« Serpentard ! » Le souvenir le plus marquant de l'enfance d'Elias est sans conteste sa répartition. Avant son arrivée à Poudlard, il ne s'est pas passé grand-chose dans sa vie. Ses parents ont contribué aux stéréotypes, sa mère s'occupant de lui faire l'école à la maison tandis que son père travaillait. Il n'a pas eu énormément de contacts avec les autres enfants, si ce n'est ses cousins et cousines. L'arrivée à Poudlard a été bouleversante à de nombreux niveaux : il n'avait jamais vu un château aussi immense, aussi magique et aussi peuplé. Il n'avait jamais vu autant d'enfants de son âge réunis au même endroit.
Mais néanmoins, lorsque le Choixpeau a crié le nom de sa nouvelle maison, Elias a été partagé entre une multitude de sentiments contraires. Déjà, se voir applaudir et recevoir toute l'attention de la salle le remplissait de joie et d'appréhension, de crainte et de timidité à la fois. Et il se demandait comment ses parents prendraient la nouvelle. Surtout sa mère, une Gryffondor jusqu'au bout des ongles, une Weasley dont il avait hérité ses cheveux roux. Il avait beau savoir que celle-ci ne faisait pas de différence entre les maisons, il ne savait que trop bien tout ce que l'on disait à propos des Serpentards. L'euphorie passé, ce fut de l'inquiétude qui prit place dans son esprit. Après tout, il venait de subir une épreuve cruciale, celle de la répartition. Là où il était envoyé dans la maison dont les stéréotypes le suivraient toute sa vie. Il n'en prenait conscience que maintenant, comme s'il se rendait compte de tout ce que cela signifiait.
Mais lorsqu'il est s'est assis au milieu des autres élèves de sa maison, un sourire un peu béat aux lèvres, ses craintes se sont tout de suite envolées.

Un autre événement marquant de sa première année est définitivement sa rencontre avec Rory, un Gryffondor de son âge avec qui il s'est tout de suite bien entendu. Il ne savait pas qu'il resterait l'un de ses plus proches amis pendant de longues années, une vingtaine, et qu'il le serait encore aujourd'hui. Le reste de sa scolarité se passa comme celle de centaines et de centaines d'étudiants avant lui, tous ayant foulé les mêmes marches du château millénaire.
Il a toujours été un bon élève, autant en théorie qu'en pratique. Ses professeurs n'ont que très rarement eu à se plaindre de lui, sauf les quelques fois où il était un peu trop agité en cours.
Il eut ses premiers émois amoureux vers l'âge de quatorze ou quinze ans, mettant par contre énormément de temps à accepter que ces émois se dirigent plutôt vers la gent masculine que féminine. Il n'a jamais été attiré par les filles, bien qu'il ait essayé de faire croire le contraire pendant un bon nombre d'années. Et si, à la fin de ses études, il avait accepté son sort, il n'était pas fou au point de le crier sur tous les toits. Il eut quelques relations, certaines se finissant mieux que d'autres, mais jamais rien de durables. À croire qu'il n'était pas fait pour ça. Il s'est confié à Rory lorsqu'il avait environ dix-huit ans. La conversation est allé à peu près comme ceci : « Euh, j'espère que tu me dis pas ça parce que t'en pinces pour moi. » « Non, t'es beaucoup trop con pour ça toi. »
Au début de son entrée dans la vingtaine, il s'est mis à remarqué quelques changements dans son caractère. Il n'y a jamais prêté énormément d'attention, se disant que c'était simplement quelque chose de normal. L'apparition de son trouble bipolaire. Il y avait certaines périodes où il ne se sentait plus la force de rien faire, se traîner en cours lui demandait toute son attention et ses notes baissaient plus qu'il n'aurait pu comprendre pourquoi. Et au contraire d'autres semaines où il pouvait rester des jours éveillé, en ne dormant que très peu et sans jamais se sentir fatigué. Il pouvait enchaîner les dissertations, les soirées arrosées et l'après-soirée parfois, sans même sentir le besoin de dormir. Il pouvait commencer des dizaines de projets, faire des projets de vie en quelques heures. Lorsque sa manie retombait, il avait le besoin de dormir toute une journée et restait souvent sous sa couette en repensant, horrifié, à tout ce qu'il avait bien pu dire et faire pendant cette période. En se promettant qu'il ne recommencerait pas. Sauf qu'il recommençait, évidemment.
