« Ainsi donc, vous nous quittez, professeur... » Ce fut par ces mots que Dierk Reinhart -directeur de l'école de sorcellerie de l'état de Schleswig- accueillit Grimm dans son bureau. Le concerné, muet, franchit avec nonchalance les quelques mètres qui le séparaient de son supérieur et prit place, dans ce fauteuil peu confortable qu'il avait mille fois occupé. « A votre grand regret, j'en suis certain. » Fier, Fynn s'autorisa un rictus insolent, croisa les jambes et plongea son regard brun dans les prunelles bleues de son interlocuteur. Celui-ci, tout en retenue, n'accorda à ces paroles qu'une attention modérée et poursuivit, sautant pieds joints dans une joute verbale dont -il le savait- il ne sortirait pas vainqueur. « Votre obstination aura eut raison de la patience de Dumbledore... » Un bref instant, Grimm serra les dents. L'homme pathétique qui lui faisait face le répugnait. Reinhart était certainement un sorcier de talent et dirigeait son école d'une main juste, mais sévère. Pourtant, le professeur ne l'estimait guère et ne lui réservait que mépris. Un mépris réciproque, personne n'en doutait. « Allons Dierk, vous savez tout comme moi que tant mon cv que ma réputation suffisent à convaincre le plus têtu des hommes. » Le ton était léger, peint d'assurance et d'un orgueil ô combien déplacé. Et ce fut au directeur de pincer les lèvres. Soit. Il reconnaissait aisément les nombreuses qualités et compétences de Fynn Grimm. Sa maîtrise dans l'art des potions se rapprochait de la perfection. Quant à transmettre son savoir faire, les résultats de ses élèves étaient bien plus que satisfaisant. Néanmoins, Dierk n'approuvait guère les méthodes utilisés par le professeur. Ce dernier manquait de patience, de pédagogie et -plus encore- d'éthique. Et cela suffisait au dégoût que Grimm lui inspirait. « Je n'ai jamais apprécié votre arrogance, professeur. » Reinhart parlait avec justesse et Fynn accorda au directeur une oeillade fière, à l'image de la taille de son ego. Arrogance... Combien de fois ne la lui avait-on pas reprochée, son moldu de père le premier ? Arrogant. Insolent. Égocentrique. Tant d'adjectifs qui revenaient encore et toujours dès lors que le sujet 'Grimm' débarquait sur le tapis. Comment l'en blâmé ? Fils unique, on avait rapidement placé cet allemand charismatique sur un piédestal. Bel homme, il avait hérité du charme et de l'élégance de son père. Intelligent, sa mère lui avait légué tant son intellect que son aisance avec les mots. Petit dieu parmi les hommes. Héros perdu au sein du commun des mortels. Enfant, on lui trouva mille qualités quand ses travers -plus nombreux encore- restaient invisibles aux yeux de beaucoup. Comment-alors- reproché à son ego de ne jamais effleurer le sol ? « Et moi, le personnage que vous incarnez en général. En un sens, nous sommes quittes. » Devant la sérénité de Grimm, Reinhart ne pu que serrer les poings. Le directeur connaissait cet homme depuis des années. Vingt ans plus tôt -alors même que Fynn n'était qu'un gringalet aussi assidu que turbulent, il lui enseigna l'art de la métamorphose. Jadis déjà, il avait cette fâcheuse tendance à péter plus haut que son derrière. Jadis déjà, il ne supportait que difficilement son insupportable force de caractère. Fynn, cet élève brillant, mais ô combien désagréable. Un instant silencieux, perdu dans quelques souvenirs flous, le directeur s'évada de ce terrain glissant et aborda un tout autre sujet.

« Et évidemment, vous m'enlevez ma fille. » Sa fille : Heilwig Grimm, née Reinhart. Cette blonde sulfureuse dont Fynn avait obtenu la main. Une sorcière que Grimm aimait éperdument sans réussir à lui rester fidèle. Une déloyauté qu'elle tolérait, consciente qu'elle seule hantait le coeur de son époux. « Soyez sûr que je vous la laisserai avec beaucoup de plaisir. Mais que voulez vous ? Elle est avec moi telle une huître accrochée à son rocher. » Le ton emprunté se teinta d'ironie. Fynn savait que le directeur n'appréciait que peu son sarcasme et -évidemment- il ne cessait d'en jouer. Une énième pique qui anima le feu ardent de la rancoeur dans le regard de Dierk. A nouveau, il serra ce poing délicatement posé sur son bureau. Longuement, Reinhart dévisagea son gendre et, une fois encore, maudit le jour où il laissa cette union voir le jour. Fynn, malgré ses quelques qualités, n'était pas homme fréquentable. Brillant, mais trop intéressé par la magie noire, trop calculateur, animé par une obscurité souvent glaciale et le directeur répugnait chaque jour un peu plus de laisser son unique fille -ainsi que sa petite fille- entre les mains de ce personnage. « Allons Dierk, croyez-moi, vous vous rendrez rapidement compte qu'Heilwig ne sera pas celle que vous regretterez le plus. » Le rictus -depuis longtemps présent sur les lèvres de Grimm- s'élargit encore. La satisfaction se lisait aisément sur son visage. Cela faisait désormais neuf longues années qu'il enseignait dans cette école et là seule idée qu'il n'aurait bientôt plus à fouler ses longs corridors le mettait en joie. Bientôt, Poudlard lui ouvrirait ses portes et -enfin- sa curiosité se trouverait satisfaite. Bientôt, ses pieds heurterait l'une des plus prestigieuses écoles du monde, fréquenterait un directeur légendaire et découvrirait les murs entre lesquels un puissant mage noir a effectué sa scolarité. Bientôt, il quitterait ce pays longtemps et trop souvent détesté, la terre de ses aïeux et alors, son ambition obtiendrait raison. « Soyez gentil, vous me laisserez en juger. » Soucieux de donner congé à celui qui n'était plus désormais professeur dans son école, Reinhart s'empara négligemment de ce qu'il devinait être une lettre de démission et posa un oeil sur la porte, invitant Grimm à quitter les lieux. Celui-ci, tout sourire, se leva sans précipitation et s'approcha de la sortie. « Je me dois de vous prévenir Fynn : Dumbledore n'aura certainement pas ma patience. » Le professeur se retourna une dernière fois et -l'oeil teint de mépris- répondit simplement, avant de quitter le bureau. « C'est certain. Et, en vérité, je doute que Dumbledore vous ressemble de quelques manières que ce soit. »