« We don't know what she'd died for. »
NOËL 1979 - LONDRESJe claque la porte du manoir. Il fait incroyablement froid et il neige encore dehors alors que la lune, incroyablement ronde et lumineuse, règne en maitresse dans le ciel noir de Londres. Je suis rentrée chez moi pour les vacances de Noël, car je ne supportais plus d’entendre toutes ces minettes piailler dans les couloirs de Poudlard et de croiser tous ces couples amoureux transits à Pré au Lard.
J’en avais la nausée.
Ainsi, je préférais me retrouver tranquillement chez moi, avec un bon verre de lait chaud devant un bon feu et un vieux pavé qui prenait la poussière dans la bibliothèque familiale. Mon père était encore absent, en mission quelque part m’avait dit ma mère. Ainsi il n’y avait que nous trois. Ma mère, Judie
– mon patronus, mon chat – et moi. Ma mère m’enlace tendrement et m’embaume d’un grand regard chaleureux. C’est une Malefoy, beaucoup trop douce et aimante pour être un jour une vraie Lestrange. Elle en a épousé un alors qu’elle était encore toute jeune… Elle sait de quoi elle parle. Mon père est l’opposé polaire de ma mère. Les rares fois où il m’adresse la parole sont pour me demander si mes notes sont toujours les meilleures de ma promotion, si je suis toujours aussi bonne en duel, et si je ne fréquente toujours aucun sang-mêlé.
« Père, je ne fréquente tout simplement personne » lui dis-je à chaque fois, comme ça le problème est réglé. Il me jette toujours un regard froid et curieux, plein de rancœur aussi, car je le sais, même si mon père a de grands projets pour moi, il aurait largement préféré avoir un fils. De fait, les femmes dans ma famille se sont rarement illustrées par leur puissance et leur importance dans l’Histoire de la Magie et des Mangemorts. La plupart ont fini à Ste Mangouste, ou mariées à de puissants mages noirs. Je refuse de subir le même sort. Même s’il faut que j’affronte mon père en duel, je refuse d’être mariée de force à un espèce de vieux crouton dégueulasse et stupide, qui aura simplement la chance d’appartenir à une famille de sang-pur
- Spoiler:
et d’avoir un chibre entre les jambes, symbole de puissance, même dans le monde des sorciers.
Je lève les yeux au ciel.
Mère, pauvre mère ! Tu as toujours cru que tu t’étais mariée par amour, et que tu vivrais de longs jours paisibles aux côtés de ton mari. Malheureusement pour toi tu es tombée sur le plus vaniteux, le plus calculateur et le plus solitaire des fils Lestrange cette année là.
Tu aurais mieux fait de faire demi-tour et de détaler à vitesse grand « V ».
Judie s’installe doucement sur moi et me jette un petit coup d’œil. Je sais qu’elle peut lire dans mes pensées, et qu’elle y répond silencieusement, comme pour me dire de rester calme et de cesser de me torturer l’esprit avec des histoires de mariage alors que je n’ai à peine que seize ans. Je lui caresse doucement le dessus de sa tête, juste entre ses deux grandes oreilles et hoche la tête en souriant. Il n’y a que Judie pour me rassurer et me comprendre.
« Amelia ? Le diner sera bientôt prêt ! Nous accueillons tes grands parents à manger d’ailleurs, peux-tu monter te changer s’il te plait ? ». Je me retourne et jette un regard mauvais à ma mère. Je déteste qu’on me dise ce que j’ai à faire, et ma mère, même si elle semble gentiment m’inviter et me laisser l’illusion que c’est mon choix de monter me changer pour le repas, excelle là dedans. Je jette mon livre par terre et monte rapidement.
« Merci… » L’entends-je soupirer, en bas de l’escalier.
De rien Mère, ce n’est pas comme si j’avais le choix. Judie s’étire longuement à l’autre bout de ma chambre, alors que je claque la porte derrière moi. Elle hausse un sourcil et me juge de loin.
« Excuse moi de te déranger pendant ta toilette jeune fille » lui dis-je,
« mes grands parents viennent diner ce soir. Grands parents paternels » je précise.
« Je sais. Change toi maintenant, ou ton père va encore râler parce que tu mets vingt ans à enfiler une simple robe » me répondit-elle, alors que j’entendis mon père passer le perron. Judie et moi pouvons communiquer par la pensée, comme chaque jeune sorcier avec son patronus d’ailleurs. Et je dois avouer que cela peut s’avérer très utile lors de diner de famille ou à la bibliothèque par exemple.
