Now and then I think of when we were together...
Marcus est né en Angleterre d’une famille noble, et il fut un temps, très riche. De sa richesse d’ailleurs il n’en garde plus que le nom, car au final il est parfaitement sans le sou. L’homme a cependant eu un début d’éducation très respectable à Poudlard, il n’avait certes pas des notes frisant la stratosphère mais s’en sortait de manière plutôt honorable. Ancien Serdaigle, il aimait alors filtrer avec les jeunes demoiselles, amuser la galerie, découvrir, transgresser. Il avait plusieurs amis, mais était tellement impulsif, avait tellement soif de liberté et d’Autre Chose que finalement ils n’arrivaient plus à le suivre. Marcus ne s’arrêtait pas pour ceux qui allaient moins vite que lui, métaphoriquement parlant. Sa vie était une course perpétuelle dont l’arrivée s’étirait de façon indéfinie à l’horizon, et à cette période, il comptait bien l’approcher le plus possible. L’exception confirme la règle, le jeune garçon de l’époque s’est stoppé une seule et unique fois, pour une seule et unique personne, son meilleur ami de l’époque. C’était l’antithèse de Marcus, un mec renfermé, un peu perdu et qui ne recherchait la compagnie de personne. Concrètement, il n’avait sûrement pas voulu à l’époque qu’on le dérange, et il avait dû percevoir cet espèce de mécheu qui semblait sous speed comme tout, sauf une bonne nouvelle. Leur première rencontre eu lieu au milieu du parc, c’était l’hiver, de gros flocons tombaient sur le sol déjà couvert d’un manteau neigeux d’environ cinq centimètres. Marcus avait séché les cours, ce jour-là, emmerdé au plus au point par les potions auxquelles il ne comprenait absolument rien. Il avait flâné une bonne vingtaine de minutes dans les couloirs, avant d’apercevoir par la vitre un groupe de jeune dehors, il avait alors plissé les yeux pour mieux cerner ce qu’il se passait avant de se rendre compte que les charmants jeunes gens s’approchaient dangereusement d’une autre personne, assis sur un banc. Le cerveau du jeune garçon ne fit qu’un tour, il avait dévalé les escaliers à la vitesse de l’éclair et avait rejoint les lieux. La situation avait évolué, l’autre jeune homme assis sur le banc regardait maintenant les cinq autres jeunes garçons avec un parfait air de défi, et semblait protéger ce qui semblait être un livre dont on ne discernait pas le titre. La conversation semblait animée, houleuse même.
« Alleeeeez, montre ! C’est quoi ton bouquin ? »
Aucune réponse de la part de l’autre parti, cependant, Marcus put croiser le regard de l’intéressé de manière furtive. Il n’y avait pas grand-chose dans ces prunelles-là, pas de détresse, juste une profonde résignation. A mieux y repenser, c’est, je pense, précisément ça qui a fait réagir l’ancien élève. Il n’y avait pas de détermination dans les yeux de ce type, pas même une demande d’aide, mais plutôt une acceptation totale de sa situation, sans réaction. Les railleries, elles, se faisaient de plus en plus pressantes.
« Eh le rat de bibliothèque, on a perdu sa langue ? Les gars, je crois qu’il va falloir le faire parler. En plus j’ai appris un sort spécialement pour ça ! T’as entendu mon gars ? On a un sort rien que pour toi !
- Va te faire foutre. »
Il y eut un espèce de silence bizarre dans lequel pataugea l’assemblée complète, mais les cinq types se s’étaient vite repris et commençaient à violemment agripper le manteau du Serdaigle. Le plus grand sorti sa baguette, mais avant qu’il ne put formuler la moindre incantation, la voix de Marcus s’éleva, puissante à quelques mètres de là :
« CROCHE-PIED ! »
L’adolescent l’étala de tout son long dans la neige, ce fut alors le festival.
« JAMBENCOTON, FOLLOREILLE, IMMOBULUS, SILENCIO. »
Les effets des sortilèges de Marcus ne se firent pas attendre, et ces fiers garçons furent respectivement mis à terre, tiré par les oreilles, immobilisé et réduit au silence. Ils s’enfuirent comme ils le pouvaient et leurs silhouettes disparurent dans les bâtiments. A ce moment précis, le jeune sorcier posa les yeux sur son collègue de Serdaigle, son regard exprimait la plus profonde stupéfaction. Au moins, il réagissait un peu plus que précédemment. L’anglais s’assit à côté de lui, son regard noisette plongea dans les yeux sombres de cette nouvelle rencontre.
