Les yeux se portent sur toi, petit bout de chou argenté qui a prit la décision de transformer cette branche de bois en rose rouge pour l'anniversaire de ta mère. C'était une bonne intention hein, et tu l'as souhaité très fort. Ton père avait oublié d'acheter un cadeau de ta part, et tu te retrouvais sans rien, c'était idiot alors t'es allé choper cette branche qui traînait au beau milieu du repas, avant de la transformer devant leurs yeux ébahis. T'avais quoi, sept ans à tout casser ? Ta mère a pleuré et s'est évanouie en voyant ça, et les autres sont restés bouche bée. Sous l'insistance et le silence, tu as fondu en larme sans comprendre, et c'est ta cousine qui est en premier venue te prendre dans ses bras, te protéger des cris des adultes incompréhensifs. Elle les fusillait du regard pendant que tu sanglotais contre elle. C'est rien, d'avoir des pouvoirs. Ils peuvent pas être heureux, ces idiots ? Tu l'entendais hurler contre eux pour qu'ils se calment, du haut de ses huit ans. On ne joue pas avec elle, elle dirige le monde depuis toujours. Ses parents craquent, avouent qu'elle aussi a des pouvoirs, et vous êtes chassés du salon pour qu'ils puissent discuter « entre adultes ». Promise s'était endormie, et toi tu perdais tes heures à observer les étoiles. T'étais un sorcier alors ? Un vrai de vrai ? Ceux qui peuvent guérir et faire pousser des plantes ? C'est ceux-là qui t'intéressent, le combat t'en veux pas, c'est pas toi. Et comment t'apprendras ? Comment ça va se passer ? Un tout nouveau monde à explorer, et tu jubiles. Enfin, vers trois heures du matin, tes parents ne sont toujours venus te chercher, alors tu te loves dans les bras de ta cousine pour dormir, embrumé par des voies lactées et des myriades d'étoiles.

T'es con petit bonhomme. T'as toujours cru que la magie, ça rendait le monde plus beau, mais faut dire que pour toi, ça ne s'est pas passé comme ça. T'as eu beau pleurer, taper du pied, supplier, tes parents ont changé. C'est ta faute, c'est ça ? C'est parce que t'es sorcier ? T'as bien essayé de leur faire comprendre que tu voulais pas, que t'aurais préféré ne pas l'être. A neuf ans, t'as essayé de vider ton sang sorcier, comme ça, comme un idiot, avec la première arme que t'as trouvé – ils ne te surveillaient plus, alors comment ils auraient pu voir que t'étais allé dans la cuisine hein ? Le sang s'est bien vidé, tellement que t'as failli rester sur le sol de la cuisine, mais Promise et ses parents sont arrivés à temps pour le repas de famille. C'est elle qui t'a trouvé, en hurlant et en pleurant, et les médecins t'ont recousu tant bien que mal, parce que non, vous n'alliez pas aller voir un médecin sorcier... D'ailleurs sur tes bras, tu portes encore les cicatrices de cette tentative pour récupérer l'amour de tes parents. Quand on te demande à présent, t'as juste l'air con Oswald, tu ne sais pas quoi répondre, tu sourires et tu ignores, tu changes de sujet discrètement ou non, mais tu fuis l'affront comme ce gosse que tu étais. Depuis cet incident, Promise surveille tes moindres faits et gestes, persuadée que tu vas encore tenter de supprimer ta part magique, mais tu n'as pas vraiment envie de lui dire qu'à 22 ans, t'as passé le cap maintenant, tu ne crains plus ce genre de crise, mais c'est la seule de ta famille à accepter, alors tu ne la repousses pas, tu l'aimes de tout ton cœur. Depuis toujours, c'est elle l'héroïne de votre conte de fée, c'est pas la princesse à sauver Promise, non, loin de là, c'est le chevalier en armure sur son destrier blanc, qui condamne démons et dragons pour sauver le monde.

Ses parents acceptaient plus que les tiens. T'avais eu le mauvais côté, alors dès que tu pouvais tu allais chez eux. Puis Promise est allée à Poudlard, et tu as pleuré pour la rejoindre. Pas encore, on t'a dis, encore un an Oswald, mais tu n'y croyais pas. Tes parents, ils te laisseraient partir ? Et si t'étais pas aussi bon que les autres quand tu seras là-bas, tous ces enfants de sorciers qui ont pu apprendre par leurs parents ou par des professeurs particuliers ? Tu t’entraînais dans ton coin, sans baguette, mais ça ne donnait pas vraiment grand chose et si tes parents te surprenaient, alors là c'était grandiose. Le festival des cris, et tu finissais terré dans un coin avec les mains sur les oreilles pour ne plus les entendre hurler. Dans ses lettres, elle te décrivait l'école si bien que tu avais l'impression d'y vivre toi aussi. A côté de ça, l'école primaire te paraissait fade, sans intérêt, tes copains aussi ils étaient insignifiants maintenant, et tu t'es coupé du monde sans vraiment faire attention, préférant te plonger dans ses histoires et dans les livres qu'elle envoyait pour toi chez ses parents. T'as appris comme ça, un peu, les sortilèges étaient impossible à savoir mais l'Histoire de Poudlard tu la connaissais par cœur, et c'était magique. Tant de choses à découvrir.

