Le silence se fit dans la pièce, partout, épais comme une dalle. Seul le craquèlement du bois, qui se consumait dans le foyer, flottait dans l'air... pas un son n’émanait de la bouche du jeune Tyrell. Le regard fixe, il semblait quelque perdu dans ses pensées d'enfant. Il n’avait que sept ans, et ne comprenait pas encore grand chose au monde qui l’entourait. Sans un mot, il admirait la silhouette de sa mère. Merlin était un enfant taciturne; peu de choses provoquaient en lui la volonté de prendre la parole. Alcmène, pourtant, y parvenait. Comme chaque soir, elle était occupée à lire à la fenêtre du salon. Il s’agissait d’une immense fenêtre, qui donnait sur leur jardin désolé. Un champ de bataille rêvé pour des bambins qui s’essayaient secrètement à la pousse de nombreuses plantes magiques, et à un sport bien particulier, le Quidditch. Ce bout de terrain laissé à lui-même était, pour Merlin, synonyme de moments heureux, où il partait faire son explorateur avec son père, et où sa mère lui apprenait à reconnaître les constellations à la tombée de la nuit.

Juste au-dessus de la tête de cette dernière, à l’étage, c’est là qu'elle avait poussé son dernier souffle. Un évènement qui échappa à tout entendement pour Merlin, -la naissance de Galatea demeurant un souvenir morbide, et relativement flou. Il savait que ce spectre qui hantait la maison des Tyrell n’était autre que celui de la femme qui les avait enfantés, lui et ses frère et soeur, cependant, quelque chose lui échappait. Du haut de ses sept années d’existence, Merlin ne parvenait pas à cerner le concept de la mort. Il y avait certains mots qu'il ne parvenait pas à utiliser, des mots pourtant simples, qui faisaient parti de l'imaginaire des enfants les plus banals et les plus ignorants. C'est son père qui les avait bannis, préférant garder la présence de son épouse comme un doux mensonge. Faire face à la réalité était bien trop cruel. " Merlin, viens par ici. "  Un sourire confiant pendu aux lèvres, Alcmène avait appelé son fils les bras tendus. Il s'approcha d’elle sans trop réfléchir, distrait et intrigué par l’objet qu’elle tenait entre ses doigts translucides. " Nous nous transmettons la magie wiccane depuis des générations dans notre famille. Elle se base sur l'étude des astres. Des étoiles. Et tout ce que nous savons en date se trouve dans ce grimoire. " Elle ébouriffa les cheveux de son fils avec tendresse, provoquant chez lui un frisson auquel il s'était habitué. "  Un jour viendra où ton savoir dépassera le mien, et alors je te le confierai, et tu devras poursuivre les recherches de nos ancêtres. Tu comprends ? “ Il hocha la tête d'un air robotique. Merlin était trop occupé à admirer les reliures dorées du grimoire pour répondre. Sa mère se contenta de déposer un baiser sur son front. Pour avoir lu son avenir dans les astres, Alcmène savait que Merlin comprendrait. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle prêtait une attention toute particulière à son éducation. Elle souhaitait passer le plus de temps possible à lui transmettre son savoir, et, si elle avait encore du mal à se l'avouer, l'idée qu'un jour lui et ses frères ne vivent plus auprès d'elle était bien plus douloureuse que la naissance de sa cadette l'avait été.



Il tenait la main fébrile de la jeune fille entre ses mains moites, doucement et fermement à la fois. Il lui lança un sourire confiant, et la regardait droit dans les yeux. Ce regard qu’il partageait avec elle voulait dire “tout ira bien”, pourtant au fond de lui-même, Merlin avait envie de pousser un hurlement. Encore un nom à ajouter à la liste, encore une âme à panser, sans avoir la moindre idée de l’avancement de l’antidote. Des étudiants malades, il en avait vu des centaines. Certains en étaient encore au premier stade, d’autres semblaient près à quitter ce monde. La détresse de ces jeunes sorciers sous sa supervision lui enserrait le coeur comme un filet du diable. En dépit de ses efforts pour se montrer confortant, à l’intérieur, l’infirmier était consumé par la colère. Entouré de ces jeunes gens, il se sentait impuissant. Ses propres recherches avaient été un échec cuisant, jamais encore il n'avait fait face à une telle crise. Morgane savait qu'il ne fermait pas l'oeil de la nuit depuis des mois, et, lorsqu'il y parvenait, il rêvait des élèves et se réveillait avec la sensation d'avoir travaillé toute la nuit. De quoi le retourner nuit et jour...

" Monsieur Tyrell ! " Le cri avait immédiatement fait écho dans la pièce, incitant Merlin à se retourner en un instant. Il avait bien sûr sursauté. Au point émotionnel qu'il avait atteint, il s'attendait à ce qu'on lui annonce un énième cas grave, ou une catastrophe supplémentaire. Une entrée si théâtrale ne pouvait décemment pas être pour les bonnes raisons... C'est du moins ce qu'il pensait avant d'entendre la nouvelle. " C'est... la gazette de ce matin. " La pauvre femme avait couru et était à bout de souffle. Elle lui tendit le journal, et c'est avec la surprise la plus totale que Merlin lu la une: " Remède trouvé à Sainte Mangouste. " Pris de joie, Merlin déposa un baiser sur la joue de la sorcière. " Les enfants sont sauvés ! "