douze septembre mille-neuf-cent-soixante-et-un ;« Quel sera son nom? C’est une fille. »Une minute de réflexion. Un instant qui lui sembla durer plusieurs éternités. Quel nom devait-elle donné à l’infirmière qui attendait patiemment, devant elle, à enregistrer le petit être auquel elle venait de donner naissance. Pendant quelques secondes, l’hypothèse – affreuse, lorsqu’elle y pensa, après coup – de ne rien dire et de simplement dire de la mettre en adoption, ce poupon qui allait lui rappeler violement un homme dont elle ne voulait rien savoir. Un vulgaire moldu – malgré que son père, lui-même, en était un – qui lui avait déchiré le cœur. L’avait préféré à une de ses semblables. Mais Madeleine ne pouvait s’y résoudre. La seule idée que cet enfant, sa fille, sa chair, serait élevée par une autre, serait aimée par une autre, serait cajolée par une autre, lui était insupportable.
Un soupir. Mais elle acceptait.
« Slohan. »Seul héritage que cette petite aura de son père, un prénom. Elle ne comprendra sûrement jamais. Mais c’était lui, qui l’avait décidé. Ça allait aussi bien à une fille, comme à un garçon, qu’il disait. Ce serait sans doute l’horreur, qui ait dit la même chose à cette poufiasse de moldue, enceinte elle aussi. Elle secoua la tête, prit le petit être dans ses bras. Et elle retomba en amour.
Elle avait oublié c’était quoi ce sentiment. Ce sentiment qu’elle avait seulement éprouvé une seule fois ; quand il lui avait lancé un je t’aime, lui avait promis le monde et avait simplement sourit de tout son visage, lorsqu’elle lui avait annoncé qu’elle portait
leur enfant. Elle avait oublié, alors que ça ne faisait que deux semaines. Elle avait oublié, trop aveuglée par la douleur, la colère, la peine, la rage, la tristesse. Elle aurait mis à feu le monde qu’ils avaient soigneusement construits. Madeleine avait séché ses larmes en tentant de se faire une raison ; il n’aurait jamais compris. Lui, pauvre moldu, n’aurait jamais compris sa position de sorcière.
Elle serra un peu plus, contre elle, l’enfant. Elle ne manquera jamais de rien. Elle vivra heureuse.
De toute manière, elle n’aura pas à supporter un pauvre con, comme père. Il était certain qu’elle vivrait encore mieux, ainsi.
l’enfance ;Slohan Elzhébettia Leigh ne fut pas élevée comme une moldue.
Elle ne mangeait pas des casse-gueule, elle mangeait des berties crochues. Elle avait déjà une collection très avancée de choco-grenouille et ses livres pour enfant avaient tous été acheté chez Fleury & Botts. Son médecin de famille était à Ste-Mangouste et elle rêvait du jour où elle aurait sa propre baguette magique.
Elle avait essayé à maintes reprises de voler celle de sa mère, mais la seule chose qu’elle réussit avec, ce fut de mettre au feu la table dans la cuisine de la maison de ses grands-parents. Ceux-ci passèrent plus de temps à l’élever, petite, que sa mère. Cette dernière travaillait au ministère, au département de justice, et le temps qu’elle donnait à sa fille dans les jours de semaines étaient assez restreints. Cependant, les deux s’aimaient.
Slohan se levait toujours lors du petit-déjeuner de Madeleine, à chaque jour, afin de manger avec elle, un carré de son pain grillé. Et la mère allait, à chaque soir, embrasser la petite fille pour lui souhaiter bonne nuit, si elle revenait tard. Cet équilibre, lors de l’enfance de la jeune fille, sembla tenir bon. Un équilibre d’amour. Ou mère et fille tentèrent de tenir bon et de vivre.
Cependant, cet équilibre vola en éclat, lorsque Slohan commença à poser des questions. Elle était brillante, cette enfant. Le médecin avait même averti la mère, Slohan Leigh sera brillante. La jeune fille avait bien remarqué que personne ne répondait au nom de « papa » comme les autres petites filles de son âge. Il n’y avait aucun papa dans sa vie.
On lui répondit que lorsqu’il avait découvert que Madeleine était une sorcière, il avait eu peur et s’était enfuit, loin. Par contre, la petite Slohan de huit ans avait arqué un sourcil.
