Je m’avançais dans les couloirs à la poursuite de mon cours suivant, Sonja sur mes talons. Je n’avais pas l’habitude de flâner mais le cours précédant ayant été annulé, j’avais pris le temps d’aller prendre des notes dans plusieurs livres à la bibliothèque. Si beaucoup n’aimait pas rester enfermée, j’y trouvais un confort supplémentaire puisque je pouvais être seule en compagnie de mon Malamut. C’était un moment que cherchait régulièrement parce qu’il m’était pratiquement impossible de m’arrêter de penser. Mon tempérament m’y obligeait parfois et c’était presque à m’en donner le tournis. «Alors, qu’est-ce que tu as envie de faire ce soir ? » demandais-je à Sonja alors qu’elle me laissait lui caresser le museau. Son bien être intérieur se répercutait sur moi, me donnant une sérénité profonde. Ce lien m’avait toujours un peu effrayée, j’avais dix-sept ans lorsqu’elle m’était apparue un soir durant les vacances de Noël 1978. J’apprenais peu à peu à me connaître et éprouver des désirs, des envies que je n’avais encore jamais explorée. Savoir qu’une personne étrangère à moi-même pouvait ressentir la même chose me rendait mal à l’aise et puis… J’avais fini par comprendre qu’elle faisait partie de moi et que j’allais devoir faire en sorte de m’y habituer à savoir qu’une partie de mon âme était visible et totalement hors de contrôle. Oui, j’étais vraiment effrayée de savoir ça mais je m’y était faite. A tel point que notre complicité était montée en profondeur au fur et à mesure que le temps passé. La peur de la perdre durant la grippe des Patronus où j’avais été atteint dans les débuts de la contamination, où je l’avais vu tomber malade, et puis voir sa forme libellule disparaître complètement.. C’est dire à quel point j’avais été émue lorsque j’avais vu sa forme massive et duveteuse réclamer mon attention alors que j’étais en convalescence.

L’année 1982 allait peut-être me proposer quelque événements plus gai et j’avais l’intention de provoquer un petit peu les choses. J’avais vraiment envie de passer à autre chose et de profiter de ce qu’on m’apporter mais également, de chercher à obtenir ce que je désirais. Pas mal d’années passés à me concentrer sur mes études sans jamais vraiment essayer de trouver une épaule sur laquelle m’abandonner de temps en temps. J’avais 21 ans depuis six mois maintenant et j’éprouvais le désir de trouver quelqu’un. De compter pour quelqu’un d’autre que sa propre famille. Mon coeur se sentait parfois délaisser dans les méandre des mots et des pages que j’apprenais souvent par coeur et moins souvent par mes examens ou je m’acharnais pour avoir les meilleurs notes de Poudlard. Cela n’avait pas changé même lorsque j’étais en France, l’excellence dans mes résultats, dans mes concours, dans mes engagements. J’y trouvais un refuge mais ces derniers temps, je voulais trouver un nouvel horizon, quelque chose de nouveau et si ce n’était pas permanent, une ouverture au moins. Me donner l’impression que j’existais.

Longtemps je m’étais couchée de bonne heure pensant à rien d’autre qu’à mes études. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire que je m’endormais, il n’y avait plus personne, si bien que je n’avais beaucoup de mal à me préoccuper de tout ce que les jeunes filles de mon âge pensaient. Cette sensation étrange de tomber dans un vide sans fin alors qu’on est juste entrain de tomber dans un sommeil profond tout en étant étrangement consciente que je tenais encore un gros volume entre mes doigts. Bien évidemment, cette sensation m’éveillait ce qui me permettait de faire tomber mes lunettes de lecture, mon livre et de me glisser sous la couette. Je parlais de nombreuses heures avec mon patronus jusqu’à retrouver le sommeil. Il était facile pour Sonja de m’y aider, elle n’avait qu’à seulement me pelotenner dans sa crinière, prendre une respiration lente et profonde… Et telle une berceuse, ça fait l’unanime et je m’endormais comme un bambin.

Toujours est-il que je n’avais pas vraiment le choix, je ne pouvais pas courir dans le sens opposé, je ne pouvais pas me demander si mon âme soeur est juste là, comme me l’a un jour suggéré le miroir de Risèd ou si j’allais devoir être confronté à un épouvantable épouvantard me coupant tout espoir de mon âme et de m’enlever ma jeune soeur. « Arrête de faire du mauvais sang, Juliette va très bien ! Allons, qu’est-ce qui t’arrive ? Dépêchons ! » C’était Sonja qui me rappelait à la réalité alors que je ne me retrouvais au pieds de la tour d’Astronomie. Son museau me poussait dans ces derniers pour m’y presser : « Pourquoi tu me parles de Juliette ? » Mon patronus râla en me rappelant qu’elle pouvait parfaitement savoir ce à quoi je pensais de manière assez vivace et lorsque nous étions arrivées dans la salle, je me rendais compte que je faisais partie des première.

Je n’aimais pas l’Angleterre. Il y avait toujours cet épais brouillard qui m’étouffait et si ce n’était pas ça, c’était une pluie sournoise qui pouvait s’infiltrer partout et me glaçait la peau. Il m’était même arrivée de venir en cours de Potion avec les doigts violacée à cause d’un cours trop prolongé de Vol en balais. Même si je me débrouillais toujours aussi bien sur ça, je n’étais pas du tout heureuse de devoir attendre que le sang recircule dans mes doigts pour gratter mes parchemins avec ma plume. Je m’installais à ma place et sortait tout ce dont j’avais besoin tout en sortant quelque chose de superflue : un livre. Mon cours n’allais pas commencer avant une bonne quinzaine de minute ce qui me permettait de continuer à penser, au grand damn de mon pauvre patronus. « Quelle surprise, il pleut ! » pensais-je à voix haute après avoir lancé un bref regard par la fenêtre tout en ayant posé mes deux mains sur mon livre, en attendant que quelque chose se passe. J’espérais qu’un jour, j’apprécirais cette situation mais je n’avais qu’une envie, partir de ce pays et d’y retrouver mes racines mais comment j’allais pouvoir faire cela alors que mes propres racines familiales s’était ré-implantées dans ce pays triste et monotone. .