien, des gens mauvais ou encore des êtres ayant fut un temps, été quelqu'un. Il battait l'asphalte de ses chaussures à prix cassé, sa main dans celle de papa, père qui par son charisme titanesque l'avait englouti tout entier. Il passait inaperçu à ses côtés dans cette allée où les berceuses étaient des bacchanales, bruit de débauche incessant, brisant l'innocence des oreilles encore candides des gamins à peine sortis du berceau. L'allée des embrumes était une marche curieuse, un point de rendez-vous pour les novices en magie noire ainsi qu'un lieu de rencontre pour une ribambelle de déchu. Judaël n'avait pas le profil pour trainer dans ce genre d'endroit et pourtant il y habitait, en bas de chez eux se trouvait une petite boulangerie aux denrées dubitables. Il se souvenait avoir goûté un pain à la citrouille et s'en être voulu pendant une semaine, son estomac n'avait pas pu supporter, tout comme sa tête qui abhorrait le chemin de traverse et tout ce qui s'y attachait. Mais papa en jouant l'enfant effronté avait perdu le beau manoir et la richesse de ses parents, il avait choisi de vivre libre plutôt que survivre en tant qu'esclave bien domestiqué, d'après ce qu'il avait baragouiné l'un de ces soirs où il sentait trop l'alcool et où ses yeux avaient du mal à fixer un endroit fixe, ses parents lui avaient demandé de renier son nom, de devenir un bâtard, car il n'avait été digne d'aucun prestige relié à ce nom d'une noblesse douteuse, Hunter.

Voici leurs cris de ralliement, celui qu'on avait interdit de proférer à son père et sa descendance proclamée, dégénérée. Cela ne l'empêcha pas pourtant de réciter ces paroles comme une prière chaque soir depuis qu'il sût ce que ces mots signifiés, ça lui donnait l'impression d'appartenir à quelque chose de grand, une fratrie, lui qui n'avait connu que son père et ses amis aux combines aussi véreuses que les siennes pour subsister… Il avait un jour tenté de contacter cette famille à l'arbre généalogique aussi vaste qu'un océan, sur trois lettres il reçut une réponse, elle venait de sa tante, une femme qui d'après sa prose semblait charmante. Dans un de ces papiers échangés elle lui conta l'histoire, celle dont il faisait étroitement partie.

Tout a commencé quand un jour, Arista Hunter fut chassée de chez elle à coup de fourches et de torches enflammées, pour sorcellerie. Depuis cette mésaventure, cette illustre femme s’est mise à traquer les moldus et une fois captif, ils mouraient douloureusement entre ses mains, d’où jaillissaient des charmes maléfiques. Cette histoire est devenue une légende familiale, et tout ce qu’on peut affirmer, c’est que cette sorcière a réellement existé et qu’elle a engendré une élite de chasseurs sanguinaires. Après l’époque médiévale vint notre ère, entre ce laps de temps, les Hunter ont connu une renommée parmi le cercle fermé des sang-purs. Des gens de l’ombre, un nom qu’on préfère murmurer dans l’obscurité sous peine de voir ses nuits hantées par les Détraqueurs d’Azkaban, oui, cette famille a connu l’apogée sociale mais au péril de leur vie.

C’est pourquoi dans leur métier, tels des tueurs à gages, on les côtoie le moins possible et seulement à l’aide de ficelles bien rodées. Pour les contacter il vous faut de la patience, on ne monte pas jusqu’à eux directement, myriades pièges ont été semés avant qu’on ne puisse les atteindre, ce sont des fantômes qu’on ne rencontre que dans les ténèbres d’une nuit sombre. Pour être chasseur émérite, ils ont du savoir encocher plusieurs flèches à leur arc, tout ce qu’ils font est illégal, ils le savent, ils ne peuvent se permettre d’échouer en étant non vigilant. C’est pourquoi, ils n’ont pas qu’une seule étiquette, avant d’être des braconniers, ils sont des espions, ils ont besoin du maximum d’informations pour pouvoir avancer sur un terrain d’un pied sûr. Car en plus de craindre la mort en défiant les monstres surnaturels, ils doivent se méfier des hommes, du ministère, une erreur et c’est la prison. Au risque de perdre la tête en cellule, l’adrénaline n’est d’autre que ce qui fait véhiculer le sang jusque dans leur coeur, ils sont nés pour se mesurer à la mort et la cage n’est qu’un moindre prix.

Depuis la création de cette ligue familiale, ils servent les sorciers de pure naissance, certains sont des rêveurs capricieux et ont toujours voulu un dragon rarissime, d’autres sont des excentriques et préfèrent les sirènes, leur portant des sévices moraux en venant les plonger dans un aquarium de décoration, tel un vulgaire poisson rouge. Quelques autres sont de vrais fous, ayant des ambitions plus grandes qu’eux, comme détenir une Acromentula et en faire une armée (le dernier ayant voulu posséder cette créature est mort, dévoré par son bien) ou encore un Basilic. Nous arrivons au dernier genre de client de la famille (bien qu’il en existe moult d’autres mais ceux cités sont le genre le plus couramment rencontré tout au long de leur carrière) les sorciers demandant vengeance, c’est là qu’on découvre l’obscurité de leur métier, bien qu’il soit assez douteux sans qu’on ait besoin d’en ajouter. Mais voilà, les chasseurs sont aussi des tueurs, pas d’homme non, de créatures mais aussi d’Hybrides. Il est arrivé qu’on leur propose un sale travail, comme pourchasser un loup-garou et l’abattre proprement ou au contraire, dans des conditions morbides. Les clients ont ce qu’ils désirent et certains y mettent toutes leurs économies pour bénéficier du salut d’un de leurs enfants, mordu par ces bêtes par exemple.

