13 décembre 1952 : Naissance de Galatea Flint.
13 décembre 1958 : On lui offre son premier balai le jour de son sixième anniversaire. Elle ne le quittera plus jamais.
1964 : Entrée à Poudlard. Placée dans la maison serpentard.
1966 : Intégration de l'équipe de quidditch des serpentards en tant que poursuiveuse.
1969 : Mort de ses parents dans des circonstances obscures. Recueillie par Monsieur Nott, le meilleur ami de son père.
1972 : Introduite chez les mangemorts par Monsieur Nott.
1975 : Fin de sa scolarité à Poudlard. Recrutée en tant que poursuiveuse par l'équipe des harpies de holyhead. 
1977 : Chute lors d'un match aux conditions météorologiques épouvantables. Forcée à la retraite.
1978 : Recrutée à Poudlard en tant que professeur de vol. Approche Evelyn Stuart-Crownwel à la demande de Monsieur Nott.
Janvier 1980 : Est au courant de l'attaque mais n'y participe pas. Chargée de se donner un beau rôle pour renforcer ses positions au sein de Poudlard, et de facto, renforcer celles des mangemorts.
1981 - 1982 : Infiltre les disciples de Shacklebolt avec d'autres mangemorts. Devient l'un des visages du groupuscule du fait de sa notoriété de joueuse de quidditch. Participe aux enlèvements.
Mars 1982 : Se compromet émotionnellement auprès d'Evelyn.
Décembre 1982 : Disparaît avec Evelyn, venue frapper à sa porte pour demander de l'aide. Coupe les ponts avec Monsieur Nott et les mangemorts. Ne fait jamais la rentrée d'hiver à Poudlard. Elles se réfugient dans le monde moldu.
Début Juin 1983 : Rejoint Godric's Hollow avec Evelyn. Sa position actuelle est compliquée : traîtresse pour les uns, disciple de Shacklebolt notoire pour les autres. On débat encore de son sort parmi les résistants.



L'adolescente scrute l'urne funéraire. Le menton bien haut, les larmes fictives, elle laisse le deuil s'exfiltrer des craquelures qui sillonnent le myocarde. Galatea n'est pas triste. Ou pas autant qu'elle devrait l'être. Ils étaient ses parents, oui. Et puis quoi ? Ils n'étaient ni aimants, ni attentifs. Tout juste des inconnus qu'elle croisait dans les couloirs du manoir, lors des vacances d'été. Elle ne les déteste pas. En réalité, ils l'indiffèrent. Ils l'indiffèrent tant que c'en est dérangeant. Alors elle feint quelques larmes de rigueur, pour les vautours venus se repaître sur les carcasses des grands, des puissants Flint. Il faut au moins ça pour convaincre l'auditoire, pour préserver toute la superbe de cette image dynastique soudée. Car c'est à peu près tout ce qui lui reste et tout ce qu'elle a, spirituellement, jamais hérité de sa famille : la réputation. Elle ne laissera personne s'engouffrer dans les failles de cette mésentente pour la bafouer.

Un bras entoure ses épaules, mais l'attention ne dévie pas. Ses pupilles refusent. Son corps refuse. Elle n'est pas triste, non ? Alors pourquoi cette masse palpite contre son cœur en menaçant d'en crever les parois ?

« -Il étaient des gens biens.
-On sait tous les deux que non. »

Sans haine, aucune, Galatea souffle de façon à ce que personne d'autre que son interlocuteur ne l'entende. Lui aussi, il l'indiffère. On ira même jusqu'à dire qu'elle le déteste. Elle ne le connaît pas, pourtant. Pas vraiment. C'est précisément ce qui doit lui faire peur. Et de cette peur naît la haine. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle n'a jamais pu dissocier l'image de Monsieur Nott à celle de son géniteur, Atlas Flint. Il est trop comme son père. Il lui rappelle trop son père. Un père qu'elle ne connaît pas et qu'elle ne veut pas connaître. Il l'a abandonnée. Ils l'ont abandonnée. Elle ne veut pas le connaître. Ni lui, ni son nouveau substitut en la personne de Monsieur Nott.



