C'était un jour de mai très ensoleillé. L'air était chaud, rafraîchi par une douce brise qui faisait voleter les cheveux de la jolie fillette. Assise à la table dans le salon de jardin, Mila attendait patiemment l'arrivée de son père pour ce jour spécial. En effet, aujourd'hui, elle allait fêter ses cinq ans. Elle aurait pu souhaiter un balai-jouet, une créature magique ou d'autres jeux, comme toutes les petites sorcières de son âge, mais non. Ce qu'elle désirait par dessus tout, c'était la présence de son géniteur, trop absent cependant pour le nommer "papa".

« Ah, t'es là ! Maman arrive avec Berthe, t'as un super gâteau ! » Louis était sorti de la maison, tout excité, pour rejoindre sa cadette. « Et il sera là ou pas ? » Il savait qu'elle voulait parler de leur père, elle lui en parlait souvent d'ailleurs, ce qui avait le don d'agacer le garçon puisqu'il n'entretenait pas de lien particulier avec Vassili Jaroslav. « Je ne sais pas, il n'était jamais là pour mes anniversaires... » Il vit le visage de sa sœur s'assombrir. « Mais cela ne veut pas dire qu'il ne viendra pas pour le tien ! Attendons un peu. » dit-il d'un ton rassurant, en lui passant un bras autour des épaules. Elle appuya sa tête contre celle de son aîné, un sourire se redessinant sur ses lèvres. « Merci Louis. »

Des bruits de pas retentirent dans l'entrée, puis Mathilde Jaroslav apparut, suivie de Berthe, la domestique de maison, qui apportait un énorme gâteau. « Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Mila ! Joyeux anniversaire ! » chantèrent-elles en cœur, bientôt rejointes par Louis. « Fais un vœu ma chérie, » lui dit sa mère pendant que Berthe posait le gâteau devant la petit fille. Elle jeta un oeil à son frère qui la comprit en un regard. Il ne viendrait pas, elle le savait. Il n'était venu à aucun de ses anniversaires, et il ne viendrait jamais. Toujours en déplacement, toujours plus occupé avec son travail, faisant toujours passer sa famille après le reste.

Alors, une fois de plus, Mila souffla les cinq petites bougies dont les flammes dansaient devant elle, en faisant le vœu d'avoir un père qui, un jour, se soucierait d'eux.



« Vous avez vu comme elle marche ? » « Non mais elle se prend pour qui ? » « A ce qu'il paraît, elle est pas très gentille comme fille... » « Moi, je ne l'aime pas. »

Ce genre de murmures sur son passage, Mila y était habituée. Depuis toute petite, elle marchait la tête haute et laissait dans son sillage, une amertume chez les autres filles qui la jalousaient. Ce jour là, elle se rendait chez Florian Fortarôme sur le Chemin de Traverse afin d'y retrouver quelques copines, pendant que sa mère allait acheter ses affaires pour sa première rentrée. Elle aperçut ses trois amies déjà installée en terrasse chez le glacier puis se pressa de les rejoindre.

« Bonjour les filles. » dit-elle en s'installant paresseusement sur une chaise. « Salut Mila. On t'a commandé une glace au Goût Surprise de Bertie Crochue. Comme ça, si tu tombes sur un truc pas bon, ce ne sera pas entièrement de notre faute ! » Les trois pré adolescentes se mirent à rire, mais pas la petite Mila. Elle semblait blasée, n'était pas de bonne humeur et ne savait pas pourquoi. Elle se demanda soudain pourquoi elle n'était pas restée avec sa mère, pour aller acheter des livres, plutôt que d'être venue manger une glace douteuse avec des filles dont elle n'aurait sûrement plus rien à faire, une fois placée dans sa maison à Poudlard. Elle savait pertinemment qu'elle ne serait pas dans la même maison qu'elles. Elles n'étaient pas assez sérieuses, ne pensaient qu'à s'amuser tout le temps et semblaient aimer tout le monde, alors que Mila était beaucoup plus condescendante avec les gens qui l'entouraient. Sauf bien sûr, envers ceux qui comptaient vraiment, ceux pour qui elle allait jusqu'à éprouver de l'affection. Elle sortit rapidement de ses pensées lorsque les rires autour d'elle s'estompèrent. « Si le goût est immonde, je la ferai manger en entier, Cora. » répondit-elle froidement à la dénommée Cora, qui ne souriait plus du tout à présent. Mila en était parfaitement capable, c'était elle qui les dirigeait, plus ou moins. Elle n'avait qu'à claquer des doigts pour que les trois autres fassent ce qu'elle voulait.

Finalement, elle méritait peut-être les murmures qui suivaient ses allées et venues. Elle était hautaine et n'avait aucune pitié. S'il fallait marcher sur les autres pour prouver ce dont elle était capable, elle le ferait. S'il fallait les écraser pour atteindre le sommet, elle n'hésiterait pas une seconde.



Les cours s’étaient terminés depuis dix minutes  lorsque Mila arriva dans la bibliothèque. C’était un endroit magnifique, rempli de livres qu’elle affectionnait tout particulièrement. De nombreuses choses dont elle ignorait même l’existence  s’y trouvaient et elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine excitation chaque fois qu’elle marchait dans les rayons.

