BELLUM PATRONUM


Version 34

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équilibre des groupes

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Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
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Guest
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Message Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Guest, Jeu 9 Juin - 16:12 (#)
Artair Charon
Dearborn
ft. Chris John Millington
sang mêlé
31 ans
célibataire
bisexuel aromantique
expert légiste à la morgue de Sainte Mangouste
scarabée bousier sacré
Pro-ordre
zadig
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À propos
Nom: Dearborn. A une lettre près, la mort s’insinuait déjà jusqu’à son nom. Mais non. Le patronyme servait la vie, la célébrait autant que la famille dont il lui provenait. Les rires qui tonitruent d’un accent palpable, des joues rougies par l’alcool tournées vers des étoiles pâles, l’odeur âcre du bois que les flammes mâchonnent paresseusement,... C’était tout-ça, Dearborn. Et plus. Et mieux. C’était les joies que le malheur, ponctuel, lancinant, ne cessaient de mettre en contraste. C’était un sang écarlate, un sang écossais, qu’on ne saurait confondre. C’était la fierté des siens, un amour en acier. C’était cette féroce envie de vivre, tous ensemble.
Prénom: Artair. L’ours. Le pelage noir et dru. Du miel sur les canines. Le regard qui luit au fond de la caverne. Artair. Artère. Palpite sans répit à l’écho du cœur qui tonne. Sous la barbe rêche, sur les lèvres gercées, il y a un sourire qui ne dévoile rien de ses mystères. Amoureux du silence, il sait pourtant chanter tout aussi fort que les autres. Mais si. Grogner, chanter, avec un peu de bonne volonté ça se confond. Il suffit de savoir écouter. Charon. Enveloppé par la nuit, il glisse entre les morts. Charrie les âmes d’un enfer à l’autre, le temps d’une ballade. Rien ne presse et rien n’attend. Tout arrive à point, tous arrivent à terme. Le silence bruisse des murmures qu’on n’a jamais dits. De la vie qu’on n’est plus si sûr d’avoir vécu. Proie de la rivière, sa barque l’effleure sans chercher à la comprendre. Bien assez tôt viendra son tour. Bien assez tôt il saura. Et les secrets de ce genre valent bien la peine d’attendre un peu.  
Âge et Date de Naissance: 31 ans. 14 Février.
Nature du sang: Mêlé. Mêlé d’amour et d’histoires. Sa pureté, elle est venue avec l’honneur du clan pas avec l’hémoglobine incestueuse. Son sang n’est pas une tare, pas un poids. C’est une chance.
Situation familiale: La famille est large. Bruyante. Imprévisible. La fratrie déjà. Ils sont comme un cidre. Lui, la pinte qui englobe, qui protège, tant qu’il reste debout rien ne tombera. Icare, le poison ambré, sucré quoiqu’un peu piquant, il se rêve scotch sans comprendre encore que sa place est déjà trouvée ailleurs. Saul, le glaçon, petite et luisante,  indispensable en quelque sorte, j’aimais trop émergée, elle frétille à la surface mais brûle sur les langues trop avides d’y toucher. Un bon cidre écossais, parfois sous pression mais toujours désaltérant. Le père n’y goutte que peu, cependant. Un membre de Magenmagot, ça garde la tête claire. Ca aime, bien sûr, mais pas trop fort. Ca chuchote. Artair l’entend, il décode. Cet homme, c’est lui. Ou ça le devient. Chaque génération de Dearborn a besoin d’un grand-frère, d’une épaule qui éponge les larmes et encaisse les coups. Il prend la relève. Il y a sa mère. C’est elle qui prépare la boisson. Délicatement, elle réunit les composants avec une affection que des années de recherche n’ont pas écornée. Plus que brillante, elle l’éblouit. Elle représente la bonté inconditionnelle. Il tient d’elle ses rêves anatomiques. Et puis il y a les autres. Ils ne font que passer dans le pub, mais ils sont encadrés au mur. Tantes, oncles, cousins, cousines… Et Astrid. Astrid n’est pas dans la brasserie. Bien sur que non. Cette œuvre d’art avec qui il a l’honneur de partager un peu de sang n’a de place qu’au musée. Astrid n’est pas qu’une Astrid. C’est son Astrid. Elle a ses faveurs depuis longtemps et il ne comprend toujours pas comment ça n’est pas le cas de tous. Elle est précieuse. Elle est forte. Un diamant brut auquel, dès son arrivée à Poudlard, il avait prédit un futur étincelant. Avec lui, elle peut cesser d’être la grande sœur d’une fille morte. Avec elle, il peut cesser d’être ce garçon qui n’a l’air d’aimer vraiment que les morts.
Patronus: Six pattes aux poils fin coulissent comme des rubans entre les rides de sa paume. Une tête casquée effleure ses doigts sans les pincer. Les ailes lourdes, d’un bleu noir lustré, repliée en carapace sur le corps léger. Les scarabées font partie des animaux les plus vénérés de l’Egypte Antique. Créatures étranges et délicates, à l’apparence austère et boursouflée, pendant des siècles ils furent associés aux rites funéraires. Animaux bourdonnant entre la vie et la mort, ils étaient le symbole respecté de la résurrection promise par les prêtres. Artair est vieux. L’univers le lui rappelle subtilement chaque fois qu’il croise la route d’un de ces patronus palpables. Le sien n’est que fumées et espoirs. Il n’est qu’un sort. Qu’un secret. Il ne l’a aperçu que deux fois au cours de sa petite vie. C’est peut-être en cela qu’il représente le plus son créateur. Il restera un mystère jusqu’au bout. 
Miroir du Rised:  Une main dans la sienne. Des doigts enlacés plus étroitement que des corps ne le pourraient jamais. Une main sans visage. Sans nom, sans genre. Pas d’identité. Rien qu’un regard qu’il sent sur lui. Un regard qui comprend. Un regard qui aime. Autour de lui, ils sont tous là. Trop nombreux pour la glace les contienne tous. Les pupilles brillent, les sourires éclates, comme un feu d’artifice de joie qui n’en finit plus. La malédiction, les petits drames, les grandes guerres… Rien. Plus rien. Tout est dissolu dans cette vague qui répète en écho. Ils s’aiment. Il s’aime.
Epouvantard:  Les commissures se retroussent sur un rictus. L’accent tonne contre ses oreilles, crispe ses tympans comme ses poings. « Bah fais pas cette tête, Arty… Tu l’savais, non ? Tu l’avais prévu ? M’sieur Artair, toujours à réfléchir, à ruminer ses secrets. Fallait bien que ça finisse un jour. Rideau. Noir. C’est tout c’que tu mérites. L’noir. L’rien. R’garde autour de toi, Arty. Personne. Ils sont tous loin, là où tu les as laissé. Au cimetière ou ailleurs. Ca veut jouer les distants, ça veut s’protéger. Tends ta main pas ton cœur, qu’il disait papa. Conneries. T’as pas mis de distance, Arty. T’as fui. Tu t’es barré. Trop vite, trop loin. P’tit traître. Tu sais même plus ou ils sont. Qui ils sont. Mais t’es qui, toi, d’ailleurs ? A te cacher, à ne rien dire, à gommer les angles de ta vie t’as effacé jusqu’au centre. T’es là pour quoi ? T’es quoi, Artair ? Hein ? Rien. T’es l’rien. T’as jamais été autre chose. T’es un de tes cadavres. Un truc qui traîne dans l’existence, on sait pas trop pourquoi. T’as pas de sens. T’es rien. ». Le reflet éclate d’un rire gras malgré les larmes qui picotent ses joues. Il se tait.
Composition de la baguette magique: Trente-et-un centimètres de bois de saule pleureur. Encore très souple malgré les années d'utilisation. Le verni s'est écaillé pourtant, à force d'être frotté par des substance anti-bactériennes. Ca a presque imprégné l'objet de l'odeur vinaigrée. Artair s'en fiche un peu. C'est un symbole du plus beau des métiers, qui s'avère être en le sien. Il en est fier, comme du reste. Des racines de Filet du Diable réduites en poudre ont été glissées à l'intérieur. Un peu de caractère, un peu d'exotisme. Elle est parfaite pour les métamorphoses et particulièrement indiquée pour le contrôle des objets inanimés.  
Emploi:  La morgue est un endroit silencieux où la vie semble suspendue. Du moins, ça, c’est ce qu’ils croient tous. Le formol, les instruments clinquants, les blouses blanches. Ca paraît froid, ça paraît mort. Mais quand la porte se referme. Quand le caoutchouc des gants un peu trop petits claque sur ses doigts et que l’odeur âcre se love dans sa barbe, le calme n’est plus. Les fauves entrent dans l’arène. Les corps de Sainte Mangouste, c’est un peu comme des animaux de cirque. Il faut de la patience, beaucoup d’expériences et surtout de l’amour pour s’en charger. Chacun ses petites habitudes, ses petites préférences. Les victimes de meurtres dont il faut recomposer l’histoire, les déchiquetés dont il faut recréer le visage, ceux qu’il faut préparer pour les étudiants en médicomagie, ceux dont il faut prendre les familles dans les bras, ceux dont il faut combler la solitude sur les papiers administratifs,… Chacun a ses exigences particulières en matière de soins et de sorts. Parfois, ça fait des caprices. Une infection par-ci, des champignons par-là. Et que je te mets un fantôme qui sort avec du retard d’un côté et que je te ramène un patronus tenace de l’autre. La faune de cette ménagerie mortuaire est variée, surprenante. Pas de privilèges, pas de jugements. Aux yeux d’Artair, chaque vie est une histoire qui s’achève quand il abaisse les paupières. Rien de plus, rien de mieux. Il faut laver, s’occuper, respecter, admirer. Parce que jusque dans la mort, la vie ne s’arrête pas. Artair leur donne quelques minutes de plus. Un peu de son temps pour prolonger le leur. Ca ne suffira pas, bien sûr. Mais c’est déjà ça. Ce n’est pas rien.
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Caractère
Artair est une grand-mère. Une grand-mère écossaise. Une grand-mère barbue.  Son thé. Son feu de bois. Sa corne-muse. Et le silence à contempler. Rien d’autre au monde ne serait mieux apaiser sa petite âme velue. Un peu de whisky peut-être. Un peu beaucoup. La nuit n’est belle que lorsqu’on s’y perd et sa flasque est un guide parfait pour ça. On craque un baiser comme une allumette et on l’illumine. On embrasse, on embrase. Ca serpente sur le corps sans jamais atteindre le coeur. Jamais. Son accent roule quand il s’énerve. Quand on touche aux siens, sa seule fierté. La vraie fierté. Cependant, cela arrive moins souvent que le crépitement des syllabes sous l’excitation d’une trouvaille. Car il aime trouver, Artair. Il est curieux. Autant de pages écornées entre ses mains que d’étoiles qui brillent dans ses yeux noirs. Poussière, tout redeviendra poussière. Alors il la soulève, il la fait danser. Il le chérit, cet or invisible, plus que tous ses gallions. Les mots, les veines, les momies. Tout glisse, tout passe, gobé en cadence avec une avidité toujours grandissante. Ces festins muets qui s’étalent jusqu’à interruption, penché sur la table de la morgue ou blotti au fond de son lit. Il dévore les secrets jusqu’à s’en carier les dents. Il sourit souvent pourtant. Mais avec modération. Les éclats de rire sont plus précieux, destinés à ceux qui savent les déclencher. Il est agréable avec les autres. Facile à vivre. Pas d’explosions, pas de revanche. Des distances, rien que des distances. Intime, personnelle, sociale. Chacun à sa place, sans mal fait. Calme, doux, présent. Quelque chose en lui rappelle un lac immobile. On s’y arrête pour réfléchir. On s’y arrête pour s’arrêter. Vous lui parlez et il ne comprend pas. Il sait. Comme si vous n’aviez pas besoin d’en dire plus. Comme si la conversation avait dix ans déjà. Il sait. Parfois c’est faux, parfois c’est vrai. Parfois ça effraie, parfois ça aide. Mais on perçoit toujours cette chose qui imprègne son visage à moitié caché, sans même le vouloir. Quelque chose d’ancien, quelque chose de ruiné. Un respect un peu trop solennel d’une vie qu’il sait bien trop éphémère, peut-être. Qui sait ? Pas lui. Il ne veut pas. Il vaut mieux. Les secrets, vous voyez. Encore et toujours. Et il se tient là. Enfant calme et attentif, planté dans un corps trois fois trop grand. Mais ça lui va. Des bras longs tendent la main plus loin, après tout. Grand-mère lasse et sereine, lovée dans sa barbe comme un plaid de tartan. Il défait les contes, transcende les adages. La bête est belle.
Patronus
Spero Patronum. Comme un psaume, comme une vieille chanson. Appris si longtemps auparavant qu’on ne sait plus comment et pourquoi. Qu’on ne sait plus ce que l’on prononce. Les doigts pliés sur la baguette comme ses sourcils sur son regard, il essaye encore parfois sans vraiment tenter. Plus par habitude que par nécessité. Ca n’en a jamais été une. Juste un autre sort sorti d’un autre bouquin lors d’un autre cours de Défense Contre Les Forces Du Mal. Vapeurs bleutées d’un souvenir pré-fabriqué. Le genre de choses dont on ne devrait jamais avoir besoin. Il l’avait fait sortir, bien sûr. Pour un exercice, pour un examen. Par obligation. Par curiosité peut-être. Le scarabée est hypnotique,  très satisfaisant. Mais il est également farouche. Artair n’est pas quelqu’un d’optimiste. Les gens ne le savent pas. Le scarabée le sait, lui. Il connait sa valeur, celle d’un souvenir heureux qu’il ne saurait que trop peu faire remonter. Ses joies les plus intenses sont celles des autres. Et on ne fait pas flamber son feu dans la cheminée du voisin. Quelle idée de s’y intéresser. Quelle idée de vouloir les modifier. C’est désormais dans l’air du temps de les voir, partout, dans la rue, au ministère, dans sa morgue. Ces jeunes en symbiose avec des créatures changeantes. Ca a quelque chose de fascinant. D’un peu effrayant aussi. Ne jamais être seul avec ses sensations. Ce lien permanent. Envahissant. Artair ne sait pas si il les envie ou les plaint. Le scarabée est un indicateur. Son absence est synonyme de stabilité. De tranquillité. Alors qu’il reste au fond de la baguette. Qu’il n’en sorte que le moins possible, le Deadborn ne s’en portera que mieux.
Pseudo et âge: Simon, 19  héhé  Où as-tu trouvé le forum ? En creusant sur bazzart il y a quelques semaines déjà  siffle  Personnage: DEARBORN FAMILY BABY  Twisted  As-tu un autre compte sur BP ? Non.  SCREAMING  Présence: Trois fois par semaine, c'est sûr de sûr  Cutie (plus si affinité  Seb ) Une remarque ? Non, on ne peut PAS toucher la barbe  Arrow   