Le Graal est arrivé par le biais d'un petit hibou fou. Il n'arrêtait pas de piailler devant ta fenêtre à réclamer que tu lui ouvres, et pendant cinq bonnes minutes tu l'as juste regardé avec de grands yeux idiots. La rentrée du 1er Septembre ne se ferait pas dans ta petite campagne, non, elle se fera dans l'école de magie. Et il faudra que tu achètes tout avant. Et tu pourras partir en même temps que Promise, cette fois. Tes parents hurlent encore une fois, refusent de payer pour toi, pour ça, et c'est ton oncle et ta tante qui t'emmènent sur le Chemin de Traverse avec ta cousine. Ton cœur explose, et tes pupilles éclatent de joie, ta baguette te choisis, toi, rien que toi, l'unique pour elle, Ollivander te dit qu'elle prenait la poussière depuis plus d'un siècle, que c'était une fabriquée par son père. Tu babilles, sautilles, enfin heureux d'être un sorcier. Jamais les livres ne t'ont semblé si merveilleux, jamais les animaux n'ont eu cet attrait, jamais les herbes n'ont senti aussi bon. Les achats sont exagérés, mais ta famille se prête au jeu. Mais le retour au bercail ne se fait pas sans calme, tes parents avaient déjà tenté d'extraire la magie en toi mais jamais à ce point. Coups, cris, gifles, punitions, châtiments, tout y passe, tu sais que ce n'est pas normal mais tout ce que tu fais, c'est te traîner dans ton lit une fois que tout est fini, espérant que le lendemain ce ne sera pas pire. La faim grave tes traits pendant quelques semaines parce que tu n'oses pas demander, après tout à chaque repas ils crient ou te punissent, alors tu préfères rester loin. Peut-être même que tu as voulu mourir à cette époque, tu ne t'en rappelles plus. Ta mémoire flanche pour ces quelques semaines entre la lettre et ton départ qui ne doit son arrivée qu'à la rudesse de Promise et sa famille. Sans eux, tu serais resté enfermé dans ta chambre à ne plus jamais voir la lumière du jour. C'est un petit garçon chétif et affamé qui se retrouve dans le train aux côtés de la brune qui le protège comme une maman chat, interdisant à quiconque de hausser la voix en la présence de son petit chaton. T'as l'air plus jeune que ton âge, et tu restes agrippé à elle sans prononcer un mot à ses amis pour la durée du trajet, tu observes simplement le dehors comme tu t'es habitué à le faire. C'est beau, l'ailleurs.

C'est beau, c'est beau, et toi tu meurs de bonheur. Tu parles aux autres, t'es toujours là pour aider, le petit bonhomme qui se plie en quatre pour pouvoir aider. T'es pas très doué en magie quand même, toi ce que tu aimes c'est la Botanique et les animaux. Les potions aussi, et tu te débrouilles plutôt bien sans être exceptionnel. Tes amis sont ceux de Promise, ceux de ton année sont rares, ils ne vivent pas dans le même univers de rêveries. Le monde se déroule sans toi, un peu, tu ne suis pas ce qui s'y passe et ça ne t'intéresse pas vraiment. Les années défilent. Tu ne rentres que l'été, et encore c'est vraiment parce que tu n'as pas le choix, tu t'en passerais bien. Tes parents hurlent toujours. Systématiquement. A toutes les vacances. Ils n'essaient plus d'enlever ce que tu es, et toi tu le dissimules aussi bien que tu peux. Pas de magie en dehors de l'école, pas même un livre n'entre dans leur champ de vision, ce serait leur donner une trop belle occasion.