« Je crois qu’on va avoir des problèmes. »
Un large sourire accompagnait cette constatation, inutilement énumérée. Plus tard, bien plus tard, Marcus compris une chose très importante,
tout seul on marche plus vite, mais à deux on marche plus loin.▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬
Ses cinq années de scolarité, Marcus les passa avec Adrian Auttenberg. Concrètement, ces deux mecs étaient pures antithèses : Si l’un aimait le vert, l’autre préférait le bleu, tandis que l’un aimait courir et faire n’importe quoi – quit à passer ses vacances dans le bureau du directeur -, l’autre préférait passer son temps à lire, lire, lire et encore lire. Les deux lascars pouvaient donc se retrouver à courir, poursuivis par des professeurs ou autres créatures magiques dérangées par jenesais quelle occupation, ou à rester statiques durant de longues heures dans le parc, tout simplement à lire des bouquins. D’ailleurs, toute la culture à peu près correcte que possède notre jeune Serdaigle de l’époque, il la doit à son ami. Souvent, on reprochait à Adrian cette mauvaise influence (car mine de rien, il était passé de l’élève discret et appliqué à l’élève… Moins discret, mais cependant toujours aussi performant en cours), mais dans le fond ces deux gars-là s’en foutaient. Tout devait se passer comme sur des roulettes.
Il en fut évidemment autrement.
C’était une nuit d’automne, les deux compères venaient d’entamer leur sixième année et l’avenir semblait se dessiner de manière plutôt favorable. Si Adrian avait décidé de suivre le cursus ordinaire, Marcus lui rêvait de pouvoir intégrer l’offensive magique. Ses notes dans les matières importantes lui permettraient, jusque-là, de bénéficier de ce futur enseignement. Bref, les deux amis avaient longuement discuté de leur avenir, et s’étaient couchés dans le dortoir des Serdaigles, il devait être minuit passé lorsqu’un professeur vint le réveiller. Pas très discret, les autres garçons se réveillèrent aussi.
« Marcus, suis moi. »
Un peu sonné, il adressa un regard interrogatif à un Adrian qui était en train de mettre ses lunettes et semblait émerger du pays des rêves. L’élève ne cilla pas et suivit son professeur, pourtant il avait beau réfléchir, rien ne justifiait un pareil réveil. Ses heures séchées ? Ses tours de force ? Une conduite inappropriée ? Non, rien n’était assez important pour qu’on le dérange à une heure comme celle-ci. Après quelques minutes de marche dans les couloirs du château, ils arrivèrent tous deux dans le bureau du directeur. Plusieurs hommes, valises en main et trempés par la pluie discutaient de vive voix avec un directeur en tenue de nuit à moitié endormi mais vraisemblablement atterré par ce qu’il entendait. L’élève reconnu son père, dans les quelques membres qui composait le groupe. Cela faisait combien de temps qu’il ne l’avait pas vu… ? Les choses allèrent vite, très vite. Il lui expliqua que les choses allaient mal, qu’il n’avait plus de quoi payer sa scolarité mais surtout qu’il avait besoin de lui à ses côtés pour la suite des évènements. Le directeur avait beau insister sur le fait qu’il y avait des bourses, et que ses notes lui promettait un avenir tout ce qu’il y avait de plus respectable, rien n’y fit.
« Marcus. Ne fais pas honte à ton père, à ta famille. Viens. »
Il accepta.
L’ancien élève ne garde que des souvenirs flous de cette nuit-là. Les éclairs, la pluie battante sur les carreaux, le regard désolé de son professeur. Ses affaires furent descendues par un sortilège, tout était parfaitement en ordre. Il ne put laisser qu’un mot, un seul, sur un bout de papier chiffonné pour son ami.
Sorry.▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬
De son ancienne fortune, il ne lui restait à présent plus rien. Son père était resté très évasif là-dessus, et ne lui avait jamais vraiment expliqué pourquoi, et de l’enseignement précieux qui lui avait été donné à Poudlard se recycla en armes de larcins divers et variés sur le Chemin de Traverse, ou plus glauque encore. C’est d’ailleurs à l’une de ses occasions que Marcus frisa la mort, ou du moins il le supposait, car de l’épisode entier il ne garde aucun souvenirs jusqu’à un certain point. Un blackout d’une semaine, deux jours, trente-huit minutes et vingt-deux seconde.
« RATTRAPEZ-MOI CE MERDEUX. »
L’ado de vingt ans courrait comme un dératé entre les magasins, évitant les passants de peu, frôlant l’accident plusieurs fois. Il était poursuivi par quatre hommes, l’un d’eux venait de hurler cet ordre et semblait être le chef. Pourquoi il avait décidé de piquer cette foutue bague à ces mecs-là ? Certes, CERTES, elle brillait de manière presque ostentatoire et semblait valoir une véritable fortune, mais… A quoi sert l’argent quand on est mort ? Marcus tourna à droite, dans une rue sombre et déserte, avant de bifurquer à sa gauche, dans une ruelle encore plus sombre et étroite, et se dissimula derrière un tas de charbon. Les cris des hommes se firent plus lointains, et les bruits de pas disparurent. Le petit voleur ouvrit sa main, découvrant un objet de toute beauté. C’était une bague doré, sertie de plusieurs émeraudes et d’autres pierres inconnues, le tout formait un animal, une murène. Ses crocs étaient de cristal, et ses grands yeux de saphir semblaient le fixer. Marcus, fière comme un paon l’essaya. Après tout, n’avait-il pas mérité ce petit caprice ? Le bijou s’enfila parfaitement à son annulaire droit, et…
Et ce fut le black out.