Son visage se balafre de larmes et d'une douleur térébrante. Ses phalanges froissent l'édition de la gazette des sorciers qui annonce sa chute, qui l'exhibe sur sa première page, même.

« Galatea Flint : une étoile qui s'éteint... Quelle blague ! »

Elle rumine, comme d'avoir trop lu le titre. Les mâchoires se crispent, les dents grincent. Les feuilles du journal volent à travers la chambre d'hôpital alors que les mains s'écrasent contre les tempes. On dirait qu'elle ne réalise pas encore ce qui se passe, qu'elle va se réveiller de ce cauchemar d'une seconde à l'autre. Mais non. La douleur est bien présente, là, dans son flanc bandé et dans ses jambes broyées.
Le discours du médicomage ricoche amèrement dans la tête. Sans magie, vous ne seriez plus de ce monde, mademoiselle Flint, vous êtes très chanceuse. Chanceuse ? Chanceuse ?! Sa carrière vient tout juste de déflagrer en un tas de cendres fumantes. Et elle devrait s'estimer redevable ? Qu'est-elle donc, sans souafle et sans balai ? Rien. Elle n'est plus rien, précisément. La souffrance entaille les chairs et les sentiments. Et puis le vide. Le vide s'engouffre dans la carcasse. Un vide sidérant, un vide angoissant.

« -Qu'est-ce que je vais devenir ?...
-Tu t'en sortiras, mon amour. Tu t'en sortiras, comme toujours. »



Les levées de fonds commencent sur les chapeaux de roues. Le gala bat son plein. C'est le premier. Et tout est fait pour qu'il reste gravé dans les esprits. Les robes se déploient, les couples dansent au gré de la musique. Galatea ne danse pas, non. Assise à l'une des tables d'honneur en tant qu'égérie et généreuse donatrice, elle affiche un sourire impeccable malgré la douleur qui lancine le flanc. Sa hanche la fait souffrir, depuis quelques jours. Ça la lance périodiquement, depuis sa fameuse chute de février soixante-dix-sept. Elle s'est habituée. Elle s'est habituée à cacher cette souffrance, surtout. Il n'y a qu'une personne qui puisse voir au travers de son masque. Peut-être deux. Elle est encore indécise sur la seconde.

« -Depuis combien de temps ça dure ?
-Il va falloir être un peu plus spécifique. »

Lui est la première. Mais Galatea est à peu près certaine qu'il n'est pas question du mal qui l'afflige. Elle n'est plus assez naïve pour rêver d'attention paternelle depuis au moins quinze ans. Et malgré l'étrange sympathie (on ira parfois même jusqu'à dire tendresse) qui les lie l'un à l'autre, son opinion ne diffère pas.

« -Depuis quand tu la regardes de cette façon ?
-Je t'ai déjà dit d'arrêter de fouiller dans ma tête.
-Je n'ai rien fouillé du tout. Je vous ai vues. Ou plus spécifiquement, je t'ai vue toi, la regarder. »

Elle n'est pas à nier non plus. Ni à demander pourquoi ça l'intéresse, ou comment il sait. Ça n'a pas d'importance. Il y a une autre question qui en a, en revanche, de l'importance : est-ce que ça le dérange ? Il y répond avant même qu'elle puisse la formuler oralement. Le visage demeure figé dans la bienséance, mais le cœur mortifié palpite au moindre mot. Elle n'aime pas plus que lui ce qu'Evelyn provoque en dedans. C'est dangereux. Terrifiant.

