Lorsqu'on est fortuné, issu de la haute société britannique depuis des générations, un choix s'impose : habiter dans un charmant manoir à la campagne, isolé de tout, ou s'offrir un vaste appartement dans le cœur historique de Londres, au somment d'un immeuble, donnant sur un sublime jardin de toiture. Mr et Mrs Winston n'ont jamais eu à faire ce choix, tous deux issus de familles ayant pour tradition de n'avoir qu'un, voir deux enfants, Margarett Winston avait hérité du manoir de ses parents, qui sert de maison de vacances. Edward Winston travaillant dans l'hypercentre de la City, le couple fortuné avait choisi de faire de leur appartement le nid parfait pour accueil l'enfant unique à venir.
Samuel naquit dans le luxe absolu, couches de soie à usage unique inclues. Et pourtant, dès son plus jeune âge il reçut une éducation où les caprices futiles n'étaient pas tolérés : s'il voulait quelque chose, il devait être capable d'expliquer pourquoi, et demander poliment : ses parents ont toujours eu en horreur les "gosses de riches" qui pullulaient pourtant dans leur entourage. Samuel Leonard Winston serait élevé dans la dignité, l'humilité et la bienséance. Ce qui ne l'empêchait pas d'être couvert de cadeaux : pour ses 5 ans, son premier poney. Mais pas celui aux longs crins d'or comme se l'imaginent les filles en robe rose, bien au contraire, une monture énergique et caractérielle : le polo est légion chez les Winston, tradition historique de l'aristocratie britannique, Sam commençait l'entraînement dès son plus jeune âge. Et il aimait ça, grand sportif dans l'âme, comme son père, un bel avenir dans le sport national s'offrait à lui. Il semblait même doté d'une certaine chance : lors de l'un de ses premiers match, il eut marqué alors qu'il était persuadé d'avoir manqué son coup, frappé à côté de la balle. Et depuis ce jour-là, les anecdotes étranges se succédèrent.
Des chose irréelles se produisaient de temps à autres, qu'il ne racontait qu'à sa meilleure amie : Shanti, qui n'était autre que la fille de la femme de ménage des Winston. Il se promenait souvent avec elle dans la cour de l'immeuble et un beau jour, lorsqu'ils avaient dix ans, le chat de la vieille un peu louche qui habitait tout au fond de la cour vint se jeter dans ses pieds en ronronnant. L'animal n'avait jusqu'à présent cesse de se placer en embuscade pour attaquer les enfants de passage. Mais ce jour-là son comportement avait été anormal et Sam avait même entraperçu le regard interloqué de la vieille femme derrière les carreaux poussiéreux. Quelque chose avait changé, et ce n'était pas l'attitude du chat.
Il ne fallut que quelques mois pour que cette étrange voisine vienne frapper à la porte des Winston, un hibou sur l'épaule et une lettre semblant dater d'un autre temps dans les mains. L'enveloppe était au nom de Sam et la femme entrait en fermant derrière elle sans en attendre l'autorisation et déclarait que la magie existait et que le garçon était un sorcier, appelé à rejoindre Poudlard, l'école de sorcellerie, dès la prochaine rentrée. Pour appuyer ses propos, elle avait sorti un petit bout de bois à l'aide duquel elle servit quatre verres de limonade et fit léviter un canapé, simplement en agitant sa baguette comme un chef d'orchestre. Tout ceci était bien réel et la peur des Winston fut très vite remplacée par l'euphorie : un fils magicien ! Qu'importe les 30.000 livres non remboursables déjà versé à ce collège privé parmi les plus huppés, l'école des sorciers semblait offrir un destin bien plus grandiose (même si l'on ferait croire à l'entourage qu'il partait dans un pensionnat en Suisse).


Une monnaie constituée uniquement de trois pièces différentes, pour une famille qui ne compte plus ses cartes de crédit, c'était déstabilisant : les Winston avaient fait le choix de convertir une liasse de Livres en un sac de gallions, ce serait plus simple. Sam était paré du meilleur matériel, neuf, brillant, raffiné. A l'exception de sa baguette : alors que ses parents, le regard plus émerveillé que leur sorcier de fils, avaient demandé la meilleure baguette, ce cher Ollivander les avait remis à leur place. Après négociation il avait accepté de faire essayer l'une des plus chères du stocks, sans grand succès. Plusieurs défilèrent, de moins en moins cher : certes, elles fonctionnaient, mais l'oeil expert du vendeur n'était pas convaincu... Jusqu'à ce qu'il aille chercher dans les baguettes soldées, celles dont personne ne voulait, en choisissant l'une au « foutu caractère, elle a besoin d'un gaillard solide et déterminé, comme... Toi ? ». Mrs Winston serrait la main de son époux, inquiète. Et Sam attrapait son nouvel outil, adoptant la même attitude qu'en entrant dans le boxe d'un cheval réputé agressif : calme et droit, sans intimidation. Un brise légère se mit à souffler autour de lui, s'intensifiant, laissant quelques feuilles de parchemin posées plus loin s'envoler. Puis le vent s'interrompit. L'essai était-il convainquant ? Une équipe tumultueuse venait de se former selon Ollivander.