Mon grand-père et mon père sont déjà en grande discussion près de la cheminée lorsque je descends l’escalier, une heure plus tard. Ma grand-mère et ma mère sont installées non loin d’eux, silencieuses comme à leur habitude. Mes grands-parents n’aiment guère ma mère, qu’ils estiment trop
« sensible » pour être une bonne Mangemort. Alors ils préfèrent simplement l’ignorer et lui adresser de temps en temps quelques sourires hypocrites. Mais personne n’est dupe.
Je m’approche d’eux et me racle la gorge. Je ne suis pas aussi transparente que ma mère, et je n’ai pas peur de m’imposer en société, encore moins quand je suis en famille. Mon grand-père se tourne vers moi
« Amelia Harriet ! Slughorn ne cesse de me répéter à quel point tu es brillante en potions ! Et ton père me dit que tu l’es tout autant en duels… Je suis admiratif. Tu feras une grande Mangemort un jour ! » Dit-il en se tournant tour à tour vers mon père, puis ma mère, qui grimaçait.
« Merci. Mais Amelia tout court suffit largement » répondis-je en baissant la tête. Mon grand-père ouvrit de grands yeux surpris, puis se mis à rire bruyamment :
« Sacrée jeune ! Le même tempérament que son père, pour sûr ! Une Lestrange ! Aucun doute là dessus ».
La famille s’installa rapidement autour de la table, et mon père me gratifia d’un regard mauvais. Je devais faire attention à mon insolence, encore plus vis-à-vis des anciens. Leur argent nous permettait de vivre convenablement et m’offrir les meilleurs soins et fournitures scolaires, je le savais. Leur nom nous permettait bien d’autres choses, je le savais également. Nous n’étions pas de simples gueux, de simples sorciers de sang-pur. Nous étions de grands serviteurs du Seigneur dans le passé, avant de nous terrer dans l’ombre et dans l’oubli. Ma famille attendait impatiemment de briller à nouveau. Mes cousins et cousines les avaient déçus un par un, c’était maintenant à moi de faire mes preuves.
« Athena, avez-vous prévu de nous honorer de votre présence durant la prochaine mission ? ». Ma mère leva enfin les yeux de son assiette et regarda silencieusement mon grand-père.
« Oui… eh bien. Si tel est le souhait de notre Seigneur, pourquoi en serait-il autrement…? » Répondit-elle dans un souffle.
« Il y a des rumeurs qui courent Athena, et vous savez quel est l’effet que ces bruits de couloir ont sur notre famille… » Reprit-il.
« Ce ne sont que des rumeurs Père… » Ajouta mon père dans un rire faux.
« Je m’adresse à ta femme Alistair. Je pense qu’elle peut me répondre elle-même, non ? ». Je jeta un rapide coup d’œil à ma mère, qui rouge de honte, me regardait intensément.
« Ce ne sont que des rumeurs Auguste. Ce n’est pas la peine de remettre en cause ma fidélité et mon engouement pour Notre Seigneur devant ma fille, votre petite fille, et future Mangemort si je ne m’abuse… ». Les regards se posèrent à présent sur moi et je senti mes joues virer au rouge.
« Amelia Harriet est assez grande pour comprendre ce que Notre Seigneur attend de nous et à quel point il peut être déçu par les fidèles et les incompétents… » « Je ne suis pas une infidèle ! Comment osez-vous… » « SILENCE » hurla subitement mon grand père. Judie se dressa à côté de moi. Je m’apprêtais à me lever de table afin de laisser les adultes se disputer tranquillement quand mon grand-père attrapa mon bras :
« Il est hors de question que notre famille reste plus longtemps dans la honte et l’embarras à cause de personnes comme vous Athena. Nous méritons notre heure, nous aussi souhaitons nous dresser aux côtés du Seigneur et de connaître la gloire, enfin ! Nos ancêtres doivent se retourner dans leurs tombes devant une telle ignominie ! C’est votre fainéantise et votre inaction qui montrent le mauvais exemple à votre fille et réduise les efforts de notre famille, et de votre mari à néant ! ». Mon grand-père se lève subitement de sa chaise et resserre son étreinte autour de mon bras qui est maintenant endolori de douleur, mais je ne pipe mot.
« Il est temps que vous nous montriez de quoi vous être réellement capable Athena. Car le Seigneur doute, vous savez. Oh oui il doute… Il n’aime pas les esprits faibles et tranquilles qui ne servent à rien à part laisser le fléau des Sang de bourbe prospérer et infester notre territoire. Vous n’avez rien fait depuis des années, vous ne vous êtes pas illustrée à l’instar des autres incompétents ! Tout ce que vous avez fait pour notre famille jusqu’à présent à été de servir d’utérus ! ». Mes yeux croisent ceux de ma mère, qui est en larmes à présent, et je sens que la colère est en train de m’enivrer. Je n’ai jamais été une grande défenderesse de la cause de ma mère, mais de la voir se faire insulter comme cela, sans que mon père n’intervienne, et de me faire insulter indirectement moi aussi, me rendait complètement dingue. Judie se mit à feuler à quelques centimètres de la jambe d’Auguste, qui me lâcha subitement.
