Les mains de Calix s'étaient crispées sur son chariot et à voir la fermeté avec laquelle il s'y accrochait, on avait presque l'impression qu'il redoutait de le voir s'envoler s'il desserrait un peu sa prise. « Calix, tout va bien ? » En guise de réponse à la question formulée par sa mère qui se tenait derrière lui, il secoua la tête de bas en haut, sans prendre la peine de se montrer franchement convaincant. De toute façon, sa mère n'était pas dupe et il ne se sentait pas la capacité de lui dissimuler ses appréhensions. Il avait trop à penser pour se donner ce genre de peine. Le grand jour était arrivé. Désormais âgé de onze ans, le moment était venu pour lui de faire sa toute première rentrée à Poudlard. Il avait oscillé durant tout l'été entre impatience et appréhensions, mais plus les jours et les semaines s'évanouissaient derrière lui, plus les appréhensions avaient commencées à prendre le pas sur tout le reste. Alors qu'il avait rêvassé de sa rentrée et de sa scolarité à l'école des sorciers durant des années, voilà qu'il était soudain animé par la peur de ne pas y trouver sa place. Le stress qu'il éprouvait avait vraiment le don de faire momentanément s'évanouir tout ce qui avait l'habitude de lui apparaître comme étant une évidence. Alors qu'il avait passé des années à n'attendre qu'une seule chose (à savoir grimper à son tour dans le Poudlard Express), voilà qu'il crevait désormais d'envie de piquer un sprint jusqu'au Terrier. Certains de ses frères et soeurs avaient déjà disparus, ayant d'ores et déjà accédé à la voie 9 ¾ et voilà qu'il devait à son tour y aller. Calix resserra encore davantage sa prise sur son charriot, en admettant que cela soit seulement possible, inspira une bouffée d'air, et sauta dans le vide. Enfin, seulement au sens figuré, au sens propre, il se mit à courir, fonçant dans un mur à la vue de tous les moldus inconscients du monde qui demeurait hors de leur portée. La collision avec le mur ne vint pas et Calix, qui avait fermé les yeux sans même s'en rendre compte, les rouvrit sur la voie du Pouldard Express qui était actuellement bondée. Ce n'était pas la première fois qu'il s'y présentait, mais c'était la première fois qu'il venait là tout en sachant qu'il ne repartirait pas ensuite avec ses parents jusqu'aux prochaines vacances scolaires. Rien que d'y penser, la boule qui s'était formée dans l'estomac de Calix doubla de volume et il rejoignit d'un pas mal assuré sa famille, reconnaissable à des kilomètres. Les Weasley, famille de sang pur moquée de toutes parts par leurs semblables sur ce point, les rouquins bruyants et aux moyens financiers limités. Calix se fit tant bien que mal un chemin jusqu'à ses proches, évitant au passage de foncer dans une des autres nombreuses familles qui se pressaient sur le quai de la gare. Sa mère avait réuni par une sorte de miracle tout le monde autour d'elle, situation qui n'allait de toute évidence pas durer plus de quelques minutes. Il arriva à temps juste pour entendre sa mère leur recommander une énième fois d'être sages et de bien travailler. Calix l'écouta d'une seule oreille, trop angoissé pour être attentif. Néanmoins, il lui sembla que le moment des au revoir vint trop tôt. Déjà, ses aînés s'élançaient en direction du train et il allait devoir les suivre. Il jeta un oeil derrière lui pour voir deux filles plus âgées que lui commérer, des sourires moqueurs aux lèvres alors qu'elles suivaient du regard le sillon laissé par ses aînés. Il ne détourna les yeux de ce spectacle que lorsqu'une main vint affectueusement ébouriffer sa chevelure rousse. « Tout va bien se passer mon chéri, ne t'inquiètes pas » après avoir prononcé ces mots, sa mère lui planta un baiser sur le front et Calix obtempéra tant bien que mal. Oui, tout allait bien se passer, forcément. Pas le choix. Une dernière étreinte et il emboita enfin le pas à ses frères et soeurs, grimpant dans le train son bagage à la main.