Mon cher Valérian,

Je t’écris avec tant de hâte que ma pensée dépasse mes mots ! Moi qui espérais te gratifier d’une jolie écriture, c’est raté. Tu me manques tant mon frère, tant… Je suis désolée de ne pas t’avoir donné de nouvelles plus rapidement, c’est que tellement de choses se sont passées ici dernièrement… Tous ces décrets, toutes ces lois, je n’en peux plus. J’ai l’impression que l’honnêteté, la tolérance et la compassion sont trois qualités rayées de l’âme humaine. Aujourd’hui encore, en allant me promener à Prés-au-Lard, j’ai surpris deux adolescents d’à peine quinze ans ruer de coups un autre, le traitant de sang-de-bourbe et riant à ses dépens. C’est monstrueux, monstrueux ! Tu te doutes bien que je me suis fais une joie de les corriger. Or ce genre de choses ne devraient pas arriver ! Puis quand je vois ces saletés de pro-mangemorts se pavaner dans les couloirs de Poudlard, j’en ai de l’urticaire. Ils ne se cachent pas pour dire à voix haute le fond de leur pensée sur les moldus et les sang-mêlés. Franchement, ils mériteraient de passer quelques mois à Azkabhan. Oh Valérian, j’aimerais que tu sois là, si tu savais.

Céphée me picote le dos de la main, je crois qu’elle tient à te transmettre ses amitiés. Heureusement que je l’ai, elle m’empêche de sombrer dans la déprime. Enfin rassure toi, je vois encore mes amis - contrairement à ce qu’à dû te dire maman, je ne deviens pas une ermite solitaire en mal d’amour ! (peste soit-elle avec son inquiétude maternelle incontrôlable) Elle et papa sont venus me voir la semaine dernière, ils m’ont dit que tu seras bientôt remis sur pieds. Ils étaient collants mais à un point encore jamais égalé ! Avec toutes leurs maudites questions « tu manges correctement ? », « ne t’attire pas d’ennuis, sois prudente et discrète… tu l’es, hein ? » et « tu travailles trop, tu penses à t’amuser au moins ? » ou « tu t’es fais de nouveaux amis ? un petit copain ? ». Merlin lui-même deviendrait fou avec des énergumènes pareils. J’espère en tous cas que de ton côté tout va bien, que ta jambe ne te fait plus aussi mal. Quand je pense que l’invincible Valérian s’est fait avoir par une marche d’escalier mouillée, j’en ris encore, tu m’excuseras ! Je t’ai envoyé une petite boîte de dragées de chez Bertie Crochue et un roman d’aventure, ‘‘Voyage au centre de la Terre’’, de Jules Vernes. Tu verras il est génial - et c’est pour me faire pardonner de rire si souvent de toi et de ta poisse.

Aujourd'hui j'ai mis le feu à la robe de mon professeur de botanique par accident, tu aurais dû voir sa tête... C'était à mourir de rire ! Cela m'a rappelé la fois où tu avais essayé de faire cuire des pommes-de-terre au bout d'une branche au dessus de la gazinière. La hotte était noire et maman, rouge de colère ! N'empêche que ça sentait bon... Oh et tu te souviens aussi de la fois où ton sort pour changer le chat en chaise a mal tourné ? Il était devenu bleu et ne miaulait plus mais hennissait comme un âne... Ridicule, c'était ridicule ! Non, non, pas la peine de penser "t'es pas mieux", je le sais. La nuit dernière j'ai rêvé de ton quinzième anniversaire justement, le fameux "pire anniversaire de l'histoire de la famille Potter" ahah. Je ne pouvais pas distinguer le nom des potions de papa à l'époque. Si j'avais su que celle que j'ai versé dans les carafes de vin était laxative et non pas euphorisante, crois moi je ne l'aurais pas fait - ou peut-être ! Que de souvenirs...

Demain dans la nuit, j’ai prévu de me balader près du Lac Noir. Si tu pouvais voir le reflet des astres sur son eau, c’est magnifique ! Je pourrais passer ma vie à le contempler sans jamais me lasser. J'envie les Moldus tu sais... Les connaissances qu'ils ont sur le ciel, sur les étoiles, sur l'astronomie en général, sont plus profondes que les nôtres. Je trouve cela dommage qu'on ne puisse mêler nos savoirs respectifs ! Si papa ne m'avait pas présenté son amie d'enfance moldue, tu sais, Catherine celle qui venait chez nous un dimanche sur trois, et bien je n'aurais jamais su ce qu'était un vaisseau spatial ou même un sous-marin, un sèche cheveux... En résumé je serais moitié moins intelligente (ne ris pas !) Elle aurait fait une bonne professeur du monde moldu à Poudlard, tu ne crois pas ? Tu te rappelles, d'elle au moins ? Je suis persuadée que là t'es en train de te retourner les méninges à la recherche de son visage. Cheveux bouclés, petites lunettes et robes toujours fleuries. Elle est décédée du cancer l'année dernière. Elle venait toujours avec deux ou trois encyclopédies illustrées, se faisant la plus grande joie de nous expliquer comment fonctionne les moldus. Ah bon, stop les souvenirs ! Tout ça pour dire que demain, j'irais au Lac Noir.

Lorsque tu seras de nouveau là, je t’y emmènerais. C’est étrange mais c’est le seul moment où j’ai l’impression que tout est possible, que le monde n’est qu’une feuille de papier et que nous sommes libres de dessiner ce que nous voulons dessus ou de gommer les défauts de précédentes ébauches. Je t’entends d’ici, ne me traite pas de « fichue bizarrerie. » Tu sais, papa et maman nous ont toujours enseigné qu’avant d’être soi, il faut être humain. Avoir de la compassion, ne jamais fermer ni son coeur, ni son esprit. Alors seulement nous pouvons nous battre pour nos idées, pour défendre ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes. Ils nous ont apprit à juger une personne par ses actes et non par ses titres ou sa richesse. Plus que jamais je leur en suis reconnaissante. Je souhaiterais à chacun d’avoir eu si bons professeurs, je souhaiterais à chacun l’enfance heureuse dont nous avons jouit… Un souhait ne reste pourtant qu’un souhait. Valérian, je crois qu’il est tant que j’applique ces valeurs, je crois qu’il est tant que j’agisse.

J’en ai assez de me taire, j’en ai assez d’être passive alors que d’autres souffrent. Si j’ai le pouvoir de faire quelque chose, ne crois-tu pas qu’il est de mon devoir alors de l’utiliser, ce pouvoir ? Ne me juge pas comme une écervelée, j’ai grandis, tu le sais. Il n’est plus question de nos jeux où nous pourchassions de vilains sorciers sur le dos d’un dragon doré. J’espère que nous pourrons discuter de cela plus amplement lorsque nous nous verrons. Je te demande de ne pas en souffler un mot aux parents et de ne pas te faire de soucis pour moi !

En attendant, valeureux Valérian, farouche frère, je t’embrasse (non sans bave),

Luce.