J’aurais pu être une connasse tu sais ? Après tout, avec un nom comme le mien, c’était ce à quoi s’attendaient les gens, ils croyaient que je serais une de ces pimbêches psychorigides comme la préfète-en-chef, que je serais une bonasse inaccessible comme les filles Malefoy et que je regarderais, je cite, « cette vermine de sangs-de-bourbe » de haut en bas avant de laisser une quelconque insulte filer à travers mes lèvres tel un crachat de venin digne de ma future maison. Ouais, ils croyaient vraiment qu’il suffisait de s’appeler Greengrass pour être une pétasse de bourgeoise. Je me souviens encore de la première fois que j’ai mis les pieds dans le Poudlard Express, vêtue de mon blazer bleu marine et mes longs cheveux sombres sagement tressés dans mon dos, j’avais exactement l’air de ce que j’étais : une première année paumée et impressionnée par ce monde nouveau qui s’ouvrait à elle. Ne rigole pas ou je te frappe, j’étais petite ! Et alors que je marchais dans le couloir du train à la recherche d’une place confortable, ils m’ont appelé depuis leur compartiment. « Hey Greengrass ! On t’a gardé une place ! » Je me souviens avoir eu un petit sourire, amusée par la rime mais surtout épatée d’être ainsi accueillie alors que je ne connaissais aucuns d’entre eux, c’était des élèves de Serpentard. Ce n’était pas noté sur le front évidemment mais il aurait vraiment fallu que je sois une imbécile complète pour ne pas le comprendre et puis leurs noms ne m’étaient finalement pas si étrangers que ça, Queen, Parkinson…Je me souviens leur avoir souris et être entrée, fière comme un paon d’avoir été choisie par ces élèves qui me parurent si cool de prime abord et puis qu’on se le dise, j’aimais qu’on me flatte l’égo et je me disais que je devais être drôlement épatante pour qu’ils m’aient si vite adopté parmi eux comme si c’était une évidence. Oh ça l’est bien sur, je suis tellement adorable, non ? Non ? Mais je vais te cogner pour de vrai ! T’es supposé être d’accord avec moi ! Bref, j’ai été ravie et je me suis fièrement installée entre eux, distribuant mes sourires comme du pain béni et les écoutait parler ou répondais à leurs questions. Oui ma mère travaille au ministère de la magie, oui c’est elle qui s’occupe de ces cas là. Euh oui elle a participé à ce procès. Bon et alors ? En fait, au fil de la conversation, j’ai rapidement compris qu’ils se touchaient tous avec leurs questions inutiles sur les titres et mérites de nos parents, alors quoi ? Parce que mes parents sont tous les deux hauts placés au ministère de la magie je suis une fille à connaître ? Une fille à flatter ? Finalement, j’ai commencé à les trouver de plus en plus ennuyeux, puis un élève roux est passé, à la recherche d’un compartiment. Ils l’ont regardé d’un air qui m’a donné froid dans le dos. « Regarde moi ce paysan ! Ils ne sont bons qu’à lécher les fesses des moldus ces Weasley, des traitres à leur sang ! Mon père dit qu’ils devraient même pas être admis à Poudlard !» Ah ouais ? Tu sais quoi ? Ben ton père c’est un trouduc, j’ai pensé. A l’époque je n’osais pas encore dire ce