You're not a sad story.
Goodbye my lover.
Il était tard… Très tard. Une jeune femme s’était endormie sur l’un des fauteuils trônant dans le salon de style épuré, le téléphone fixe dans la main, celle-ci tombant dans le vide. Elle avait attendu toute la nuit que son mari revienne, toute la nuit. Mais il n’était pas rentré. Pas encore. Elle lui avait laissé plus de trente-deux messages vocaux, elle avait été folle d’inquiétude, elle avait lutté pour ne pas s’effondrer alors que son esprit lui jouait des tours, s’imaginant bien des choses horribles. Puis la porte s’était ouverte violemment, sèchement, et un léger rire s’était fait entendre avant d’être étouffé par des lèvres… Et elle, elle était là, sur son fauteuil, son cœur battant la chamade alors que deux personnes semblaient se désirer sauvagement, se bouffant mutuellement, se cognant aux meubles, cherchant à se poser sans y parvenir. S’agissait-il de lui ? De son bien-aimé ? Sa main tremblante se dirigea vers l’interrupteur, lentement, nerveusement… Elle n’osait même plus respirer tant elle était angoissée, persuadée qu’elle allait trouver là son mari avec une autre femme… Son doigt glissa sur le bouton et la pièce fut éclairée d’une légère lumière… Et tout s’arrêta. Là, devant elle, se tenait celui qu’elle avait épousé, appuyé contre la petite bibliothèque, la chemise ouverte, le regard assombrit par le désir… Mais les lèvres se trouvant contre la veine battante de sa nuque n’étaient pas celles d’une femme. Non, ces lèvres appartenaient à un homme. Oui, un homme… Le cœur de la jeune femme rata un battement alors que les yeux foncés de son amant se tournaient vers elle, l’étonnement prenant place dans son regard. Il poussa alors un brusque
« Stop ! », obligeant l’autre homme à se tourner, remarquant cette femme choquée sur son fauteuil de cuir. Les deux amants se séparèrent, confus, ne sachant trop quoi dire. Et cette femme, elle, que pouvait-elle bien faire ? Son mari la trompait sous ses yeux et qui plus est avec un homme. La jeune femme éclata alors en sanglots, larmes de rage, de colère, de tristesse… Et, sans que personne ne puisse dire comment elle fut si rapide, elle se posta bien droite face à son mari, envoyant sa main rencontrer sa joue avec une force insoupçonnée. Aucun mot ne sortit de la bouche de l’homme. Aucun. À quoi bon se confondre en excuse alors qu’il savait pertinemment qu’elle ne saurait lui pardonner. Et puis, il ne voulait pas qu’on le pardonne. Il n’en avait pas besoin. Tout comme il n’avait pas besoin de s’excuser… Ce n’était pas la femme avec qui il avait vécu tout ce temps, avec laquelle il avait eu une fille, qu’il aimait. Non, il aimait l’homme qui partageait sa vie et son esprit depuis presque plus de trois ans déjà. C’était peut-être égoïste de sa part, de se défiler ainsi, mais il ne voyait pas ce qu’il pouvait dire.