Lorsqu'il obtint son diplôme d'enseignement magique haut la main, il postula immédiatement dans divers observatoire de Grande-Bretagne et d'Irlande, des observatoires d'astromages. Il aurait bien postulé dans des entreprises moldues, mais le diplôme de Poudlard ne vaut pas grand-chose en dehors du monde magique, à sa grande déception. Il se disait souvent que ça devrait changer un jour, d'ailleurs. Il travailla en tant que stagiaire pendant quelques mois en Ecosse, avant de passer astromage à temps plein dans cet observatoire. Sa passion dévorante pour l'espace lui prenait tout son temps libre. Il pouvait rester des heures dans les salles où étaient reproduit des galaxies à échelle miniature, ce qui l'intéressait n'était pas l'interprétation des positions des étoiles comme certains de ses collègues, la branche magique de leur métier, mais vraiment d'en découvrir de nouvelles, de pouvoir espérer un jour se rapprocher d'elles.
Après quelques années passer dans cet observatoire, il avait de plus en plus envie de tenter sa chance aux Etats-Unis, là où la conquête spatiale était la plus avancée. Mais il n'eut jamais le temps de mener à bien ses projets.

Ç'avait été un jour comme un autre, qu'il passait en compagnie de Rory. Ils avaient tous deux 29 ans. L'ancien Gryffondor avait toujours eu une passion pour les objets moldus, et il lui arrivait bien souvent d'en trafiquer certains pour les 'améliorer', qu'il disait. Elias n'a jamais vraiment compris ce qui était si passionnant dans tout ça, mais il suivait souvent Rory dans ses délires, parce qu'au fond c'était amusant et ça n'avait encore blessé personne. Le Gryffondor, ayant toujours été fan de Quidditch, est devenu joueur professionnel à sa sortie des cours. « J'te dis que cette fois, ça va marcher. » Lui avait-il dit. Elias lui avait répondu par une moue réprobatrice. Il avait carrément trafiqué une voiture, cette fois. Si le service du détournement des objets moldus lui mettait la main dessus  il risquait gros. Non pas comme si on ami manquait d'argent. « J'attends de voir. » Faire voler un machin pareil ? On aurait tout vu. Il s'installa néanmoins sur le siège passager, suivant peut-être un peu trop aveuglément son ami. Celui-ci démarra la voiture, se mit à rouler. Ils étaient dans un champ vaste, seul la maison de la famille de Rory était visible. Au moins, aucun moldu à l'horizon. « Tu sais que si on te voit tu vas avoir de gros ennuis ? » Elias refusait de s'inclure dans l'histoire. Son ami ne répondit pas, accélérant juste un peu, les yeux fixés droit devant lui. Et puis, il poussa un bouton. D'abord, rien ne se produit. Juste un petit crachotement. Et puis, ils décollèrent.
Elias s'accrochait comme un dément au bord de son siège, terrifié en regardant la voiture prendre de la hauteur. « C'est bon là on peut redescendre ? » Rory ne l'entendait pas, trop heureux que son invention marche comme il le souhaitait. Pendant quelques secondes, du moins.
De nouveau, la voiture se mit à crachoter, et à perdre rapidement de l'allure. Avant que le sorcier ne puisse redresser leur situation, la voiture s'arrêta complètement et piqua du nez droit vers le sol. Elias eut juste le temps de pousser un hurlement avant de sentir le choc remonter dans tout son corps, et de s'évanouir.

Le réveil fut difficile. Il ne reprit connaissance que quelques jours plus tard, dans une chambre aseptisée de Ste-Mangouste.  Il ne sentait plus sa jambe droite, mais ça ne le frappa pas tout de suite. Il avait du mal à respirer, et surtout une douleur sourde qui semblait lui venir de partout à la fois dans tout son corps. Des médecins lui expliquèrent ce qui s'était passé. Un accident. Son acolyte s'en était sorti avec plus de chance que lui, et les dégâts qu'il avait subi étaient lourds, mais pas irréversibles. Contrairement aux siens. Certains os et ligaments de sa jambe ont été broyés, les muscles n'ont pas survécu. Il a même eu de la chance de ne pas se faire amputer. La magie fait des miracles, certes, mais pas cette fois. Pas pour lui.