Pyramide
Au-dessus, Amon, Soleil
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Nous sommes tous un petit cimetière.

On appelle ça l’apoptose.

Le suicide programmé des cellules.

La fin prédite, prévue, planifiée. Chorégraphiée.

C’est minutieux, un travail d'horloger.

C’est beau, en quelque sorte.

C’est pas très joyeux. Mais c’est la vie.

Chargés de fantômes microscopiques. De squelettes cellulaires.  Déchets et nouveau-nés. Tous logés, lovés dans la chair qu’ils composent. Les renouvellements, les cycles, casser, défaire, pour mieux reconstruire. C’était ainsi jusqu’à l’ADN. Littéralement programmés à vivre et mourir des milliards de fois dans ce petit temps qu’on appelle l’existence, les hommes avancent, persuadés de stagner dans ce changement perpétuel.

Et déjà là, ça le fascine. Cet infini invisible qui entretient la danse fébrile, vie et mort l’une contre l’autre, siamoises. Corps à corps, cœur à cœur.

Sa mère n’avait jamais été du genre à raconter les histoires. C’était stupide et ennuyeux. Elle avait vite compris qu’Artair n’avait jamais été du genre à écouter les histoires. Alors elle lui avait raconté l’Histoire. La seule qui comptait. Celle de lui et des milliards de milliards d’autres venus et à venir. Elle la connaissait par cœur. Le plus beau des contes, le plus féérique, le plus monstrueux, c’était l’humain. Sur le bord de l’oreiller, les détails s’accrochaient. Comme des miettes de science abandonnées sur le grand banquet d’Artair. Ils attendaient que la bougie soit soufflée, que les paupières se soient fermées. Et ils se mettaient en route. Ils escaladaient la taie à l’odeur de pomme de pin, s’agrippaient au lobe de son oreille et lui soufflaient des rêves encore plus merveilleux.

Bientôt les rêves devinrent souvenirs. Les souvenirs devinrent des obsessions. Et ses obsessions devinrent sa vie.

Comme l’évolution avait œuvré pour graver dans le marbre des phosphates et des hydrogènes ce que l’Humanité serait, sa mère l’avait programmé.

Soigneusement, avec constance et précision. Une pièce d’orfèvre, unique et précieuse.

Chaque soir. Chaque étoile incrustée dans le ciel noir de ses prunelles. Chaque mot difficile articulé en échos sur leurs deux bouches. Chaque hochement de tête encourageant dans la pénombre douceâtre.

Elle l’avait programmé à ce qui arriverait. A ce qu’il deviendrait.

Mort et Vie.

Vie et Mort.

Main dans la main.

Et lui au milieu.

Canope 1 : les Intestins
Ouest, Serket, Tête de Faucon
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-Nathair ! Nathair !

Les genoux enfoncés dans l’herbe encore humide. Les rires lointains montent jusqu’à s’éclater sur les nuages. Le ciel est d’un gris violacé, la pluie menace tout à droite du monde. Mais vous n’avez que faire du chantage. Vous n’avez que faire d’un peu de pluie. Vous avez décidés de goûter. On n’arrête pas des Dearborn quand ils ont faim. On n’arrête pas des Dearborn.

Les enfants se roulent dans la prairie, les bébés gazouillent près des parents. Les pères ses rejoignent bientôt, lançant des sorts dont la création semble d’avoir jamais eu d’autres objectifs concrets que d’arracher des rires à une ribambelle d’enfants écossais. Ceana les rejoint avec ses traditionnelles histoires de dragon qui capte l’attention et l’imaginaire des enfants. Laura reste avec Ellen, les belles-sœurs étendues sur les nappes larges comme des voiles de navire, entourées des plats préparés le matin.

Et il y a lui, grand parmi les petits, enfant parmi les adultes, qui passe le cinquante-deuxième jour de ses douze ans les coudes rougis sur ses jambes croisées, les cheveux agités par le vent, l’odeur de shortbread encore tiède qui effleure ses narines. Il fixe son livre sans pouvoir s’en détacher. Ca fait une heure, vingt-quatre, mille-trois-cents. Il ne sait pas trop. Il est juste là, à sa place. Il lit. Il apprend.

-Nathair !

Du moins, il essaye.

-Astrid !

La petite forme sombre se fait arrêter en pleine course par sa mère, matérialisée à ses côtés. Ca ne coupe ni le bruit, ni l’élan. S’étendant jusqu’à son cousin, du moins c’était son projet, la petite boule de nerfs et de cheveux bouclés s’agitent entre les bras maternels, hurlant un nom qui n’est pas le sien avec la force joviale qui la caractérise.

-Laisse Artair tranquille. Il étudie pour… euh…

Elle tente de lire par-dessus son épaule, changeant sa position pour mieux assurer sa prise sur la petite.

-… Histoire… de la Magie ? Je… crois ?

Plus elle observe la page, en particulier les croquis qui ornaient les marges, plus ses pupilles se dilatent d’incompréhension.

-En fait, il lit son livre sur les momies. C’est sa lubie du moment., clarifie calmement Laura, postée sur une large nappe à leurs côtés, les yeux pétillants.

-Sur l’embaumement. Le processus., corrige Artair avec un sérieux inapproprié à son jeune âge, tapotant le schéma qui décrivait l’extraction d’une cervelle de la boîte crânienne du cadavre dans l’Egypte ancienne.

- Ce n’est pas un peu… morbide ?, articula à demi-voix sa tante, alors que la main de sa cousine s’étalait avec force sur sa joue.

-Oh oui ! Mais Artair n’a jamais été très impressionnable, tu sais…

-Je n’arrive toujours pas à croire que tu le laisses jouer dans ton cabinet… Même moi j’en ferais des cauchemars.

Sa mère laisse s’échapper un rire tintinnabulant.

-Il a absolument voulu donne des noms aux tumeurs que je garde en formol comme référence, alors…
-C’est… euh… pittoresque…
-Je peux vous entendre, vous savez.

Elles rient.

-Il me rappelle un peu Ceana plus jeune, c’est drôle, je…

Mais la phrase s’interrompt bien vite. La petite se débat, elle gronde. Ses cinq ans fougueux échappent au contrôle des vingt-cinq épuisés de sa mère. Bientôt la tornade miniature se stabilise dans l’herbe et se précipite. Il referme les pages moites du bouquin d’un coup sec et le dépose lentement un peu plus loin. Astrid laisse échapper un jappement de joie se précipitant droit vers les bras écartés du garçon. Le petit boulet de canon bicolore qu’elle forma le renversa sur le dos alors qu’elle poursuivait sa litanie.

