POUDLARD - Le bruit frénétique d'une plume grattant le parchemin envahissait l'endroit silencieux. Elle s'était mise à l'écart des regards, aspirante de tranquillité loin des gens. Sa table était jonchée de parchemin gribouillé, tâches d'encre et empreintes de doigts, il était difficile de penser qu'elle puisse être en pleine révision. Il y avait trop de brutalité dans ses gestes, pas assez de rigueur dans la réflexion de mots, de phrases. « Que fais-tu ? » Son poignet s'arrêta net, ses doigts se crispaient subtilement sur sa plume, l'inconnue non désirée ne le remarqua pas même pas. « Je dessine. » Elle avait répondu d'un ton joyeusement faux, laissant sa plume reprendre sa course folle sur la surface lisse du papier. L'inconnue s'était approchée surement curieuse de voir l’œuvre en question. Cirilla ne l'empêcha pas, écartant même légèrement la main pour plus de visibilité. « C'est quoi ? » Son regard se tourna vers elle, l'observant rapidement pour déterminer si elle l'avait déjà croisé par le passée, une serdaigle inconnue. La curiosité avait étiré les courbes de son visage, un légèrement froncement de sourcil indiquait qu'elle était sceptique face à l'allure du dessin. « C'est un nurcorlusque à crête colorée, mais je crains que mon trait soit trop grossier pour mettre en valeur cette créature d'une splendeur éclatante. » Cirilla étudia attentivement la réaction de la Serdaigle, muettement amusée de sa comédie, un masque qu'elle perfectionnait d'année en année. La simplette loufoque, dont le crâne s'est fêlé à la naissance. Elle jubilait que sa ruse soit aussi efficace, sauf pour un. La manipulation était un jeu bien trop excitant pour s'en lasser un jour. « Un nurcorlusque ? Je n’en ai jamais entendu parler. C'est quoi comme créature ? » Cirilla haussa des épaules en se mordillant les lèvres dans un geste enfantin. « Je ne sais pas. » L'étonnement illumina l'iris des yeux de la Serdaigle, alors que son froncement de sourcils se fit plus sévère. Elle devait croire qu'elle se moquait d'elle, ce qui était un peu le cas derrière sa facette de folle. « Tu ne sais pas, mais alors pourquoi tu cherches à dessiner cette créature ? » « Oh ! Simplement parce que j'adore les nurcorlusques à crête colorée ! Tiens, je te l'offre. » Surprise par autant de bonne humeur, la Serdaigle attrapa le parchemin par réflexe. Cirilla ne lui laissa pas le temps de répondre, ni même de réagir. Elle récupéra rapidement ses affaires avant de s'engouffrer dans l'obscurité des rayons de la bibliothèque. Une légère mélodie s'échappa de ses lèvres, chanson inventée à l'inspiration farfelue.


Elle contempla la lune, cercle parfait qui illuminait le ciel noir de la nuit, il était le roi, dominant tout être par sa prestance. Elle aimait la nuit, l'ambiance était si différente, diablement mystérieuse et effroyable silencieuse. Que des murmures lointains, des grincements de vies, le sifflement du vent. Elle ferma les yeux, se plongeant dans ses souvenirs où ses pas nues parcouraient l'herbe humide en direction de la forêt. Ses soirées nocturnes et dangereuses qu'elle appréciait tant, hélas elle ne pouvait pas toujours s'y glisser, entre ses arbres à l'allure peu rassurante. Ses dents attrapèrent le bout de sa plume, la mordillant dans un geste inconscient, alors qu'elle relisait son texte. « Très belle comédie. » Son souffle se coupa brutalement, désagréable frison qui parsema son corps, elle lâcha sa plume afin d'y planter ses dents dans la chair de sa langue. La douleur lui était nécessaire pour consolider ses défenses face à lui. Elle ne l'avait pas entendu descendre les escaliers du dortoir, elle ne l'entendait jamais… Elle se retourna vers lui, sachant déjà à qui elle avait à faire. Un sourire se dessina sur ses lèvres, vitrine mensongère aux lueurs de folie. « Tu as des nargos qui tirent sur tes cheveux, le sais-tu ? » Elle pointa le bout de la plume mâchouillée vers lui, l'agitant comme si ses mouvements suivaient le déplacement de ses fameuses créatures. Des bestioles venant de son royaume imaginaire. Elle prenait grand soin d'éviter de croiser son regard, la lueur qui habitait ses yeux affaiblissait son masque. « Arrête tes conneries, Cirilla. Je