La rééducation fut longue. Il ne peut sentir sa jambe qu'au dessus de son genou, tout le reste est inutilisable et répond à peine à ses commandes mentales. Une attelle spéciale lui permet de se déplacer, ce qui l'empêchera de finir sa vie dans un fauteuil, mais il est obligé d'utiliser une canne, du moins au début.
Il se passa un an, un an pendant lequel Elias n'adressa quasiment pas la parole à Rory, le prenant pour responsable. Ses rêves n'avaient plus lieu d'être. On n'enverrait jamais un infirme dans l'espace. Il ne supportait pas de revoir son lieu de travail alors qu'il savait qu'il était coincé ici. Il entra dans sa plus longue période dépressive à ce jour, restant de longs mois en se demandant à quoi bon continuer. Il n'avait plus de but dans la vie, plus de raisons de vivre. Il aurait pu tout abandonner, tout laisser tomber. C'est à cette période-là qu'il força beaucoup trop sur les cigarettes, qu'il avait évité  pendant des années de peur que ça ne le recale si jamais il souhaitait participer à un programme spatial. Plus rien pour le retenir, désormais.
Il y a de cela un an et demi, la nouvelle lui parvint que le poste de professeur d'astronomie se libérait à Poudlard. Il sauta sur l'occasion. Bien qu'étant dans une période où sa dépression prenait souvent le dessus, il lui arrivait d'avoir quelques phases de manie, qui ne duraient pas plus de quelques jours, voir heures. C'est dans un de ces états hyperactifs qu'il se rendit à l'entretien d'embauche. Sa jambe, dans ces moments-là, ne le faisait quasiment plus souffrir. Il n'y était pas allé en étant particulièrement confiant, et la nouvelle que le poste lui revenait était une grande surprise. D'un coup, il ne savait plus s'il se sentait à la hauteur d'une telle tâche. Certes, l'astronomie n'intéressaient pas grand monde à Poudlard, et ce n'était pas une matière qui leur servirait énormément mais... Il ne savait pas s'il avait le courage de montrer sa passion à des enfants, alors qu'il ne pouvait plus apprécier l'astronomie de la même façon. Mais de toute façon, c'était trop tard.

Sa première rentrée fut... Animée. Il était arrivé la veille du 1er septembre 1980, pour déposer ses affaires et prendre connaissance de ses nouveaux appartements pour l'année. Les escaliers lui faisaient souffrir le martyr, mais il ne se plaindrait pas. Il l'avait voulu ce boulot, et c'est toujours mieux que de ne rien faire dans son appartement de Londres.
Il était en train d'angoisser à attendre les élèves quand la nouvelle lui parvint. Apparemment, le train mythique de l'école avait eu un accident. Grave. Mortel. « Vous vous fichez de moi ? » Avait-il demandé, ses yeux s'agrandissant tant qu'on aurait cru qu'ils allaient lui sauter hors de la tête. Mais l'air grave du messager lui indiquait le contraire. Avec le reste de ses collègues présents, il claudiqua jusqu'à Pré-Au-Lard, pour constater l'étendue du massacre et voir s'il ne pouvait pas se rendre utile.
Et comme si le sort s'acharnait sur ces pauvres élèves, ils avaient subis dans la même année un virus dévastateur, qui s'attaquait à leur Patronus, leur âme. Il s'était senti particulièrement inutile, pendant cette période. Incapable de faire quoi que ce soit pour les aider. C'est à Poudlard qu'il a vu à quel point la guerre impactait les écoliers. Lui, ça ne l'atteignait pas énormément lorsqu'il était astromage. Il s'indignait de la tournure des événements, mais ça n'avait rien de personnel. Là, c'était différent. Ça l'atteignait lui, en tant que membre du personnel de l'école. Si on lui demandait, il se dirait neutre, ne prenant pas parti. La vérité, c'est qu'il est pour l'Ordre, pour la victoire du Phénix, mais qu'il se sent trop inutile pour y participer de quelque façon que ce soit.