J’ouvris de grands yeux, et sortis de mon lit en envoyant les couvertures par terre. Je n’avais pratiquement pas dormi de la nuit, et pour cause. Aujourd’hui, on était le 27 février, et j’allais fêter mes six ans. C’était un âge important, six ans. Je deviens un grand aujourd’hui. Je crois.
Il est relativement tôt quand je descends dans le salon familial, parce que j’ai passé ma nuit à me retourner dans mon lit, attendant cette journée depuis si longtemps ! Presque un an complet. Je dévale les escaliers et manque de me casser quelque chose en sautant les deux dernières marches, et me stoppais net dans l’encadrement de la porte. Je penchais la tête sur le côté, observant les personnes présentes. Seules les plus proches membres de la famille étaient là et… avec un petit cri de joie, je me précipitais dans les bras de Seven. Contrairement à Ombre, Seven n’était pas là souvent à cause de Poudlard. Du coup j’aimais bien quand il était là. J’en profitais.

C’était un anniversaire tout ce qu’il y a de plus banal quand j’y repensais, mais dans l’esprit d’un enfant de six ans, c’était toujours une journée exceptionnelle. Je passais la matinée dans les jambes de Seven, ravi qu’il soit là ainsi que mes parents, pour une fois. Mes grands-parents avaient eux aussi fait le déplacement. En transplanant, évidemment. J’avais tellement hâte d’intégrer Poudlard pour enfin prouver que j’étais un sorcier, et que je deviendrais aussi doué que Seven. Une fois arrivée midi, c’était l’heure des cadeaux de la famille. Je me demandais si n’importe quel cadeau valait celui d’une famille réunie, pour une fois.

Les cadeaux que je reçus étaient vraiment chouettes, surtout le balai spécial enfant que j’usais et usais jusqu’à mon entrée à Poudlard, mais c’est surtout ce qui s’est par la suite qui me marqua. Alors que la journée touchait à sa fin, mon grand-père s’est approché de moi avec un sourire complice. Il m’a alors tendu un cahier. Intrigué, j’ai levé les yeux les yeux vers lui en prenant son cadeau. « Qu’est-ce que c’est ? » « Ca Achille, c’est une des magies les plus puissantes au monde. » Mes yeux s’écarquillèrent, émerveillé que j’étais. « Une des plus puissantes… C’est quoi cette magie ? » Son petit rire me désarçonna quelques instants. « L’imagination. »

Je dois bien dire que les paroles de Grand-Père restèrent ancrées en moi depuis ce jour-là. L’imagination… Quand Seven est reparti à Poudlard, je dois dire que je m’isolais souvent dans un coin de la bibliothèque familiale pour écrire, pour raconter mes journées ou inventer des histoires, pour lire les ouvrages. Je crois que c’est à partir de ça que ma peur des Moldus s’est développée. A force d’imaginer des histoires dans lesquelles ils étaient les méchants, juste à côté des dragons et des créatures imaginaires, j’avais fini par penser qu’ils étaient maléfiques. Je ne comprends qu’aujourd’hui ce qu’a voulu dire Grand-Père en parlant de magie surpuissante. Au moment où j’écris ces lettres, Sangha me traite de sentimental et de déconnecter de la réalité. Au contraire, je crois que c’est l’écriture qui m’a fait prendre conscience de bien des choses.




« Ouah ! Un vrai Nimbus 1001 ! » J’avais un sourire jusqu’aux oreilles devant le prototype du dernier balai volant de la société Nimbus. Pas encore en vente, le balai alliait finesse et sobriété, et pourtant beaucoup de style. Apparemment, cette version améliorée du Nimbus 1000 était plus stable à haute altitude, et tenait mieux les distances et les accélérations. Si Seven ne m’avait pas tiré derrière lui pour continuer les achats de mon entrée à Poudlard, je crois que je restais toute la journée à observer le prototype. Pas encore sur le marché, le balai m’attiré plus qu’un aimant. En plus, mis à part mon vieux balai spécial enfant qui ne s’élevait pas à plus d’un mètre, je n’avais pas de balai à moi…
Il n’empêche, collé aux basques de mes aînés, je parcourais la grande allée du Chemin de Traverse. J’avais besoin de beaucoup plus d’yeux pour pouvoir tout entr’apercevoir. Mais je voulais aller acheter ma baguette magique en premier. On ne peut pas dire qu’elle me trouva facilement. On m’en fit essayer plusieurs, mais aucune n’allait, si bien que j’entendis râler deux personnes à l’entrée du magasin. Elles n’avaient qu’à aller voir ailleurs en attendant ! Je secouais la tête en essayant une en bois de Charme. Plume de Phénix. Etrangement, c’était pile au moment où je perdais un peu espoir, persuadé d’y être encore pour une heure. J’entends encore sa voix résonner à mes oreilles : « Bois de Charme, Plume de Phénix, 27 cm, Mr. Parkinson. On peut en déduire que vous êtes quelqu’un de talentueux et passionné… Elle vous sera loyale. » J’espère bien.