Et puis, tu le croises au détour d'une porte, il pleure, et c'est bien connu tu ne sais pas résister face aux larmes. Tu l'as déjà vu plusieurs fois, les années précédentes, mais il n'était pas de ton niveau, il était de la promotion de Promise. Si tu sais son nom de famille, Black, tu découvres son prénom à ce moment. Richard. Et comme un con, tu l'aides à trouver sa voix, tu le pousses à quitter sa filière, tu l'encourages à prendre son rêve, à devenir Médicomage ou n'importe quoi. T'es là, comme un con, tu ne sais pas encore ce qui t'attend. C'est beau d'être gentil Oswald, mais à quoi bon quand ça te détruit ? Très vite, vous devenez amis. Très vite, t'en aimerais peut-être plus, tu ne sais pas, c'est encore tout nouveau ça pour toi, à la base ça ne t'intéresse pas. T'es juste là, avec ton sourire et tes mots qui sortent si facilement pour lui, c'est ça ta magique petit bonhomme, tu peux aider seulement avec des mots. Tes examens sont passés sans brillance en dehors de tes matières favorites et étrangement, de l'Histoire de la Magie.Ils t'acceptent en Zoologie magique, à la limite de l'échec, et entre temps tu fiches le camp de chez tes parents. Depuis tes quinze ans, tu as travaillé tous les étés, mis de l'argent de côté pour ce simple bonheur suprême : vivre sans eux. C'est Promise qui t'accueille dans son appartement à Pré-au-Lard, un petit endroit pas bien reluisant mais qui vous convient à tous les deux. C'est mieux que ta famille Oswald. Ce sera toujours mieux. Durant l'année, il est loué à d'autres personnes et vous ne revenez que l'été, les vacances de quelques semaines éparpillées vous les passez au sein de l'école. Durant l'été qui suit tes ASPIC,Richard t'annonce son changement de voix, et t'es tout bêtement heureux qu'il te le dise. Si tu savais ce qui t'attend Oswald, l'aurais-tu fais ? Oui.

A ce que tu entends, tu peux être heureux d'avoir trouvé ta voix. Pour être honnête, tu ne sais pas ce que tu comptes faire d'un diplôme, ni si tu comptes continuer après le second cycle, mais ce que tu fais te plais, le sourire se colle encore plus sur ton visage. Bien vite, tout s'efface. Des Serpentard, des cousins des Black, des amis des Mangemorts, des sympathisants, tu vois leurs visages, tu t'en rappelles comme si c'était encore hier. Tu ne sais pas, tu ne comprends pas, et ils attaquent. Ils sont trop, beaucoup trop pour toi, maigre sorcier, incomplet, impuissant, tu hurles simplement, la douleur fuse dans tout ton corps. Un sort explose sur le côté gauche de ton visage, un nouveau cri et c'est le néant. Le vide. Le noir. Et si tu ne te réveillais jamais, Oswald ? Tu rouvres les yeux en hurlant. Tu hurles plusieurs heures avant de comprendre ce qui est si différent, tu ne le sais que quand la douleur s'apaise sous ta peau. Tu pleures, et l'infirmière te le confirme avec tristesse : tu ne verras plus de cet œil. Ton oreille a souffert aussi, moins, tu entends toujours un peu. Mais tu luttes, tu ne sombres pas, quelques jours de soins et tu retournes à l'école sans rien dire. On te questionne mais tu mens : non, tu ne sais pas qui sont les attaquants. Quand tu les croises dans un couloir, ta peau se souvient de la douleur et tu te crispes, tu as peur, ce serait mentir que de dire le contraire. Tu continues de mentir. Non, tu ne sais pas. Tous finissent par te croire, sauf eux. Si, tu sais très bien. Tu n'es pas homme de vengeance Oswald, tu ne le feras jamais. Tu te tais, et continues d'avancer en compensant ton nouvel handicap.

Il y a cet été où vous êtes tous envoyé dans une sorte de camp pour sorciers afin d'assurer votre protection. Tu passes tes heures avec ta cousine, à trouver les cuisines pour réussir à piquer des choses à manger pour elle – elle insiste généralement pour que tu en prennes aussi, de son point de vue t'as trop maigri depuis ton attaque. Tes amis sont encore principalement les siens, mais cette fois vous êtes dans la même année, elle a redoublé l'année de ton accident, trop perdue et inquiète pour réussir à travailler correctement. Ce soir, tu guettes vide sans motivation pendant qu'elle s'amuse à fumer avec une de ses amies, c'est toujours toi le guet, Dixie d'un côté et toi de l'autre, on ne sait jamais. Mais soudainement, une silhouette se présente devant toi et t'assomme dans un cri. C'est ta cousine qui te met à l'abri avec elle et son amie dans un arbre. Tu te réveilles, et vous garder farouchement le silence, elle luttant contre ses larmes et les bras autour de toi, comme pour te protéger de tous les autres. Dixie a tout vu, mais jamais elle ne te le dira, et tu ne peux lire dans ses pensées. Elle seule sait qui t'a attaqué, et certainement pour quelle raison. Elle sait que Richard t'a protégé, mais jamais ne t'en fera part.

L'année se poursuit, et l'épidémie des Patronus arrive. Tu slalomes entre les malades sans la prendre. Tes journées sont partagées entre ça, tes études, et les combats de Patronus. Mais ça ne suffit pas. Richard t'évite. Tu le vois, le devines, c'est aisé à comprendre. Il t'évites et soudain, le monde se resserre doucement sur toi. Seule Promise sait. Et elle suppose, et tu y crois. C'est peut-être lui qui a tout dirigé, finalement, pour t'éloigner de lui, présence parasite. Tu nuis à son image, à son nom, à sa famille. Alors tu ne cherches plus, tu te plonges dans ces études qui ont une saveur plus fade maintenant. Le monde sorcier, c'est moins beau que ce que tu pensais, petit bonhomme.