« Mais pourquoi grand-papa ne s’est pas enfuit? Grand-maman ne fait pas plus peur que toi! »Madeleine n’avait pas su quoi répondre. Elle avait usée d’imagination ; elle avait dit que son grand-père était bien plus courageux. Cela n’avait pas réellement suffit à Slohan, mais les questionnements avaient arrêtés.
Mais au grand damn de sa mère, elle avait pris l’habitude de s’asseoir devant la fenêtre ; comme si elle espérait voir un homme entré dans l’allée et lui dire qu’il avait repris courage. Ce manège dura deux mois.
Au bout de deux mois, Slohan eut l’impression que son cœur se cassa légèrement ; elle comprit. Elle ne pleura pas, elle se buta dans un silence, un peu plus inquiétant. C’est à ce moment que l’enfant, déjà solitaire, s’ancra dans un « nouveau » monde ; les bouquins. Elle apprit à lire et commença à préférer davantage les livres plutôt que la compagnie des humains.
Il n’y avait rien qui lui faisait de la peine dans ces livres.
La relation de Slohan et Madeleine ne se brima pas, pour autant. Au contraire, l’enfant s’accrocha un peu plus à cette dernière ; la seule chose qu’elles avaient, toutes les deux, c’était l’autre.
la lettreEt puis, la lettre qui portait le sceau de Poudlard arriva.
Soulagement. Madeleine en fut extrêmement heureuse ; sa fille avait hérité de cette « sorcellerie », elle qui redoutait tant, qu’elle devrait se confondre dans le monde moldu. Elle y aurait été aussi brillante, mais elle voulait que Slohan soit une sorcière. Comme elle, pas comme son connard de père. Déjà, qu’elle devait affronter le regard de sa fille à chaque jour ; les yeux de l’homme qui les avait abandonné.
Slohan quant à elle, ce fut une vive inquiétude qu’elle ressentit. La jeune fille n’avait rien connu que sa mère et ses grands-parents. Elle connaissait le monde magique, certes, mais elle n’avait aucune idée du comment interagir avec des personnes extérieures à sa famille. Elle ne voulait pas y aller. Elle avait la peur au ventre.
Elle voulait rester ici, dans leur appartement ou dans la maison de ses grands-parents.
Elle ne voulait pas, non.
Ce confinement qu’elle avait vécu lui donna une vive insécurité, qui dura longtemps. Et qui se calma seulement lorsqu’elle s’endormit la première nuit dans son lit, à Poudlard.
L’inquiétude la rongea. Mais Madeleine l’amena quand même sur le chemin de traverse, un lieu connu, faire ses achats. Elle lui acheta même un chat au pelage caramel – qui se mariait bien avec la chevelure de la petite fille – qu’elle nomma Zeus, afin de la calmer.
« Il est beau ton chat. » Un petit garçon, le même âge qu’elle. Les cheveux châtains trop longs, à l’air perdu.
« Merci. » Elle regarda longuement le garçon devant elle. Puis, la jeune fille de onze ans esquissa un sourire. Et s’en alla en sautillant – comme à l’habitude – vers sa mère.
C’était la premier contact que la pré-adolescente avait, avec un autre enfant de son âge, de sa vie.
l’adolescence ;Le petit garçon qui lui avait dit que son chat était beau, s’appelait Peter.
Il y avait quelque chose de rassurant, lorsque – toujours avec cet air perdu – il passa la porte de son wagon et lui demanda s’il pouvait s’asseoir dans cette cabine. Elle releva la tête de son livre et acquiesça. Ils ne s’échangèrent aucun mot de tout le voyage. Mais cela suffit à rassurer Slohan.
Assise, là, devant lui, elle n’aurait pu dire à quel point, ce petit garçon deviendrait une part importante de sa vie ; qu’il deviendrait en quelque sorte une ancre, toujours un point pour se rassurer, une bouée lorsque tout lui semblait aller mal. Que leur silence et leur amour pour les ennuis allaient les mener dans une longue histoire d’amitié.
Elle tomba en amour – littéralement, comme bon nombre d’enfants – avec Poudlard. Seulement l’extérieur fit qu’elle succomba ; ce fut encore plus, lorsqu’elle vit l’intérieur. Cette peur au ventre commença à disparaître, tranquillement. Elle se dissipa complètement lorsqu’elle fut installée dans son dortoir, dans sa main, les couvertures jusqu’au bout de son nez.
