Au commencement, à la naissance, nous sommes seuls, rien d'autre ne compte que nos pleurs, nos cris que nous lançons à pleins poumons pour tenter d'exister. J'ai lutté pour vivre, j'ai fait vibrer mes alvéoles comme tous les autres bambins. A la différence que je n'étais que le deuxième cette nuit là à crier pour soulager la même mère. Le deuxième pour prendre la tête d'un duo sacré : Benton Caïn et Adonis Abel. Notre père rayonnait de bonheur d'après ce que l'on me raconta de cette nuit là. Deux garçons d'un coup, de magnifiques petites têtes brunes dès la sortie du ventre de leur mère. Ténèbres, de grands yeux d'un vert étonnamment foncé. Il ne pouvait rêver plus grand pour la pérennité de sa famille. Nous nous ressemblons jusqu'à la couleur de nos cheveux lorsqu'ils sont éclairés par le soleil. Ne diffère que notre regard et encore vous faudra-t-il y rester plonger pendant quelques secondes pour vous rendre compte des quelques points noirs qui se disséminaient dans l'émeraude de mes iris. Abel possédait ce vert sans défaut, bien plus s'y sont laissés noyer. Delliha nous ressemble tout autant. Mais c'est différent.


Le parc de notre maison est immense, l'herbe n'y était jamais trop coupée, en comparaison au massacre que faisaient les tondeuses moldues. Lorsque le vent ne soufflait pas trop fort, nous allions nous chamailler dans le petit bois qui bordait notre propriété en banlieue londonienne, Adonis et moi. Nous ne faisions que ça, nous battre en riant. Toujours crasseux en rentrant pour dîner, mère nous disputait alors que père nous regardait d'un regard bienveillant. Delliha était enfermée dans une tour. Une tour trop haute, trop bien gardée pour que je m'y aventure. Il y avait un dragon à l'entrée. Ca nous faisait rire de comparer mère à un dragon. Elle ne devait pas beaucoup rire, la petite fille, sans cesse sermonnée et appelée à l'étude. Et même si je la plaignais, je n'avais pas l'étoffe d'un héros, jamais je ne m'aventurerais sur les marches en pierre de cette édifice. Ma bulle était trop confortable pour que je la laisse s'éclater. Delliha était une fille, elle ne s'amuserait pas avec nous de toutes manières. Egoïste, je gardais Abel pour moi seul, Dely vivait sa vie et nous vivions la notre. Mais mon frère ne supportait pas cette situation alors je faisais des efforts. Enfin, de tous petits efforts...

Un jour d'été, nous n'avions pas plus de sept ans, Delliha déboula dans le jardin, elle courrait vers nous. Abel était heureux, beaucoup trop, il m'oubliait presque. Alors je courrais, trop vite pour qu'elle ne puisse plus nous rattraper. Je lançais les jeux qui demandaient le plus de force. Elle riait, toujours, heureuse de sa liberté. Son visage s'illuminait, brillait au milieu des fleurs. Sept ans, je la regardais, elle était magnifique. On aurait dit que toute la grâce du monde était enfermée en elle. Je détournais le regard, ce n'était pas une petite fille ordinaire, c'était sa sœur, une princesse magnifique quoiqu'il en pensait. 

Dès ce jour, je ne cherchais plus à l'éloigner, mais mère le faisait pour nous. Elle était rentrée toute sale, comme nous le faisions tout le temps, Mère était entrée dans une fureur noire, inarrêtable. Je n'osais plus approcher ma sœur, je ne voulais plus que cette horrible femme lui fasse mal, encore. Oscar était là, notre grand frère était là, il veillait sur elle, pourquoi s'en soucier…? A cette époque, je ne savais pas, comment deviner que notre modèle nous quitterait. De la façon la plus horrible qui soit. Renié pour incompétence : pire que mort ;

La lettre pour Poudlard arrivera, son lot de satisfaction et de fierté avec. Mais nos parents bien trop occupés, n'avaient pas pris le temps de s'attarder sur la nouvelles. Alors nous sommes partis : sur la côté méditerranéenne en compagnie de notre tante : la mère de Léandre. Notre villa est immense, loin des touristes moldus. Nuit noire, la lune se baigne lascivement dans les eaux profondes de la mer de toutes les cultures. Au milieu de cette lune pleine, une bouée rouge flotte. Elle fait tache dans ce tableau parfait. Que fait-elle là ? Alors les jumeaux courent. Nous courrons. Abel crie à Delly de nous rejoindre. La course commence. Mes bras s'accélèrent dans un crawl parfait. Tout donner pour atteindre ce point rouge avant Adonis. Delliha, elle ne compte pas. Elle ne nous rattrapera pas. Alors je jette un œil vers mon adversaire. Il est immobile. Pourquoi ne voulait-il plus jouer ? Ne plus concourir ? Je veux continuer mais mon instinct me pousse à m'arrêter. Delliha n'es plus là ou presque. Une masse coule doucement. Des petits cercles se dessinent au dessus du corps inerte de notre sœur. Alors je crie en direction d'Adonis. « Bouge putain. » Je me tais et je nage. Il n'y a plus que ça à faire. Pas un instant je me demande comment serait le monde sans elle. Un monde où Adonis ne sera qu'à moi. J'ai agité les bras comme jamais. La bouée rouge, je l'entends rire derrière moi. J'ai plongé pour récupérer mon bel ange, ange déchu. Ta tête ballottait sur mon épaule alors que je te ramenais difficilement jusqu'au rivage. Il ne bougeait pas ce con. Alors j'ai arrêté de l'appeler. Je t'ai ramené sur le sable et j'ai crié. Crié si fort, tu ne t'imagines pas. Des noms, des suppliques. Tu ne respirais plus. Ton corps était bleue et tes lèvres grises. Tes cheveux empreints par le sel collaient sur ton visage. J'ai collé tes lèvres contre les miennes. De toutes mes forces. Je voulais que tu respires. J'ai massé ton torse frêle d'enfant pour que tu survives. Tu es revenu à toi une quinzaine de minutes. Avant de replonger alors que l'ambulance t'emmenait loin de notre méfait.