-Nathair !
-Artair, Astrid. Ar-tair., abandonnant ses tentatives de retenir l’enfant, elle se rabattait sur un combat moins physique, mais tout aussi perdu d’avance.
-Nathair !

Elle leva les yeux au ciel, glissant un sourire coloré d’excuses vers Artair. Il balaya l’offense d’un air rassurant bourré de fossettes alors qu’il se relevait, calant précautionneusement la petite fille contre son torse.

-C’est quelque chose, cette petite, murmura avec émerveillement Laura.

Bientôt, comme prévu, comme toujours, le petit corps chaud se redressa, étendit ses bras potelés et vint caler sa tête contre son cou. La position était plus naturelle qu’apprise. Les muscles se détendirent un à un alors que le garçon, l’air pensif, adoptait quasiment automatiquement un mouvement lent et répétitif, la penchant de droite à gauche comme pour la border. On l’aurait presque entendue ronronner.

-Laisse-la faire. Je te jure, ça ne me dérange pas.

Sa tante haussa les épaules. Contrarier la petite fille ou le garçon en symbiose revenait à renoncer de plein gré au calme relatif mais providentiel que leur étreinte amenait systématiquement. Ses cernes bleutés annonçaient très clairement que ce n’était pas un sacrifice qu’elle était prête à faire au nom de la prononciation correcte d’un prénom. Les belles-sœurs échangèrent un sourire las d’une part et encourageant de l’autre, affectueux des deux côtés.

-Respire un peu Ellen. Manger un bout de gâteau, profite du calme. Je te vois. Tu veux être partout avec tout le monde. Donne-toi du temps. Tes enfants ne vont pas s’envoler.

Artair hocha vigoureusement la tête, allant jusqu’à passer une assiette à sa tante.

Les lèvres de la plus jeune des belles-sœurs Dearborn se serrèrent en même temps que ses doigts sur l’assiette. Un peu trop fort, un peu trop brusque.

Laura baissa un peu les yeux pour les relever en même temps que sa posture. Droite, fière.

-Pas ici, assura-t-elle d’une voix un peu plus forte.

Artair perçut le léger malaise, jusqu’à tracer quelques rides interrogatives sur son front. Son regard retourna pourtant bien vite vers Astrid qui lui adressait un petit sourire qu’il ne pouvait s’empêcher de qualifier d’intelligent. Il posa doucement son front contre le sien, un mouvement animal mais étrangement apaisant.

Tout le monde pensait que l’enfant avait tort. Qu’elle avait forcément tort. Mais pas lui. Astrid avait un secret. Quelque chose que ne connaissait pas encore, mais qu’elle savait déjà. C’était compliqué à expliquer. Ca ferait froncer des sourcils sceptiques. Aussi se taisait-il sur la question. Mais il restait persuadé que la gamine ne se trompait pas. Qu’elle avait forcément raison. Il suffisait de découvrir sous quel angle.

Nathair.

Le Serpent.

Il aurait du mal le prendre, peut-être. Mais ce n’était pas le cas. Dans la bouche d’Astrid, ça avait quelque chose du compliment.

Il ne comprenait pas.

Elle non-plus probablement.

Mais il y avait quelque chose.
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- Icare.
- …
- Ouvre.
- …
- Tu sais comment il est.

Déglutition.

- Le travail.

Le travail.

Icare avait chuchoté avec lui, derrière la porte luisante de sa chambre.

Sourire sans joie.

Le travail, toujours le travail.

Magenmagot.

Nom maudit dans la fratrie.

C’était comme un sortilège. Un mauvais charme que personne ne saurait briser.

Nouvelle femme, nouvelle famille, nouvelle vie presque. Il avait enfoncé leur père dans ses dossiers jusqu’au cou, jusqu’aux yeux. A tel point qu’il devenait aveugle aux peines de ses propres enfants.

Artair avait déjà averti Aonghus quand il avait confié ses ambitions récentes pour la Justice Magique.

Ca dévorait la vie de l’intérieur. Ca mordait à pleines dents dans le cœur. Et dans celui des autres.

Le repas s’était pourtant relativement bien passé. Tous deux avaient aidé leur mère à préparer la nourriture un peu plus tôt dans l’après-midi. Ou du moins, Artair s’était évertué à faire croire à son frère qu’il cuisinait véritablement quand il le laissait mélanger la patte de leur traditionnelle meat pie. Le grand-frère était cependant resté inflexible aux sourires candides et regards envieux que le garçonnet vers les couteaux enchantés. Saul avait geint joyeusement dans sa chaise haute.

La table avait été mise. Ils avaient pu admirer la dextérité de leur mère et la précision de ses sorts de lévitation. La petite avait applaudit.

Tout allait bien.

Et puis il avait fallu attendre.

Attendre, attendre, attendre.

La nuit était tombée. Leur enthousiasme aussi. Leur mère avait fini par les faire manger, malgré les plaintes d’Icare. Elle avait laissé les cuissons des casseroles à la surveillance d’Artair et était partie coucher Saul. Elle n’était pas revenue, probablement s’était-elle attelée à une rédaction quelconque dans son bureau. Laura détestait perdre son temps. Tous deux dans la cuisine, les frères s’ennuyaient sans un mot. Le plus grand tenta bien de sortir ses cartes de bataille explosive d’un tiroir, mais l’œil torve du petit lui indiqua bien vite que du haut de ses huit ans il n’avait pas la tête à ça.

Vingt-et-une heure vint, Artair força Icare à enfiler son pyjama, devant montrer l’exemple pour que l’enfant s’y astreigne. Les supplications pour ne pas se coucher fonctionnèrent néanmoins sur l’adolescent. Ils revinrent dans la cuisine et la veille muette reprit. Ils ne prirent pas la peine d’allumer les lumières.

Vers vingt-trois heures, la cheminée ronfla d’une bouffée émeraude.

Leur père était enfin apparu.

Cernes, poches et mine grisâtre de rigueur.

Il avait épousseté ses manches, jeté un coup d’œil périphérique au salon désert.

Une petite tape sur l’épaule de son aîné qui s’était précipité pour le saluer, agrippant sa mallette de cuir sombre dans mouvement rapide. Une ombre de sourire passa presque sur les lèvres de Franck.

Puis son regard s’était porté sur la petite boule qui courrait à sa rencontre, roulant presque, bras étendu pour serrer le père tant espéré. L’élan fut coupé net. La pièce sembla se figer, les entrailles d’Artair se recroquevillèrent.

-Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure ?

Glacial. Sec. Acide.

Déçu et décevant.

Ca n’avait pas manqué. Les petits bras potelés étaient retombés. Le visage radieux avait coulé comme un maquillage de clown sous le pluie. Le choc, l’offense, le désespoir. Il avait baissé la tête, tourné les talents et s’enfuyait déjà, semant des gouttes salées sur le parquet.

Artair avait froncé les sourcils, passant en silence l’assiette laissée au four pour le patriarche. Il eut droit à un merci qui lui donna l’impression d’être un imposteur. Esquissant une excuse rapide, il se glissa vers le hall, se précipitant plus franchement vers la porte déjà fermée de l’enfant.

- Ouvre-moi.
- J’vais partir. J’veux partir. Loin. Loin. Loin.

Les paroles enfantines étaient étouffées.

- Où ?
- J’sais pas…

Ailleurs.

Ca n’était pas la première fois que son jeune frère évoquait cet ailleurs, à moitié imaginé. Quelque part de mieux, sans chagrins, sans leur père. Si ça avait quelque chose de profondément touchant, ça effrayait aussi un peu Artair. Il croyait aux pouvoirs des mots. A force de le psalmodier, ça finirait par faire échos dans l’univers. D’une façon ou d’une autre.

- On partira demain, si tu veux. A la première heure.
- Pourquoi pas ce soir ?

Sourire.

L’empressement et l’espoir.

- Tu es trop fatigué.
- Même pas vrai !

La porte s’était ouverte à la volée.

Les yeux rougis, l’enfant essuya la bave qui luisait sur son menton d’un revers de son avant-bras, se tenant bien droit devant son frère. Artair se retint de rire, attrapant l’enfant par la taille et le posant avec douceur contre son torse déjà développé. Il fit mine de se débattre, sans intension réelle de s’échapper. Un bâillement sonore jaillit de la petite bouche.

- Moi, je le suis.
- Vrai ?

Surprise. Soulagement.

- Vrai. Ca te dérange de dormir avec moi, cette nuit ? C’est la pleine lune et j’ai peur…
- Des loups-garous.

Les deux frères échangèrent un hochement de tête entendu, sur la même longueur d’onde concernant les créatures nocturnes. Bientôt les sourires prirent le relais. Artair ébouriffa l’enfant en le déposant dans son lit. Il dormait déjà à moitié. Il se glissa à la suite, ramenant les couvertures sur eux. Le lit était étroit. Ils s’en fichaient un peu. Un cœur cabossé n’attend pas.

Il glissa ses bras autour du gamin, essuya deux larmes du coup de ses pouces. Bientôt les ronflements s’élevaient dans la pénombre.

Demain, ils ne partiraient pas.

Demain, rien ne changerait.

Mais ils pouvaient bien faire semblant quelques heures encore.


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L’aiguille agrippait son bras, y déposait des baisers métalliques. Ca piquait, ça brûlait, c’était beau. C’était bien. Elle s’insinuait, laissait sa marque avec une tendresse chirurgicale. Elle brodait de motifs le tissu souple de sa peau comme on décore un uniforme de militaire. Comme on rapièce un doudou trop usé. Bientôt les tatouages bougeaient, ils glissaient paresseusement sur sa peau. Cadeaux de seize ans. Compagnons jusqu’au bout. Il avait spécifiquement demandé que l’encre subisse le même enchantement que celui utilisé pour les tableaux. Il saurait les domestiquer, qu’il avait dit. Qui pouvait bien avoir besoin de patronus quand on pouvait avoir ça ?

Astrid avait été la première au courant de son œuvre, bien évidemment. Elle avait suivi toute la grossesse de l’idée, depuis ses débuts balbutiants de conception jusqu’aux derniers croquis, retracés cent fois jusqu’à perfection la veille-même. Après tout, c’était un hommage à sa propre peau. Une façon de plus de prouver qu’ils étaient fait de la même étoffe : hétérogène et merveilleuse. Jamais il n’égalerait le chef d’œuvre original évidemment, mais un peintre du dimanche pouvait se satisfaire à imiter Picasso de temps en temps. Il avait un peu hésité. Il avait eu un peu peur. Qu’elle ait peur. Qu’elle soit offensée. Qu’elle lui en veuille. Ce n’était pas le but. Bien au contraire. Chaque jour un peu plus, elle faisait de ses souffrances une force. Ce maigre soutien l’aiderait peut-être. Car étonnamment, ça l’aidait déjà, lui.