qui me traversais l’esprit et puis, je n’osais pas trop le contredire d’autant plus qu’ils semblaient tous d’accord, ou alors tous trop idiots pour avoir un avis et moi, de mon côté je m’enfonçais peu à peu dans mon mutisme, partagée entre l’envie d’être acceptée et aimée et l’envie de leur dire qu’ils étaient vraiment des pauvres gens de juger les Weasley de la sorte. Qu’on s’entende, je m’en fichais bien des Weasley mais c’était une question de principe, juger sur les apparences et les appartenances, je n’étais pas moi. Désolée, Greengrass ou pas, je refuse de suivre le mouvement. Au fond, j’ai compris que ces élèves ne m’avaient pas choisie au hasard, ils s’étaient attendus à ce que je sois comme eux, que je sois contre les moldus et les sang-mêlé mais ils faisaient une grave erreur : Jamais je ne vendrais mon âme au diable, pas même contre la reconnaissance, la popularité ou que sais-je d’autre. A vrai dire, je me plongeais presque aussitôt dans mes rêves allant jusqu’à oublier leur présence autour de moi, leurs plaisanteries tantôt xénophobes tantôt aseptisées. Etait-ce donc ça le monde des sorciers ? Mes parents ne m’avaient pas élevés de la sorte ! A bien y réfléchir, tous les Greengrass n’étaient pourtant pas aussi libérés que notre branche familiale et mon père s’était fâché avec quelques membres de la famille, refusant de se soumettre aux coutumes habituelles des familles anciennes : Le mariage arrangé ? Et puis quoi encore ? JAMAIS il n’épouserait une crétine sous prétexte que son sang soit pur et par chance (ou pas d’ailleurs je crois que cela lui était finalement égal) il tomba profondément amoureux d’une brillante sorcière issue d’une famille bien plus modeste que la sienne. Qu’importe. Je ne me lassais pas de leurs anecdotes et mes parents se faisaient une joie de nous les raconter lorsque les soirs d’hivers se faisaient trop longs. Ils s’étaient donc rencontrés à Poudlard et s’il était Gryffondor, ma mère était quand à elle une Serdaigle. Un Greengrass à Gryffondor, tu penses bien qu’ils n’ont pas apprécié la blague, mes grands parents, mais qu’importe, mon père a toujours été une sorte d’électron libre prêt à bousculer toutes les idées reçues mais contrairement à ces ânes de Griffons, mon père avait toujours été un bosseur. Je crois qu’il avait toujours cherché l’excellence mais son côté déterminé et combattant l’avait conduit chez les Lions plutôt qu’à Pouffsouffle ou Serdaigle enfin qu’importe, les voies du Choixpeau Magique ont toujours été impénétrables. Je disais donc, mon père et ma mère sont tombés amoureux dès les premiers instants, le coup de foudre, le vrai. Oh si tu savais comme j’ai toujours aimé cette histoire ! J’ai beau avoir les pieds sur terre, les belles histoires m’ont toujours fait rêvé, je crois qu’au fond j’ai toujours gardé une grande part d’enfance en moi, c’est important. Ne souris pas comme ça, tu me crois niaise ? Tu te trompes, j’aime simplement croire que le monde n’est pas si laid qu’on le dit, j’aime croire qu’en souriant le soleil brillera davantage. Bon, t’arrête un peu de rire, oui ?

