Le front plissé par l'effort et la concentration, le bout de sa langue pointant hors de sa bouche, Ulrich mouvait doucement sa main qui tenait un crayon sur le papier. L'enfant, âgé d'à peine cinq ans, avait un crayon greffé à la main depuis qu'il était en âge de créer son univers sur du papier. Il dessinait leur maison, et essayait de reproduire les membres de sa famille. Concentré, il faisait du mieux qu'il pouvait pour essayer de donner vie à sa famille. Il dessinait depuis une trentaine de minutes, et commençait à être fier de ce qu'il faisait. Après s'être appliqué encore un peu, il courut vers ses crayons de couleur, commençant à donner vie aux cheveux blonds et aux yeux bleus de chacun. Comme presque tous se ressemblaient, il jugea bon d'écrire les noms des membres de sa famille sous leur personnage. Quand il eut enfin terminé, il poussa un petit cri de joie, attrapa son dessin et sauta de sa chaise. Un large sourire aux lèvres, il gambadait dans la maison, trottinant et se faufilant entre ses cousins qui semblaient surgir juste en face de lui. Il serrait son papier contre son torse, comme s'il devait le protéger au péril de sa vie. Déjà grand pour son âge, il n'eut aucun mal à atteindre la poignée qui lui permettait d'entrer dans le salon. Les adultes s'affairaient, mettant la table et semblant faire attention au moindre détail. Sans réfléchir, il se dirigea vers sa mère et lui secoua son dessin sous le nez. « Mère ! Regardez, je nous ai dessiné! » Helga lui jeta un regard distrait, et lui sourit. « C'est très bien, Ulrich. Tu ne veux pas aller jouer avec tes frères? » Il ne remarqua pas son air un peu impatient. Il fit la moue, et se détourna de sa mère. « Je vais l'accrocher là, comme ça tout le monde pourra le voir! » Clama-t-il, enthousiaste. Mais à peine avait-il fait mine de le plaquer contre le mur, son père, qui était juste à côté, le lui arracha des mains sans faire attention. « Ulrich, tu veux nous embarrasser ? Nous recevons la famille de Cressida aujourd'hui, ce n'est pas le moment pour jouer! » Il resta sans bouger pendant quelques secondes, et referma son petit poing sur le dessin désormais froissé que son père lui tendait. « Et ne pleure pas. » Il fronça les sourcils, se retourna et courut jusqu'à la porte d'où il venait. Il  retint les larmes qui menaçaient de couler le long de son visage, et alors qu'il courait pour se rendre dans sa chambre, il buta dans les jambes de son grand frère Orpheus. Il releva le visage vers lui, clignant quelques fois les yeux pour qu'il ne voit pas ses larmes. Puis, il fit une moue, et lui tendait son papier désormais froissé. « Pour toi. » Et il repartit de plus belle, un peu content quand même.


« Mais si jamais je me retrouve à Poufsouffle? » Ulrich était assis à côté de son cousin Julian, les yeux écarquillés, dans le Poudlard Express qui le menait à sa première rentrée à Poudlard. Orpheus, Eurydice, Aloysius, Julian, Cythère... Tous ses aînés étaient à Serpentard. Il faisait sa rentrée  son cousin Amadeus, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer qu'il allait  atterrir chez les blaireaux. Ou chez les lions. Il ne voulait pas. Ça lui faisait peur. À la limite, il savait que ses parents pouvaient accepter qu'il soit un Serdaigle, mais... Pas Poufsouffle. Il ne lâchait pas sa baguette depuis qu'il l'avait obtenu de la main d'Ollivander, fier de posséder désormais ce qui faisait de lui un vrai sorcier. Il savait que le crin de licorne n'était pas le cœur de baguette que son père aurait souhaité pour lui, mais il s'en fichait. Il l'aimait déjà beaucoup. Tout le long du trajet, le jeune allemand fut intenable. Toujours à angoisser, à harceler ses aînés sur les moindres détails de l'école. Quand finalement  Eurydice réussit à lui coller le livre du programme  d'astronomie sous le nez et que tout le monde put enfin avoir la paix, il n'entendit même pas le soupir de soulagement poussé par quelques uns des membres de sa famille . Il était déjà  captivé par ce qu'il lisait, même s'il avait déjà lu tout le livre avant la rentrée. Mais il était toujours effrayé par la perspective de se retrouver affublé d'une cravate noire et jaune.
Il se rappellera toujours avoir vécu sa Répartition avec énormément de stress. Son cousin Amadeus passait avant lui, mais quand ce fut le tour d'Ulrich, il était l'un des seuls élèves restants dans la liste. Il jetait sans arrêts des regards vers la table des Serpentards, essayant de repérer ses cousins , ses frères et sa sœur dans l'espoir qu'il ait quelques encouragements. Quand son nom fut annoncé à haute voix, il grimaça quelques secondes devant le massacre total de son nom de famille, mais on l'avait prévenu. Ses jambes lui semblèrent lourdes, bien trop lourdes, et il tremblait un peu. Quand il s'assit finalement sur le tabouret, il eut juste le temps de croiser le regard de Cythère avant que le Choixpeau ne retombe sur ses yeux.