« Je suis désolé… C’était juste comme ça… C’est toi que j’aime. » Non. Il n’allait pas lui mentir. Il aimait cet homme, et plus que tout. Il s’était caché à lui-même son homosexualité durant des années, il l’avait refoulée, avait tenté de l’oublier en restant auprès de sa femme. Mais les sensations, les sentiments, les ressentis n’étaient pas les mêmes, l’amour n’était pas le même. Il ne voulait pas des femmes… Et il ne voulait plus de sa femme, aussi belle qu’elle puisse l’être. Il aurait finit tôt ou tard par lui avouer qu’il aimait les hommes… Après tout, depuis la naissance de Blöem, il n’avait plus retouché sa femme. Et s’il le faisait, alors il pensait à lui, celui qui se tenait à ses côtés en ce moment, celui qui le rendait dingue, qui lui faisait perdre tous ces moyens. Oh, lui, il savait que son amant était marié, qu’il avait une femme, deux charmantes petites filles, qu’il était à la base un hétérosexuel purement vérifié… Mais il avait tout de même osé, il n’avait pas pu résister à ces yeux foncés, ces cheveux blonds vénitiens toujours en bataille, ce sourire qui se faisait charmeur sans le vouloir. Et il n’avait pas un seul instant pensé à celle qui avait partagé par le passé son lit, celle qui portait à son doigt la marque de leur union… Et à leurs enfants. Ces deux gamines. Si petites. Non, jamais il n’y avait songé. Et le père de famille encore moins. En sa présence, il oubliait tout. Il oubliait qu’il avait une vie déjà construite, une femme aimante et dévouée, une fille joviale et attentionnée et une autre calme et imprévisible… Il oubliait tout, plus rien ne comptait. Plus rien. Rien du tout. Et puis c’était arrivé, le voile était tombé et il n’y avait plus rien à faire. C’était finit, terminé. Alors il fit ses valises et partit avec cet autre homme qu’il aimait si passionnément, Mickaïl, laissant sa vie passée derrière lui et celle qui fut sa femme, larmoyante et furieuse, sur le pas de la porte… Il laissait tout. Tout sauf son présent. Mais il ne les abandonnait pas, non, ce n’était… Qu’un au revoir. Un simple au revoir.
Falling.
Il était partit. Il l’avait laissée, elle, seule… Il l’avait abandonnée… Non, il les avait abandonnées. Toutes les trois. Angélique haïssait son ex-mari, tellement que son cœur se demandait parfois s’il y avait vraiment eu, un jour, une once d’amour pour celui-ci en son sein. Comment avait-il pu faire ça ? Comment avait-il pu la laisser, elle, la femme qu’il avait épousé ? Comment avait-il osé la tromper ? Et avec un homme qui plus est ! C’était… C’était juste dégoûtant. Repenser à cette nuit –maintenant lointaine– lui donnait des haut le cœur et faisait grimper les larmes en flèche jusqu’à ses yeux rouges et vitreux. Le monde d’Angélique s’était écroulé. Tout avait été détruit. Tout, absolument tout. Ce monde si parfait qu’ils avaient construis ensemble, tous les quatre, leur vœu d’amour éternel et de fidélité sans faille, leur union… Tout était parti en fumée. Une fumée épaisse et mortelle qui vous consume de l’intérieur, qui vous brûle les poumons. Il n’était plus un homme à ses yeux… Non. Il était un monstre. Un monstre égoïste et dégueulasse. C’était tout ce qu’il était. De la huitième merveille du monde, il était passé à la chose la plus horrible qu’il eut été donné à l’humanité. Elle avait envie de vomir rien qu’en posant son regard sur la photo de leur mariage qui était en train de brûler. Comment avait-il pu lui mentir aussi longtemps… ? Comment… ? Était-ce possible d’être aussi cruel ? Il fallait croire que oui… La femme empoigna brusquement la bouteille d’alcool qui était près d’elle, y buvant directement au bouchon comme-si elle ne faisait que boire de l’eau après avoir couru un marathon. L’alcool lui faisait un bien fou, il l’aidait à oublier, lui donnait l’impression d’avoir des ailes et de pouvoir s’échapper vers un autre monde, une autre dimension. Voir flou, ne plus pouvoir penser correctement, ne plus réussir à tenir debout, débiter des idioties, cracher sur ses filles, leur hurler dessus sans articuler alors que l’une d’elle avait dit « papa »… Tout ça lui importait peu. Ce monde sonnait faux, toute sa vie n’était que foutaises et promesses en l’air… Alors à quoi bon faire face et rester dans ce monde pourri qui se casse la gueule alors qu’on peut avoir un aller simple et gratos pour… Pour quoi ? Un autre monde ? Un monde meilleur ? Le coma éthylique, la mort, oui. C’était tout ce qui l’attendait si elle continuait sur sa lancée.
Lost.