Leur réputation d’hommes et de femmes sans visage (car quand ils vont à la rencontre de leur clientèle, ceux-là n’ont pas le loisir de découvrir le visage de leur chasseur. À chaque rendez-vous, ils ont le visage encapuchonné, comme une signature de leur titre nébuleux) a été malmenée par le temps. Une histoire a fait scandale, notamment celle d’Alectos Hunter, c’était un garçon d’une trentaine d’années. Alors qu’il allait voir son client habituel qui de coutume lui réclamait quelques créatures difficiles à obtenir pour réaliser des potions, il lui requerra cette fois-ci tout autre chose. Pister une Vélane et le lui ramener morte ou vivante. Intrigué, il chercha à comprendre pourquoi cet homme désirait avec autant de rage cette femme à la beauté irréfutable, il sut sur le chemin qui le menait à elle, qu’elle était l’amante captive du collectionneur de monstre. Alectos n’était pas un tueur dans l’âme et une fois l’hybride retrouvée, il voulut l’aider à s’échapper pour que même lui ne puisse suivre sa trace car durant leur épopée, il était tombé sous son charme mais voilà. Craintive face aux hommes, la belle crut intelligent de venir étouffer son sauveur pendant son sommeil et l’instinct de survie démesuré d’Alectos, le poussa à couper en deux la créature qui agonisa dans d’atroces souffrances… Alectos a passé le reste de sa vie en cavale, protégé par les siens et a perdu la vie à l’aube de ses quarante ans, en tentant d’éventrer un Sphinx à mains nues. Cette tragédie s’est déroulée il n’y a pas moins de cinquante ans et depuis la famille essaie de se faire oublier, surtout avec toutes les histoires agitant le ministère. C’est pourquoi leur activité est au ralenti, se cachant derrière un élevage de dragons le temps que tout se calme.

Voilà ce qu'il avait pu lire, une famille au passé sanguinaire et un présent incertain mais malgré ça, il aurait aimé faire partie de ce cercle fermé, il aurait adoré vivre une tonne d'épopée fantastique et non catastrophique comme celle qu'il avait la malchance d'avoir vécu. Son père avait été renié pour plusieurs raisons, son manque de savoir-vivre, son amour pour la chaire pure, moldue et née-moldue, elles y passaient toutes, plus il les méprisait, plus il se délectait de leur corps. Cependant, il tenait à garder une bonne image, enfin bonne… Il avait essayé de garder le gratin de la société sorcière dans ses petits papiers mais ses frasques l'ont dépassé, aujourd'hui il tente de redorer son blason, maquillant sa pauvreté et s'immisçant dans le monde mondain grâce à son dialecte d'enjôleur de première et son sourire à faire tomber ces dames aux colliers de perles resplendissantes. Doucement il usa de son nom pour reprendre du gallon, et il y parvint petit à petit. Fini les commissions à bas prix pour ces petits gens désuets et dénués d'intérêt, il voyait grand désormais, il avait toujours vu grand même pour son fils.

Lorcan Hunter, n'était pas un homme de parole, il était un tricheur, voleur, manipulateur un monsieur peu recommandable en soi surtout depuis qu'il avait revêtu l'habit noir du Mangemort, c'était un choix stratégique, au fond de lui il n'avait pas vraiment de haine profonde à l'égard des moldus et toutes ces conneries, mais dans cette unité de malfrat il savait qu'il parviendrait à ses fins, devenir non, redevenir quelqu'un, il n'était pas fait pour vivre dans l'ombre, il avait besoin de sang, de gloire, de cuisses où se blottir la nuit et il aspirait à un grand avenir à son empoté mais aussi surdoué de fils. Il était doué dans tout ce qui touchait à la théorie, il avait la capacité d'apprendre des tonnes de sortilèges, d'absorber des livres soporifiques et d'en tirer le meilleur parti, il était loin d'être niais, très loin et ça, Lorcan l'avait vu dès ses premiers gazouillis de bébé, dès ses premiers pas peu agiles, il l'avait choisi lui parmi tous les autres gosses qu'il avait pu engendrer car il était brillant, d'une intelligence affutée pour l'avenir qu'il lui prédestinait.

Lorcan l'avait préparé à devenir un chasseur, un homme à double visage, il lui avait appris à se confondre dans la masse des gens purs, à parler comme eux, à penser comme eux. Même si ce n'était que de la comédie ça restait crucial, Judaël devait être l'exemplaire connard de lignée pure qui dénigre les races inférieures, il devait se faire tout seul son petit carnet d'adresses, il devait être un Hunter et ce, avec ou sans l'accord des grands-parents ou même de la famille. À ce jour, le père et le fils rêvent de créer leur propre ligue, leur propre renommée et s'il faut étriper deux, trois ou cent bestioles pour y parvenir, ils le feraient.