J’avance, avec le reste de mes camarades. Un peu intimidé, j’étais enfin entré dans la Grande Salle de Poudlard, à la fois impatient et un peu effrayé de savoir où j’allais être envoyé. J’essayais de chercher mon frère et ma sœur dans les rangs des Serpentards, avec une seule pensée qui tournait en boucle dans mon esprit. Je veux être avec eux. Je vois les élèves qui défilent devant moi. Poufsouffle, Gryffondor, Serdaigle, Serpentard, les quatre grandes maisons de Poudlard accueillent leurs élèves à coups de grands cris et d’applaudissements. Et moi, je ne voulais pas être… Bon, d’accord, ce n'était pas une obligation, mais… Beuark. Enfin bref. Je relevais la tête, ils arrivaient aux noms en M. C’était long, y avait trop de monde, j’étais oppressé. Si ça se trouve, le garçon juste à ma droite, il était peut-être né-moldu. Prudemment, par méfiance, je m’écartais d’un ou deux pas, pour me faire un espace vitale d’environ trente centimètres. Ce n’était pas possible de faire passer en premier les Sang-Purs ? Non parce que vraiment… Et pourtant, j’étais obligé de prendre mon mal en patience. Quand finalement, à l’entente de mon nom, je m’approchais du Choixpeau Magique. Et lorsqu’il tomba sur mes yeux, les ténèbres m’engloutirent, laissant uniquement une petite voix résonner dans ma tête, alors qu’un seul mot tournait dans ma tête.L’impact de son poing s’écrasa sur ma lèvre, me propulsant vers l’arrière. Je crachais quelques gouttes de sang, ayant l’impression que ma lèvre était en feu. Il me l’avait ouverte, ce connard de sang-mêlé ! Il sautille sur place, alors que l’envie de lui faire subir la même chose qu’à moi se faisait de plus en plus présente. « Alors quoi abruti ? T’abandonne ? T’fais moins l’fier c’est ça ? » Je crachais de nouveau sur la pelouse, le regardant avec dégoût et rage. Il allait voir ce qu’il en coûtait d’énerver un Parkinson. Sans répondre à sa provocation, je me jette sur lui. On avait commencé ce duel à coup de baguette magique, mais rapidement, on s’était rendu compte qu’on ne s’y connaissait absolument pas assez, et que tout ce qu’on risquait de faire, c’était planter sa baguette dans le nez de l’autre. Ou un truc du genre. Je le fais tomber en arrière, mais il semble bien habitué aux bagarres et il me fait rapidement rouler sur le côté pour prendre l’avantage. Faut dire qu’il vient d’une famille de brutes et de barbares, sang-mêlés qui plus est. C’est dommage, apparemment son père est un sang-pur, mais il a préféré souiller son sang avec cette famille impure. J’encaisse en grimaçant. Il avait raison, je n’avais pas l’habitude de me battre. Seven était beaucoup trop grand, et beaucoup plus pour moi qu’un simple frère avec qui on pouvait se « battre ». Quand à Ombre, et bien… Je n’avais aucune raison de me battre avec elle. Je me débats comme je peux, essayer d’atteindre son ventre avec mon talon, mais sans succès. Son nom, je le connaissais. Son frère, l’autre ahuri Serdaigle, à lunette, l’avait appelé Sirrush. Et il faisait partie de la famille du prof de Sortilèges, Ingherneils. Sirrush Ingherneils, alors. Sauf que non en fait, si on réfléchissait bien, si son père était un sang-pur, c’était impossible qu’il soit un Ingherneils.

