Le manteau de la nuit recouvre l'Angleterre, déchiré ça et là par quelques éclairs. La lueur macabre se profile à l'horizon, et complète silence accablant du manoir, brisé par le souffle haletant d’un homme. Le cadet des Black est muet depuis des heures. Il se sait aux portes de l'abattoir, prêt à couler au fond du Styx. Le visage enfoui entre ses cuisses, il cherche à échapper à un sort dont il ne veut pas. Pourtant, la réalité retentit en son crâne comme une sirène folle. Le corps tout entier de Atlas est en alerte. Pris dans l’oeil de la tempête, il entend le battement agaçant de la pluie sur les fenêtres du manoir, puis le bruit sourd de son propre pouls qui fait écho dans son crâne. Au cours de son existence, le médicomage a connu la peine, mais rien ne l’a préparé à ce jour. Lui-même pensait avoir échappé au joug terrible de son père en intégrant Sainte Mangouste, et en assistant Samuel Shacklebolt. Le légilimens a eu tort. Tout le bien répandu autour de lui, tous ces étudiants qu’il a aidés, n’ont pas suffit. Le destin est revenu à la chasse avec son attachement à l’héritière Malefoy. Sa maîtresse a détruit des années d’efforts d’un revers de la main depuis l'annonce. Andromeda attend leur enfant. Un héritier. Mais il ne suffit pas de s'appeler Black pour demander sa main. Il faut porter à son bras la marque des ténèbres, qu’il a fui toute son adolescence, et à laquelle il ne peut maintenant plus échapper.

Tandis que l’orage gronde, le médicomage s'est réfugie dans la bibliothèque. Ce n’est un secret pour personne, il aime s’entourer de livres. Avoir accès au savoir de ses aînés, sans le subir, le rassure. Recroquevillé derrière le bureau de Prometheus, il lève la tête, et laisse apparaître quelques larmes. L’eau salée sur ses joues va de paire avec la terreur qui s’est instauré en lui. Elle lui enserre le coeur, couronne d’épines empoisonnées que léguée par sa famille. Elevé au sectumsempra, il y a longtemps que son âme de Atlas a été piétinée. Elle s'éteindra sous un tas de cendres, et s’envolera avec la confiance de ces patients, et de ses proches, que les autres Black qualifient d’impurs. Lui qui s’est battu contre la réputation des siens toute sa vie est devenu faible. Le goût du meurtre le suit comme une ombre depuis le jour de sa naissance. Doucement, il lui prend la gorge, et lui soulève le coeur. Méduse qui change ses victimes en pierre, il finira par l’engloutir comme elle a englouti son père et son grand-père avant lui.

Toujours pur. Le credo des Black est lourd de signification, et se referme dangereusement sur lui. Atlas sait que des heures sombres l’attendent, quand bien même il aperçoit la silhouette de son frère pénétrer la pièce. Phébus Black brandit sa baguette et allume le candélabre près d’eux, illuminant leurs deux visages. Atlas aperçoit son regard mélancolique au premier coup d’oeil. Malgré les années, il existe toujours cette tendresse entre eux, qui le conforte. Son frère se perd dans l’océan de ses yeux avant de refermer sur lui une étreinte. “Il faut y aller, petit-frère.” murmure-t-il tout en serrant à son tour Atlas contre lui. “Re-Restons ici, j-juste un instant.” Ses mots sont hachés, ponctués par un hoquet incontrôlable. Ceci dit il ne se débat plus, il n’en a plus la force. Il plante ses yeux azurés dans ceux de son frère, implorant, avant d’inviter l’ancien serpentard à prendre place à ses côtés. Il enfouit son nez dans le creux de son épaule, comme lorsqu'ils étaient enfants. “Tout ira bien, Atlas.”  Il n’en croit pas un mot, mais il ne dit rien. Atlas sait de quoi il est capable, et ce qui l’attend. L’idée même qu’il puisse faire du mal à un autre sorcier le répugne. Il a longtemps refusé de faire partie des aveugles, mais à présent il doit retourner sa veste. Rejoindre les rangs mangemorts, gagner son union à Andromeda Malefoy, et élever leur progéniture ensemble. Il ne peut sauver l’honneur de la jeune femme qu’en brûlant le sien.

Phébus le prend par le bras et le conduit jusqu’à la plèbe. Son intégration définitive à la faction est attendue depuis des lustres. Sous le regard effaré des disciples de Vous-savez-qui, celui que tous connaissent comme le docteur Black se lève. Il aperçoit brièvement le minois de sa maîtresse, mais ne prend pas la peine de lui adresser un regard. Atlas ne peut se permettre le moindre faux pas. Il tient sa baguette du bout des doigts puis fermement, et arbore une expression neutre au visage. Seuls ses yeux gonflés trahissent la tension qui le dévore. Il les plante droit dans ceux de sa victime, tout spécialement appâtée pour lui. Il le sent au plus profond de lui-même, la sorcière est doté d’un mental particulièrement fragile, une opportunité folle pour celui qui s’apprête à commettre l’irréparable. Prometheus fait signe à la foule de se taire, tandis que son rejeton se concentre plus que jamais. Atlas ne lâche plus son vis-à-vis des yeux, et fouille le labyrinthe de méandres qui s’abandonnent à lui sous la force de son esprit pilleur. Le légilimens ravale un frisson tandis que son front perle d’une sueur familière, à laquelle une larme vient se mêler.

Le sang lui monte à la tête, ses joues s’empourprent.
L’intensité du moment est telle qu’il se sent sur le point de défaillir.
Pourtant, il ne lâche pas prise.
Enfin, il attrape le poisson dans les eaux troubles de son esprit.
Il y passe une lame dont lui seul à le secret.
Et soupire en observant, enfin, la femme porter sa baguette à son cou.
Ultime sacrifice sur l’autel de la mort.

Enfin. Atlas aura mis des années avant de maitriser le sortilège. Et c’est en moins d’une heure, et à force de patience et de persévérance qu’elle se donne la mort. Il tient prise une dernière fois, jusqu'à ce qu'il ne sente plus la vie dans son crâne.

Meurtrier.
C'est un meurtrier.

Silencieusement, il se surprend à penser aux écrits de Shakespeare.
Tout comme Hamlet, Black sombre dans la folie.
Ô honte. Où est ta rougeur ?

1,135 mots.