Je la regarde et je sais que quelque chose ne va pas. Son teint est trop pâle et je crains le pire. Une boule se forme au creux de mon estomac et mon visage se tord. Elle est allongée là, dans un lit blanc, entourée de mur et de machines reliés à son cœur. Des bips sonores retentissent dans la pièce, des bips incessants. Une main se pose sur mon épaule et je tourne la tête vers Papa. Il me regarde gravement et je comprends que ça ne va pas s'arranger. Ça ne va jamais s'arranger. Il n'était jamais là, mon père. Pendant les années qui ont suivi, maman disait qu'il travaillait tard. Trop tard à son goût. Elle ne le voyait presque jamais et lui hurlait dessus dès qu'il rentrait trop tard. Ça l'inquiétait, parce qu'avant, il ne faisait jamais ça. Mais mon père, il n'est pas vraiment un père pour moi. Pourtant, c'est bien lui qui m'a enfantée. Mais allez savoir pourquoi, il ne sait jamais comment se conduire avec moi et quand il rentre enfin après ces longues semaines, ce n'est pas pour se réjouir de notre présence. Alors, j'aimerais bien lui tenir la main à mon père. J'aimerais bien me réfugier dans ses bras parce que je suis triste et que maman ne va peut-être pas s'en sortir. Sauf que ce serait comme se morfondre dans les bras d'un inconnu. Quoique, même un inconnu saurait comment prendre soin de moi. Alors je tourne mes yeux vers ma mère qui se repose, mais elle me regarde. Elle sait qu'elle ne va pas tenir très longtemps et elle souhaiterait garder une nouvelle fois en mémoire mon visage. Mon visage semblable au sien. Et quand je pense à ça, je sens un creux se former de plus en plus béant dans ma poitrine et une montée de larmes se bloquer au niveau de ma gorge, ne voulant pas aller plus loin. Je souffle tandis que ma peau frôle la sienne. Le contact de sa main est chaud et rassurant. Pendant une seconde, j'oubliais la femme couchée sur un lit d'hôpital et je revoyais ce visage rayonnant pencher vers moi. Avec un sourire chaleureux et un regard pétillant. Mais l'image de sa peau sèche, de ses cernes rouges, de cette grimace de douleur et de la peau blanche me revient en mémoire. Maman ne sera plus jamais rayonnante, plus jamais.


« Je t'aime. » Bip, bip, bip. Sur ces derniers mots, la machine s'emballe et un long trait dans un son aiguë alarme les médecins. Des tonnes de blouses blanches envahissent la petite chambre. On me tire en arrière. Avec surprise, je découvre un bras qui me tient fermement pour laisser passer les docteurs. Mais l'homme à lunettes qui était le médecin de la famille se tourne vers nous. Son visage torturé suffit à me faire comprendre que je ne reverrais plus jamais on visage, sauf dans mes rêves et dans mes souvenirs. Mes larmes roulent et je n'arrive pas à les contenir. Mon père porte une main sur son visage choqué et triste. Il s'en va de la chambre et me laisse toute seule avec les tonnes de blouses blanches. Je les regarde replier le drap sur le visage sans vie de ma mère. Je suis toute seule. Elle m'a laissée toute seule avec lui. Avec cette inconnu qui est mon père. J'ai dix ans, je m'appelle Flint et je viens de perdre ma mère.

Les jours ont défilé à une vitesse que je n'ai pas su identifier. Je pensais qu'avec mon père, on allait tout surmonter tous les deux. Je pensais qu'entre père et fille, on se serrait les coudes. Sauf qu'en fait, ça fait plusieurs jours qu'il ne quitte pas sa bouteille de Whisky. Son regard est triste, voilé par un sentiment de peine immense. Alors je tente de lui parler. Sauf qu'il dévie toute conversation et comme je deviens énervante, il me met chez mamie. Mais le pire, c'est qu'il ne sait pas comment s'y prendre avec moi. Il me parle, comme s'il parlait à un gamin normal. Il n'est pas familier du tout avec moi et il est très maladroit. Mon père ne sait même pas entamer une conversation à table. Puis il y a eu cette lettre un jour. Une lettre qui me disait admise à l'école de sorcellerie Poudlard. J'étais heureuse. Parce que j'allais enfin quitter cette maison morose, où planait un immense deuil lourd, très lourd. Et puis mince, de la magie quoi ! Alors oui, j'étais heureuse. J'avais plus que hâte de rejoindre un monde qui m'était totalement inconnu. Un monde que mon père connaissait bien, puisque lui aussi est sorcier. Sauf qu'il ne m'est d'aucune utilité. Il ne m'aide pas. Il ne m'explique pas. Je vais aller dans une école où j'ai aucune idée de comment on s'y prend. Heureusement que mamie, elle est là. Elle sait. Mamie est une sorcière. Elle m'a emmené faire les petites courses dont j'avais besoin. Et c'est trop génial, parce que j'ai eu une baguette magique ! Et une très belle chouette effraie. Mamie m'a dit que je pouvais l'appeler comme je le souhaitais. Alors je l'ai appelé Valaërys. Et puis il y a eu ce jour où je suis enfin arrivée à Poudlard. Les gens sont merveilleux là-bas vous savez. Je vous avoue que j'ai eu un peu peur du chapeau qui parle, mais j'étais plus qu'enchantée de rentrer dans ma maison. Mais je ne pouvais pas me défaire de l'inquiétude qui me rongeait de savoir mon père seul, dans sa tristesse. Je me faisais sans arrêt du souci. Et quand je rentrais pour les vacances, il était là, mais il n'avait pas changé. Il passait aussi ces soirées aux Trois Balai, à faire des choses avec certaines filles aux cours de la nuit. Ça ne me plaisait pas, pas du tout. Alors, j'ai promis que j'irais passer mes vacances chez Mamie, maintenant. Et... Il y a eu Kenneth. Un sort raté par le ministère de la magie, mais qui nous a tous touchées. Vous vous imaginez du jour au lendemain vous retrouver face à face avec votre husky qui parle ? Non, moi non plus. Et pourtant, il est bien là. Chaque jour, je sens son esprit se mêler au mien. Je ressens tout ce qu'il ressent. Et par moment ça me joue des tours parce que j'ai encore du mal à faire la différence entre ses émotions et mes émotions. Mais Kenneth, je n'imagine pas ma vie sans lui. C'est une partie de moi, son contact familier me réchauffe le cœur quand ça ne va pas.