Je reprends avec Poudlard si tu veux bien. Tu n’imagines même pas comme j’étais heureuse d’être enfin admise comme sorcière à part entière ! J’ai toujours voulu ressembler à ma mère, elle est tellement parfaite ! Imagine un peu de longs cheveux sombres et des yeux si bleus qu’on aurait pu s’y noyer ! Quand j’ai compris que mes yeux resteraient à tout jamais noirs j’ai été malheureuse comme les pierres ! Maman n’est pas seulement belle, elle est aussi une sorcière talentueuse, je ne l’ai jamais vu rater le moindre sort et puis je ne sais pas trop comment l’expliquer, elle dégage quelque chose d’envoutant. Je l’aime tellement et si je pouvais lui ressembler un jour, je serais la plus heureuse. Mais entre nous, c’est assez mal parti parce que je jure comme un charretier moldu ! C’est plus fort que moi mais je parle vraiment très mal, j’injurie le monde entier mais je te promet, ce n’est pas méchant et je ne fais pas exprès, c’est juste que…Ben non c’est juste une vilaine habitude que j’ai prise et on sait tous combien elles sont tenaces alors je compte sur toi pour me remettre dans le droit chemin. Bref, à défaut d’améliorer mon langage, je peux au moins améliorer mes capacités. On peut donc dire que je suis une élève studieuse, j’aime passer des heures et des heures au sein de la bibliothèque ou dans le parc pour m’entrainer jusqu’à parfaire le sort et ne plus jamais le louper. Certains s’imaginent que je suis une tête d’ampoule pour qui tout est facile mais non, je travaille juste dur pour parvenir à le leur faire croire mais ça, c’est un secret. Je n’aime d’ailleurs pas réviser avec les autres et les aider me saoule plus qu’autre chose, comme si je n’avais que ça à faire, apprendre les couleurs à ceux qui n’ont pas fait l’effort d’écouter en classe et s’entrainer. Ben ouais, c’est pas tombé du ciel pour moi non plus donc j’ai envie de dire, chacun sa merde hein. Pardon. Je dois admettre que j’ai un petit côté solitaire ou inaccessible, ça fait mieux. Ce n’est pas que je fuis la compagnie au contraire, j’adore rencontrer des gens, apprendre à les connaître et être entourée mais j’ai cependant du mal à m’attacher réellement, enfin comment expliquer…Je ne suis pas une handicapée émotionnelle mais le sélectionne vraiment mes amis, je peux d’ailleurs compter les vrais amis sur les doigts de la mains et ceux là, je leur donnerais ma vie. Je serais capable de me plier en quatre pour les rendre heureux même si ma conception du bonheur n’est pas toujours partagée. J’agis de manière réfléchie en général et j’analyse bien la situation avant de me lancer mais il y a des choses que j’ai du mal à admettre. Comment ça, tu n’as rien compris à ce que j’ai dit ? Je récapitule, mes amis c’est ma vie, il est hors de question qu’on leur fasse du mal sinon je te jure, je les croque. Bon, t’excite pas, je n’ai pas tant d’amis que ça, la plupart ne sont que de bons copains avec qui je peux m’amuser et avec qui on passe du bons temps, c’est tout. C’est d’ailleurs assez paradoxal parce que si mes amis (les vrais, hein..) obtiennent absolument tout de moi, pour les copains et connaissances c’est vraiment au compte goutte. Je crois que je ne suis pas très généreuse en affection mais bon ça va, je suis rigolote et je leur apporte un petit brin de folie, ce n’est déjà pas si mal, non ? Ils voudrais quand même pas le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière hein ? Quoi ? Ah pardon. Bref, tout ça pour dire que je suis plutôt sympa comme fille mais pas non plus l’amie de la terre entière, il faut mériter ma confiance. D’ailleurs maintenant qu’on parle de liens sacrés tout ça, il y a une autre chose qui me rend folle : je suis jalouse comme un pou ! Papa dit que c’est un manque de confiance en moi, mais bon, savoir pourquoi ne m’aidera pas à surmonter cette peur d’être remplacée. Comprends-moi, je ne suis pas la plus belle, pas la plus gentille, pas la plus intelligente…je n’ai rien pour moi ! Alors j’ai toujours peur qu’une fille plus jolie et plus douée prenne ma place, qu’elle m’éclipse totalement de la vie de mes amis et je dois avouer que là, je deviens une vraie peste. Genre…je fais des coups de pute. Mais quoi ? Bon, des coups bas donc. J’admets, il m’arrive d’imaginer des plans pour mettre hors-jeu mes rivaux et surtout mes rivales. Ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de ma confiance, remember ? Bref, passons. Ma sensibilité ne me permet pas de m’attarder sur mes défauts, désolée. Ce je peux dire en revanche, c’est que mon caractère s’est quelque peu renforcé depuis que ma petite sœur est arrivée à Poudlard, tu comprends, il fallait que je me montre forte pour elle, pour qu’elle soit fière de sa grande sœur et qu’elle puisse toujours compter sur moi. Puis d’un côté, j’ai envie qu’elle m’admire, voilà c’est dit, je suis narcissique. Un peu. Enfin quoi, tout le monde a envie d’être admiré et aimé, non ? ça ne fait pas de moi une mauvaise personne. Tu en penses quoi ?

« Tu veux vraiment que je te dise, Georgie ? »

Ben ouais quand même, je t’ai pas raconté tout ça pour rien, faut pas croire, j’aime bien parler mais je n’aime pas m’écouter causer à ce point quand même. Tu sais, il faut bien que je t’explique qui je suis, non ?

« Quand je te disais que nous étions reliés, que j’étais ton patronus et que j’étais une sorte de reflet de toi, ta vie, ta personnalité, c’est quoi que tu n’as pas compris ? »

Ah. Donc en fait tout ça, tu le savais déjà ?

« Bah ouais. »

Fuck.