Ulrich s'étala sur son lit, le dos plaqué contre le matelas. Il soupira profondément, son ventre tellement rempli qu'il avait l'impression qu'il allait exploser. Âgé de dix-huit ans, il revenait du traditionnel repas de famille de Noël . Il était en première année d'enseignement magique, ayant brillamment  passé ses  ASPIC's avec neuf optimal et un effort exceptionnel. Il avait faire honneur à son nom, maintenant il devait récidiver dans cinq ans. Quatre et demi. Ses dernières années n'avaient strictement rien eu de spécial, il avait juste essayé de faire de son mieux. Il avait réussi. Mais apparemment, c'était habituel chez les Von Sachsenheim. Mis à part Julian, tous ses aînés avaient réussi parfaitement leurs études, et il était donc logique qu'il fasse de même. C'était normal. Soupir. Ses yeux menaçaient de se fermer tout seul. Noël était toujours synonyme d'activité, de repas et de stress chez eux. Tout se devait d'être parfait. Et tout l'avait été. Pour l'instant. Il tourna la tête vers la brume qui le suivait depuis quelques jours désormais. Tout avait été parfait, sauf ça. Personne ne savait ce que c'était, et presque tous les Von Sachsenheim de la génération d'Ulrich étaient suivis par cette brume. Tous, sauf les plus âgé. Eurydice, Orpheus, et Aloysius. Le blond poussa un soupir, et se détourna de cette brume. De toute façon, il fallait qu'il dorme. Il n'aurait aucun mal à trouver le sommeil ce soir, mais il devait encore se lever pour se changer. Parce que dormir dans un costume avec un nœud papillon, ç'avait beau être très classe, ce n'était pas franchement pratique. Refusant de forcer sur ses abdos pour se relever, il roula plutôt sur le côté avec un grognement pitoyable. Vraiment, il avait trop mangé. Il se disait ça chaque année en plus, mais c'était plus fort que lui. Tous ces plats devant lui, qui ne demandaient qu'à être avalés, c'était de la torture mentale. Heureusement qu'il n'avait pas spécialement à faire attention à son poids. Manquant de s'écraser par terre, il se releva avec le peu de forces qui lui restaient  et se dirigea vers son armoire, suivit comme d'habitude de sa brume. Il s'y reprit à trois fois pour réussir à enlever son nœud papillon, et grogna contre les vêtements trop compliqués qu'il avait été obligé de mettre. Il remplaça sa chemise par un simple t-shirt, et s'occupait de retirer son pantalon et son caleçon quand il sursauta violemment. « Sincèrement Ulrich t'aurais pas pu trouver un meilleur moment? » Il se retourna violemment, essayant de cacher ses parties avec son bas de pyjama. Il ouvrit des yeux ronds en se rendant compte qu'il avait un animal sauvage dans sa chambre. Un lycaon, plus précisément. « De... Quoi? » Balbutia-t-il, à haute voix. Pourquoi est-ce que ce truc était dans sa chambre, au juste ? Il était tellement perturbé qu'il ne remarqua même pas la disparition de la brume. « Mais au lieu de me regarder comme si j'étais tombé du ciel, met ton pantalon abruti, tu veux que des gens te voient comme ça? » Il fronça les sourcils, agacé. Bien sûr qu'il était tombé du ciel, il sortait d'où ce lycaon qui parlait ? Dans sa tête, en plus ! Et depuis quand ce genre d'animal était pudique ? Et surtout, pourquoi sa voix lui rappelait celle de son père ? « Et arrête de me traiter d'animal ! » Ulrich ne bougea toujours pas. À vrai dire, il ne savait absolument pas quoi faire. Ce ne fut que quand le lycaon se mit à lui gronder dessus qu'il se décida finalement à enfiler précipitamment son pantalon. Il venait tout juste de rencontrer son âme, son Patronus, Sköll.


Les flammes, les cris, les hurlements, les sortilèges qui fusaient dans tous les sens. Ulrich les avaient aperçus de loin, réfugié avec d'autres élèves au courant de l'attaque dans un endroit sûr. Il était terrifié. Son sang semblait s'être glacé dans ses veines depuis des heures maintenant. Il serrait fort son Patronus contre sa poitrine, qui pour la première fois avait révélé sa deuxième forme. Un ourson. Un simple ourson, qui n'avait pas prononcé un mot depuis qu'il avait pris la place du lycaon. Ulrich avait même du mal à se rendre compte qu'il s'agissait du même Patronus, Sköll. Ses bras étaient crispés contre le pelage du Patronus, qui lui-même avait enfoui son museau dans le cou d'Ulrich. S'il avait d'abord essayé de le repousser, il n'avait pas pu résister au regard désespéré de l'ourson. Tant pis pour les états d'âme, tant pis pour sa mésentente avec Sköll. Ça pouvait attendre. Il essaya de ne pas céder à la panique, en se disant qu'il était en sécurité ici. Il se refusait de penser aux autres élèves piégé là-bas, où le combat devait faire rage. Au moment présent, il ne savait même plus pourquoi tout le monde se battait, à quoi cette guerre servait. Il ferma les yeux, et attendit que le temps passe. Que tout s'arrête.