Benton l'imbécile, Benton trop impulsif, dangereux pour les siens. Les mots de mon père restèrent ancrés. Je crois que c'est à ce moment précis que j'ai détesté ce prénom que l'on m'avait donné. Benton, cause de tous vos malheurs : la peine morbide d'Adonis et l'inconscience inquiétante de notre petite sœur. Elle continue à me faire du mal, de me voler à ceux que j'aime, même endormie à Sainte Mangouste. Je ne me rends pas compte qu'elle est en train de s'éteindre. Elle se fait juste attendre la princesse capricieuse. Mais tu souffres, te débattant avec l'eau qui engorge encore tes poumons. Bats-toi Delliha, bats toi. Je ne pourrai jamais me pardonner d'avoir enlever son cœur à Adonis. Je devrai être suffisant à le combler. L'enfant de onze ans tape du point sur la table.

La possessivité, la jalousie. Ca enchaîne son serviteur à jamais. Adonis, tu es mon prisonnier. Jamais je ne te lâcherai. Pour fiancée, coup d'un soir ou ta sœur parfaite. Notre sœur parfaite. Qu'est-ce qu'il me manque pour que ma lumière te suffise ?

Elle était rousse. Son innocence apparente cachait son intelligence acérée. Combative, addictive. Elle s'appelait Ella Darkwood. Son nom est inscrit sur le mémorial au milieu du parc de Poudlard. Moldue.

Elle déboule dans la grande salle. En pyjama à l'heure du petit déjeuner. La colère rend ses tâches de rousseur lumineuses. Une cascade de cheveux roux balançait sur ses hanches. Je crois que c'est cette furie incendiaire qui m'a eu. Ca m'a atteint au plus profond de mon bide. Lysandre, mon patronus a montré les dents sans raison au monde qui l'entourait avant de venir se blottir entre mes jambes en couinant. Ce petit renard argenté était tout aussi jaloux que moi. Plus ? Impossible. Je l'ai suivi des yeux alors qu'elle tenait par le col ce qui semblait être un garçon de sa maison : Serdaigle. Je me suis levée précipitemment, Adonis, au loin m'observait. Ma robe suivait mes mouvements alors que je courais vers mon dortoir, un toast à la main. C'étant un an avant que la locomotive du Poudlard express déraille.

Je l'ai admirée au loin sans jamais l'approcher. Elle devait nous détester. McLeod, réputation sombre. Née-moldue mais pourtant tant de fierté. Je me dégoutais. Je le savais, je le sentais. J'aimais une fille de son espèce. Si père l'apprenait. Un jour j'ai pensé la coincer dans un coin sombre. L'asservir comme les gens de son espèce le mérite. Mais je ne pense pas comme ça, je n'ai jamais pensé comme ça. Je laisse la haine à père et la peur à Adonis. Alors j'ai juste attendu comme un gamin qu'elle vienne vers moi. Attendu sans rien faire. Pathétique de la part des célèbres jumeaux. Ces jumeaux McLeod capturants tout plaisir, toute chair qui s'offraient à eux.

Je n'aurais pas du attendre si longtemps. Y penser tout un été. Elle fut tuée. Violemment par ceux qui se réclament du lord.



J'explosais. J'ai gueulé comme jamais, Adonis a tenté de me calmer, ce perfide lâche. Horrible créature qui partageait les idées des coupables. Il ne sait même pas pourquoi je crie. Il n'a jamais su. Jamais. Peut-être l'a-t-il deviné. Je le soupçonnais de faire partie de ce groupe de gens. Toujours de mèche dans les manigances de père. Toi le préféré. Qu'il brule comme l'enfer… Je l'ai frappé tellement fort. Rien à voir avec ces chamailleries de gamins. Je lui ai crié quelle merde il était de suivre au mot les principes de la famille au point de la renier. Sa lâcheté était sans limite. Comme ma violence. Je n'aurais jamais permis être séparé de toi Adonis, comme ils me séparaient d'Ella. Jamais, et dans un naturel déconcertant, dans des gestes à la fois teintés de violence et de tendresse, on mit les draps de ma chambre sans dessus dessous. Tu pleurais, mon visage resta impassible. Qu'avait-on fait?

Depuis ce jour, Lysandre n'a plus jamais repris son ancienne forme de renard, préférant aujourd'hui celle d'un lion.

Je ne prêtais pas attention à la famille, aux politiques internes. Je laissais faire, je laissais servir. Servir celui qui m'a enlevé mon amour, m'a délivré de l'emprise de cette sorcière au sang impur. Quel sort m'avait-elle jeté ? Je ne les laisserai plus faire. Plus maintenant. Maintenant, je prends les raines.

Adonis et moi retournâmes à Poudlard, comme si de rien était.
Ella n'était plus, les couloirs étaient vides. Alors je te promets Dely, ma belle Delliha que je ferai tout pour veiller sur toi à sa manière. Pour ton plus grand malheur. Je ne m'excuserai jamais assez d'avoir douter de toi, de mes sentiments à ton égard. De t'avoir exclue, même si je ne l'avouerai jamais complètement. Je t'aime Dely . Trop. Est-ce trop tard pour m'en rendre compte ? Fuis, fuis. Tu remplaceras mon soleil. Tu es pourtant si belle. Je ne veux plus perdre ce que j'aime. Loin de mes griffes acérées. Celles de la possessivité morbide.