« Diane… Papa me manque… » Blöem était emmitouflée dans son édredon, regardant de ses yeux bleus et électriques sa sœur ainée. Son père lui manquait terriblement depuis le divorce, c’est-à-dire depuis un an. Une année qui lui paraissait être un millénaire. Leur mère avait interdit aux deux enfants de parler de leur père en sa présence et elle refusait catégoriquement que celui-ci leur rendre visite et inversement. Ne plus voir son père était horrible. C’était comme s’il avait emporté une part d’elle-même en s’en allant, ne laissant qu’un énorme vide qui ne pourra jamais être comblé derrière lui. C’était une sensation désagréable et insupportable, ça faisait mal. Tellement mal. C’était de trop pour une enfant de tous justes Quatre ans. Mais Diane ne pensait pas la même chose que sa cadette, non, elle, elle écoutait sa mère, elle pensait comme elle et non pas à sa manière.
« Blö, je t’ai déjà dit que tout est la faute de papa. Il a mentit à maman, il nous a mentit à nous aussi. Il a fait souffrir maman, il l’a fait pleurer … C’est à cause de lui que maman boit tout le temps et qu’elle s’en fiche un peu de nous… » L’ainée marqua une pause, semblant se répéter ce qu’elle venait tout juste d’articuler. Si elle s’en fiche un peu de nous ?
« Juste un peu… », s’était elle alors rectifiée, ayant pourtant l’air peu convaincue par elle-même. La vérité, c’était qu’elle n’osait pas blâmer sa mère à cause des souffrances qu’elle avait endurées… Elle n’osait pas rejeter la faute sur elle, elle préférait lui donner l’impression d’être de son côté et jouer tellement bien son rôle qu’elle finirait par y croire elle-même. Et c’était ce qui était arrivé, petit à petit. Elle s’était persuadée que c’était son père et personne d’autre qui avait amorcé cette descente aux enfers, que sa mère était juste la victime que l’on devait tous plaindre et soutenir… Son père avait un menteur... Un menteur cruel.
« Mais il nous aime quand même, hein ? Papa il nous oublie pas ? » La plus jeune des deux filles s’était blottie contre son ainée, semblant chercher un peu de réconfort même si les mots de la plus âgée lui transperçaient le cœur.
« Je ne sais pas Blöem, je ne sais pas… » D’un geste doux et tendre, celle qui se prénommait Diane vint caresser les cheveux châtains de sa petite sœur, posant son menton sur sa tête. Tout ça la déchirait en deux. Elle était perdue. Plus perdue que jamais.
Promise.
« Diane, tu n’as pas le droit de partir ! Reste ! S’il te plaît… » Blöem s’accrochait au manteau de sa sœur comme une désespérée, les yeux larmoyants.
« Je reviendrai Blö, t’en fais pas. Je serai là pendant les vacances et toi aussi tu me rejoindras dans quatre ans… Je ne vais pas t’abandonner, voyons ! » Diane offrit un grand sourire à sa cadette, se baissant à sa hauteur afin de lui ébouriffer les cheveux avant de déposer un baiser furtif sur sa joue. Mais Blöem n’arrivait pas à sourire, sa gorge se serrait, se tordait… Elle avait envie de pleurer. Juste de pleurer. Si sa sœur partait à Poudlard alors il ne lui restait plus personne.
« … Tu me promets de m’envoyer des lettres toutes les semaines… ? », avait supplié la plus jeune, levant ses yeux bleus et plus tristes que jamais vers sa grande sœur qui, elle, souriait de plis belle. Un sourire sincère, réconfortant, chaleureux… Rassurant.
« Oui, je te le promet. Croix d’bois, croix d’fer, si j’mens… J’vais en enfer ! » Puis Diane se saisit du petit doigt de sa petite sœur à l’aide du sien afin de l’en assurer. C’était une promesse.
La locomotive rouge flamboyant quitta la gare dans un nuage de fumée, laissant sur le quai une Blöem qui se sentait plus seule que jamais malgré la main chaude de sa tante sur son épaule. Alors on y était ? On lui arrachait de force la personne qui comptait le plus pour elle sans lui demander son avis ? L’enfant fixait le bout des rails d’un œil vide, ses larmes coulant sur ses joues pâles sans qu’elle ne puisse les retenir. Sa tante vint les chasser d’un geste tendre, enlaçant ensuite sa nièce comme l’aurait fait une mère aimante.