« Tu peux dire à ton chaton sauvage de se calmer ma petite. Car sinon je vais la calmer comme il se doit. Et crois moi, je rate rarement mon coup avec un Avada… ».
« Va-t-en » ordonnais-je intérieurement à mon patronus, qui s’éclipsa rapidement.
« Tu as intérêt à perpétuer la tradition familiale jeune fille, et à joindre tes efforts aux notres pour redorer le blason de cette famille, qui a trop longtemps été sali par des incompétents notoires… Ce temps est révolu ! ». Les larmes me montèrent aux yeux sans que je ne puisse trop savoir pourquoi. La bile me grattait le fond de la gorge. Les menaces de mon grand-père ne me touchaient pas plus que cela, mais je les avais entendu depuis mes premiers jours, et la pression ne faisait que monter.
Bon sang je n’ai que seize ans ?! Qu’est-ce que je suis censée faire ?! Tuer tous les sang de bourbe de mon école ? Bande de vieux mégalos !Je fis une rapide petite courbette, reniflant bruyamment et couru vers ma chambre aussi vite que possible.
« Attention fillette, fais attention à toi aussi. Souviens-toi de ce que je viens de dire à ta mère… Le Seigneur n’aime pas les feignants ». Je claqua la porte de ma chambre et attrapa un oreiller afin de le serrer aussi fort que possible contre mon visage. Je me mis à hurler, hurler silencieusement, jusqu’à ce que mes poumons se vident d’air et que je tombais de fatigue contre mon lit.
Ma mère mourût quelques semaines plus tard, alors que j’étais retournée à Poudlard.
«
Janvier 1980
Amelia,
Ta mère est morte des suites d’un cancer fulgurant. Je tenais à te le dire en premier, même si j’espère que cela ne va pas trop de perturber dans la poursuite de tes études. On ne peut jamais empêcher le Destin tu le sais. Apprends à vivre avec cela afin de rester en paix.
Améliore tes notes s’il te plait, ton grand-père a eu un entretient avec le Professeur Sulghorn il y a peu de temps. Fais nous honneur.
Papa.
P.S. : Il n’est pas nécessaire que tu rentres pour ses funérailles, tes grands parents seront avec moi, ainsi que nos collatéraux Malefoy et Black. Reste à Poudlard et rend lui hommage en faisant la fierté de ta famille. Tu sais à quel point cela compte pour nous. »Je déchire doucement le morceau de papier, d’abord en deux, puis en quatre, puis en minuscules morceaux que je m’amuse à jeter un par un dans la cheminé de ma salle commune.
« Ta mère est morte mais on s’en contrebalance » aurait été un titre parfait pour ce courrier.
« Il n’est pas nécessaire que tu rentres pour ses funérailles... » dit plutôt que tu ne souhaites pas que je rentre, que tu veux que je restes bien gentiment à Poudlard pour t’éviter de devoir te comporter comme un père, un vrai, de devoir me prendre dans tes bras et de me consoler.
« Améliore tes notes… ». Tout tourne toujours autour de moi et de mon grand père, de mon nom, du prestige qui nous entoure et de la fierté que ma réussite pourra procurer à ma famille…
« NON MAIS JE REVE ! » je hurle subitement. Je me lève d’un coup et me met à courir vers les toilettes, prise de nausées. Je continue à hurler, à pleurer, la morve se joint doucement à mes larmes et s’infiltre dans ma bouche. Je dois être hideuse à voir.
Quel spectacle désolant ! Je les entends déjà dire, « les autres filles ».
Mais je m’en fiche.
« Je viens de perdre ma mère ». Oui, je viens de perdre ma mère et je n’arrive à rien ressentir du tout. C’est ça ma triste destinée de Mangemort ? Etre condamnée à ne rien ressentir du tout, à part un immense vide dans ma poitrine ? Pourtant j’aimerais sentir la douleur me submerger, me ronger les os, jusqu’à la moelle. Mais je ne ressens toujours rien. J’ai mal à la gorge et aux yeux à force de pleurer, mais cela n’est qu’une douleur physique. Je pleure mon insensibilité et ma froideur.
« Ma mère vient de mourir ». Je répète ces mots inlassablement comme s’ils prenaient sens au fur et à mesure qu’ils sortaient de ma bouche.
« Ma mère vient de mourir… Et moi… et moi je suis toujours vivante » hurlais-je de plus belle.