Elle avait compris. Evidemment.

La famille. Le sang. Les liens.

L’obsession lancinante des siens, à venir et à perdre. L’obligation de les graver à jamais, de les rendre tangibles. L’éternité en CDD.

Chacun d’eux était représentés. Tous, jusqu’au dernier. Quelque part. Caché sous un symbole. Toujours avec lui.

Le regard de son père avait été bref. Il porterait des manches longues. Ca leur irait à tous les deux.

Sa mère lui a énuméré la longue liste d’infections que ce genre de pratique, particulièrement avec l’encre enchantée, pouvait engager. Un mince sourire relevait cependant déjà ses commissures avant même la fin de son élocution. Elle a dû apercevoir le camélia.

Icare avait haussé les épaules et complimenté le blason familial qui ornerait désormais le biceps gauche. Il avait aimé. D’une façon très silencieuse, statique. Statuesque, presque. Mais le hochement de tête confiant que ce petite frère lui avait adressé lui avait donné envie de la serrer dans ses bras jusqu’à lui en faire craquer la colonne vertébrale.

Ainsi les tatouages avaient été adoptés comme membres intégrants dans la famille. Comme reflet de celle-ci. Frémissants et colorés, ils verraient bientôt d’autres ornements les rejoindre au fil des années et des souvenirs. La collection du petit musée de chair ne ferait que grandir.

Si Artair ne se trouve pas très beau, il est au moins sûr d’une chose. Ses tatouages le sont pour lui.

Ils le sont pour eux.


Dernière édition par Artair C. Dearborn le Mer 22 Juin - 16:44, édité 4 fois
Guest
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Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs. Empty
Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Guest, Jeu 9 Juin - 16:12 (#)
Canope 2 : l'Estomac
Est, Neith, Tête de Chacal
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Les pages tournent, encore et encore. Et encore.

Parchemins, manuscrits, noms, photos. Il parcoure, il recherche. Jusqu’à s’en couper le bout des doigts.

Les années filent, ses ressources aussi.

La bibliothèque, les professeurs.

Les limites apparaissent comme des trous dans la gigantesque toile d’araignée qu’il constitue.

Poudlard, qu’on dit infinie, qu’on dit secrète, qu’on dit chargée de toutes les réponses, n’est pas suffisante. Elle ne l’est plus. Elle est exténuée, recrache à peine quelques dates, quelques symptômes.

Histoire, généalogie, malédiction.

Il se passionne. S’obsède.

Tom.
Tom.
Tom.

Cet homme étrange, cet inconnu. Planté dans les tableaux de famille comme un intrus. Comme un fantôme.

Pas comme, justement.

Il aurait pu être son père, il pourrait être lui. Ou Icare. Ou Saul.

Ou Astrid.

Frissons.

Frisson aujourd’hui, frissons hier, frissons demain.

Sept ans de frissons.

Car l’incertitude tenait, restait. La prophétie se décantait avec les âges, de plus en plus précise, de plus en plus inéluctable. Elle l’avait toujours été probablement. Mais à mesure qu’il prenait conscience du monument sordide que cette tradition familiale constituait, la peur ne pouvait que croire.

Ca viendrait.

Tôt ou tard.

Sur lui ou lui ou elle ou lui ou elle ou elle ou lui ou elle. Ou elle.

Ou lui.

Sur quelqu’un. Dix enfants en première ligne d’une génération déjà condamnée.

Ca frapperait.

Tom porterait un nouveau nom. Une nouvelle identité chuchotée par les neufs autres, devenus adultes, quand les enfants dormiraient à poings fermés.

Mais pas ceux d’Artair.

Eux n’existeraient jamais.

Des dix, il était le grand frère attitré. Pas le père.

Trop de peur, trop de regrets. Le fardeau était bien trop lourd pour prendre le pari. Mettre en danger de mort ce qui ne demande même pas à vivre. Ca lui donnait des sueurs froides, ça lui donnait la nausée. Il n’était pas un meurtrier.

Peut-être que ça changerait. Peut-être qu’ils comprendraient. Qu’ils trouveraient une solution.

Mais avant, il y avait à faire. Beaucoup.

Beaucoup trop.

Il fallait combler les trous. Car personne n’aime la dentelle.

On n’en met qu’aux enterrements.
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Plic.
Plic.
Plic.

Les gouttes de sueur s’effondrent sur l’herbe, se mêlent à la rosée.

Elles laissent comme une trace fluide dans l’air frais.

Presque perceptible.

Comme si toute l’énergie et les efforts physiques qui les a arrachés à leur deux corps s’en dégagent encore.

Perchés là, comme déposés dans les airs, découpés dans le ciel bleu noir où fleurissent six anneaux.

Deux gants suivent leur chemin.

Chacun sur son balais, l’un à côté de l’autre. Ils ne se tiennent pas la main mais c’est tout comme. Leurs souffles se tiennent l’un l’autre, vibrent d’un même son. Bourdonnent d’un même chant. Deux inspirations pour lui quand elle n’en prend qu’une. Il l’encadre, il la maintient plus fort qu’un contact ne pourrait jamais le faire. Elle mène, elle reste plus libre qu’un contact ne pourrait la laisser.

Trois gants.

Les phalanges chauffaient, les genoux aussi. Il fit craquer ses épaules, elle rabattit sa tresse en arrière.

Quatre gants.

Le compte est bon.

Artair lève les yeux vers le ciel et admire pensivement la nuit qui s’écroule sur eux. Du coin de l’œil, il l’observe cependant.

Jeune.

Si jeune.

Mais déjà prête. Déjà elle avant même d’en avoir conscience.

Une bûche.

Une essence de bois rare.

Qui bientôt flamboierait et embraserait le château.

Un feu de joie qui consumerait les brutes, réchaufferaient les brisés.

Un bûcher duquel personne ne saurait détourner le regard, au risque d’en finir roussi.

Elle en parle comme quelque chose de lointain, de terriblement vague. Comme d’un rêve fait la veille dont on peine à récupérer les détails.

Mais c’est là. Il se tait. Mais il l’a vu.

Il apporte son allumette.

Le Souafle retombe.

L’averse étrange s’arrête enfin.

La lune pose sa patte pâle sur leur front alors que le silence à l’odeur d’herbe les embaume. A l’odeur d’interdit.

Bientôt le jour se lèvera, rose et bouffis d’un soleil de février.

Bientôt.

Ca leur laissait une éternité pour discuter. Voire deux.

Pourtant ils attendent. Ils restent là, face au vide, face à eux. Comme s’ils attendaient un signal.

Poursuiveurs.

Il préférait la batte, elle préférait le vif. Mais aucun des deux n’aimaient assez profondément le quidditch pour s’en soucier. Ce qu’ils aimaient vraiment, c’était se voir. Se parler. Ou ne pas se parler. Etre là. Etre eux. Communier. Ils avaient fait des concessions. Ils volaient bas, mais ils allaient vite. Ils riaient mais ils géraient leur respiration. Ils faisaient peu de pauses mais elle devait boire beaucoup d’eau. Ils ne dormaient pas mais elle prendrait une potion le matin. Ils s’échangeaient la balle comme les promesses, perfectionnant leur maîtrise, affinant leurs règles. Ils auraient probablement tout un code civil pour la fin de l’année. Pour la fin d’eux.

Car il partirait.

Loin.

Plus loin que les autres ne le pensaient.

Elle n’avait pas à y penser, bien sûr.

Elle le sait déjà.

Ca n’est pas déchirant. Pas bouleversant. Mais ça fait quelque chose.

Un quelque chose bien moins agréables que tout ceux qu’ils avaient partagé depuis le début.

-Oublie les maisons.

C’est abrupt, inattendu. Comme un coup de tonnerre dans le stade. Pas de foudre cependant.

Seulement des sourcils froncés et une voix étonnamment douce.

Elle hoche la tête lentement, mais il capte son regard aussi furtif qu’étonné.

-Je ne dis pas ça parce que je suis Ravenclaw. Oublie les maisons. C’est important.

Le hochement de tête avait cessé. Mais une lueur s’était allumée dans les pupilles.

Une étincelle.

Un sourire nait sous la moustache soignée.

Il démarre et tourne lentement autour d’elle.

- Tu m’aimes parce que je suis Artair. Arte. Je t’aime parce que tu es Astrid. Strid.

Silence.

-Il y a mille raisons qui font que Artair est Arte et Astrid est Strid. Et mille autres raisons qui font qu’Arte n’est pas Strid et Astrid n’est pas Artair.

Ca tourne. Ca tangue. Ca vogue. Artair pense.

-Parmi ses raisons, il y a le fait que je suis intelligent. Et que tu es loyale.

Le cercle continue à se décrire à mesure que son vol prend de l’ampleur autour de la jeune fille.

-Mais je suis aussi loyal. Et tu es intelligente.

Il secoue la tête, un peu perdu.

-Très intelligente.

Il claque sa langue contre son palais.

-On fait croire aux gosses que le Choixpeau décide de la vie. Que Poudlard c’est la vie. C’est faux. C’est si faux.

Elle ouvre la bouche.

-Tu n’es pas une gosse.

Elle la referme.

-Et c’est pourquoi tu sais ce qui est vrai. Tu sais que Poudlard n’est qu’un point sur une carte et qu’un monde bien plus vaste, bien plus intéressant s’étire tout autour. Un monde qui se fout de ta maison. Qui se fout de ta prédilection.

C’est à son tour d’hocher la tête.

-Le monde ne voit que ce que tu lui donnes à voir. Que ça soit ce que tu es ou ce que tu n’es pas. Tu peux être les milles raisons à la fois. Tu peux n’être aucune des raisons. Le monde s’en fout.

Le cercle se finit. Le balai s’arrête.

-Tu peux être une Hufflepuff, Strid. Ou tu peux être une sorcière. Une vraie sorcière. Dès maintenant.

Inspiration, expiration, à l’unisson.

-Tu peux voir des Ravenclaw, des Slytherin, des Gryffindor. Ou tu peux voir des sorciers. Bons ou mauvais. Utiles ou toxiques. Méritants ou punissables. Fais ton choix.

Son timbre baisse jusqu’au chuchotement.

-C’est important.