« Ne pleure pas Blöem, elle reviendra. Et puis, je suis là moi. » La jeune femme s’écarta de quelques centimètres du visage de l’enfant, la tenant par les épaules, et lui offrit son plus beau sourire. Oui, elle était là. Et heureusement. Sa tante était aussi importante que sa sœur, maintenant. Elle, elle avait bien voulu s’occuper d’elle, les nourrir, les loger, les aimer… Faire tout ce que sa mère ne faisait plus depuis ce fameux jour où tout s’était écroulé. C’était Diane qui avait entraînée Blöem hors de leur maison pour rejoindre celle de leur tante… Et elle avait eu raison. Parce que là-bas, elles se sentaient bien mieux, elles pouvaient enfin respirer, rire, sourire, évoquer leur souvenirs passés avec leur père… Quoique Diane ne parlait plus de lui depuis presque quatre ans. Elle le rejetait, essayait d’oublier son visage, sa voix… Elle fusillait du regard Blöem lorsque celle-ci parlait de son père et lui coupait la parole, changeant de sujet. Elle était persuadée que tout était la faute de leur père et de son amant, qu’à cause de ce dernier, il les avait abandonné et avait poussé leur mère au fond du gouffre. S’en remettrait-elle, d’ailleurs ? Blöem se posait souvent cette question. Elle se demandait toujours si elle allait bien, si ça s’arrangeait… Mais lorsqu’elle venait lui rendre visite en compagnie de sa sœur et de sa tante, sa mère n’ouvrait pas la bouche sauf pour dire
« Au revoir » et restait derrière la porte. Cette situation était pesante, insupportable… C’était dur, très dur. Peut-être même trop… Mais leur tante, Amalia, avait tout fait pour leur faire oublier ce passage difficile de leur vie… Et aujourd’hui, sa sœur partait. C’était comme-si tout recommençait… Et elle ne voulait pas que tout recommence. Ses frêles épaules ne supporteraient pas un poids de plus.
Merry Christmas.
« Je suis contente que l’on puisse tous se retrouver pour les fêtes… » Diane était assise en tailleur sur son lit à baldaquin entourée de ses cousins et cousines, Blöem se tenant un peu plus loin, allongée sur son propre lit, un livre entre les mains.
« Tous ? Nous ne sommes pas tous là, Diane. » Le ton de l’adolescente s’était fait plus froid et sec que d’ordinaire, comme chaque fois que l’une d’entre elles abordait maladroitement le sujet de la famille. La jeune fille, maintenant âgée de quatorze ans, releva ses yeux l’espace d’un court instant, fusillant du regard sa sœur. Elle n’aimait pas quand elle parlait comme ça. Ce n’était pas vrai, ils n’étaient pas tous présents en ce soir de Noël que la famille Perault était venue fêter au manoir familial, en France… Il manquait sa mère. Et puis son père, aussi. Et même son compagnon… Parce que même si la famille le rejetait, il en faisait quand même maladroitement partie depuis le moment où il avait décidé d’aimer leur père. Alors non, ils n’étaient pas tous là… Et ça, Diane semblait s’en contre ficher. Elle semblait avoir oublié son père, l’avoir effacé, rayé de ses souvenirs. Et Blöem ne l’acceptait pas. Diane avait beau être sa sœur, la seule personne qui comptait réellement pour elle, elle n’avait pas le droit de renier leur père qui avait quitté une femme qu’il n’aimait plus pour un homme qui le passionnait. Était-ce le fait que ce fut pour un homme qu’il quitta le domaine familial qui dérangeait tellement Diane ? C’était absurde, ce mode de pensée. Blöem avait parfois l’impression d’être la seule à avoir fait l’effort d’être compréhensive par rapport aux évènements. La seule avec sa tante, sœur de son père, qui était au courant pour son homosexualité depuis des années mais qui avait été tenue au secret. Où est-ce qu’ils allaient, tous ? Elle-même et sa tante étaient les seules à être ouvertes d’esprit et tolérantes ? Et ça s’appelait une famille ? Ils fonçaient droit dans un mur.