Il était assis dans le salon des Von Sachsenheim, les yeux perdus dans le vide. Il avait lui même l'impression d'être vide. Sköll n'avait pas quitté sa forme d'ourson brun, mais il essayait d'être réconfortant plutôt que chiant comme d'habitude. Ulrich n'arrivait pas à concevoir ce qu'il s'était passé. Il n'y arrivait pas. Il ne pouvait pas... Sa gorge se serra et il eut soudainement l'envie de vomir. Il n'avait plus de grande sœur. Elle était... disparue. À Belize. Elle ne rentrerait jamais. Elle était partie, pour toujours. Et personne n'y pouvait rien. C'était définitif. Plus jamais je lui parlerais, plus jamais je ne rirais avec elle. La mort était... tellement effrayante. Tellement définitive. Il n'y avait rien à faire. Elle ne reviendrait pas. Ses mots passèrent et repassèrent dans son esprit, sans qu'il n'arrive à calmer le flot de ses pensées.  Ulrich releva la tête au moment où son frère passa la porte, et il réprima une expression de surprise . Mes parents l'avaient convié à venir, pour... lui apprendre la nouvelle. Il n'était pas au courant. Ulrich envie de partir, de courir loin. Il n'avait pas envie d'être présent alors qu'Orpheus apprendrait que sa jumelle n'était plus là. Il les salua,  et immédiatement leur mère se précipita sur lui. Leur mère. Elle avait été tellement secouée par ce qui était arrivée, son plus jeune fils ne la reconnaissait presque plus. Mais il imaginait que ça devait être pareil pour lui. Il avait l'impression d'avoir oublié comment sourire, et s'il se regardait dans une classe, il devrait voir des cernes qui devaient faire la moitié de son visage.  « Mais enfin, dites quelque chose. Pourquoi vous me regardez tous avec cet air désemparé ? Et puis où est Eurydice, d'abord ? » Un hoquet s'échappa de la gorge d'Ulrich, et il dût se reteindre d'enfouir sa tête dans ses mains. Leurs têtes d'enterrement durent lui mettre la puce à l'oreille, car son teint devint rapidement livide. Ulrich aurait aimé ne pas entendre la suite. Il aurait aimé pouvoir s'empêcher d'entendre, ne pas rendre la chose réelle. Parce que dans sa tête... Ce n'était pas possible. Non. « Elle est QUOI ? » Ulrich sert les dents. Ne pas pleurer, ne pas pleurer. Alors que son père se met à expliquer plus en détail, il détourne la tête et passe une main dans ses cheveux. Lui aussi, il voudrait que ce ne soit pas possible. Pourtant... pourtant... Son frère venait de quitter la pièce. Ulrich se leva, sans savoir s'il devait céder à la peur, à la colère, ou à la tristesse. Sûrement un mélange des trois. « Aucune cause du monde ne pourra jamais justifier sa mort. » Murmura-t-il, sans réfléchir.  « Ulrich. » Gronda son père, comme un avertissement. Il ne dit rien de plus. Sûrement que son père lui en reparlerait plus tard. Son sang se glaça de nouveau dans ses veines. Il ne voulait pas. Il ne voulait pas devenir Mangemort. Il ne voulait pas que quiconque ici le soit. Il ne voulait pas perdre un autre membre de sa famille. Aloysius était sorti à la suite de son frère, et Hermann indiqua à son troisième fils de le suivre d'un geste. Il s'exécuta, comme un robot.


Il s'était à peine remis de la mort de sa sœur que l'accident du Poudlard Express le secoua presqu'autant. Tous les Von Sachsenheim s'en étaient heureusement sortis indemnes, mais il avait vécu ce qui lui semblaient être les secondes les plus longues de son existence alors qu'on le hissait dans le dernier wagon, quelques minutes avant que celui dans lequel il passait son voyage ne s'écrase finalement dans le vide. Encore une fois, ils avaient frôlés la mort de beaucoup trop près. Il ne comprenait même pas pourquoi l'école restait ouverte après tout ça. Il n'avait qu'une seule envie, retourner en Allemagne pour se barricader dans leur manoir et ne plus en sortir. Ne plus être en danger. Mais il savait que c'était impossible. Leur famille était bien trop impliqué dans cette guerre, à son grand regret. Il aurait tout fait pour les faire quitter la voix qu'ils avaient choisi, trop dangereuse. Mais son père avait été clair avec lui. Jamais plus il ne devrait parler de leur combat comme cela. Et il devrait les rejoindre ses études finies. Il ne devait plus avoir de doutes. Sur son lit dans son dortoir, il soupira. Il avait de plus en plus peur, et était de plus en plus inquiet pour toute sa famille. Qu'est-ce que  ce serait la prochaine fois ? Carrément un assaut contre le château. « N'y penses pas. » Ulrich grommela une réponse incompréhensible, et se retourna finalement dans ses couvertures. Il fallait qu'il dorme. Il ferma les yeux, espérant sincèrement que l'avenir s'annonçait radieux. Il en doutait.