J’arrêtais de penser, ce n’était vraiment pas le moment, et fit partir mon poing en direction de sa tempe. J’eus un rictus satisfait quand je constatais, à sa grimace, qu’il était atteint. Mais je n’eus pas le temps de riposter encore une fois que cette brute planta ses dents dans ma main, m’arrachant un hurlement de douleur. Il me plaqua finalement au sol, une main sur mon col, et un genou sur mon bas-ventre. Tout mon corps me lançait, mais qu’il ne compte pas sur moi pour l’avouer. « Alors ? » « Alors quoi ? T’as conscience qu’il faut vraiment être un animal pour mordre les gens comme ça ? C’est pas étonnant, en même temps, à force de fricoter avec des bêtes, vous devez avoir du sang d’animal dans les veines, » lui crachais-je à la figure. Et c’est sans étonnement qu’il arma de nouveau son poing, se rapprochait lentement de mon visage. S’il croit me faire peur. « Tu vas l’dire ou t’as besoin d’un peu d’aide encore ? » Je serrais les dents et préparais une réplique acerbe et blessante comme je savais les faire, mais une voix me coupa, une voix qui venait du groupe d’amis du Gryffondor. « Ouais Sirrush, aide le encore un peu il a pas l’air de savoir ! » Il relève alors la tête, me laissant un moment de répit pour desserrer les dents et haleter légèrement, essoufflé. Je me repris rapidement. Malgré l’avantage qu’il semblait avoir sur moi, jamais je ne le montrerais. « J’vois pas c’qu’il y a à dire ! C’est vrai que ton frangin à l’air d’un coincé d’service avec ses lunettes… » Il baisse le regard sur moi, grondant sourdement. Je soutiens son regard avec un air de défi. Un Parkinson ne baissait jamais le regard devant quelqu’un de son rang à lui. « Toute façon toute ta famille c’est rien qu’une famille de dégénéré, c’est mon père qui l’a dit ! On retrouvera jamais des lunettes chez nous c’est juste parce que vous vous mélangez avec de la vermine que vous en avez bes… »

Un cri de douleur m’échappa quand ses jointures rencontrèrent mon nez. Je voulu répliquer quelques choses mais le goût du sang dans ma bouche me fit plus paniquer qu’autre chose. « Sache enfoiré que ma famille elle vaut trente fois la tienne et qu’au moins nous… On a des dragons ! » « Tu m’as cassé le nez espèce de sauvage ! » Les cris de joie et de victoire de ses amis se répercutèrent dans mon crâne, et une étincelle de rage passa dans mes yeux. Mais j’avais trop mal partout pour répliquer. De toute façon, ce n’étaient tous que des ignorants. S’ils savaient réellement qui il était, qui était sa famille à lui… Ils feraient moins les fiers. J’allais répliquer quelque chose de nouveau, quand le poids sur mon ventre disparut soudainement, alors que le Gryffondor se faisait tirer vers l’arrière. Un professeur. Parfait. « Je peux savoir… Pourquoi j’ai reçu la visite paniqué d’une gamine de première année qui vient m’annoncer que deux petits idiots ont trouvé amusant de se taper dessus dans le parc de l’école ? Mmmh ? » Je fronce les sourcils en roulant sur le ventre, grimaçant, et en me remettant debout. Nez très certainement cassé, hématomes un peu partout sur le corps, et si j’avais une côte brisée ça ne m’étonnerait même pas. Mais ce professeur venait bien de me mettre dans le même sac que le Norvégien ? Alors que c’était lui qui m’était tombé dessus comme une furie ? « Bah… Sûrement parce qu’elle aimait pas le spectacle ? » Je secouais la tête. Encore un de ces abrutis incapables de tenir leur langue, toujours à tenir tête aux adultes. Irresponsables, ce Sirrush faisait partie de ceux qui mourraient tôt. « Je suis vraiment désolé professeur, je… » « Vous ne jouerez pas au petit malin encore bien longtemps Mr Mortensen, vous pouvez me croire. Et comme c’est déjà la quatrième fois ce mois-ci que vous vous amusez à défigurer vos petits camarades, vous allez faire un tour dans le bureau de votre Oncle, je suis sûr qu’il va adorer. 20 points en moins à chacune de vos maisons. Et vous tous dispersez-vous où je vous retire 5 points chacun ! » Mortensen. Le nom resta gravé dans mon esprit, et il dispersa presque la déception d’avoir fait perdre des points à ma maison. Presque. Mais il me confirma qu’effectivement, le Sirrush était une brute irresponsable et bagarreuse. Le professeur nous attrapa tous les deux sans ménagement, m’arrachant une grimace de douleur, et se dirigea vers la grande porte. « Heyyy ! Je proteste ! Les deux premières fois, c’même pas moi qu’est commencé ! » Je levais les yeux au ciel, et lâchais à voix basse à son intention, parfaitement conscient que le professeur entendrait mais pour bien lui montrer que c’était une discussion entre le Gryffondor et moi : « C’est pas fini Mortensen, on verra bien si tu fais toujours le fier la prochaine fois. Et je te prouverais que la pureté des Parkinson vaut tous vos… dragons, dont vous êtes si fiers. » A peine eu-je fini ma phrase qu’une frappe derrière le crâne me renvoya m’étouffer avec le sang qui me coulait toujours dans la gorge. « Vous voulez que je vous aide, Parkinson ? » Je l’ignorais, et plantais mon regard dans celui du Mortensen. Je venais de me faire un rival pour la vie.