Son sourire inspire celui de la gamine.

Leurs regards s’accordent enfin.

Il hausse les sourcils.

-Tu vois déjà des sorciers, hein ?
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-Ca marche pas.
-Mais si…

Mais si, ça marche.

Partout ailleurs, elles marchent, ces lèvres. Ses lèvres. Elles courent même. Elles volent, elles serpentent, elles caressent, elles mordent. Gymnastes élégantes et élastiques, aventureuses enfiévrées qui explore les territoires qu’on dit vierge pour la formule.

C’est mécanique, organique. Inévitable.

Partout, sans retenue, sans relâche.

Partout.

-Non.

Mais pas là.

Pas sur ses lèvres. Pas sur ce cœur qui ne bat pas comme les autres.

Qui ne bat pas au bon endroit.

Ses caresses, ses gémissements, la courbe douce entre ses reins. Tout convoque à leur soirée et à toutes les autres. Londres complice qui déploie ses milles tentacules pour accueillir leurs vies mutines. Les pubs, l’alcool, les autres. On rit, on vit, on touche. A taton, comme dans le noir, même quand on sait pertinemment où on va. Droit dans le lit. Droit dans le mur.

Les bruits humides résonnent sur sa chair comme le rythme d’un tamtam tribal.

Plus fort, plus bas, plus profond. Les échos de la soirée reviennent comme des éclats de verre brisé. Les rires, les cris, les chants. On répète, on rejoue. Toutes les embrassades, toutes les étreintes. Tous les coins sombres, tous les verres vidés. Enivrés, avides, ils recréent à deux l’ivresse de soixante. Un lit, des draps au sol, soixante nuits qui se mêlent entre eux-deux.

Et Artair ne demande que ça.

Et c’est là tout le problème.

Que ça.

Rien d’autre.

-Ne le dis pas…

Le matin se lève et colore tout différemment autour de lui.

-Je peux pas faire autrement…

Les ombres fiévreuses s’attendrissent. Les désirs flamboyants se gondolent de plaisirs paresseux.

-Je sais. Mais moi non-plus.

Mais pas lui. Jamais lui.

-Tais-toi. Je t’en supplie.

Et l’autre n’en peut plus. L’autre n’en veut plus.

L’autre. Les autres. Pareils au mêmes.

La scène a été jouée et rejouée des centaines de fois, des milliards de vie. Comme la répétition générale d’une Histoire qui ne serait jamais vraiment jouée.

Et toujours l’acte final qui venait bien trop tôt. Bien trop mal joué.

Qu’importe les lumières, les décors, le casting.

A la fin, une seule chose restait.

Le rideau qu’il devait fermer lui-même.

-Je t’aime.

Les paupières tombent lentement.

Il ne s’en complet pas. Il ne s’en excuse pas non-plus.

Qu’y pouvait-il ? Rien de plus que ce qu’il ne faisait déjà.

Le temps ne peut pas tout changer.

C’était vrai, c’était lui. C’était mieux. Bien mieux.

Il avait essayé. Il avait fait mal. Très mal. A lui. A l’autre.

Le premier autre.

Les poings se serrent.

La mort n’a plus rien de petite dans ces moments. Elle est énorme, vorace, écrasante. Elle est là où ils ne sont plus.

Coupé.

La porte claque.

Les foutues larmes tombent.

Il est parti.

Sans applaudissements.

Canope 3 : les Poumons
Nord, Nephtys, Tête de Babouin
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Le vent se leva.

Un peu de sable dans ses cheveux. Des traces de sels aux coins de sa bouche. Des poches sombres sous ses yeux.

La brise picora son visage roussi.

Grimace.

L’Institut de Thanatologie de Khéops l’avait accueilli à bras ouverts pour mener ses travaux de recherche.

Mais personne n’avait pensé à lui parler de protection solaire.

On ne lui ferait pas croire que le soleil était le même ici. Son bon vieux soleil d’Ecosse ne l’aurait jamais mordu de la sorte. Il était pâle et laiteux, comme imprégné des nuages où il se glissait sans cesse. Il éclairait les plaines d’une lueur douce, tiède et passive comme un labrador assoupi. Mais ce soleil-ci, c’était différent. Il n’était pas domestiqué. C’était un animal sauvage et bourru, un tigre sans remords qui, dès dix heures déjà, sortait ses griffes brûlantes pour punir les chairs un peu trop blanches.

-Sale bête.

Il caressa sa peau meurtrie pensivement. Les marques roses devinrent blanchâtres pour retrouver une teinte d’autant plus écarlate. Le temps brunirait la douleur. Mais en attendant, elle était plus vive que jamais.

Ca aussi, c’était peut-être une malédiction après tout.  Un nouvel héritage funeste, transmis de génération en génération.

Soupir.

Une étude à la fois.

A l’ombre d’un tas de pierres qu’ils appelaient tombeau, il observait la course empressée du désert vers nulle-part. Incessantes courbes, volutes rampants, créatures impalpables, enlacées les unes dans les autres. Un nid de serpents infinis, quelque part entre hier et demain. Dangereux et envoutants.

Il était venu jusqu’en Egypte pour trouver des réponses. Si ça ne lui en avait pas apportée, il avait appris à poser les bonnes questions. Celles qui ont vraiment de l’importance. Celles auxquelles on ne répond pas.

Dans les galeries millénaires, sur ces bas-reliefs gravés. La magie et les pierres, mêlées à jamais, bien plus vieux, bien plus grand qu’eux. Les Britanniques pensaient avec foi que Poudlard était une démonstration des plus grandes forces de la nature et l’histoire aient pu engendrer.

Rire doux.

Naïveté ou patriotisme, à choisir, il préférait la première option pour excuser son peuple.

Il avait vu le grandiose, contemplé l’ancestral, étudié ce dont on n’ose même rêver. Le sang n’était plus qu’un pigment à l’aune de ses murs, dressés depuis la nuit des temps jusqu’à la fin des jours. Les âmes n’étaient que poussières, déposées dans les salles jusqu’au prochain courant d’air. Ca bourdonnait de puissance, ça le dépassait, l’écrasait, le réduisait à ce qu’ils étaient tous : un moment sur Terre. Il le sentait jusqu’au plus profond de ses os. Les Egyptiens étaient réputés pour avoir frôlé l’Immortalité. Mais pour ce faire, ils avaient dû décoder la mort.

Frissons.

Il restait là, assis, en silence.

Face à tout ce que le monde ne dira jamais aux humains. Qui était muet et qui était sourd, c’était une question qu’il ne posait plus. C’était ainsi.

Il avait l’impression d’ensevelir ses problèmes dans le sable. Ils y resteraient à jamais, figés dans le temps. Ailleurs. Les hommes s’égrèneraient comme les grains blancs, cuits par les journées de labeur, perdus dans les mirages brûlants. Mais quand la nuit diffuserait sa fraîcheur et ses parfums parmi les tentes, les souvenirs s’embrumeraient, les consciences s’estomperaient.

Et tandis qu’ils dormiraient, le désert rirait de tout-ça.

Oh oui.

Il rirait.
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Politesse. Courtoisie. Elégance.

Une main au bord du visage, l’autre sur la hanche. On effleure, on ne serre pas.

-Bonjour Madame…

Petit sourire. Charme factice. Déjà au fond des yeux l’excitation d’une nouvelle aventure.

Il pianote le long du bras, flasque sous ses doigts. En bout de course, il écarte les phalanges recroquevillées de peur, retourne délicatement la paume, suit les veines bleutées de son pouce. Elle s’est raidie. Son regard suit les courbes, détaille les traits, enregistre l’attitude et les détails.

Elle est belle.

Il esquisse un sourire un peu triste et rentre ses mains dans ses poches avec une pudeur pensive.

Sa tenue est blanche, impeccable. On ne reçoit pas une dame autrement.

Fut-elle morte.

Les ongles se sont allongés. Les paupières ont été fermées. Les plaies nettoyées. Le sang a séché.

Elle était là. Elle ne l’est plus.

Sa vie s’est flétrie en douceur, un peu en avance sur son corps. Comme s’il s’attardait dans ce monde dans l’espoir insensé de voir sa propriétaire revenir. Comme si sa beauté se débattait avec la mort bien après son dernier souffle.

Pauvre femme.

Bientôt les articulations deviendront rigides. Bientôt la peau deviendra grise, fragile, la moindre caresse sera en mesure d’arracher le filme tendre de l’épiderme pour révéler la chaire si pâle que c’en est dérangeant. Le plus doux, le plus tendre des gestes, suffira à la défigurer. L’odeur viendra. Acre, fauve, prenante. Les courbures s’aplaniront. Les muscles deviendront jaune, puis brun. Puis noir. Rongés par l’air comme par un animal affamé. Les yeux ne seront plus des yeux.

Les ongles continueront à pousser. Absurde tentative de continuer un travail déjà terminé. Les cheveux aussi. Ca sera grotesque, mais ça ne fera rire personne.

Pauvre chose.

Du corps au cadavre, il y avait peu de chose. Rien qu’un zeste d’âme qui s’attardait, comme on fait un dernier tour avant de rendre les clefs de sa maison de vacances.

Pour voir si on a rien oublié.

-Dîtes-moi vos secrets.

Les gestes sont souples, cadencés, répétés. Comme un joueur de contrebasse, il se penche sur l’objet de son travail. La musique des morts. Imperceptible aux autres. Une véritable symphonie pour lui. Sa baguette est déjà sortie, frottée à l’anti-bactériens. Il déglutit, craque ses cervicales d’un air décidé. Le chef d’orchestre est là. Le concert peut commencer.

Le sort est jeté, le charme commence.

Le buste s’élève, les épaules craquent. Vertèbre par vertèbre, la colonne se détache de la table argentée. D’un mouvement maitrisé du poignet, il lui fait redresser la tête, comme suspendue par un fil invisible.

Les bras se déploient, révèlent le rouge des cicatrices, dévoilent le bleu des ecchymoses.

Chaque muscle, chaque tendon, chaque nerf.

Artair les connait comme de vieux amis. Chaque nom, chaque position. Chaque attache. L’un après l’autre il les ranime, il les retend. C’est presque plus simple qu’avec sa propre anatomie désormais. Il teste, il essaye. Repérer les abîmés, sélectionner les plus efficients, recommencer. Encore et encore. Un labyrinthe qu’il ne cessait de parcourir  et dont il connaissait toutes les sorties.

La marionnette devient danseuse à mesure que le sortilège progresse dans le réseau du cadavre. On la croirait somnambule si on ne savait pas de quel sommeil elle souffrait. Droite, fière, digne, elle met au défi quiconque de la croire dénuée de conscience ou de souffle.

