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Myrtille,

Tu sais, je crois que tu as raison. Je ne peux utiliser le passé comme prétexte indéfiniment. Mes souvenirs doivent rester proscrit, ils ne doivent pas jeter leurs ombres douloureuses sur le présent. J'aime profondément mon père, malgré sa fuite, malgré ce qu'il m'a fait. C'est si nébuleux dans ma tête, je ne me souviens de rien, seulement de quelques phrases de ma mère "ton paternel t'aimait. Un peu trop sans doute". Je pense comprendre, mais je ne veux pas l'admettre. Le déni est tellement plus confortable. Seulement voila, je me trouve dans l'incapacité d'aimer. J'aimerais pouvoir être comme ces filles euphoriques et utopiques qui se pavanent en parlant de leur amant. J'aimerais pouvoir ressentir un sentiment capable de me désaxer. Mais je n'y parviens pas. Tu connais toutes mes amourettes, en tant que meilleure amie tu m'as souvent écouté et conseillé. Mais ce que je vivais n'avait rien de commun avec ce que je lis dans les livres sur le grand frisson.

Je vais changer de sujet, car ce monologue me semble d'une tristesse et je ne veux pas te bouleverser. J'aime t'écrire. Tu es ma meilleure amie et je me rend compte que j'ose beaucoup plus étaler mes pensées à l'écrit. On devrait donc se servir de nos plumes plus souvent que nos langues (sans vilain jeu de mot coquine) !

Tu sais, on m'a parlé d'une légende étrange. La troisième nuit de pleine lune, si tu regardes ton reflet dans une surface séculaire comme un lac par exemple, tu peux voir la façon dont tu vas mourir. Je t'imagine déjà murmurer "Il faut qu'on essaye !". Le mois prochain on ira donc ! Et puis ensuite, on pourrait aller boire une bièraubeurre et danser sur un mauvais rock ?

Comment se passe tes cours sinon ? Tu bloques toujours sur la philosophie de Berlatinude ? Ce vieux sorcier ne devait pas avoir toute sa tête.. Prôner la réalité comme loi absolue est absurde. On devrait tous avoir le droit de rêver. Le réel est important mais le fantasme l'est tout autant. L'espoir devrait être plus souvent sollicité ! D'ailleurs, quels sont tes rêves les plus fous en ce moment ? (oui, j'aime poser cette question tu le sais, mais tu remarqueras que cela permet de connaitre plus facilement une personne plutôt que des questions banales).

Ma belle, je suis déjà en retard. Je t'embrasse très fort M.

Affectueusement.

Chloé.

Très cher N,

Je trouve cette situation particulièrement gênante. Te voila possesseur d'un fragment de ma vie que je dissimule aux autres depuis tellement longtemps. Ne froisse pas mes souvenirs, ne juge pas ma mémoire. Sache que mon passé est le seul à pouvoir me blesser. Toi aussi désormais, tu détiens ce pouvoir, cette fascinante faculté. Le hasard est indélicat et capricieux, il nous mène où il veut, nous traîne comme des vulgaires pantins vers des horizons lointains sans solliciter notre avis. J'ignore qui tu es. "N" est mon seul indice. Je n'en désire aucun autre. Cette simple lettre me suffit, me rassure. Tu es comme une ombre immatérielle, illusion de mes pensées avec qui je peux converser sans me soucier des conséquences. Tu vas me trouver impertinente, mais ton absence d'identité, ta non-existence, me permet de me sentir vivante. Tu es comme l'inspiration qui permet de m'élever, une voix dans ma tête me donnant la force d'avancer. Tu écris "tu connaitrais le grand frisson", et j'ai envie de croire. Sache que je n'y ai jamais cru avant.

La fuite de mon père me ronge. La présence du tiens te dévore. Nous partageons cette douleur et j'en suis navrée. Je sais que l'étouffement provoqué par un parent abime, submerge, atrophie. Durant mon adolescence, je me suis droguée afin de m'évader de cette vérité notoire et inhalatrice. Il y a tout juste une année que je suis sobre, que ma chair n'a pas connu d'intrusion brutale. Mon sang redevient rouge peu à peu. Je suis une fille populaire, pétillante. Personne ne se doute de ma détresse profonde. Sauf toi. Sauf N. Mais tu ne connaîtra jamais le reflet de mon visage. Je libère les blessures de mon âme à travers toi. Parle moi, confie moi ta part d'obscurité, ce que tu n'as jamais réussit à avouer. Je m'offre à toi avec la plus grande élégance. Partageons nos pensées sans la moindre offense.

Ton pragmatisme est dangereux. Les fantasmes ne sont pas uniquement des rêves, ils sont ce qui nous bercent et ce qui nous éveillent. Il ne faut pas les élever au rang d’inaccessibles. Un fantasme n'est pas irréalisable. Je préfère croire en mes rêves, croire que je peux les atteindre. La réalité est fade sans utopie. Je trancherai donc pour une réalité où les chimères deviennent possibles. Qu'en dis-tu ?