« Oui… Enfin presque tous… », répondit Diane avec un sourire maladroit. Elle n’avait pas envie de se disputer une nouvelle fois avec Blöem. Pas ce soir, en tout cas. Toutes les deux avaient enfin une vie digne de ce nom, une vie heureuse, une famille aimante… Les problèmes paraissaient bien loin et il fallait que la plus jeune vienne tout gâcher, à croire que remuer le couteau dans la plaie l’amusait. Diane commençait à regretter le temps où Blöem était trop petite pour penser par elle-même… Enfin, elles n’avaient pas le temps de se préoccuper de tout ça pour le moment…
« Diane, Blöem, les enfants ! Descendez, le Père Noël est passé ! » Les plus petits descendirent le grand escalier de marbre à toute vitesse, pressés de découvrir leurs cadeaux au pied du grand arbre qu’ils avaient eu tant de mal à décorer de part sa taille, tandis que les plus âgés mettaient plus de temps à arriver, surtout Blöem, en fait. « Blö… Dépêches-toi. » Diane soupira de lassitude alors qu’elle croisait ses bras, fixant sa sœur qui ne bougeait pas d’un poil d’un œil mauvais et menaçant.
« Blöem Esfir Perrault, je t’ai dit de te dépêcher ! Je suis ton ainée, tu dois m’obéir ! » Et en disant –ou plutôt hurlant- cette phrase, Diane s’était jetée sur la plus jeune, jetant son livre plus loin avant de s’écraser sur elle en riant.
« Tu m’écrases, vieille chouette… » Et si Blöem, elle, ne riait pas de bon cœur, Diane pu voir ses lèvres s’étirer en un léger sourire presque microscopique. Blöem ne riait plus depuis un bon bout de temps… À vrai dire, elle restait impassible la plupart du temps, même lorsqu’elles n’étaient que toutes les deux. Elle avait cet air blasé et figé de toujours gravé sur le visage, cet air insupportable qui avait le don d’agacer sa sœur. Alors ce petit sourire, aussi petit qu’il eut été, avait réchauffé le cœur meurtri de Diane, rassurée de toujours pouvoir faire sourire sa petite sœur qu’elle aimait malgré tout.
« Vieille chouette ? Tu sais ce qu’elle te dit la vieille chouette ? », Hurla-t-elle en se levant, brandissant un oreiller avant d’être stoppée dans son geste par leur tante qui venait de débarquer dans la chambre.
« Les filles, vous jouerez à ça plus tard, on n’attend plus que vous en bas… » La jeune femme leur sourit franchement alors que les deux demoiselles la rejoignait, Blöem sur le dos de Diane qui avait décidé d’accorder à sa sœur une petite course sur son dos le temps de descendre l’escalier. Et dire qu’elles avaient toutes deux dix-huit et quatorze ans…
La soirée s’était passée sans encombre, les petits derniers de la famille jouant déjà avec leurs nouveaux jouets, suppliant parfois une Blöem exaspérée de jouer avec eux, essuyant évidemment un refus catégorique de plus à chaque demande... Et puis il y avait Diane. Diane l’ainée, la plus grande, la mature, la responsable… Diane qui jouait aux petites voitures avec ses cousins, le sourire aux lèvres. Diane qui souriait sans cesse, Diane qui riait aux éclats, Diane qui ne se laissait jamais abattre, qui n laissait jamais tomber, qui persévérait toujours… Blöem aurait aimé être comme elle, optimiste et déterminée… Mais ce n’était pas le cas. Elle, elle était pessimiste et trop réaliste au point d’en oublier ses rêves de gamine. Elle, elle n’arrivait plus à sourire en présence des autres, elle n’arrivait plus à se laisser aller. Et pourtant, ce soir là, en la regardant jouer avec les autres enfants et taquiner les plus vieux, elle souriait sans s’en rendre compte, un petit sourire en coin. Un sourire presque invisible mais Ô combien admiratif et fier… Oui, elle était fière d’avoir grandit avec une personne comme Diane à ses côtés… Si elle n’avait pas été là, alors qui sait ce qu’elle serait devenue…
« Tu souris, grosse andouille. », avait dit la voix douce et apaisante de Diane qui était venue s’asseoir aux côtés de Blöem, posant son index sur le coin de ses lèvres, désignant ainsi le sourire naissant de sa cadette qui chassa aussitôt la main de sa sœur de son visage.