vois clair dans ton jeu. » Il détacha chacune des lettres de son prénom, sa voix avait la sonorité d'un prédateur, nullement forte dans le ton, mais incroyablement vibrante de puissance. Ils avaient tous un côté animal dans cette famille, même sans posséder la marque de la malédiction. « Tu as une meilleure vision que moi, je trouve la pièce bien sombre. » Elle remarqua un léger tremblement au niveau de sa main, s'obligeant à lentement reposer sa plume sur le bureau. Comme si son geste n'était pas une réponse à son trouble. Elle détestait se sentir faible, sans protection et sans arme. Et elle le détestait par-dessus tout, lui qui la perturbait aussi facilement. Elle n'était qu'une brindille entre ses doigts s'amusant à la plier dans tous les sens afin qu'elle cède. « Je finirai bien par le disloquer complètement ton masque. » Il s'était approché  d'elle, la bloquant de toute fuite possible. Elle devrait avoir peur, quelqu'un de sensé l'aurait été, mais les monstres qui hantaient les dangereuses forêts l'avaient toujours attiré. « Et alors, je te croquerai à pleine dent ! » Il venait d'attraper une mèche de ses cheveux, l'enroulant autour de son doigt, un geste simple pour la pousser à bout. Il prenait un malin plaisir à la taquiner, des petites attaques par-ci par-là avec une précision sournoise. Elle osa enfin rencontrer son regard, la colère avait pris possession du sien. Elle était dans une rage sourde, mais elle ne craquerait pas ce soir. « Moi quand j'ai les crocs la nuit, je me prépare une tartine de foie de morue avec un peu de miel dessus »  Elle poursuivait son rôle, bien qu'elle avait été démasquée depuis leur première rencontre. Elle n'avait jamais compris comment il l'avait su, alors que même sa famille avait par moment des doutes. Fourbe loup des bois dont le regard perçant observe méticuleusement chaque faiblesse de sa proie. « Cela te plairait que je te morde ? » Son coeur rata un battement, détournant son regard un peu trop précipitamment vers la fenêtre. Elle savait avant même de parler que sa voix serait légèrement tremblante. Elle avait toujours contrôlé parfaitement ses émotions, mais à cet instant elle était à deux doigts de craquer. « Un Strangulot m'a déjà mordu, je n'ai pas apprécié sa marque d'affection. J'ai dû le priver de ses dents. Il avait de grand iris couleur noisette écrasée. » Il lâcha sa mèche de cheveux, avant de s'éloigner vers l'escalier du dortoir. Elle se retient de justesse de pousser un soupir de soulagement. Il s'arrêta devant, tournant son visage vers elle dans un dernier regard taquin. « Oh mais avec moi, tu aimeras. » Il s’engouffra dans l’obscurité pour rejoindre sa chambre. Les phalanges de ses doigts étaient douloureuses, un goût métallique envahissait sa bouche. Elle s'était mordue jusqu'au sang, une agréable douleur qui ne semblait pas la calmer pour autant. Sans même le savoir, Valko Greyback l'avait mordu, de ses mots, de ses paroles aussi tranchantes que des crocs. Et elle se haïssait d'y avoir réagir.  


Elle s'était réveillée en sueur, le corps tremblant des spasmes de panique qui avaient hanté sa courte nuit. Elle tourna la tête vers le réveil de la table de chevet où était aussi posé le serre-tête casé, elle s'était assoupie seulement trente-cinq minutes. Elle sentait sournoisement la crise pulsante dans ses veines, l'obligeant à quitter la chaleur de son lit pour s'engouffrer dans la noirceur des couloirs. Il n'y avait qu'une seule solution pour calmer sa maladie, l'épuisement physique autant que mental. Elle se dirigea vers les escaliers à l'entrée de la grande salle, commença ainsi l'interminable descente et montée des marches. Les heures passèrent avec lenteur, sans que la crise s'atténue avec le temps, le regard éteint par sa souffrance elle contempla les faibles rayons de soleil qui commençait à s'élever dans le ciel. Elle ne pouvait pas rester ici, ni même retourner dans le dortoir tant que sa crise n'était pas terminée. Elle se dirigea vers la Salle sur Demande, laissant derrière elle des traces de pas ensanglantées. Elle ne s'était pas encore rendu compte des blessures qui ornaient désormais ses pieds nus, ou alors elle cherchait à oublier cette douleur.