Artair examine, il contemple.

Les encoches sur la nuque. Les marques sur les chevilles. La langue gonflée.

Il prend note, n’omet aucune étape.

Sans jamais perdre le contrôle.

La magie qu’il utilise est de celles qu’on ne convoque qu’une seule fois.

Rompre le lien, relacher la tension, ça revenait à disloquer le corps. A un degré bien supérieur à la biologie. On n’investissait pas un cadavre de magie impunément. C’était puissant.

Il y avait des règles. Des enjeux.

C’aurait été trop dangereux autrement.

Trop inhumain.

Certains murmuraient que c’était sa profession qui avait initié la pratique des Inferi.

Artair y croyait un peu. Un peu trop.

Les heures passent, son carnet se rempli.

C’est une bavarde.

Le cliquetis aseptisé des scalpels raisonne dans leur boîte d’acier. Le grand final.

La lame coule, file, ouvre.

Ecarte la graisse, isole les artères, déshabille le cœur.

De la haute couture.

Il voit, il comprend, il sourit.

Elle va pouvoir se rendormir.

Il chuchote.

-Merci.

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Astrid était dans la cuisine.

Artair était dans la cuisine.

Ils étaient de retour à la maison.

Il faisait beau. Mais non.

Le soleil brillait. Mais non.

Ils étaient heureux. Mais non.

Pas depuis hier.

Pas depuis que tout le monde avait entendu. Que tout le monde avait compris.

C’était fini. La course-poursuite, l’hésitation.

Fini pour eux. Fini pour elle, surtout.

Sœur.

Cousine.

Le choix avait été fait.

Et ça faisait mal.

Il avait envie de l’étreindre, de la serrer plus fort, plus fort, toujours plus fort. Jusqu’à ce qu’elle rentre en lui, qu’elle se fonde dans sa peau. Qu’elle s’incruste en lui, à l’abri, et que ses tatouages la bordent. Sentir son cœur battre juste sous le sien, s’aligner sur ses battements, s’appaiser. Mais ce n’était pas ses envies qui comptaient.

Elle lui avait déjà fait le cadeau de lui épargner la plus vive de peine. De prendre la perte de la génération.

D’absorber le malheur des neufs autres.

Alors elle passerait premier.

Il lui devait bien ça.

Il ne l’avait pas touchée. Il ne lui avait pas parlé.

Il restait juste là. La regardait. Sans pitié, sans douleur.

Il posait sur elle un regard doux et respirait lentement.

Elle n’avait besoin de rien d’autre. Il le savait.

Qu’il soit là.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Pas de mots, pas de souvenir, pas d’excuses.

Pas son prénom à prononcer.

Surtout pas son prénom.

Le vide. Le rien. Le noir.

Il fallait que ça reste ainsi.

Qu’elle reste entre les deux eaux abyssales de la tristesse et de la rage.

Ne pas combler le silence. C’était son dépotoir à émotion.

Pas de sourire. Pas de larmes.

Etre là.

Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer.

Elle tentait. C’était bien. Très bien.

Avec lui. Ensemble.

Vivre était si dur.

Survivre était insoutenable.

Le soir tomba. Ils n’avaient pas bougé.

Ils respiraient.

Il avait fait du thé.

La tasse s’était refroidie.

Il avait sorti sa flasque.

Elle s’était vidée.

Enfin, une carte.

La carte.

Il savait ce dont elle avait besoin. D’être animée. Elle avait besoin de questions, pas de réponses. Restait à voir si elle saurait le comprendre.

Il la glissa dans ses mains engourdies. Déposa, enfin, un baiser sur le haut de son front.

Bien sûr qu’elle saurait.

Son écriture brouillonne, rabougrie, trônait sur le bristol blanc cassé.

« Départ dans trois jours. »

Egypte.

Canope 4 : le Foie
Sud, Isis, Tête d'Humain
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La fumée du cigare emplissait toute la chambre.

Il devrait probablement ouvrir la fenêtre.

Il ne l’avait pas fait.

Il aimait ce brouillard bleuté, un peu sucré, un peu toxique. Il noyait son plafond de ses vapeurs, serpentait autour de lui jusqu’à lui tourner la tête. C’était un élément de décoration à part entière, une entité à contempler, un objet d’étude au même titre que les quelques vasques poussiéreuses qui traînaient sur sa commode, les manuscrits jaunis empilés avec des colonnes branlantes de notes sur son bureau ou encore les croquis anatomiques qui recouvraient les murs au point de pouvoir prétendre au titre de papier-peint. Allongé nu sur le lit, il tira encore quelques bouffées devant la lettre que ses doigts tenaient en tremblant un peu.

Soupir.

Oui. Nu.

Pourquoi s’embarrasser de vêtements chez lui ? Il avait déjà sa fourrure pour éviter un rhume.

Ses poils se redressèrent pourtant, comme si il était frigorifié.

C’était tout le contraire. Ses pensées bouillonnaient. Et il n’hésitait pas à les remuer. Détacher les sucs, obtenir une texture homogène. Faudrait pas que ça colle au fond. Après ça brûle, ça devient noir, ça devient amer.

Ses sourcils épais se froncèrent. D’un geste assuré du doigt, il envoie valser au loin une araignée perchée sur le papier. Il n’était pas sûr d’avoir l’argent qu’elle demandait. Il saurait se débrouiller. Mais ça demanderait un peu d’ingéniosité.

Elle avait dit s’il-te-plait. C’était déjà ça.

Nouveau soupir.

La lettre tomba, il roula sur les draps, étira ses bras de tous leur long comme un chat.

Un très gros chat.

Il laissa les cendres s’écraser et s’éteindre sur le parquet vieilli.

Il entendit le cri étouffé de sa grand-mère derrière son lobe frontal.

Pfeuh.

Il n’avait que faire de cet appartement. Si ça ne tenait qu’à lui, il vivrait encore à Sainte Mangouste, nomade errant de service en service, de cachette en cachette, à l’époque de ses études. En obtenant le poste, il avait bien fallu fournir une adresse. Une vraie adresse. Il s’en était donc trouvée une, à la va-vite. Pas très saine, pas très chère. Entrepôt pour ses projets, l’espace servait avant tout à recevoir et stocker les artefacts et manuscrits rares que son précieux contact en Egypte pouvait lui dénicher chaque mois. Ce n’était pas parce qu’une cousine était tombée que la malédiction cessait. Bien au contraire, ses travaux n’avaient jamais été aussi intense. La prochaine génération liée au Dearborn vivrait sous cette même menace de tragédie. Il était encore temps d’agir. Artair évitait de parler de ce sujet avec les autres. Premièrement, évoquer la mort de l’adolescente restait un sujet douloureux dans les réunions de famille. Ensuite, la plupart devait déjà émettre de très sérieux doute sur sa santé mentale quand il évoquait ses recherches approfondies et internationales sur la question. Maintenant que c’était passé, que c’était fait, pourquoi s’attarder sur cette histoire ? Quand on n’était pas mort, ça n’était qu’une superstition. Quand on était Tom, Lucy ou tous ceux qui les ont précédé, c’était une réalité bien trop lourde pour que Artair s’en détache. Astrid l’aidait, parfois. Mais elle n’avait pas la passion. Pas ce petit truc. C’était sa sœur. Elle ne pouvait pas plonger la tête première, au risque de se noyer. Artair comprenait. On ne peut pas danser un tango à trois. Et cette danse, c’était celle de sa vie.

Il passe le dos de sa main contre son front brûlant.

Quelle heure était-il ?

Quatre.

Il devrait probablement dormir.

Quelque chose lui disait que ça n’arriverait pas.

Ses yeux fatigués se promenèrent autour de lui pour s’arrêter toujours au même endroit.

Déjà-vu.

Le grand miroir à côté de la porte.

Encore un peu, quelques secondes. Ca ne ferait de mal à personne.

Il n’avait l’impression d’être ordonné, d’avoir tout en place que lorsqu’il ne s’y regardait dedans.

Ca faisait du bien.

C’était illusoire. C’était faux. Mais ça faisait du bien.

Paradoxalement, c’était aussi par ce moyen qu’il prenait vraiment conscience.

C’était dans ces moments qu’il se sentait le plus proche d’Astrid.

Quand ça battait si fort à droite qu’on ne pouvait plus croire que c’était la gauche.

Le corps humain ne cherche jamais la perfection. Il cherche l’équilibre.

L’homéostasie. La balance absolue.

Le corps veut être fonctionnel.

Tout terrain.

Dans l’herbe d’Ecosse.

Sur un balai une nuit à Poudlard.

Dans le désert d’Egypte.

Sous la pluie de Londres.

Dans un appartement étriqué.

C’était tout ce qui comptait.

A l’équilibre.
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Il l’attrape par la mâchoire.

L’odeur de son haleine lui frappe au visage comme un coup de poing. Il serre les dents.

La baguette s’enfonce au niveau de la jugulaire.

Ses yeux fuient.

Typique Icare. Typique.

Les morts au moins le regardent en face. Le monde des vivants est épuisant.

Il plaque son frère contre le mur humide. Ca lui rappelle des souvenirs. Plus agréables sans doute.

Le pouls pulse contre ses tempes. Les tambours d’une guerre déjà perdue.

L’odeur des poubelles refluent.

Il ferme les yeux.

Il lui carrera la gueule jusqu’à ce que ça tourne rond.

Tape. Tape. Tape.

Jusqu’à ce que ça rentre. Jusqu’à ce qu’il fracasse ce crâne bien trop dûr.

Ca passe ou ça casse.

Non. Bien sûr que non.

Mais les murmures du whisky sont attirants.

-Tu joues à quoi, putain ?

Lucy n’était pas morte pour qu’il finisse sur sa table.

-Lucy est pas morte pour que j’te retrouve à Sainte-Mangouste.

Penser. Parler. Ca se confondait dans l’adrénaline.

Colère. Rage. Peur.

Peur. Peur. Peur.

-T’es trop jeune pour être aussi con.

Il était trop jeune pour être ça.

Il ne le permettrait pas.

Les veines saillent, le sort est lancé.

Pétrifié.

Il a des marques sur le cou. Sur les joues aussi. Une brûlure là où la baguette l’a touché.  

Superficielle. Dommage. Ca lui aurait servi de mémo.

Il plie les genoux, le passe sur son épaule massive.

Expire. Relève.

Une tape sur son flanc. Un peu trop fort peut-être. Sans doute pas assez cependant.

- Vomis pas. Si tu veux pas avoir merdé sur tous les plans ce soir. Vomis pas.

Le transplanage fait craquer l’air moite.

Ca ne fait que commencer.