Madeleine Leigh lui envoya de nombreuses lettres dans les débuts, qui visaient à rassurer sa fille. Les lettres ne s’estompèrent pas, mais commencèrent à être un peu plus espacées avec le temps.
La solitude que Slohan avait vécu toute son enfance lui causa de nombreuses difficultés à socialiser, mais elle fit de nombreux efforts et cette solitude commença à s’estomper, les amitiés à se créer, son caractère, ses valeurs ainsi que ses goûts à réellement se mettre en place.
La jeune fille aimait ses cours, elle aimait apprendre, elle aimait en apprendre davantage. Mais son écoute se distançait, un peu plus, à chaque année. Ses notes ne faiblirent pas, par contre. Étonnamment. Elle était brillante, vraiment. Cependant, il faut savoir, qu’elle préférait largement enfouir son nez dans les livres, plutôt que d’écouter les professeurs blablater.
C’est dans cette optique, qu’en cinquième année, une journée de printemps, elle se trouvait les pieds dans le vide, assise sur un mur de briques au quatrième étage, au lieu d’être enfermée dans la bibliothèque dans des bouquins à préparer ses BUSE. Elle n’avait pas la prétention de dire qu’elle était prête pour les passer ; sauf que l’idée de rester une seconde de plus à l’intérieur, alors que les premiers rayons de soleil faisaient scintillés l’eau du lac, lui donnait mal au cœur. Slohan avait fermé les yeux, s’abandonnant à cette étincelle de chaleur sur sa peau blanche. Elle ne les avait que rouvert, lorsqu’elle avait senti un regard se poser sur elle.
C’était par curiosité, qu’elle avait rencontré deux yeux bleus. Son cœur s’accéléra, comme à chaque fois qu’elle les croisait. Ce n’était pas la première fois que leur regard se croisa, mais habituellement il y avait une bonne raison du pourquoi aucun d’eux ne prononçait une esquisse de bonjour. Là, ils étaient là, tous les deux. Dans un silence qu’elle acceptait, mais qui la rendait insatisfaite.
« Viens. » Pause.
« C’est magique! » Elle eut la phobie qu’il quitte, qu’il ne veuille pas voir, ce qu’il y avait de si beau, sur quoi elle s’extasiait autant. Mais ce blond, qui avait le même âge qu’elle, et dont elle ignora le nom s’approcha. Et son cœur parti dans une danse encore plus endiablée. Elle le fixa. Attendant qu’il s’émerveille.
Mais sa patience avait des limites, cette journée-là ; elle s’approcha et l’embrassa. C’était plus fort qu’elle. C’était doux, calme. Mais elle se fit repousser. Et elle sentit, pour une deuxième fois dans sa vie, avoir littéralement le cœur cassé.
Elle ne le connaissait même pas. Il le lui fit remarquer. Mais Slohan pouvait se rappeler aisément la première fois que ses yeux marron s’étaient accrochés à ses yeux océans. Ça l’avait frappé ; et elle en était là. À éprouver une sorte de sentiment étrange pour un garçon dont elle venait d’entendre, pour la première fois, la tonalité de sa voix.
Ce fut plus fort qu’elle, elle le suivit de loin, malgré ce sentiment de cassure. Il cassait des trucs et semblaient dans un désespoir profond. Il fit apparaître un patronus. Elle l’observa, tranquille, calme, douce. Pour une première fois. Et elle sentit son cœur se recoller, doucement, lorsqu’il revint vers elle pour l’embrasser. Cette fois, à lui couper littéralement le souffle.
Et elle partit. Elle ne voulait pas gâcher cela avec des mots.
À la suite de cet incident, Slohan continua sa vie. Ne parlant à aucune de ses amies de ce baiser. Ne lui adressant même pas la parole, lorsqu’elle le croisait, un sourire, tout simple. Ils en échangèrent d’autres baisers. Mais cette peur que cet étincelle de magie – réelle – soit écrabouillée par les saletés de la vie, fit en sorte qu’aucun ne prononcèrent de réels mots. Ils ne connaissaient rien de l’autre et cela leur suffisait.
Elle continuait dans ses désirs d’aventures et de liberté avec Peter à échafauder des plans complètement ridicules. Elle n’avait pas envie de grandir. Elle n’avait pas envie de ressembler à sa mère.