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DOMAINE LOVEGOOD - « C'est donc ici que tu te caches. » Chaussette se déroba de ses bras, reconnaissant la voix ou peut-être l'odeur du propriétaire de ses mots, telle une ombre ne laissant aucune trace de son passage. Cirilla se tourna vers lui, enroulant ses bras sur sa poitrine comme si l'épaisseur du t-shirt était devenue trop légère. Il était en crise, une habitude ces derniers jours, la maladie rognait son âme noircissant son comportement, gestes non contrôlés et pensée erronée. « Où sont les bocaux que je t'avais ordonné de nettoyer ? »  Il ne lui avait jamais dit, elle avait une très bonne mémoire, malgré sa manie à faire croire le contraire. Elle garda le silence, sachant parfaitement qu'il était impossible de discuter avec lui quand il est dans cet état-là. Crixus n'était pas uniquement détraqué, il était bipolaire, un virus à double facette. « OU SONT LES BOCAUX ! » Elle sursauta de surprise, mais la peur arriva bientôt quand il lui agrippa le cou. Elle lui attrapa les poignets de ses mains, un réflexe de survie quand l'étau se referma sur ses chairs. Elle suffoqua, cherchant les bouffées d'air indispensable à la vie. La douce sensation de mort planait autour d'elle, elle ne la connaissait que trop bien. « Cirilla... » Dans son regard, une lueur éclaira l'iris devenu ébène de colère. Il la lâcha aussi rapidement qu'il l'avait attaqué, sans douceur et sans pitié. « Va me nettoyer les bocaux de la cave, MAINTENANT ! » Il s'en alla, sans un regard en arrière, sans inquiétude face à la respiration sifflante de douleur de sa sœur.

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BRÈVES ANECDOTES - L'un des enfants d'un domestique de la famille a eu la mauvaise idée d'admirer avec un peu trop d’intérêt un jouet de Cirilla. Âgée de cinq ans, elle lui tira les cheveux avec une colère vibrante de possessivité. - Pendant un repas convivial entre sa famille et une famille de sang-pur, dans le but de nouer une alliance, l’aîné de la famille chercha à prendre la dernière part de cervelle d'agneau poché à l'ail. Il se retrouva avec une fourchette plantée jusqu'au sang de la part d'une Cirilla âgée de neuf ans. Aucune alliance ne fut signée entre les deux familles après ça. - Elle possède un gros carnet usé où sont écrits des mots, des expressions inventées dans un codage qu'elle seule connait. Elle l'a commencé à l'âge de onze ans, il lui arrive encore aujourd'hui d'y rajouter des choses. Il est un peu son livre intime de sa fausse folie. - Elle chantonne joyeusement pendant qu'elle effectue des dissections afin d'étudier l'anatomie des créatures magiques. Des chansons parfois connues et d'autres totalement inventées par ses soins, rendant l'allure de la scène tordue. - Trente-huit est le nombre de fourrures qu'elle possède, de différentes races, couleurs ou texture de pelages. Elle s'est prise d'affection pour la sensation de ses doigts parcourant tendrement la fourrure de ses animaux morts. Chaussette, son chat actuel risque à sa mort de compléter sa collection. - Potionniste en herbe aux idées détraquées, elle passa cinq mois à la création d'une potion qui rendrait ses paroles incompréhensibles, le dialecte des fous. Hélas, la potion n'a jamais fonctionné, donc les effets étaient des plus étranges. Les camarades de chambre de Cirilla furent malades régulièrement pendant leur année de sixième, des cobayes qui ne l'ont jamais soupçonné. - Elle possède une cicatrice sur la fesse gauche, d'environ cinq centimètres parfaitement visible, mais depuis longtemps indolore. La forme ressemble étrangement à un jeune têtard, souvenir d'une rencontre avec un jeune Hippogriffe particulièrement mal luné. - Physiquement, elle est la copie identique de la jeune sœur de son père, Xenophilia. - Cirilla n'a jamais été pudique, le regard des autres sur la nudité de son corps ne lui a jamais rien fait. Aucune prétention, elle ne cherche pas l'admiration, mais la sensation de la brise du vent sur sa peau nue. Elle aime aussi se baigner dans la mare du domaine, ressortant le corps luisant de cette terre particulièrement collante. Et, elle a déjà accueilli des visiteurs uniquement habillés d'une couche légèrement sèche de boue. - Il est facile de deviner quand un ouvrage la passion, sa position est significative. Les pieds sur le dossier du canapé et la tête pendue vers le bas, tendant à bout de bras le précieux livre dont son regard ne semble jamais voulu s'y décrocher.