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Le Dearborn grogna.

Qui venait donc le déranger dans son travail ?

Astrid.

Il effaça son air contrarié et laissa un sourire penaud s’épanouir sur ses lèvres.

Que venait-elle faire là à cette heure ? D’habitude, elle passait le matin juste avant de commencer…

Oh.

Quand l’après-midi était devenu le matin, c’était une question à laquelle il ne voulait pas répondre.

Depuis combien de temps n’avait-il pas mangé.

Celle-ci n’avait rien de rhétorique.

Elle venait de le lui demander.

-Je sais pas…

Il savait.

Elle savait.

Le calcul était relativement simple.

-20 heures peut-être…

Il exagérait.

Ca aussi ils le savaient tous les deux.

Quand il entrait dans la morgue, c’était presque une transe. Les heures se confondaient aux secondes, ses désirs s’évaporaient en même temps que ses besoins. Le monde, ses pensées, son existence se réduisaient au foie qu’il palpait, aux intestins qu’il débridait, aux poumons qu’il examinait ou à l’estomac qu’il ouvrait. Il ne voyait plus rien d’autre. Pas même lui.

L’amour rend aveugle.

Sa cousine, matérialisée sur le comptoir où il disposait ses outils, replaça ses jambes en tailleur et contempla le thorax ouvert comme un livre avec un intérêt poli. L’habitude sans aucun doute.

L’odeur lui parvint enfin. Il redressa la tête, un regard de petit garçon.

Elle y avait pensé.

Arrachant ses gants sans délicatesse, il se précipita sur le petit sac de papier craft qu’elle avait amené.

Shortbread au caramel.

Il n’aurait pas été couvert de sécrétions diverses et variées plus ou moins séchées, il l’aurait embrassée sur les deux joues.

Un peu de sucre, un peu de gras, beaucoup d’Ecosse.

Ses mâchoires s’activèrent, ses paupières tombèrent, ses pommettes rougirent.

Bien trop de bonheur calé derrière ses molaires.

Il déglutit lentement, savourant le goût exquis, satisfaisant une faim intense qui signalait à peine sa présence.

Il rouvrit les yeux. Tombant, sans grande surprise, sur un petit tas de dossier soigneusement agencés par couleur.

Astrid souriait de son air innocent, mis au point vingt ans auparavant.

-‘e ‘ou’eau ‘orts ?, articula-t-il difficilement en feuilletant le premier cas, croquant des bouts de caramel à moitié fondus à chaque syllabe.

Un accident de balais en haute altitude.

Mais aucune des côtes touchées.

Bah tiens.

Ca promettait d’être intéressant.

Il passa sa langue sur ses dents, déglutissant à nouveau.

-Mmmh. Je peux faire une demande de transfert au nom du service. Pour des examens spécifiques.

Ca ne devrait pas être bien compliqué.

Il observa les autres dossiers.

-Celui-ci, je l’ai vu passer, c’est le collègue qui le prend en charge. Mais on peut s’arranger pour… échanger.

Il fit claquer sa langue contre son palais.

-Celle-là est sous la juridiction Irlandaise… Il me faudrait une dérogation de la famille pour…

Astrid agitait déjà le précieux papier sous son nez.

-Parfait.

Il fit craquer ses doigts et reprit un bout de la pâtisserie, son regard glissant en coin vers la Lynn.

-Je ne comprends toujours pas pourquoi tu as dit non à la Justice Magique, Strid.

Il laissa ses pensées s’égarer sur ses taches.

-Tu as ça en toi.

Sarcophage : le Coeur
Centre, Osiris, Momie
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Il regardait la tour gigoter sur place, hésitant entre les cases.

Gauche ou droite.

Noir ou noir.

Les perspectives étaient finalement réduites. Plus proches de la réalité que les néophytes des échecs ne l’auraient cru. Choisir sans savoir. Ne découvrir les conséquences qu’une fois le pas fait. Irréversible, imprévisible. Deux chemins à prendre, chacun menant à des désastres différents. Fou ou roi. S’élever ou s’écrouler. Ca faisait froid dans le dos.

C’était toujours passionnant de voir Alexis devant un échiquier. Premièrement parce qu’elle était assise, ce qui n’était pas un évènement si fréquent que ça. Ensuite, parce qu’avec le temps, il avait appris à déceler ces pépites mordorées crépitant au fond du lagon de ses prunelles. Ces phares qui ne s’allumaient que lorsqu’elle était immobile. Comme si son énergie devait s’extirper de sa carcasse élancée, d’une façon ou d’une autre.  

Toute la force de la jeune fille convergeait vers le jeu. Fille. Il se refusait toujours à dire, voire même penser, femme.

Les femmes, c’était bien d’autres, c’étaient des adultes, des êtres qu’on ne pouvait plus excuser, à qui on ferait plus de cadeau. Des gens qu’on embrasse jusqu’aux cuisses. C’était des alliances, des enfants. Des cris dans la rue, des caresses dans les ascenseurs, des risques fous pris rien qu’en existant. Rien qu’en se montrant à des yeux sales, des yeux non-femmes, desquels il ne pourrait la protéger, comme aucune autre. Femme, c’était irrémédiable. C’était déjà un peu trop tard. Pourtant il ne pourrait plus nier très longtemps.

Il était tard. La partie s’éternisait.

Il ne s’était jamais vraiment inquiété pour Alexis.

Elle était comme un feu de forêt. Inarrêtable. Une force de la nature.

Et puis, elle avait son propre grand frère à qui se confier. Le rôle familial factice d’Artair s’effaçait un peu, il devenait plus chaperon que protecteur. Il était là pour elle. Toujours. A observer, à applaudir, à donner quelques gallions. Il était là. En renfort.

Puis c’était arrivé. Tout avait changé. Profondément.

-J’ai parlé à Alison…

Sa voix sonnait étonnamment rauque.

-… elle s’intéressait à mes travaux… tu sais… Les malédictions et…

Son visage s’illumina.

-Elle est… merveilleuse. On dit que les enfants sont résilients mais…

Ils étaient tous des enfants. Jouant au fond d’une prairie lors d’un pick-nick sous la pluie.

Pour toujours.

-… c’est un vrai miracle de la voir comme-ça après… Tout-ça. Elle rayonne. Ca nous fait du bien à tous… Un peu de soleil.

Sourire fatigué.

Ses paroles étaient conventionnelles. Mais cela avait peut-être justement d’autant plus de poids quand elles sortaient de sa bouche. Artair n’était pas du genre à babiller des sottises pour remplir la conversation. Ce qu’il disait était pensé. Ressenti.

-Je crois qu’on peut tous te remercier pour ça. Tu as été… tu es géniale avec elle. Sur tous les plans.

Silence.

-Quant à Matteo.

Nouveau silence.

Plus épais. Plus poisseux. Presque sirupeux.

Un cavalier abat un fou.

-Hé bien. J’ai l’impression que ça fait cent ans qu’on ne l’a pas vu…

Il mordilla pensivement l’intérieur de ses joues.

-C’est un adolescent, il a besoin de se sentir unique… incompris… Icare a aussi eu ses… moments… Je sais qu’Aonghus ne s’inquiète pas trop… Et je fais confiance à son instinct mais…

Il planta son regard noir dans les yeux piscine de la Dearborn.

-… je fais confiance aussi au tien. Et toi comme moi, on sait que quelque chose ne va pas.

Ne va plus.

-Ces histoires de Serpentard, ça traînait déjà de mon époque… Conneries…

Il secoua la tête, lentement.

-Tu as raison de rester prudente avec ça. Mais laisse-lui le temps. Il est encore secoué par ce qui se passe. On l’est tous. On veut tous trouver notre rôle dans tout-ça. Faire quelque chose. Tu comprends mieux que moi le besoin irrépressible de… bouger.

Petit rire.

Ce n’est pas que ça sonnait faux. Ca sonnait triste. Comme s’il évoquait un temps révolu. Un temps où sa plus grande crainte de l’été était de la voir s’écraser contre un arbre quand elle volait à toute allure sur un des vieux balais familiaux.

Elle ne s’était jamais écrasée.

-Il retrouvera la raison.

Qui voulait-il convaincre ?

-Et s’il ne la retrouve pas… Tu sais où me trouver à Londres. On avisera.

Il hocha la tête, les yeux plissés.

-On trouvera une solution. En famille. On en trouve toujours.

Il déglutit. Penchant la tête sur le côté.

-J’ai entendu votre dispute avec Louis, ce matin.

Elle gardait son air concentré.

-Ses reproches n’ont pas lieu d’être, Alexis.

Son fou avait traversé presque la moitié du plateau. Il lâcha un petit juron, comme une parenthèse, puis reprit.

-Tu as beaucoup sur tes épaules. Beaucoup plus que moi à ton âge. Beaucoup trop, si tu veux mon avis.

Qu’elle le veuille ou non, il lui donnerait.

C’était son rôle.

-Et tu survis.

Il inspira profondément.

-Prends-le comme quelque chose qui vient du type qui traîne avec des cadavres toute la journée. Je sais à quel point c’est plus difficile qu’on ne le croit. Tu t’en sors au jour le jour. Avec eux. Et avec toi-même.

Il releva le menton, comme s’il prêtait un Serment Inviolable.

-Je t’admire pour ça, Alexis.

Deux pions tombèrent d’un même coup.

Il murmura, un peu religieusement :

-A toi de jouer.

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-Ne serre pas trop Oscar, tu risques de l’étouffer.

Elle sait. Elle a vingt-et-un ans. Aucune jeune femme de vingt-et-un ans en cursus de zoologie ne tuerait un animal si stupidement.

Mais c’était moins pour le rat que pour lui-même qu’il s’exprimait.

Dire quelque chose. Donner des conseils. Il ne savait pas comment fonctionner
autrement.

Un panache de fumée fait vaciller sa silhouette. Il se prend à paniquer un instant. Il avait insisté pour lui tenir la main dans son immense patte. Elle avait fait semblant d’être agacée. Au fond, elle savait aussi bien que lui que ça leur ferait du bien. Le Lien. Un peu de confiance entre ces doigts enlacés. Un rappel d’une dizaine d’année plus tôt, quand il l’avait aidée à traverser le mur. Quelque chose l’agrippa derrière le nombril. De chaud et d’intense. La nostalgie, peut-être.

Il observe le visage pâle de sa sœur alors que le nuage s'éparpille.

Indéchiffrable, comme toujours.  

Son rythme cardiaque au creux de son poignet semble normal. Voire même un peu plus lent.

Mais quelque chose dans sa posture inspire au Dearborn la tension. L’alerte.
Comment en aurait-il pu être autrement ?