Le réveil fut rude, très rude. Marcus ne comprenait pas grand-chose à ce qui lui arrivait, en fait, même pas grand-chose aurait été suffisant dans sa situation. Victime d’un affreux mal de crâne, il avait des courbatures et semblait s’éveiller de la plus grosse cuite de toute sa vie. La bouche pâteuse, il ouvrit les yeux et découvrit avec stupéfaction un endroit qu’il ne connaissait absolument pas. A première vue, il se situait dans le grenier d’une maison. D’une dizaine de mètres carrés, la pièce était poussiéreuse et encombrée de quelques objets comme des chaises, un vieux piano et des bibelots dignes d’appartenir à sa grand-mère. Fronçant les sourcils, le petit voleur se souvint alors des évènements précédant son évanouissement : il avait mis la bague, et après… Et après… Bah, rien. Justement. Plus rien même, nada, kaputt, que dalle. C’était comme si on lui avait fracassé un truc sur la tempe, ou qu’il s’était glissé dans un profond sommeil. D’ailleurs, la bague, où était-elle ? Il posa les yeux sur sa main droite, celle-ci avait disparue mais à la place se trouvait deux petits traits tatoués, faisant le tour de son annulaire. Mais. Wtf. DA FUUQ. Depuis combien de temps est-ce qu’il avait ça ? Well. Il se poserait ces questions plus tard, pour le moment il devait se barrer de ce trou. Redressant sa carcasse douloureuse, il passa par la fenêtre et descendit un mur. Quelques secondes plus tard, il se retrouvait en plein Chemin des Embrumes. Ajustant son capuchon, il constata que son argent n’avait pas été volé et se posa dans un bar miteux et sombre. Wait. Pause, stop. Il rêvait ou bien ne s’était pas changé depuis qu’il avait perdu connaissance ? D’ailleurs, depuis combien de temps il dormait ? Il commanda la gazette du sorcier et failli s’étouffer dans son scotch lorsqu’il constata que son petit somme avait duré… Plus qu’une semaine. Une semaine et deux jours, pour être exact. Mais bordeeel, qu’est-ce qu’il avait encore foutu ? Le choc passé, il consulta les gros titres. Des nouvelles de Poudlard, quelques infos ministérielles mais aussi et surtout un article traitant la disparition d’un certain nombre de sorcier sur le Chemin de Traverse et ses alentours, la gazette recommandait la vigilance. Bon, pour Marcus, c’était plutôt raté. Mince, avait-il été enlevé lui aussi ? Dubitatif, il replia le journal, si tel était le cas son kidnappeur était plutôt maladroit de l’avoir laissé en pareil endroit. Enfin, ce n’est pas ça qui allait le décourager, après tout il devait se remplir les poches. Il repartit donc quelques minutes plus tard en quête d’une nouvelle personne à dépouiller de ses biens.
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Marcus courait.
Oui, Marcus courait.
Encore.
Bon, certes, depuis le temps il avait appris à courir plus vite. Mais comment diable aurait-il pu savoir que ce vieillard derrière lui serait si véloce ? Et en plus il criait, et fort ! Ça va, il lui avait volé son portemonnaie, pas ses couilles tout de même ! Après quelques virages bien négociés, le voleur se précipita derrière une carriole où il se pensait à l’abri. C’est à sa plus grande surprise que sa victime atterrit littéralement devant lui, comme tombé du ciel.
« ESPÈCE DE SALE BOUSEUX DE MES… Marcus ? Le petit Marcus ? »
A sa plus grande surprise, le vieillard en question était... Un de ses anciens professeurs ! Confus, il lui rendit son argent. C’était comme s’il était revenu à Poudlard, l’espace de quelques instants. Pris en faute par un de ses formateurs. A sa plus grande surprise, le vieil homme l’invita à boire un verre, sûrement très intéressé de savoir comment un étudiant comme lui se retrouvait dans pareille situation. Ainsi, les deux hommes se retrouvèrent à boire une bière au beurre, Marcus lui racontant la nuit où son père l’avait arraché à l’école, et comment il avait dû voler un sacré paquet de gens pour subsister. Ça faisait très Oliver Twist, dit comme ça, malheureusement c’était la vérité. Pensif, l’ancien professeur lui proposa immédiatement de finir ses années, pas à Poudlard, c’était impossible conte tenu son âge, mais avec un autre cursus et avec son aide. L’ancien étudiant accepta derechef, et c’est ainsi qu’il termina sa formation. Deux ans plus tard, il obtint son diplôme complet et accéda à l’Offensive Magique dans une institution du ministère. Particulièrement brillant (être poursuivi des années durant dans des rues, ça donne pas mal de ressources mine de rien), celui-ci devint professeur en Art du Combat. Il donna durant deux ans des cours dans diverses écoles et ce dans le monde entier, avant d’atterrir à Poudlard. C’est donc avec un peu d’appréhension qu’il se retrouve dans ce qui fut le berceau de ses études.