« Attention à ce que tu fais, Galatea. »



Un verre de vin à la main, Galatea siège à la table professorale. Les conversations ricochent contre les murs de la salle commune. Le banquet donné en l'honneur de la victoire poufsouffle au quidditch bat son plein. Tout le monde rit. Tout le monde sourit. Elle sourit, aussi. Mais juste en façade. Elle est uniquement présente parce que les conventions sociales l'y obligent. Parce qu'elle veut féliciter silencieusement Evelyn, aussi. Surtout parce qu'elle veut féliciter Evelyn. Les regards se croisent brièvement, d'ailleurs. Un regard de dix secondes qui en paraissent mille. Quand ça s'interrompt, elle juge que son minimum de présence syndical a été atteint.

Elle s'excuse et s'éclipse. Ça crépite étrangement entre les reins. Elle a besoin d'une douche. Froide.

Et c'est en peignoir, à la hâte, les cheveux encore humides, que Galatea ouvre la porte de ses appartements quand on vient y toquer. Elle s'attend à découvrir n'importe qui, là, derrière le battant. N'importe qui, sauf Evelyn. Son cœur et son souffle ne savent plus fonctionner, mais un sourire mécanique, bien poli et bien brossé, s'incruste sur le faciès.

« -Evelyn ? Je peux t'aider ?
-Je voulais vous remercier pour vos précieux conseils, professeure. C’est grâce à vous que j’ai pu rejoindre l’équipe cette année.
-Ce n'est rien, voyons. Ça m'a fait plaisir... »

Les mises en garde de son tuteur résonnent dans la tête. Cette rencontre la gêne. Autant que les effluves d'alcool qui empestent son élève. Si elle en crève d'envie, Galatea a beaucoup trop de dignité pour tirer avantage de la situation. Et beaucoup trop d'affection pour laisser Evelyn errer dans les couloirs dans un état pareil. Elle tire sur un pan de la robe pour l'inviter à entrer. Instinctivement, les yeux regardent de l'un et de l'autre côté du couloir avant de refermer la porte derrière elles. Le temps d'enfiler une tenue décente, et elle la ramènera aux dortoirs.

C'est ce que Galatea fait : elle se change. Rapidement. De peur qu'on soit entrain de perpétrer un crime, de l'autre côté du battant de la salle de bain. Elle parle tout du long. De tout. De rien. Pour garder Evelyn éveillée. Alors qu'elle s'apprête à sortir, les yeux fixés sur le haut de son chemisier pour y agrafer les derniers boutons, l'étonnement la happe quand elle découvre son élève plantée là, juste derrière la porte. Ça la prend de court. Tellement que les yeux ont le temps de dériver partout sur la peau, dans le cou, sur les lèvres. Surtout sur les lèvres. Les instincts étranglent le bon sens. Les braises de l'entrecuisse carbonisent la conscience. Un instant, rien qu'un court instant, Galatea perd le contrôle millimétré dont elle a besoin en présence d'Evelyn. Un court instant qui lui donne le temps de poser ses lèvres sur les siennes. Et c'est sucré. Beau. Terriblement triste, aussi. Ça ne dure pas longtemps. Jusqu'à ce que la lucidité s'insurge et que l'odeur de liqueur lui rappelle ses devoirs. Un sourire malheureux pourfend les lèvres alors que le revers de la main tombe de la mâchoire.

« On va te ramener chez toi, d'accord ? »



« Professeur Flint, puis-je avoir un mot s'il-vous-plaît ? »

Galatea interroge du regard et suit la silhouette derrière les gradins, à l'abri des regards des élèves. Ce n'est pas une heure de cours. C'est une heure de colle. Ils peuvent se débrouiller sans elle, ils n'ont qu'à continuer d'astiquer l'équipement.

Les bras croisés sur sa poitrine, les sourcils à moitié froncés, elle fixe l'inopportune avec une impatience qui bouillonne. Adelaide Lehner, bibliothécaire de Poudlard, la vingtaine tardive. Charmante. Blonde. Un piètre substitut. Ça siffle entre les dents, ça peste au malaise silencieux qui s'étire douloureusement entre elles. Il vient davantage d'Adelaide que de Galatea. En réalité, Galatea n'en a rien à faire. Et c'est plutôt de là que tend à naître son propre malaise : de son indifférence la plus glaciale.