« N’importe quoi… Je… C’est juste que tu es tellement pitoyable à jouer aux petites voitures que ça me donne envie de rire. » Diane pu voir sa sœur se renfrogner, lui donnant un air trop mignon, et sourit de plus belle à cette vue alors qu’elle passait son bras autour de ses épaules pour la serrer contre elle.
« M’en fiche, tu souris quand même ! » Blöem ne su pas quoi répondre, se contentant de lever les yeux au ciel en lâchant un soupir las et ennuyé. Ce que sa sœur pouvait être immature, en fait… Mais c’était quelque chose qu’elle aimait bien, au fond.
« Blö, j’ai un cadeau pour toi. Vient. » La plus âgée des deux sœurs se leva du sofa, tendant sa main vers sa cadette qui la lui saisit avec un air hésitant. Après tout, on n’est jamais à l’abri des pièges sordides de Diane Perrault…
Ce qu’elle vit l’immobilisa instantanément. Elle ne pouvait pus bouger, elle ne pouvait plus faire un seul geste. Même son souffle s’était coupé tandis que son cœur avait oublié de battre durant quelques secondes avant de tambouriner avec encore plus d’ardeur qu’auparavant dans sa poitrine.
« Tu aimes ? », avait simplement dit Diane, un sourire tendre sur le visage. Blöem avait lâché sa main pour aller toucher du bout des doigts le verre qui protégeait les dessins qu’avaient mis Diane dans le cadre. Ces dessins étaient une véritable montagne de souvenirs plus heureux les uns que les autres… Et il y avait aussi quelques photos. L’adolescente s’arrêta un instant sur une photo, sentant les larmes menacer de venir inonder ses joues. Sur cette photo, il y avait son père et sa mère qui se regardaient en riant aux éclats puis il y avait Diane qui semblait effrayée à cause de Blöem, encore petite, qui lui tendant un crapaud énorme comme-si il s’agissait d’un chaton. Chaque photo présente dans ce cadre était composée d’eaux quatre ou bien de leurs deux parents, souriant comme jamais. Les dessins, eux, étaient ceux que Diane et Blöem avaient faits lorsqu’elles étaient petites… Souvent, il s’agissait d’une grande maison où quatre personnages démesurés se donnaient la main alors qu’un grand trait de crayon rouge venait donner à leur visage l’air le plus heureux du monde… Blöem ne pouvait espérer plus que ce cadeau.
« Tu plaisantes ? C’est… C’est génial, Diane… Merci. » Et voilà, on y était, Blöem souriant à s’en décrocher la mâchoire, s’efforçant de ne pas pleurer pour ne pas avoir encore plus niaise que ce qu’elle avait déjà l’air d’être.
« Je t’en prie, ce n’est rien… Je voulais m’excuser d’avoir pu être blessante lorsque je parlais de papa, je devrai me faire à l’idée que tu ne penses pas comme moi… Mais sache que je ne le verrai plus jamais comme un père malgré tout… C’est… Triste… mais c’est comme ça. Mais voilà, je voulais te faire ce cadeau pour te montrer que je n’oublie cependant pas tous ces souvenirs heureux qu’on a construit tous les quatre il y a longtemps… Et aussi pour que toi non plus tu ne les oublie pas. » Diane marqua une pause alors que Blöem venait d’elle-même la serrer dans ses bras.
« Je t’aime, Blö, tu resteras ma précieuse petite sœur malgré tout ce qui peut nous séparer… » Diane serra à son tour sa sœur dans ses bras, plus heureuse que jamais.
« Je t’aime aussi… Même si tu es chiante et vieille… », avait soufflé Blöem en étouffant un léger rire à peine audible. Les choses commençaient à s’arranger, tout semblait rentrer dans l’ordre… Il était temps.