Bien à toi.

Chloé.

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Cher Nathaniel,

Le luxe de l'anonymat n'est plus possible avec moi. Ta suffisance affecte même ta façon d'écrire.
Je ravie de voir que les relations entre nos familles continuent à perdurer. Après tout, ce n'est pas parce qu'ils ont manqué ton éducation qu'ils devraient être réprouvés.
P.S : Il parait que tes parents ne tarissent pas d'éloges sur moi également. Je n'ai, quant à moi, eu aucun retour sur toi. Comporte toi comme un vrai serdaigle et tires-en les conclusions qui s'imposent.

Tendrement,
Phèdre

Cher Nathaniel,

Il n'y a pas grand-chose que j'aime chez toi mais ton indicible modestie et élégance sont des qualités qu'on ne pourra jamais t'enlever.
Dans un sens, il est dommage que nos fiançailles aient été annulées. J'aurais été la seule capable de laver ta si jolie bouche de toute les immondices qui la peuplent. Si jamais je me sens d'humeur généreuse, un de ces quatre, je te promet de m'y atteler quand bien même je n'ai plus l'obligation de partager ta vie - Être une Nott ne m'a jamais paru aussi bon qu'après t'avoir rencontrer.

Tendrement,
Ph.

A l'Homme de mes rêves,

Vois comme j'ai une bonne influence sur toi. A peine deux hiboux échangés et te voilà déjà à signer de ton prénom et à m'embrasser. J'ai bon espoir que dès que j'en aurais fini avec toi, tes parents viennent me remercier et me montrer l'étendue de leur gratitude.

Es-tu en train de me dire que je si t'avouais un voeu te concernant tu serais prêt à me l'accorder ? Prends garde. Tu pourrais être trop délicats pour mes goûts. Je t'avoue que jusque là tu avais mon attention polie, mais c'est en train de changer positivement.

Ne me fais plus rougir,
Ph.

J'ai trop tendance à oublier que les chiens ne font pas des chats. Ma faute je présume.

Ne dis pas trop vite qu'on ne s'amuse pas avec moi. Si c'est ce que tu penses vraiment, c'est que tu n'as jamais joué aux parties intéressantes.

Ne dis rien alors, je te préfère silencieux.
Je te l'ai dis dans mon autre hibou: je crains que tu ne sois trop délicat pour mes goûts, pas l'inverse. Je ne vois pas comment ça pourrait être à mes dépens.

Royalement vôtre,
Princesse Ph.

Oups. Peut-être effectivement que tu as de l'influence sur moi.
Si nous étions amis, bien évidemment que tu serais invité aux festivités. Pour l'instant, je n'ai pas encore mis d'étiquette sur ce qu'on est l'un pour l'autre - ce qui me dérange un peu, tu t'en douteras. Je te vois un peu comme une épine dans mon pied mais partant d'aussi bas, à tout moment ça peut évoluer.

En 19 ans d'existence, je n'ai pas le souvenir d'avoir reçu un seul compliment de ta bouche - ni de ta plume ! C'est la preuve qu'on est susceptible de se supporter plus qu'on ne veut l'admettre. Je considérerai donc le fait de t'inviter à mes amusements.
Il est possible que ça te perturbe un peu toi et tes poumons fragiles, mais je ne doute pas que tu y trouveras du plaisir.
Tu es prévenue.

Royalement vôtre tienne,
Princesse Ph.

T'aurais-je vexé, love ? Pourtant je pensais y avoir mis les formes. Tant pis pour moi.

Tu as raison, attends moi de pied ferme. Je te promet quand la partie sera lancée tu seras le premier au courant.

Tes poumons, tes bronches. Estime toi déjà heureux que j'ai retenu ta maladie (oh, vas-tu me reprendre sur ce terme-là aussi ?) ta petite vie n'est pas le centre de mon monde, tu m'en excuseras bien certainement.
Il est d'autres activités qui requiert de bouger sans que ça ne finisse inévitablement dans un lit. Mais j'aurais dû anticiper le raccourci que ferait ton esprit. Après tout quand on a un talent unique, il faut bien l'exploiter au maximum (et ne crois pas que je te parle de tes compétences dans ledit lit, je fais plutôt référence à l'incroyable bagout que tu dois avoir pour attirer de pauvres filles dedans).

Sois rassuré, mon lit est chasse-gardée,
Ph.

Tu es un insupportable petit sang-pur.
Mais tu as raison sur un point : je ne suis pas prête à abîmer mon superbe visage parce que ta vulgarité me contrarie (Il n'y a pas besoin d'insultes pour être vulgaire. Tu es passé expert sur ce terrain-là).

Mon troisième doigt te salue bien haut (oui, cette fois c'est moi qui le suis),
Ph.