Mortensen. Une espèce d’abruti de Gryffondor de premier ordre. Depuis le temps que nous nous connaissions… Depuis cette bagarre, il est devenu mon ennemi attitré. Je n’ai jamais arrêté de le reprendre sur ses origines, et, toujours aussi impulsif, il réagissait toujours au quart de tour. Si je n’avais jamais vraiment fait de vagues de par mon comportement, les rares fois où j’ai fini dans le bureau d’un professeur, Mortensen était à mes côtés. Je ne me lassais pas de le voir réagir comme ça, et sans que je ne me l’avoue, me battre avec lui avait développé mes réflexes et mes muscles. Même si, de plus en plus souvent, quand la situation tournait mal pour moi, je n’hésitais absolument pas à me servir de ma baguette, et lui non plus. Et au fil des années, j’étais de moins en moins amoché. Ou plutôt, disons que la différence de niveau entre nos blessures diminuait. Mais par contre, c’est toujours un abruti impulsif et bestial de sang-mêlé.



Il n’y a pas grand-chose à dire sur le reste de ma scolarité. Disons qu’elle s’est passée  exemplairement, j’essayais toujours de faire honneur au nom que je portais. J’y suis arrivé, je pense. Je dois aussi avouer que ce qui s’est passé cet été était plutôt… étrange ? J’ai adoré ces vacances, vraiment, mais j’ai mis du temps à m’y faire. Presque l’entièreté du premier mois. Parce que ce n’était pas franchement prévu au programme, que ça nous avait été balancé à la figure comme ça. Ces derniers mois n’ont été qu’une suite d’imprévus, et malgré le cadre idyllique de notre lieu de vacances, ç’avait franchement le don de m’agacer. Mon lien avec Sangha par contre, s’est renforcé. Je n’en étais pas mécontent. Les vacances sont passées rapidement, en vérité, mis à part que… c’était un environnement différent, perturbant. Nouveau.
Et puis, on ne peut pas dire que le moyen de protection de Dumbledore a brillé par sa performance. Une petite assemblée, réunissant les élèves les plus douteux d’entre nous, s’est déroulée, à laquelle je suis bien entendu allé. J’avais un peu râlé, mais j’ai bien dû avouer que ma place n’était pas sur le champ de bataille, mais bien à l’abri dans la grotte qui nous réunissait. Et pourtant. En revenant à Poudlard, je devais bien avoué que je n’étais pas mécontent de ce geste des Mangemorts envers le vieux, qui se croyait bien à l’abri. Peut-être que ç’avait été vraiment trop meurtrier, mais il fallait qu’ils comprennent. J’en étais persuadé. Mais… Il y avait quand même une tâche au tableau. Quelques Sang-Purs de famille noble ce sont retrouvés  on ne sait comment dans la bataille et ont… perdu la vie. Des Black, un Rosier… Et Bentley. Un cousin. J’avais encaissé, sans rien dire. Il avait dû être là au mauvais moment. Mais… c’était imprévu. Je n’aimais pas les imprévus.
Tout ça pour dire que jamais ça ne m’éloignera de ma future tâche.