La locomotive rouge fumait sur le quai de la voie 9 3/4. Rose, tout juste débarassée de sa valise et de son hibou, prit place dans le train. A chaque fenêtre de chaque compartiment, des adolescents agitaient leurs mains en faisant leurs adieux à leurs parents et elle ne voulait se mélanger. Si seulement sa mère avait pu la voir, elle se demande bien ce qu'elle en aurait pensé. Est-ce qu'elle aussi aurait agité sa main pour saluer sa fille ? Ou bien se serait-elle contentée de la fixer, surprise par le choix qu'elle avait pu faire ? Traversant le premier wagon, Rose dut se résoudre à l'évidence : il n'y avait aucun compartiment libre. Et pourtant... au fond de ce long couloir, une porte était toujours ouverte. Lorsqu'elle y parvint, un soubresaut manqua de la faire vaciller en arrière. Ollie se trouvait là, dans son pelage blanc et gris, assise entre les deux banquettes vides. Elle tapota sa tête et s'installa confortablement, foudroyant du regard tous les jeunes gens qui scrutaient l'intérieur en passant devant les portes. Une fois le train bien en marche et le chien endormi à ses pieds, Rose s'empara d'une plume violette et d'un carnet dans sa sacoche. Elle avait acheté ça sur le chemin de Traverse, dans la boutique de papeterie. Le carnet lui semblait fort joli mais c'est surtout de la plume qui était vendue avec qu'on venta les mérites. C'était une plume à papote, il n'y avait qu'à laisser parler son coeur et elle se chargeait de rédiger tout ça sur papier. Rose rêvait d'en posséder une depuis fort longtemps mais jamais elle n'avait eu l'occasion d'en acheter. Délicatement, la jeune femme posa sa plume, son carnet et un encrier sur la petite table collée à la banquette et s'éclaircit la gorge. La plume prit alors vie. Elle se redressa, droite comme un i et d'un petit tour sur elle-même, ouvrit le carnet à la première page et le couvercle de l'encrier, plongeant son bec dedans.

"Je..." commença-t-elle, se penchant légèrement pour observer la plume gratter le papier. Les deux lettres furent écrite en haut à gauche de la page, d'un tracé dont elle n'en aurait été elle-même capable. Elle en était d'ailleurs presque jalouse. "Je m'appelle Rose Valentine Dubois et j'ai dix-neuf ans. Je suis actuellement dans un train me menant à Poudlard, l'école des sorciers. Si j'ai décidé de m'aventurer en Angleterre, c'est pour m'échapper d'un quotidien très lourd. Et revenir sur les pas de ma mère, par la même occasion. Je sais qu'elle a laissé une partie de sa vie dans ce pays, dont elle ne m'a malheureusement pas assez parlé avant de nous quitter, mais je ferai tout mon possible pour le découvrir. Mes parents sont des sorciers, ma mère est issue d'une famille de sang-pur et mon... père est un sang-mêlé. Je ne l'ai jamais connu et j'ignore pour quelle raison il n'a pas fait partie de nos vies, de ma vie. Apparemment, c'est à Poudlard qu'ils ont fait connaissance et plus si affinités, mais je ne connais pas la suite. C'est un flou total. Enfin bon, passons ! J'ai grandi à Nice, dans le sud de la France et j'ai fréquenté l'école de magie de Beauxbâtons jusqu'à l'été dernier. J'ai toujours vécu avec ma mère et mon père adoptif, un français de sang-pur lui aussi." Un petit rire lui échappa alors. "Quand j'y repense, ce n'est pas du tout étonnant. La pureté du sang, encore et toujours... C'est tout ce qui importe dans cette famille. Quelques années plus tard, maman a donné naissance à des jumeaux : Arthur et Paul. Et... je crois que c'est à partir de là que ça s'est gâté. Maman est tombée malade, un virus inconnu qui semblait être réservé jusqu'alors aux personnes dépourvues de pouvoirs magiques. Elle a été affaiblie pendant de nombreuses années, les rechutes étant plus importantes que les améliorations. Et puis un jour, après m'avoir révélé toute la vérité sur mon père biologique, elle est partie... Tout ce que je sais aujourd'hui c'est que la raison pour laquelle elle a refusé de m'en dire plus sur lui, c'est pour me "protéger". Mais ça, ce n'est que mensonges. Tout ce qu'elle voulait, c'était que je ne m'éloigne pas de la famille. Ce qui est chose faite, à ce jour. Pourtant, si elle avait été témoin de tout ce que j'ai subi ces deux dernières années, elle aurait sans nul doute changé d'avis. J'ai été délaissée, humiliée, maltraitée par celui que je considérais autrefois comme mon père. Après la mort de maman, il a tourné sa veste. Fini le père attentionné et aimant qu'il était autrefois avec moi, aujourd'hui il n'y en a plus que pour mes frères jumeaux. Parce qu'eux, contrairement à moi, proviennent de sa chair. Ils ont un sang pur. Je pensais pouvoir supporter ça plus longtemps mais j'en ai eu assez. C'est pourquoi je commence aujourd'hui un nouveau chapitre de ma vie et je compte bien découvrir par la même occasion mon vrai père. J'ai beaucoup de questions à lui poser et je suis certaine qu'il détient toutes les réponses qui me conviennent. Je tiendrais tous ces détails dans ce carnet et je n'en..."

Rose se stoppa net, ayant l'étrange sentiment que quelqu'un était en train de l'observer derrière les portes coulissantes. Lorsqu'elle leva les yeux, son coeur ne fit qu'un bond. Un jeune homme se tenait là, debout devant les portes, attendant qu'elle le laisse prendre place à l'intérieur. D'un geste rapide elle se débarrassa de ses affaires et fit signe au garçon d'entrer. Ollie, toujours à ses pieds, s'évapora dans une fumée blanche.