Sa mère, qu’elle aimait tant. Sa mère qui était le pilier de son existence, ou presque.
Sa mère, qui s’était réfugié dans des idées qui ne cadraient pas avec celles de Slohan. Et les deux Leigh n’étaient pas reconnues pour se laissé marcher sur les pieds. Alors que Madeleine voulait que sa fille la suive dans ses idées, des valeurs que les partisans du Seigneur des Ténèbres partageaient, Slohan refusait.
Il y eut de nombreux cris, à l’été de ses dix-sept ans, dans le minuscule appartement de Londres, qu’elles habitaient. Assez pour que la jeune femme quitte ce qu’elle avait toujours considéré comme son refuge pendant deux semaines. Elle avait sonné chez la seule personne, qui lui était venue à l’esprit. Peter.
Il lui ouvrit la porte grande ouverte ; ses parents, eux, semblèrent plus restrictifs. Cependant, ils convinrent de l’accueillir – tout de même, pendant quelques temps.
Cet été-là, Slohan vint souvent chez lui. Lorsque cela lui semblait insupportable, son ami était là, pour mettre en pause, ce monde de désastres.
Sa mère en voulait aux moldus, ça l’avait toujours été le cas. Mais à un tel point? Slohan était dans une incompréhension telle, que ça la mettait en colère. Comment pouvait-on en vouloir à des individus, seulement parce qu’ils n’avaient pas de potentiel magique? Ce fut les parents de Peter, qui lui piquèrent sa curiosité du monde moldu.
Et elle s’y intéressait réellement. Son père lui prit même soin de lui montrer et faire entendre quelques vinyles. Que ce soit
Let it be des Beatles ou bien
The dark side of the moon de Pink Floyd.
L’été de ses dix-sept ans fut marqué par son imprégnation de la culture moldue, de sa première cigarette et d’un essai de construire quelque chose de plus constructif que ce qu’elle entretenait avec son inconnu blond.
Cet été, se termina par le cœur brisé de Peter, une addiction aux clopes et un cerveau encore plus embrouillé pour Slohan.
Très constructif.
et la vie continue ;Lorsqu’elle rentra à Poudlard, son cursus primaire était terminé.
Au printemps dernier, ne sachant pas réellement vers quoi se tourner comme choix de carrière, elle avait choisi la médecine magique. Elle aimait les défis, une certaine obsession pour le sang et une autre pour les histoires glauques. Slohan avait analysé très rapidement qu’elle trouverait bien plus son compte dans ce programme.
Analyse superficielle, mais elle aimait bien. Enfin, ça l’intéressait.
Mais en même temps, rien ne l’intéressait réellement. Alors, c’était assez compliqué. Non pas qu’elle ait le syndrome de Peter pan, mais la « vraie vie », comme elle se plaisait à la nommer, lui faisait peur. Et elle se disait qu’elle avait davantage de chats à fouetter, qu’essayer de s’imaginer médecin – ou quoi que ce soit d’autre.
En fait, Slohan parvint à s’assagir – un peu – lorsqu’Ambroise apparu. Un panda roux. Qui, en vérité, se retrouva à être son patronus. Seulement, il était bien vivant. Ou enfin, le paraissait.
Slohan eut le coup de foudre. Ils s’adoptèrent très rapidement et son patronus devint, un peu, sa conscience. Lui mettant un peu de plomb dans la tête. Ce qui n’était pas pour faire du tort.
Lorsque la réforme scolaire commença, Slohan choisit de se diriger en psychomagie.
Slohan continue de sourire à son inconnu blond. Elle ne le connaît pas. Mais la curiosité commence à être incapable d'être retenue.
Elle veut rester enfant, la jeune femme, mais en même temps, c’est plus fort qu’elle, elle grandit. Son cœur reste enfantin, mais ses idées sont bien choisies, bien construites et elle sait davantage où elle s’en va. Enfin, elle le croit.
Parce que deux minutes plus tard, elle perd pied. Et le château de cartes qu’elle s’était construite se défait en chute libre.
Parce que c’est comme ça avec Slohan Elzhébettia Leigh ; on recommence tout le temps. À la recherche d’un équilibre entre la perfection, la liberté et ses valeurs.
Et avec une graine d’ennuis, bien sûr.