« -Tu as besoin de quelque chose ?
-Pourquoi tu fais ça ?
-Pourquoi je fais quoi ?
-C'est la troisième fois que tu les colles, ce mois-ci. Les mêmes élèves. Pour insubordination. Encore. Alors qu'on sait tous que les poufsouffles sont les élèves les plus adorables qui soient.
-Est-ce que quelqu'un s'est plaint ? Est-ce que c'est seulement à propos d'eux, ou est-ce que c'est aussi à propos de nous ? »

Le manque de réponse en dit long. Un sourire torve et effronté écharpe la bouche. Galatea se rapproche à une distance où elle peut sentir le souffle s'écourter contre sa peau. Le regard jauge d'une façon qui a l'air de dire c'est bien ce que je pensais. Elle bloque la bibliothécaire contre une poutre en bois et écrase son corps contre le sien. Sa main remonte sous la jupe alors que les lippes se posent sur le cou. Il n'y a pas d'amour. Pas d'affection. Il y a Galatea, blessée, qui a envie de prendre pour oublier. Dix secondes. Quinze. Une minute. Deux. Vingt.

Elle n'anticipe pas la paume qui frappe sa joue avec violence. Ses phalanges massent sa mâchoire. Au moment même où elle recule, Adelaide s'enfuit.



Galatea crache un mollard glaireux et sanglant. Le dos courbé, appuyée d'une main contre un mur de briques, son regard ne remonte pas tout de suite à ses assaillants. Elle essuie le coin de sa bouche d'un revers de poignet, tousse à nouveau quelques gouttes d'un liquide carmin. Son souffle est lourd, réduit à minima. Son flanc la fait affreusement souffrir.

Ce genre de passages à tabac devient de plus en plus récurrent, depuis qu'elle est arrivée à Godric's Hollow. Elle a essayé de faire profil bas. Mais il a suffit d'une seule personne. D'une seule personne qui la reconnaisse pour que dix autres se manifestent. Et la rumeur d'une mangemort réfugiée s'est répandue comme une traînée de poudre. On a cherché à l'interroger, évidemment. Forcément. On l'a même retenue captive plusieurs jours durant. Elle a coopéré. Pour Evelyn, elle n'avait pas d'autres choix que de coopérer. Après qu'on en ait tiré tout ce qu'on en avait à tirer, et que son alignement eut plus ou moins été dessiné, on l'a libérée sous couvert qu'elle pointe matin et soir. Alors elle pointe. Matin et soir. Religieusement. A 8H et à 20H. Elle attend. Elle attend le jour où, fatalement, on réussira à déterminer l'ampleur de son implication avec les mangemorts. Le jour où, fatalement, on l'enfermera à nouveau, cette fois pour de bon.

Galatea n'est pas assez naïve pour croire en la rédemption. Elle n'est pas assez naïve pour croire au pardon. Et la haine qu'elle attise lui donne raison. Des résistants, des victimes, des orphelins de parents, des parents orphelins. Ma femme est morte à cause de vous. Mon fils n'avait que quatre ans, sale monstre. Ça, c'est pour nos camarades. Il n'y a pas un jour qui se passe sans qu'on l'insulte ou qu'on la blâme pour la mort de quelqu'un. Parfois qu'on la frappe.
Comme aujourd'hui. Comme maintenant. Elle ne s'offusque pas, ni ne s'insurge. Elle comprend. Elle sait aussi qu'ils finiront par se lasser, si elle ne réagit pas. Alors elle ne réagit jamais. Elle baisse le regard. Elle attend qu'on ait passé ses nerfs. Et elle rentre lécher ses plaies.

Au moins, Evelyn est en sécurité. C'est tout ce qui compte.