Et vint le temps des au-revoirs, le Poudlard Express, tous ces jeunes gens plus loufoques les uns que les autres. Habillé avec classe pour cette rentrée, déjà quelques jeunes sorciers bourgeois venaient à sa rencontre. Il suffisait qu'il dise venir du monde moldu pour en faire fuir une partie : cela semblait-être un défaut. Par chance il finit son trajet avec une bande d'élèves sympathiques, qui lui expliquaient qu'il ne fallait pas faire attention à ces idiots qui ne juraient que par la pureté du sang.
Sam passait-il d'élite parmi les moldus au statut de rebut chez les sorciers ? La question trottait longuement dans sa tête, il n'a jamais compris et cela ne changera pas. En quoi être « bien né » nous donne le droit de se croire supérieur aux autres ? Il avait un jour frappé un Serpentard pour avoir insulté de sang de bourbe une camarde, alors que quand on le nommait lui de la sorte, il ignorait, il songeait à une blague cosmique : l'infortune du fortuné. Une belle leçon de vie qui le changeait : lui déjà si ouvert à tous, il ne voulait plus être vu comme un bourgeois, tout comme il ne voulait pas être vu comme un sang-sale. Il ne voulait être vu que ce pour qu'il était. Un brave sorcier, toujours volontaire pour filer un coup de main, gentleman et altruiste. Mais il était aussi conscient de ses défauts : du caractère, une tendance à vouloir être au contrôle, un peu brut parfois.
Et de l'humilité. Celle qui l'avait incité à rire de ses maladresses lors des premières années avec sa baguette alors que d'autre se moquaient sournoisement. Finalement ça avait payé : sa baguette se pliait à sa volonté tout autant que lui se soumettait à la sienne : par exemple, s'il ressentait une brûlure dans son poignet en commençant à incanter un sort de froid, il lançait à la place un sort de feu. Et sa stratégie de duel -matière dans laquelle il se faisait remarquer pour son originalité- était inexistante : il enchaînait les sort sans même savoir parfois ce qu'il lançait. Il finit d'ailleurs par s'ennuyer, lorsque Rocky, son patronus, se déclara : dès lors sa baguette s'était calmée et se contentait de lancer les sorts souhaités.


Membre d'une équipe de polo pendant les vacances, remarquable batteur à Poudlard : Sam avait tout pour lui, même un kangourou déjanté qui sautait sur ses épaules pour vérifier s'il avait fait suffisamment de sport pour le réceptionner sans encombre et le porter. Tous deux jouaient les clowns dans la salle commune : amuser la galerie, assurer l'ambiance... Pendant que dehors, un fléau s'abattait. Des meurtres, un fou-furieux à la tête d'un mouvement contre les gens comme Sam. Le jeune sorcier préférait se voiler la face plutôt que d'admettre que de sombres moments s'annonçaient. Il préférait chérir une sorcière qui comme lui, s'était parfaitement intégrée au monde des sorciers. Et  la dernière image qu'il a d'elle, c'est ce lapin à la fourrure d'un blanc limpide qui pousse un hurlement strident avant de disparaître. Hortense a perdu la vie durant l'attentat du Poudlard Express. Il avait voulu se montrer galant, s'était levé pour aller chercher des confiseries dans un autre wagon, alors que celui où elle attendait assise n'était pas épargné.

Ce fut à ce moment qu'il connut pour la première fois la souffrance. Cette chose atroce qui vous hante sans que vous ne puissiez la chasser, ça vous colle à la peau, ça suinte. Et le soutien de ses camarades représentait son seul salut, la limite entre la raison et la vengeance. Il se serait même totalement remis s'il ne contractait pas quelques mois plus tard la peste des Patronus. Trop affaibli pour être tourmenté, il assistait impuissant à la disparition de Rocky, cet autre partenaire de sa vie, ce joyeux luron de kangourou qui lui avait tiré son premier sourire depuis la mort de Hortense. Et c'était son tour.

Sam parvint difficilement à obtenir son année. Affaibli par la maladie, il avait eu du mal à être aussi talentueux qu'à l'accoutumée, sur le terrain de Quidditch. Il demanda à retourner auprès de sa famille moldue durant l'été, plutôt que de partir en convalescence dans un monastère avec les autre élèves. Cela lui fut accordé. Deux mois de repos dans le manoir de campagne, à chercher la compagnie de Rocky à travers Oz, son cheval. Mais rien, n'était équivalent, il ne suffisait pas d'un regard pour déclencher une situation hilarante. Les temps semblaient bien sombre. Sam ne sauvait que les apparence, souriant comme toujours en dehors. Il trouvait au moins la paix, se sentant calme et guéri à la fin de l'été, au moment où il rêvait une nuit d'un grand Koudou argenté qui veille sur son troupeau. Koudou qu'il voyait veiller à son chevet après s'être réveillé en sursaut. L'animal -un nouveau patronus?- restait distant, mais le suivait comme son ombre.

A nouveau dans le Poudlard Express, qui la rentrée précédente s'était fait attaquer, Sam s'endormait pour fuir les mauvais souvenirs. Mais cette fois-ci, ce fut l'exclamation moqueuse d'un ami qui l’éveilla. Il semblait gêné dans ses mouvement. Le fils Winston ouvrait les yeux lentement tout en écoutant la réflexion :

-Hey il prend trop de place ton patronus ! Tu peux pas lui dire de reprendre la forme argentée ?
-Arrête, il est sublime son patronus ! C'est quoi ?

Il était là, des cornes massives, une fourrure sublime, le regard noble. Sam posait une main sur son dos soyeux, un sourire serein au coin des lèvres.

-Le Grand Koudou !
-Et tu vas l'appeler Skippy, le Grand Gourou ?

Des rires et des chamailleries joyeuse rythmèrent la fin du trajet. La paix revenait-elle en lui ? Ou n'était-ce que le calme avant la tempête ?