Les fiançailles avaient été annoncée. Artair n'avait pas approuvé. Il comprenait la décision. Mais il sentait qu'une lutte commençait pour Saul sans qu'il ne sache vraiment identifier sur quel champ de bataille. Aussi n'avait-il rien dit. Attendre et regarder. Son père n'avait jamais été du genre a laisser de place à la contestation, de toute façon.

Et puis il y a tout le reste.

Encore maintenant, les échos des morts raisonnent comme un opéra sur le quai neuf trois quart. Ca vous emporte, ça vous remplit les poumons jusqu’à suffoquer. Jusqu'à ce qu’on ne puisse plus parler. Qu’on ne puisse plus penser. Elle est jeune. Elle a l’avenir devant elle. Et les souvenirs qui l’accompagneront. Il l’a observée se reconstruire morceau par morceau, lettre après lettre. Elle est forte, elle est une Dearbon. Et il en est si fier.

- Profite.

Il sait que dans son silence, elle lui avait souvent reproché sa complicité inexplicable avec leur cousine. Il sait qu’elle et leur frère avaient souffert de cette deuxième place apparente. Ils n’en avaient jamais vraiment parlé. C’était peut-être mieux ainsi. Artair ne saurait quoi lui dire. Choisir les mots pour expliquer à quel point c’était différent. Elle était sa sœur, sa petite sœur, plantée dans son cœur comme dans du marbre. Indissociable de sa vie au même titre que son souffle. Il n’y avait pas de compétition possible avec ça.  C’était impossible à exprimer. Aucun son de retranscrirait avec exactitude la force de ses sentiments pour Saul et Icare. Alors ils n'en parlent pas.

Artair n’était plus tendu.

Il était lassé.

Las des histoires sordides, las des empreintes de magie noire qu’il relevait chaque semaine sur les cadavres. De la peur de découvrir un Dearborn sous le dras blanc ou sur une affiche de recherche. Las des rumeurs aussi. Le Ministère inefficace, inutile, corrompu peut-être. Un Ordre mystérieux, flamboyant, résistant. Un Ordre dans lequel Astrid s'était jetée, au risque de se consumer.  

Las de prétendre qu'il n'a pas peur. Qu'ils sont en sécurité quand ils sont ensembles.

Ca lui semblait loin. Si loin tout-ça.

Mais la distance se réduisait. Jour après jour. Main dans la main, ils avançaient, enchaînés les uns aux autres, de gré ou de force. Comme le train démarre un trombe, ils allaient à cent à l'heure droit vers un mur encore invisible à l'heure actuelle, mais déjà bien trop épais.

Ca lui donnait le tournis.

Elle part déjà.

L'éclair rouge passe, le virage est pris.

Vingt-et-un ans.

Plus que jamais, il se sent vieux.

Vieux et dépassé par un monde trop bruyant, trop terrifiant.

A jamais décalé.

Il ferme les yeux. Mais juste un instant.

Il est temps de retrouver le silence. De faire semblant d'être calme.

Comme le train, la morgue n'attend pas.

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-J’ai ça en moi.

La pesée du cœur.

Un ancien mythe. Une fable antique.

Les égyptiens les murmuraient, avec angoisse et vénération. Les paroles du livre des morts.

Tu l’avais lue des centaines de fois. Un vrai psaume.

La formule.

« Oh mon cœur de ma mère, mon cœur de ma mère, oh viscères de mon cœur de mon existence terrestre ! Puisse-t-il ne rien y avoir qui s’oppose à moi lors de mon jugement. Puisse-t-il ne rien y avoir qui s’oppose à moi devant le tribunal. Puisses-tu ne pas t’éloigner de moi en présence de celui qui tient la balance. »

Quand le mort quitte la momie, il va dans l’au-delà. Les rites l’y emportent. Horus lui tient la main. Mais bientôt, il n’y a plus que lui. Maât, Justice et Harmonie mêlées, se tient devant la balance. On y met le cœur d’un côté et la plume de l’autre. Les secrets et la Vérité. Et on attend. Le mort déclame les fautes qu’il n’a pas commises. Si les plateaux restent en équilibre, il dit vrai. Il est Bon. Si le plateau tangue, c’est qu’il ment. Le cœur le trahit. Il est Mauvais. On prend alors le cœur et on le jette à Ammit. Crocodile, lion, hippopotame. Tout à la fois.

Monstre et déesse.

Trou noir.

Ta vie bascule.

Sur la radio, ton corps s’agite. Il veut faire voir au mieux le drôle d’oiseau qu’abrite sa cage thoracique. Comme un grand-père montre ses médailles de guerre à ses petits-enfants.

Ammit.

-Oui.

Ton monstre à toi avait un autre nom.

-Tako-Tsubo.

Takotsubo.

C’était presque drôle à prononcer.

Presque.

Pas assez quand on en connaissait la signification.  

-Je connais votre mère et ses travaux. C’est une clinicienne brillante. C’est une découverte extrêmement récente. Elle n’aurait pas pu soupçonner…

Le syndrome des cœurs brisés.

-Le situs inversus est généralement bénin… Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter mais…

Tu sais. Tu ne t’en ai jamais inquiété. Ca ne voulait pas dire que tu ne t’en voulais pas.

Astrid portait ses marques et ses maladies comme des fardeaux, comme une martyre. Tu n’avais pas le droit de prétendre la comprendre. Des organes inversés, qu’est-ce que ça pouvait bien changer. La soutenir, l’aimer, compatir oui. Comprendre, non.

Maintenant tu pourrais.

-… Tako-Tsubo est un processus relativement rare. Spécialement chez les hommes si jeunes. Il a été relevé essentiellement chez de très vieille femme. Veuves. En vérité, le syndrome s’est déclenché de façon active précisément au moment d’enterrer de leurs maris. Attaque cardiaque, foudroyante. Le coeur littéralement brisé.

-Oh.

Mon cœur de ma mère.

-Les recherches doivent encore être menées… Il y a peut-être une corrélation avec le situs inversus… Nous ne savons pas tout… Loin de là... Je vous dis, nous disposons de très peu d’éléments…

Ton cœur de ta mère.

-… Ce sont des moldus qui l’ont mis en évidence en premier ! Vous imaginez ?

-Ah.

Ton cœur.

Ton cœur qui ne va pas.

Ton cœur de grand-mère.

Ta petite bombe.

Ils avaient peut-être raison, ces anciens.

Organe de vitalité. Soutien de la vie terrestre. Siège de la pensée.

C’était comme si tu l’avais su depuis le début.

Depuis que tu n’étais qu’un amas de cellules, tu l’avais protégé. Consciemment et inconsciemment. Tu t’étais lové autour de lui. Titane cotonneux. Pas d’amours violentes, pas d’émotions trop vives, pas de sports de haut niveau, pas de stress insoutenable. La tranquillité, la sérénité, le calme. La vie juste à côté de la mort. La mort incrustée dans ta vie. Comme si ta nature elle-même s’était adaptée autour de ce problème que personne ne connaissait. Qui n’existait que dans un autre univers. Qui venait à peine de s’écraser dans le tien.

La fleur qui poussait dans ta poitrine dégageait son parfum. Riche et meurtrier. Une odeur de cigares que tu avais appris à aimer. Insidieusement.

Un animal nerveux qu'il ne fallait pas serrer trop fort, sinon il risquait d'étouffer.

Un serpent lové entre ses côtes.

Sa malédiction.

Ses cils s'entrechoquent.

Artair, artère.

Transporte ce qui jaillit du cœur.

Prédestiné. Entraîné. Programmé.

En équilibre.

Là-bas comme ici.

Depuis ta naissance jusqu’à la mort. Et encore après.

Dans ce grand jugement.

Dans tous les autres.

C’est tout ce qui comptait.

L’équilibre.



Dernière édition par Artair C. Dearborn le Mer 22 Juin - 16:45, édité 19 fois
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:20 (#)
TE VOILÀ ENFIN Han!

Bienvenueeee

Nous faudra discuter lien hihi
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:21 (#)
Aaaaah on m'a beaucoup parlé de toi hihi je suis content de te voir enfin ici et compte sur moi pour te coller hihi

Bienvenue!!!
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:25 (#)
BIENVENUUUUUUUUEEE ! Twisted SCREAMING Yaaa Han! SilversautesurBrao RUUN YoucandoIt Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs. 2895445845

/me mange les deux qui lui ont volé la première place Hen !

Trop heureuse de te voir (enfin) parmi nous ! J'ai vraiment hâte de lire ton histoire et tout love
Il nous faudra des rps et tout le patatra hihi
N'hésite surtout pas si tu as des questions etpuistuasmonskypehein Nih

Bienvenue dans la (meilleure) famille 8)
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:26 (#)
mais cette barbe à l'air tellement fluffy, faut partager un peu wuuuuut

/me touche du bout des doigts et part en courant RUUN

BIENVENUUUUE je vois que t'as eu un joli comité d'accueil HOHOHOHOHOHOHOHOHHO
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:27 (#)
Meilleure famille tout de suite Hen ! Très bonne famille à la rigueur HOHOHOHOHOHOHOHOHHO /PAN

Sans rire, bienvenue à toi tu étais visiblement attendu Brille Si tu as des questions n'hésite surtout pas Chou
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 16:59 (#)
Cette bgeance absolue bave Et un Dearborn en plus hihi Bienvenue parmi nous Chou
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 17:27 (#)
Bon choix de famille jaredditoui et bon choix d'avatar bave bienvenue hihi
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 17:57 (#)
Ce perso à l'air grandement intéressant Robert47cm
J'approuve le tout, mention spéciale au patronus et à la barbe HOHOHOHOHOHOHOHOHHO
Bienvenue parmi nous, bonne chance pour la suite Haww
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 19:41 (#)
il est canon lui dead
bienvenue parmi nous Daengelo
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 19:43 (#)
Les Dearborn nous envahissent GNOE GNOE
LA BARBE Chou
Bienvenuuuuuuue RUUN
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 20:15 (#)
Médecin légiste + aro, la perfection Chou dead
Bienvenue parmi nous Brille
Nam So Hyun
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Nam So Hyun
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Nam So Hyun, Jeu 9 Juin - 20:34 (#)
La perfection quoi bave

BIENVENUE Chou
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Invité, Jeu 9 Juin - 20:44 (#)
Coucou Brille bienvenue à toi, je connaissais pas ce perso mais il a l'air très intéressant !
Un nouveau Dearborn c'est bien aussi Haww
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Message Re: Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.
par Contenu sponsorisé, (#)
 

Artair - The quickest way to a gentleman's heart is through the fourth and fifth ribs.

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