Cela faisait un an à présent qu’elle était à Poudlard. Un an qu’à chaque journée qui s’achevait, elle fonçait dans cet endroit qu’elle aimait tant afin d’élargir ses connaissances, ouvrir son esprit et surtout être au calme. Ici, elle n’avait pas à subir la présence de beaucoup d’autres élèves.  Elle avait rendez-vous en tête à tête avec la Connaissance elle-même.

Elle n’avait que douze ans et s’empara tout de même d’un énorme volume traitant des potions, avant d’aller vers son fauteuil préféré. C’est là qu’elle vit une autre fille l’occuper. Une autre fille qu’elle n’allait pas tarder à faire déguerpir, car si cette dernière n’avait jamais entendu le nom de Mila Jaroslav, elle allait en entendre parler sur le champ ! Oh, bien sûr, elle aurait tout simplement pu s’installer ailleurs, mais cette fille marchait sur ses plates-bandes, et Mila n’aimait pas ça. Elle s’approcha d’un pas décidé puis se planta devant l’intruse. « Excuse-moi. C’est mon fauteuil. » Ni bonjour, ni présentation inutile. Elle allait droit au but. Sa future victime leva les yeux de son livre et se mit à sourire. « Oh, pardon. Je ne suis qu’en première année, je ne savais pas qu’on avait des places attitrées à la bibliothèque. » Sarcastique. Mila n’aimait pas cela du tout. « Et bien maintenant t’es au courant, allez, fiche le camp. » « Je sais qui tu es, Mila Jaroslav. » dit-elle en se levant et en plongeant ses yeux dans ceux de Mila. Cet acte la mit mal à l’aise, personne n’arrivait à soutenir son regard d’habitude. Cette fille lui tenait tête et c’était bien la première fois que la brunette était confrontée à une telle situation. « Et t’es drôlement pas commode. Mais je t’aime bien. » dit la première année en s’en allant avec un sourire.

Au-delà de l’énervement que ce qui venait de se passer avait engendré, Mila ressenti une sorte d’attraction. Elle avait aimé cette petite altercation avec la première année, car non seulement elle avait emporté ce qu’elle voulait, mais elle n’avait pas eu le dessus et avait même été mal à l’aise. Sans vouloir se l’avouer, elle aimait bien cette petite. Rare étaient ceux qui lui tenaient tête.



« Mila ! » La voix masculine avait résonné dans le couloir. Mila continuait d’avancer, la tête haute, lançant des regards noirs à quiconque croisait son chemin. « Mila, attends moi ! » La voix s’était rapprochée, essoufflée. Soudain, une main se posa sur l’épaule de la jeune femme, qui se retourna, baguette brandie, prête à jeter un sort à son agresseur qu’elle avait pourtant essayé d’ignorer. « Donne-moi une seule bonne raison de ne pas te transformer en Verracrasse ! » siffla-t-elle, ayant déjà tué le jeune homme trois fois du regard. « Tu serais expulsée de Poudlard et je sais à quel point tu mourrais si tu en arrivais là. » Sa réplique eu l’effet escompté puisqu’elle baissa sa baguette d’un geste sec. Il avait raison, si elle se faisait renvoyer, elle perdrait non seulement son honneur, mais aussi toute chance de prouver à tout le monde qu’elle était la meilleure. « Mila, je t’en prie… » « Tu n’avais aucunement le droit de me faire ça ! » cria-t-elle sous l’énervement. Elle sentait une telle rage bouillir en elle que les larmes lui montaient aux yeux. « Je suis désolé… » « Tu es désolé. Tu es désolé ?! Tu étais mon seul ami ! Le seul a qui j’ai accordé ma confiance et voilà ce que tu en as fait ! » « Mais, nom d’une gargouille, je t’aime ! Je t’aime ! Tu peux comprendre ça ?! » « Tu m’aimes ! C’est bien ça ton problème ! Tu étais mon ami et là tu me dis que tu ressens beaucoup plus de choses pour moi que tu n’aurais imaginé. Je suis supposée faire quoi moi ?! » « Dis-moi que tu m’aimes aussi… » dit-il en baissant la tête. Mila sentait à présent les larmes rouler sur ses joues. « Jamais je ne t’aimerai. Jamais je ne pourrai tomber amoureuse de toi ! » Elle tourna les talons avant d’aller s’enfermer dans les toilettes du deuxième étage.

Comment aurait-elle du lui dire ? Aurait-il pu comprendre ? Non. Il venait de la trahir, elle ne pourrait jamais le lui pardonner alors inutile de se faire de faux espoirs. Elle avait eu beaucoup d’affection pour lui, ils s’étaient bien entendu pendant trois longues années. Et voilà qu’il venait de tout mettre en l’air en lui avouant ses sentiments. Comment aurait-elle pu faire ? Elle ne l'aimait pas en retour, ce qui en soit n'était pas un drame. Mais à seize ans, elle n'était jamais tombée amoureuse d'un homme. Ce qui commençait franchement à la tracasser.

Elle se regarda dans le miroir au dessus des lavabos. Son noir avait coulé, ses cheveux n’étaient plus coiffés du tout et son visage était rougi par la colère. Tentant d’arranger le tout, il lui sembla que c’était peine perdue, tout comme l’amitié qu’elle venait de briser.